Numéro 7 - Juillet 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2022

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 12 juillet 2022, n° 20-23.651, (B), FRH

Cassation partielle

Licenciement économique – Licenciement individuel – Ordre des licenciements – Choix des salariés à licencier – Critères – Réinsertion professionnelle – Caractéristiques rendant la réinsertion particulièrement difficile – Situation de handicap ou âge – Applications diverses – Salarié engagé dans le cadre d'un contrat d'insertion revenu minimum d'activité – Portée

Il résulte des articles L. 1233-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, et L. 1233-7 du même code que, lorsque l'employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il prend notamment en compte, dans le choix du salarié concerné, le critère tenant à la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés.

Encourt dès lors la cassation l'arrêt qui, pour débouter le salarié de sa demande pour non respect des dispositions relatives aux critères d'ordre des licenciements, retient que l'employeur n'était pas tenu de prendre en compte la situation particulière de l'intéressé engagé dans le cadre d'un contrat d'insertion revenu minimum d'activité, qui ne correspond pas à une situation de handicap, alors que la situation du salarié bénéficiaire d'un tel contrat ayant pour objet de faciliter l'insertion sociale et professionnelle des personnes rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, constituait l'un des critères mentionnés à l'article L. 1233-5 du code du travail.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 14 juin 2019), M. [S] a été engagé en qualité d'agent de service à temps partiel par Mme [W] à compter du 1er octobre 2008, par contrat d'insertion revenu minimum d'activité.

2. Licencié pour motif économique le 17 janvier 2012, il a contesté cette mesure devant la juridiction prud'homale et a sollicité le paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement est causé par un motif économique et de le débouter de ses demandes tendant à ce que l'employeur soit condamné à lui verser des sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour préjudice moral et de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale, alors « que les décisions de justice qui ne mentionnent pas le nom des juges sont nuls ; que le vice ne peut être réparé, l'inobservation des prescriptions légales résultant de la décision elle-même ; que l'arrêt attaqué mentionne au titre de la composition de la cour que « Madame Ghislaine Poirine, conseiller faisant fonction de président [...] a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :Madame Ghislaine Poirine, conseiller faisant fonction de président » ; que les noms des magistrats ayant participé au délibéré n'étant pas mentionnés, l'arrêt est nul en application des articles 454, 458 et 459 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 459 du code de procédure civile, l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s'il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d'audience ou par tout autre moyen, que les prescriptions légales ont été, en fait, observées.

6. La production par le salarié de quatre autres arrêts rendus le 14 juin 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 4-1, signés par Mme Ghislaine Poirine, faisant fonction de présidente, et par M. Kamel Benkhira, greffier, après que l'affaire a été débattue, le 18 mars 2019, en audience publique, devant Mme Ghislaine Poirine, conseillère faisant fonction de présidente, chargée du rapport, permet de constater que ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour d'appel qui était composée de Mme Ghislaine Poirine, conseillère faisant fonction de présidente, de Mme Nathalie Frenoy, conseillère, et de Mme Stéphanie Bouzige, conseillère.

7. Il en résulte que les magistrates ainsi mentionnées sur ces autres décisions composant la chambre 4-1 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence sont celles qui ont délibéré dans la présente affaire venue à l'audience du 18 mars 2019, de sorte que l'omission des noms de ces deux magistrates dans l'arrêt n° 2019/239, rendu le 14 juin 2019 par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, procède d'une simple omission matérielle qui peut, selon l'article 462 du code de procédure civile, être réparée par la Cour de cassation à laquelle est déférée cette décision et dont la rectification sera ci-après ordonnée.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements, alors « que lorsque l'employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il doit définir les critères d'ordre des licenciements en prenant en compte les charges de famille, l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise, la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et de salariés âgés, et les qualités professionnelles des salariés ; qu'en jugeant que l'employeur n'était pas tenu de prendre en compte la situation particulière du salarié, engagé dans le cadre d'un contrat d'insertion revenu minimum d'activité, qui ne correspond pas à une situation de handicap, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article L. 1233-5 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1233-5 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, et L. 1233-7 du même code :

10. Il résulte de ces textes que, lorsque l'employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il prend notamment en compte, dans le choix du salarié concerné, le critère tenant à la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés.

11. Pour débouter le salarié de sa demande pour non-respect des dispositions relatives aux critères d'ordre des licenciements, l'arrêt retient que l'employeur n'était pas tenu de prendre en compte la situation particulière de l'intéressé alors qu'il avait été engagé dans le cadre d'un contrat d'insertion revenu minimum d'activité, qui ne correspond pas à une situation de handicap.

12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié licencié avait été engagé dans le cadre d'un contrat d'insertion revenu minimum d'activité, dispositif ayant pour objet de faciliter l'insertion sociale et professionnelle des personnes rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, situation qui constitue l'un des critères mentionnés à l'article L. 1233-5 du code du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

Rectifiant l'omission matérielle figurant dans la décision attaquée, page 2, concernant la composition de la cour d'appel, complète ainsi l'arrêt n° 2019/239 rendu le 14 juin 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre 4-1, après la phrase suivante :

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

« Madame Ghislaine Poirine, conseillère faisant fonction de présidente,

Madame Nathalie Frenoy, conseillère,

Madame Stéphanie Bouzige, conseillère » ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [S] de sa demande de dommages-intérêts pour inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements, le condamne aux dépens et le déboute de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 14 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Seguy - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Articles L. 1233-5, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, et L. 1233-7 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la prise en compte du handicap du salarié lors de la détermination par l'employeur de l'ordre des licenciements, à rapprocher : Soc., 11 octobre 2006, pourvoi n° 04-47.168, Bull. 2006, V, n° 302 (rejet).

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