Numéro 7 - Juillet 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2022

CAUTIONNEMENT

Com., 6 juillet 2022, n° 20-20.085, (B), FRH

Rejet

Caution – Action des créanciers contre elle – Opposabilité des exceptions – Conditions – Exception inhérente à la dette – Définition – Exclusion – Applications diverses – Clause instituant une procédure de conciliation préalable

Aux termes de l'article 2313 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette, mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur. La fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en oeuvre d'une clause contractuelle qui institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge, ne concerne, lorsqu'une telle clause figure dans un contrat de prêt ou une convention de garantie de passif, que les modalités d'exercice de l'action du créancier contre le débiteur principal et non la dette de remboursement elle-même dont la caution est également tenue, de sorte qu'elle ne constitue pas une exception inhérente à la dette que la caution peut opposer.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mai 2020), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 19 juin 2019, pourvoi n° 17-28.804), MM. [J] et [V] [S] et Mmes [H] et [X] [S] (les consorts [S]) ont cédé à la société Findis l'intégralité des actions qu'ils détenaient dans le capital de la société [S] Holding.

Par acte du même jour, ils lui ont consenti une garantie de passif, dont la Caisse d'épargne de Bourgogne Franche-Comté (la banque) s'est, par un acte du 20 décembre 2011, rendue caution solidaire, dans la limite de 250 000 euros.

2. A plusieurs reprises, la société Findis a mis en oeuvre la garantie de passif par lettre recommandée avec accusé de réception, puis assigné en paiement les consorts [S] ainsi que la banque. Ceux-ci ont, à chaque fois, opposé l'irrecevabilité de la demande de la société Findis pour non-respect de la clause prévoyant une procédure de conciliation amiable préalable obligatoire, stipulée dans la convention de garantie.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen du pourvoi principal, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal, réunis

Enoncé des moyens

4. Par son premier moyen, la société Findis fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande tendant à voir condamner les consorts [S] à lui payer la somme de 49 639 euros au titre de l'appel en garantie qu'elle leur a notifié le 12 janvier 2012, alors « qu'une procédure de conciliation obligatoire préalable qui n'est soumise à aucun formalisme est valablement engagée par la notification d'une demande ou d'un désaccord, auquel son destinataire a pu répliquer ; qu'une telle procédure n'oblige pas les parties à parvenir à un accord ou à formuler des concessions lors de cette tentative de conciliation ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable la demande de la société Findis, tendant à la mobilisation de la garantie de passif au titre d'un redressement URSSAF, motif pris qu'il ne ressortait pas des différentes lettres échangées par les parties à compter de la contestation des consorts [S], qu'elles avaient entrepris quelque démarche susceptible d'aboutir à un règlement amiable, après avoir pourtant constaté que la clause de conciliation préalable se bornait à imposer aux parties de tenter de trouver une solution amiable, sans imposer un quelconque formalisme, et que la société Findis avait notifié cette réclamation aux consorts [S] le 12 janvier 2012, tandis que ces derniers avaient contesté cette demande de mobilisation de la garantie le 23 janvier 2012, ce dont il résultait que la procédure de conciliation préalable obligatoire avait été respectée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 122 du code de procédure civile. »

