Numéro 7 - Juillet 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2022

AVOCAT

1re Civ., 6 juillet 2022, n° 21-10.333, (B), FS

Rejet

Contrôle judiciaire – Obligation de ne pas se livrer à l'exercice de la profession – Interdiction provisoire de l'exercice de la profession – Demande de renouvellement de la suspension – Saisine du conseil de l'ordre – Compétence

Une mesure de suspension provisoire d'exercice d'un avocat peut être prononcée par le conseil de l'ordre, d'une part en application de l'article 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, à la demande du procureur général ou du bâtonnier lorsque l'avocat fait l'objet d'une poursuite pénale ou disciplinaire et que l'urgence ou la protection du public l'exigent, d'autre part en application de l'article 138, alinéa 2, 12°, du code de procédure pénale, lorsqu'un contrôle judiciaire est ordonné par le juge d'instruction ou par le juge des libertés et de la détention visant à astreindre l'avocat à ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle et que le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention ont saisi le conseil de l'ordre à cet effet.

Il en résulte que, lorsque la mesure de suspension initiale est ordonnée en application de l'article 138 du code de procédure pénale, seul le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention a compétence pour saisir le conseil de l'ordre aux fins d'en solliciter le renouvellement, de sorte que le procureur général ou le bâtonnier ne peut demander un tel renouvellement en application de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971.

Discipline – Peine – Suspension provisoire – Avocat placé sous contrôle judiciaire – Demande de renouvellement de la suspension – Saisine du conseil de l'ordre – Compétence

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 novembre 2020), le 30 mars 2018, M. [H], avocat inscrit au barreau de Paris, a été mis en examen du chef d'abus de faiblesse et placé sous contrôle judiciaire.

2. Sur saisine des juges d'instruction en application de l'article 138, alinéa 2, 12°, du code de procédure pénale, le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Paris (le conseil de l'ordre) a, par un arrêté du 26 avril 2018, prononcé à l'égard de M. [H] la mesure de suspension provisoire d'exercice.

3. A la demande du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris (le bâtonnier), le conseil de l'ordre a renouvelé cette mesure par arrêtés successifs des 10 août 2018, 6 décembre 2018 et 2 avril 2019.

4. M. [H] a formé des recours contre ces trois dernières décisions.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le bâtonnier fait grief à l'arrêt d'annuler les arrêtés des 10 août 2018, 6 décembre 2018 et 2 avril 2019, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004, que le conseil de l'ordre peut, à la demande du bâtonnier, procéder au renouvellement de la suspension provisoire d'un avocat qui fait l'objet d'un contrôle judiciaire assorti d'une interdiction d'exercer sa profession ; qu'en retenant, pour annuler les trois arrêtés disciplinaires portant prolongation de la suspension provisoire prononcée à l'encontre de M. [H], que ces arrêtés avaient été pris irrégulièrement dès lors que le conseil de l'ordre s'était prononcé sans avoir été saisi d'une demande de renouvellement de cette mesure par les juges d'instruction qui avaient placé l'avocat sous contrôle judiciaire, quand le bâtonnier pouvait saisir lui-même le conseil de l'ordre afin qu'il procède à ce renouvellement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ qu'il résulte de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004, que le conseil de l'ordre peut, à la demande du bâtonnier, procéder au renouvellement de la suspension provisoire d'un avocat qui fait l'objet d'un contrôle judiciaire assorti d'une interdiction d'exercer sa profession tant que ce contrôle judiciaire est en cours ; qu'en retenant, pour annuler les trois arrêtés disciplinaires portant prolongation de la suspension provisoire prononcée à l'encontre de M. [H], que ces arrêtés avaient été pris irrégulièrement dès lors que le conseil de l'ordre s'était prononcé sans avoir été saisi d'une demande de renouvellement de cette mesure par les juges d'instruction qui avaient placé l'avocat sous contrôle judiciaire, sans rechercher si, à la date à laquelle ils ont été adoptés, le contrôle judiciaire de M. [H] portant interdiction d'exercer la profession d'avocat était toujours en cours, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 24 de la loi du 31 décembre 1971 et de l'article 138 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

6. Une mesure de suspension provisoire d'exercice d'un avocat peut être prononcée par le conseil de l'ordre :

 - en application de l'article 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, à la demande du procureur général ou du bâtonnier lorsque l'avocat fait l'objet d'une poursuite pénale ou disciplinaire et que l'urgence ou la protection du public l'exigent ;

 - en application de l'article 138, alinéa 2, 12°, du code de procédure pénale, lorsqu'un contrôle judiciaire est ordonné par le juge d'instruction ou par le juge des libertés et de la détention visant à astreindre l'avocat à ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle et que le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention ont saisi le conseil de l'ordre à cet effet.

7. Il résulte de ces textes que, lorsque la mesure de suspension initiale est ordonnée en application de l'article 138 précité, seul le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention a compétence pour saisir le conseil de l'ordre aux fins d'en solliciter le renouvellement, de sorte que le procureur général ou le bâtonnier ne peut demander un tel renouvellement en application de l'article 24 précité.

8. Ayant retenu à bon droit que seuls les juges d'instruction saisis et non le bâtonnier pouvaient saisir le conseil de l'ordre d'une demande de renouvellement de la mesure de suspension provisoire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, n'a pu qu'en déduire que les trois arrêtés renouvelant la mesure de suspension provisoire à la requête du bâtonnier devaient être annulés.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Le Gall - Avocat général : Mme Mallet-Bricout - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; article 138 du code de procédure pénale.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.