Numéro 7 - Juillet 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2022

ASSURANCE (règles générales)

2e Civ., 7 juillet 2022, n° 21-11.601, (B), FRH

Cassation partielle

Contrat de capitalisation – Nature – Portée – Actions issues du contrat – Prescription – Prescription biennale (non)

Il résulte de l'article L. 114-1 du code des assurances que seules les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont soumises à la prescription biennale qu'il prévoit.

Viole ce texte la cour d'appel qui fait application de ce délai alors d'une part, qu'elle constatait que certains des contrats en cause étaient des contrats de capitalisation, et non des contrats d'assurance, d'autre part, que l'action engagée contre l'assureur en qualité de civilement responsable, qui tendait à la réparation d'agissements frauduleux de son mandataire, était ainsi dépourvue de lien avec les stipulations d'un contrat d'assurance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Prescription – Prescription biennale – Action dérivant du contrat d'assurance – Action contre l'assureur en réparation d'agissements frauduleux de son mandataire

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 décembre 2020), Mme [M], qui soutenait avoir souscrit, par l'intermédiaire d'un mandataire, [G] [T], divers contrats auprès de la société Gan capitalisation, aux droits de laquelle vient la société Gan patrimoine (la société Gan), a assigné celles-ci afin d'ordonner une expertise judiciaire destinée à vérifier la validité des contrats d'épargne au porteur qu'elle détenait, à chiffrer le préjudice résultant de la fraude dont elle déclarait avoir été victime de la part de [G] [T] et à condamner la société Gan au paiement d'une certaine somme sur le fondement de l'article L. 511-1 du code des assurances.

2. Mme [M] a par la suite assigné en paiement de dommages-intérêts les sociétés Allianz vie et Allianz France (les sociétés Allianz), venant aux droits de la société AGF, auprès de laquelle elle soutenait avoir souscrit d'autres contrats.

3. Les instances ont été jointes.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

5. Mme [M] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables comme prescrites les actions diligentées par elle contre la société Gan, alors :

« 1°/ que la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances s'applique aux seules actions dérivant d'un contrat d'assurance ; que le contrat de capitalisation n'est pas un contrat d'assurance ; que Mme [M] recherchait la responsabilité de la société Gan sur le fondement des articles L. 511-1 et suivants du code des assurances, en soutenant que son mandataire, [G] [T], lui avait remis des bons de capitalisation au porteur falsifiés et qu'il n'avait pas transmis à l'assureur les fonds qu'elle lui avait remis à charge de les verser sur ces supports ; qu'en appliquant la prescription biennale de l'article L. 114-1 du code des assurances à une telle action qui ne mettait pas en cause un contrat d'assurance, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 114-1 du code des assurances et par refus d'application l'article 2224 du code civil ;

2°/ que la prescription biennale de l'article L. 114-2 du code des assurances s'applique aux seules actions dérivant d'un contrat d'assurance, ce qui suppose qu'elles mettent en cause les stipulations du contrat d'assurance ; que la cour d'appel relève que Mme [M] a engagé une action en responsabilité fondée sur l'article L. 511-1 du code des assurances, dans sa version résultant de l'ordonnance du 10 février 2016, contre l'assureur en tant que civilement responsable du dommage causé par la remise de faux bons de capitalisation et du détournement des sommes remises par son mandataire agissant en cette qualité ; qu'une telle action trouve sa source dans une tromperie du mandataire et ne met pas en cause les stipulations du contrat d'assurance ; qu'en décidant cependant que son action dérivait d'un contrat d'assurance, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 114-1 du code des assurances et par refus d'application l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 114-1 du code des assurances :

6. Il résulte de ce texte que seules les actions dérivant d'un contrat d'assurance sont soumises à la prescription biennale qu'il prévoit.