5. Par son deuxième moyen, la société Findis fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande tendant à voir condamner les consorts [S] à lui payer la somme de 35 772,96 euros au titre de l'appel en garantie qu'elle leur a notifié le 28 octobre 2013, alors « qu'une procédure de conciliation obligatoire préalable qui n'est soumise à aucun formalisme est valablement engagée par la notification d'une demande ou d'un désaccord, auquel son destinataire a pu répliquer ; qu'en déclarant néanmoins irrecevable la demande de la société Findis, tendant à la mobilisation de la garantie de passif au titre de loyers impayés à la société BNP Paribas lease, motif pris que les parties n'avaient eu aucun échange dans le mois qui avait suivi le désaccord formalisé par les consorts [S], après avoir cependant constaté que la clause de conciliation préalable se bornait à imposer aux parties de tenter de trouver une solution amiable, sans imposer un quelconque formalisme, et que la société Findis avait notifié cette réclamation aux consorts [S] le 28 octobre 2013, tandis que ces derniers avaient fait part de leur contestation de cette demande de mobilisation de la garantie le 19 novembre 2013, ce dont il résultait que la procédure de conciliation préalable obligatoire avait été respectée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. L'article 12 de la convention de garantie énonce : « Si certaines clauses du présent contrat ne peuvent être respectées, totalement ou partiellement, ou qu'il y a divergence d'interprétation et désaccord, les parties tenteront de trouver une solution amiable dans un délai d'un mois du fait générateur soit entre elles, soit par l'intermédiaire d'un tiers nommé par M. le président du tribunal de commerce de Lille statuant en la forme des référés et sans recours possible, à moins que les parties ne le désignent d'un commun accord. / Toute contestation, divergence d'interprétation ou désaccord, devra faire l'objet d'une notification dans les conditions stipulées à l'article 10 ci-dessus. / La date de réception de la lettre recommandée avec accusé de réception ou la date de présentation, si cette dernière n'est pas retirée par son destinataire, fera courir le délai d'un mois. / La présente clause n'est pas une clause d'arbitrage mais elle est une phase pré-contentieuse dans le règlement amiable de la difficulté intervenue. / À défaut d'accord amiable sur le litige les opposant au terme du délai d'un mois précité, le litige sera soumis, par la partie la plus diligente, au tribunal de commerce de Lille. »

7. La cour d'appel, qui a exactement retenu que ces stipulations, dont il n'est pas contesté qu'elles subordonnent la saisine du juge à la mise en oeuvre d'une procédure préalable de conciliation, imposent d'établir la réalité d'une recherche préalable par les parties d'une solution amiable à leur désaccord, laquelle ne peut résulter du seul fait que le délai d'un mois à compter de ce désaccord a couru, et relevé, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que, s'agissant du litige relatif à la demande de l'URSSAF, il ne ressort pas des courriers produits que l'une ou l'autre des parties ait entrepris quelque démarche susceptible d'aboutir à un règlement amiable de leur désaccord et que, s'agissant du litige relatif à l'action de la société BNP Paribas lease group, il n'est justifié d'aucune démarche tendant à une résolution amiable du désaccord opposant les parties, celles-ci n'ayant même pas échangé quelque correspondance que ce soit dans le mois qui a suivi l'expression du désaccord par les consorts [S], en a exactement déduit que la société Findis était irrecevable en son action de ces chefs.

8. Les moyens ne sont donc pas fondés.

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

9. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes tendant à voir condamner les consorts [S] à lui payer les sommes de 49 639 euros, 35 772,96 euros et 34 253 euros au titre des appels en garantie qu'elle leur avait notifiés les 12 janvier 2012, 28 octobre 2013 et 12 décembre 2013, alors « qu'une demande formulée en justice au mépris d'une procédure de conciliation préalable obligatoire n'en demeure pas moins recevable, lorsqu'elle est connexe à une autre demande, elle-même recevable ; qu'en se bornant à énoncer que rien ne s'opposait à ce que la juridiction saisie examine le seul chef de demande qui échappait à la clause de conciliation préalable obligatoire, à savoir la procédure mise en oeuvre par l'Autorité de la concurrence, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette demande était connexe avec celles tendant à la mobilisation de la garantie au titre du redressement URSSAF, des loyers réclamés par la société BNP Paribas lease et d'une rectification fiscale, de sorte que ces dernières pouvaient être examinées au fond nonobstant le fait qu'elles avaient été formulées en justice avant toute procédure de conciliation obligatoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 122 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Il résulte des stipulations de l'article 12 de la convention de garantie que toute demande initiale en justice d'une partie à la convention procédant d'un désaccord avec l'autre partie relatif au respect ou à l'interprétation de cette convention est subordonnée à la mise en oeuvre d'une procédure de conciliation amiable préalable, peu important son éventuelle connexité avec une demande initiale en justice qui ne serait pas soumise à une telle procédure.

11. La cour d'appel, qui a retenu que les demandes initiales en justice de la société Findis relatives à la garantie due par les consorts [S] au titre du litige avec l'URSSAF, de l'action de la société BNP Paribas lease et du redressement fiscal, n'avaient pas été précédées d'une tentative de conciliation amiable par les parties, en a exactement déduit, sans avoir à se livrer à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, qu'elles étaient irrecevables.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

13. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer la société Findis recevable à agir à son encontre, alors « que la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette ; qu'elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur ; qu'en jugeant, pour déclarer la société Findis recevable à agir à l'encontre de la banque, que la fin de non-recevoir tirée du non-respect de la clause de conciliation obligatoire et préalable ne concernait que les modalités d'exercice de l'action du créancier contre le débiteur principal et non de la dette de remboursement elle-même, de sorte qu'elle ne constituait pas une exception inhérente à la dette que la caution pouvait opposer, quand une telle clause a pour objet de trouver un règlement amiable du litige, ce qui concerne directement le sort de la dette principale, de sorte que le non-respect de cette clause est une exception inhérente à la dette opposable par la caution, la cour d'appel a violé l'article 2313 du code civil. »

Réponse de la Cour

14. Aux termes de l'article 2313 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette, mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur.

15. La fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en oeuvre d'une clause contractuelle qui institue une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge, ne concerne, lorsqu'une telle clause figure dans un contrat de prêt ou une convention de garantie de passif, que les modalités d'exercice de l'action du créancier contre le débiteur principal et non la dette de remboursement elle-même dont la caution est également tenue, de sorte qu'elle ne constitue pas une exception inhérente à la dette que la caution peut opposer.

16. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ducloz - Avocat(s) : SCP Richard ; SARL Le Prado - Gilbert ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 2313 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens : Com., 13 octobre 2015, pourvoi n° 14-19.734, Bull. 2015, IV, n° 144 (cassation partielle).

Com., 6 juillet 2022, n° 20-17.355, (B), FRH

Rejet

Conditions de validité – Acte de cautionnement – Proportionnalité de l'engagement (article L. 341-4 du code de la consommation) – Critère d'appréciation – Biens et revenus à considérer – Biens et revenus personnels – Caution mariée sous le régime de la séparation des biens – Preuve de la disproportion au regard de leurs biens et revenus propres

Il appartient à la caution qui entend opposer au créancier la disproportion de son engagement par rapport à ses biens et revenus à la date de sa souscription, d'en rapporter la preuve. Lorsque des époux qui se sont portés cautions de la même dette font masse de leurs biens et revenus, sans préciser le patrimoine propre à chacun d'eux, et ne prétendent pas que l'engagement de chacun d'eux était disproportionné au regard de ses seuls biens et revenus, la cour d'appel peut prendre en compte, dans son analyse de la proportionnalité des engagements litigieux, l'ensemble de leurs biens.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 30 octobre 2019), par un acte du 23 décembre 2010, la société Caisse d'épargne et de prévoyance du Languedoc Roussillon (la banque) a consenti à la société Le pétrin d'Honoré Béziers (la société) un prêt d'un montant de 330 000 euros, garanti, aux termes du même acte, par le cautionnement solidaire de M. et Mme [U], dans la limite de 429 000 euros et pour une durée de neuf ans.

La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné M. et Mme [U], qui lui ont opposé la disproportion de leur engagement et un manquement à son obligation d'information annuelle des cautions.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

2. M. et Mme [U] font grief à l'arrêt de les condamner à payer à la banque la somme de 288 691,55 euros, alors :

« 1°/ que l'erreur de retranscription de la formule « mes revenus et mes biens » en « mes revenus et bien » affecte la portée des mentions manuscrites dont la reproduction est prévue par l'article L. 341-2 du code de la consommation applicable en la cause, cette erreur pouvant altérer la compréhension par la caution du sens et de la portée de son engagement, dont elle peut penser, peu important que ce soit à tort ou à raison, qu'il n'engage que ses revenus et l'un de ses biens et non l'ensemble de ses biens ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé ce texte par refus d'application ;

2°/ qu'en décidant que cette erreur ne limitait pas en tous cas le gage de la banque aux seuls revenus des cautions, à supposer les engagements valables et non manifestement disproportionnés aux biens et revenus des cautions, la cour a derechef violé l'article L. 341-2 du Code de la consommation applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

3. L'arrêt retient que l'emploi du singulier sur l'un des termes de l'expression « mes revenus et bien » n'est qu'une faute d'accord entre le pronom « mes » et le substantif « bien », qui doivent s'accorder en genre et en nombre.