7. Pour déclarer irrecevable l'action de Mme [M] contre la société Gan, l'arrêt, après avoir constaté que Mme [M] avait déposé au greffe, pour consultation, les originaux de plusieurs contrats de capitalisation dénommés Gan invest, Gan valeurs, Gan options et Gan CFE, retient qu'en l'espèce, Mme [M] recherche la responsabilité de la société Gan sur le fondement des articles L. 511-1 et suivants du code des assurances et du mandat, en soutenant que [G] [T] lui a remis des bons au porteur falsifiés et qu'il n'a pas transmis à la société Gan les fonds qu'elle lui avait remis à charge de les verser sur l'un des contrats d'assurance-vie.

8. L'arrêt ajoute que [G] [T] a reçu mandat de la société Gan aux fins notamment de développer la souscription des contrats de capitalisation de cette société, que des contrats d'épargne au porteur et d'assurance-vie ont ainsi été souscrits entre 1994 et 2002, par son intermédiaire, par Mme [M] et pour le compte de sa fille, et que des experts désignés par la société Gan ont confirmé que certains des bons qu'il avait délivrés étaient des faux.

9. L'arrêt en déduit que l'action exercée, qui ne vise pas uniquement à obtenir l'indemnisation de préjudices invoqués du fait de la remise de faux bons de capitalisation, mais plus globalement à indemniser l'ensemble des actes fautifs attribués à [G] [T], dérive d'un contrat d'assurance au sens de l'article L. 114-1 du code des assurances qui édicte une prescription biennale.

10. En statuant ainsi, alors d'une part, qu'elle constatait que certains des contrats en cause étaient des contrats de capitalisation, et non des contrats d'assurance, d'autre part, que l'action engagée contre l'assureur en qualité de civilement responsable, qui tendait à la réparation d'agissements frauduleux de son mandataire, était ainsi dépourvue de lien avec les stipulations d'un contrat d'assurance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite l'action diligentée par Mme [M] à l'encontre de la société Gan patrimoine, l'arrêt rendu le 8 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; Me Bouthors ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre -

Textes visés :

Article L. 114-1 du code des assurances.

2e Civ., 7 juillet 2022, n° 21-14.288, (B), FRH

Cassation

Garantie – Exclusion – Exclusion formelle et limitée – Applications diverses – Sport

Est formelle et limitée, au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, la clause qui exclut de la garantie, « la pratique régulière ou non régulière et non encadrée par une fédération ou un club sportif agréé des sports à risques suivants : (...) plongée avec équipement autonome ».

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 janvier 2021), [Z] [K], qui avait souscrit auprès de la société Generali vie (l'assureur) un contrat garantissant le versement d'un capital en cas de décès, est décédé lors d'une plongée sous-marine profonde.

2. Son épouse, Mme [V] [K], agissant tant en son nom propre qu'en qualité de représentante légale de sa fille mineure [S] [K], M. [Y] [K] et Mme [X] [K] ont assigné l'assureur qui refusait sa garantie, au motif qu'une clause de la police souscrite par [Z] [K] excluait la couverture des sinistres résultant de la pratique, non encadrée par une fédération ou un club sportif agréé, de sports à risques, telle la plongée avec équipement autonome.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Mme [V] [K], en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille [S], M. [Y] [K] et Mme [X] [K] font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes formées à l'encontre de l'assureur, alors « que les clauses d'exclusion de garantie ne peuvent être tenues pour formelles et limitées dès lors qu'elles doivent être interprétées ; qu'après avoir relevé que les dispositions générales du contrat PGM comportaient une clause excluant des garanties PTIA, décès ou PTIA par accident, « la pratique régulière ou non régulière et non encadrée par une fédération ou un club sportif agréé des sports à risques suivants : (...) plongée avec équipement autonome », l'arrêt énonce que cette clause d'exclusion est claire et ne nécessite aucune interprétation, en ce qu'une plongée en palanquée est réputée encadrée, d'après les dispositions du code du sport et le guide de palanquée, lorsqu'un guide dit « guide de palanquée » ou « encadrant » accompagne les plongeurs dans l'eau tandis que le directeur de plongée, présent le lieu de l'immersion ne peut avoir la qualité d'encadrement ; que l'arrêt ajoute qu'[Z] [K], plongeur expérimenté, titulaire d'une licence de plongée de la FFESSM, devait être considéré comme ayant parfaitement compris la signification des termes « encadrement » et « plongée en autonomie » qui lui étaient nécessairement familiers ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a procédé à l'interprétation de la clause d'exclusion de garantie en raison de son imprécision, ce dont il résultait qu'elle n'était ni formelle, ni limitée, a violé l'article L 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