4. La cour d'appel a pu en déduire que cette imperfection mineure ne permettait pas de douter de la connaissance qu'avaient les cautions de la nature et de la portée de leur engagement, ce dont il résulte que cette erreur matérielle n'a pas affecté la validité du cautionnement et n'a pas eu pour conséquence de limiter le gage du créancier.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur ce moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. M. et Mme [U] font le même grief à l'arrêt, alors « qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que la disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution au jour où il a été souscrit, suppose que la caution se trouve, lorsqu'elle le souscrit, dans l'impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus et que la disproportion éventuelle de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation des biens s'apprécie au regard de ses seuls biens et revenus personnels ; qu'en se prononçant par de tels motifs, pris d'une appréciation de la disproportion éventuelle des engagements des cautions au regard de « l'ensemble de leurs biens », motif pris que le document unique intitulé « questionnaire confidentiel caution » faisait état d'un « patrimoine commun qui autorise à prendre en considération l'ensemble de leurs biens dans l'appréciation de la disproportion qu'ils allèguent d'ailleurs ensemble », quand elle relevait que les époux [U] étaient mariés sous le régime de la séparation des biens et que de tels motifs ne permettent pas à la Cour de cassation de s'assurer de la disproportion ou non du cautionnement de Mme [U] à ses biens et revenus personnels au jour de son engagement ni de la disproportion ou non du cautionnement de M. [U] à ses biens et revenus personnels au jour de son engagement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation. »

Réponse de la Cour

7. Il incombe à la caution qui entend opposer au créancier la disproportion de son engagement par rapport à ses biens et revenus à la date de sa souscription, d'en rapporter la preuve.

8. Dans leurs écritures d'appel, M. et Mme [U] faisaient valoir que leur engagement de caution était disproportionné au regard de leurs biens et revenus, dont ils faisaient masse, sans préciser le patrimoine propre à chacun d'eux. Aucun d'entre eux n'ayant donc soutenu que son engagement de caution était disproportionné par rapport à ses seuls biens propres et, le cas échéant, indivis ainsi qu'à ses seuls revenus, la cour d'appel, qui a constaté que le montant cautionné représentait moins d'un quart de l'actif net patrimonial du couple, a pu, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le grief, statuer comme elle l'a fait.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. M. et Mme [U] font grief à l'arrêt de les condamner à verser à la banque des intérêts à compter du 19 septembre 2013 au taux de 6,30 % sur la somme de 274 944,33 euros, alors :

« 1°/ que les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement ; que le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information, les paiements effectués par le débiteur principal étant réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette ; que cette obligation d'information subsiste jusqu'à l'extinction de la créance ; que si aucune forme particulière n'est prescrite à raison d'une information qui peut en conséquence être donnée par simple lettre, la charge de la preuve de l'accomplissement de cette formalité repose toutefois sur le banquier ; qu'en estimant que la banque apportait la preuve de cet envoi par la production des courriers des 8 mars 2011, 21 mars 2012 et 19 mars 2013 qui contiennent le détail de ces informations « et les procès-verbaux des 16 mars 2011, 22 mars 2012 et 21 mars 2013 annexant le modèle de cette lettre d'information et comportant la liste des destinataires sur laquelle apparaissent M. et Mme [U] (d'ailleurs pour l'ensemble des trois engagements de caution)", quand les procès-verbaux des 16 mars 2011, 22 mars 2012 et 21 mars 2013, qui ne procédaient que de contrôles par sondages des envois effectués par la banque et non d'un contrôle de chaque envoi effectué, ne comportaient aucune liste de destinataires faisant apparaître M. et Mme [U], la cour d'appel a dénaturé ces écrits en violation de l'article 1103, anciennement 1134, du code civil ;

2°/ qu'à supposer adoptés les motifs des premiers juges, en statuant de la sorte quand elle constatait que les procès-verbaux des 16 mars 2011, 22 mars 2012 et 21 mars 2013 ne procédaient que de contrôles par sondages des envois effectués par la banque et non d'un contrôle de chaque envoi effectué, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

11. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a considéré, par motifs propres et adoptés, que la banque rapportait la preuve de l'envoi des lettres d'information annuelle à M. et Mme [U] en produisant, d'une part, les courriers des 8 mars 2011, 21 mars 2012 et 19 mars 2013 adressés à ces derniers, qui contiennent ladite information, et, d'autre part, les listes des lettres d'information adressées de 2011 à 2013 aux personnes s'étant portées caution au profit de la banque, sur lesquelles figurait le nom de M. et Mme [U], ainsi que le procès-verbal de constat de l'huissier de justice ayant procédé au contrôle par sondage de l'édition, du contenu, de la mise sous pli et de l'expédition des lettres d'information annuelle des cautions correspondant à la liste précitée, attestant ainsi globalement des envois annuels aux cautions.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Guerlot - Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 341-4 du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

Sur la disproportion manifeste de l'engagement d'une caution mariée sous le régime de la séparation des biens, à rapprocher : Com., 24 mai 2018, pourvoi n° 16-23.036, Bull. 2018, IV, n° 59 (cassation).

Com., 6 juillet 2022, n° 20-17.279, (B), FRH

Rejet

Extinction – Compensation – Créance personnelle opposée par la caution au créancier – Portée – Absence d'effet extinctif sur la dette principale

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 6 mars 2020) et les productions, la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine (la banque) a consenti à l'Earl [L] (l'Earl), créée par Mme [C], épouse [L], et par M. [L], son fils, plusieurs concours financiers garantis par les cautionnements de Mme [C] et de M. [L].

2. L'Earl a été transformée en société civile d'exploitation agricole (la SCEA), dans le capital de laquelle sont entrées les sociétés Arco et Calcialiment, Mme [C] et M. [L] restant détenteurs de 29 % des parts du capital.

3. La SCEA ayant été mise en redressement judiciaire par un jugement publié au Bodacc le 8 juin 2003, la banque a assigné en paiement Mme [C] et M. [L] en leur qualité de caution.

Par une décision devenue irrévocable, Mme [C] et M. [L] ont été condamnés à payer diverses sommes à la banque, cette dernière étant elle-même condamnée à payer à M. [L], à titre de dommages-intérêts, une somme d'un montant égal à celui au paiement duquel il était condamné.

4. Par assignation du 11 octobre 2007, Mme [C] et M. [L] ont sollicité, sur le fondement de l'article 1857 du code civil, la condamnation des sociétés Arco et Calcialiment à leur payer des sommes correspondant au montant des dettes dont la SCEA était tenue à l'égard de la banque à due concurrence de la participation de ces sociétés dans le capital de la SCEA.

5. Par assignation en intervention forcée du 7 mai 2008, la société Arco a appelé en garantie la banque, qui a, le 5 juin 2008, notifié à Mme [C] et M. [L] des conclusions par lesquelles elle a demandé leur condamnation, ainsi que celle des sociétés Arco et Calcialiment, en leur qualité d'associés de la SCEA, sur le fondement de l'article 1857 du code civil.

6. Par un premier jugement, un tribunal de grande instance a statué uniquement sur les demandes réciproques formées entre Mme [C] et M. [L], d'une part, et les sociétés Arco et Calcialiment, d'autre part.

7. Par un second jugement, le tribunal a statué sur l'appel en garantie de la société Arco, aux droits de laquelle est venue la société Cooperl Arc Atlantique, dirigé contre la banque, ainsi que sur les demandes de cette dernière contre Mme [C] et M. [L], qu'elle avait assignés en intervention forcée par acte du 23 juillet 2009.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. Mme [C] et M. [L] font grief à l'arrêt de déclarer recevable, comme échappant à la prescription, la demande formée par la banque contre eux, condamner Mme [C] à payer à la banque la somme de 110 957,77 euros et M. [L] à lui payer la somme de 246 572,85 euros, et rejeter leurs demandes, alors :