4. L'arrêt, après avoir rappelé à bon droit que les clauses d'exclusion de garantie doivent, pour être formelles et limitées au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, se référer à des faits, circonstances ou obligations définis avec une précision telle que l'assuré puisse connaître exactement l'étendue de sa garantie, relève que la clause opposée par l'assureur excluait de la garantie « la pratique régulière ou non régulière et non encadrée par une fédération ou un club sportif agréé des sports à risques suivants : (...) plongée avec équipement autonome ».

5. Il retient ensuite que la mise en jeu de l'exclusion suppose de déterminer si l'activité à risque en cause était ou non encadrée et qu'[Z] [K] a parfaitement compris l'exacte signification du terme « encadrement ».

6. En l'état de ses constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement décidé que la clause était formelle et limitée.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. Mme [V] [K], en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille [S], M. [Y] [K] et Mme [X] [K] font le même grief, alors « en tout état de cause, qu'à supposer que la clause d'exclusion du contrat d'assurance soit formelle et limitée, elle demeure d'application stricte en ce qu'elle n'exclut de la garantie décès que la pratique de la plongée avec équipement autonome « non encadrée par une fédération ou un club sportif agréé » ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que la plongée, au cours de laquelle [Z] [K] est décédé, a été organisée par la société « Eau bleue », affiliée à la FFESSM et déclarée auprès de la DDJS et a été effectuée sous la surveillance d'un directeur de plongée, M. [D], présent sur les lieux de la plongée ; qu'en jugeant néanmoins que l'accident était survenu dans des circonstances relevant de la clause d'exclusion de garantie en ce qu'[Z] [K] n'était pas accompagné dans l'eau par un guide de palanquée ou un encadrant, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134, devenu 1103, du code civil :

9. Il résulte de ce texte que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

10. L'arrêt, après avoir constaté que l'assureur opposait un refus de garantie aux ayants droit de son assuré en invoquant la clause excluant de la garantie la pratique non encadrée par une fédération ou un club sportif agrée de la plongée avec équipement autonome, rappelle les dispositions de l'article A322-72 du code du sport sur le statut et la mission du directeur de plongée.

11. Il constate ensuite que la plongée au cours de laquelle [Z] [K] est décédé a été organisée par une structure affiliée à la fédération de tutelle et déclarée à la direction départementale de la jeunesse et des sports et a été effectuée en présence de M. [D], exploitant de cette structure, présent sur les lieux de l'immersion en qualité de directeur de plongée.

12. Il ajoute néanmoins que les fonctions de directeur de plongée, seulement présent sur le lieu de l'immersion, et d'encadrant ou « guide de palanquée » qui plonge avec les nageurs, dont les conditions de formation ne sont pas identiques et qui n'ont pas le même rôle, ne se confondent pas, seul ce dernier ayant la qualité d'encadrant.

13. Il en déduit que la plongée au cours de laquelle [Z] [K] est décédé n'était pas encadrée et qu'il y avait lieu de faire application de la clause d'exclusion.

14. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations et énonciations que l'accident dont a été victime [Z] [K] s'est produit lors d'une plongée encadrée par un club sportif agréé, ce dont il résultait que la clause d'exclusion de garantie n'avait pas lieu de s'appliquer, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Chauve - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Article L. 113-1 du code des assurances.

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