« 1°/ que l'assignation par laquelle un défendeur appelle en garantie un tiers ne crée pas de lien d'instance entre le demandeur à l'action principale et le garant ; qu'en décidant au contraire que l'appel en garantie de la banque par la société Arco par assignation du 7 mai 2008 lui a conféré la qualité de partie à l'instance initiale, de sorte qu'elle a pu valablement conclure à l'égard de Mme [C] et M. [L] et interrompre la prescription, les juges du fond ont violé les articles 324, 334 et 335 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en s'abstenant d'identifier un acte de procédure mettant en cause la banque sur l'instance ouverte par l'assignation du 11 octobre 2007 et susceptible de rendre la banque partie à cette instance, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 334 et 335 du code de procédure civile ;

3°/ que les demandes incidentes sont formées à l'encontre des tiers dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance ; qu'ayant omis de rechercher si les conclusions du 5 juin 2008, produites non dans l'instance ouverte par l'assignation du 11 octobre 2007 (n° 08/0042), mais dans l'instance ouverte par l'acte du 7 mai 2008 à laquelle les consorts [L] n'étaient pas parties (n° 08/0343), avaient été présentées dans les formes prévues pour l'introduction de l'instance, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard des articles 68, 334 et 335 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte de l'article 68 du code de procédure civile que les demandes incidentes sont formées à l'encontre des parties à l'instance de la même manière que sont présentés les moyens de défense.

10. Après avoir relevé, par des motifs non argués de dénaturation, que, par assignation du 7 mai 2008, la société Arco avait appelé la banque en intervention forcée à l'instance engagée par Mme [C] et M. [L] le 11 octobre 2007 et que cette intervention avait conféré à la banque la qualité de partie à cette instance, l'arrêt retient que celle-ci était dès lors recevable à former des demandes contre toute partie à ladite instance. Il ajoute que la banque justifie avoir formé, par conclusions notifiées le 5 juin 2008, dans le délai de prescription, ses demandes en paiement fondées sur l'article 1857 du code civil contre Mme [C] et M. [L], parties à l'instance ouverte par l'assignation du 11 octobre 2007.

11. En l'état de ces constatations et appréciations, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui a identifié l'assignation en intervention forcée du 7 mai 2008 comme étant l'acte de procédure mettant en cause la banque dans l'instance ouverte par l'assignation du 11 octobre 2007 et lui conférant la qualité de partie à cette instance, a jugé que la notification à Mme [C] et M. [L] des conclusions du 5 juin 2008 avait interrompu la prescription à leur égard.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

13. Mme [C] et M. [L] font encore grief à l'arrêt de condamner Mme [C] à payer à la banque la somme de 110 957,77 euros et M. [L] à lui payer la somme de 246 572,85 euros, et rejeter leurs demandes, alors « que le cautionnement est constitué par l'engagement de la caution envers le créancier de payer la dette du débiteur ; que la compensation, exception inhérente à la dette, lorsqu'elle est opposée au créancier par la caution, emporte ainsi extinction de l'obligation principale garantie ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1234, 1289, 1294 et 2288 anciens du code civil. »

Réponse de la Cour

14. L'arrêt énonce exactement que la compensation opérée entre une créance de dommages-intérêts, résultant du comportement fautif du créancier à l'égard de la caution lors de la souscription de son engagement, et celle due par cette dernière, au titre de sa garantie envers ce même créancier, n'éteint pas la dette principale garantie mais, à due concurrence, l'obligation de la seule caution.

15. La cour d'appel en a, à juste titre, déduit que Mme [C] et M. [L] ne pouvaient exciper de la compensation intervenue entre les indemnités dues à M. [L] et les obligations cautionnées pour faire échec à l'action en contribution au passif exercée par la banque contre les associés de la SCEA et que la banque était fondée à leur réclamer, en leur qualité d'associés, leur part dans le passif déclaré, en ce compris les soldes impayés des prêts cautionnés.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Graff-Daudret - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Capron -

Textes visés :

Articles 1234, 1294, alinéa 2, et 2288 anciens du code civil.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens : Com., 13 mars 2012, pourvoi n° 10-28.635, Bull. 2012, IV, n° 51 (rejet).

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