Numéro 7 - Juillet 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2022

ASSURANCE DE PERSONNES

2e Civ., 7 juillet 2022, n° 16-17.147, (B), FRH

Cassation

Assurance-vie – Contrat non dénoué – Insertion d'une faculté de rachat dans un règlement postérieur à la souscription – Effet

Constitue une modification unilatérale du contrat d'assurance-vie le fait, pour l'assureur, de prévoir à son profit, dans un règlement général établi postérieurement à la souscription, une faculté de rachat total en cas de dépassement de la valeur de rachat du contrat par le montant total des avances consenties.

Dès lors, viole l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause, la cour d'appel qui, pour condamner l'assuré à rembourser l'assureur après l'exercice par celui-ci d'une telle faculté, retient que depuis la date à laquelle l'assuré en a été destinataire, ce règlement fait la loi des parties.

Assurance-vie – Contrat non dénoué – Modification unilatérale du contrat – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 janvier 2016), le 17 avril 1996, par l'intermédiaire d'un courtier, M. [K] a souscrit auprès de la société Fédération continentale un contrat d'assurance-vie. Jusqu'en 2007, il a sollicité et obtenu plusieurs avances.

2. Par lettre du 8 mars 2011, l'assureur a informé M. [K] qu'à défaut de réponse à sa demande de remboursement des sommes dues au titre des avances et intérêts courus sur celles-ci, il avait procédé au rachat total de son contrat.

3. N'ayant pas obtenu le paiement de la somme de 125 380,58 euros qu'il réclamait à M. [K], l'assureur a assigné celui-ci en paiement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

4. M. [K] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à l'assureur la somme de 125 380,58 euros au titre d'un trop-perçu d'avances sur son contrat d'assurance-vie et de rejeter ainsi ses demandes visant à voir constater que la résiliation du contrat par l'assureur était nulle et de nul effet, ou subsidiairement que la résiliation était abusive, ainsi que ses demandes de dommages-intérêts, alors « que les conventions légalement formées font la loi des parties ; que toute modification des stipulations contractuelles nécessite un nouvel accord de volonté ; qu'à ce titre, et en l'absence de clause contraire, l'assureur ne dispose pas du pouvoir de modifier unilatéralement les conditions des contrats souscrits par ses assurés ; qu'en conférant en l'espèce un tel effet à la lettre du 18 mai 2006 par laquelle l'assureur avait communiqué ses nouvelles conditions générales à M. [K], les juges du fond ont encore violé l'article 1134 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause :

5. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

6. Pour condamner M. [K] à payer à l'assureur la somme de 125 380,58 euros, l'arrêt énonce que le régime de l'avance est défini par un règlement général dont M. [K] affirme avoir été destinataire par lettre du 18 mai 2006, dont les dispositions sont applicables aux avances consenties au cours de l'année 2006 et qui stipule que si le montant de l'avance à rembourser devient égal ou supérieur à 100 % de la valeur de rachat du contrat, celui-ci sera racheté en faveur de l'assureur afin de rembourser le montant de l'avance.

L'arrêt ajoute que faute de documents antérieurs, ce règlement fait la loi des parties depuis le 18 mai 2006 et était donc applicable lorsque l'assureur a procédé au rachat critiqué.

7. En statuant ainsi, par des motifs dont il résulte que l'assureur avait modifié unilatéralement le contrat d'assurance-vie en prévoyant à son profit une faculté de rachat total en cas de dépassement de la valeur de rachat du contrat par le montant total des avances consenties, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt condamnant M. [K] à payer à l'assureur la somme de 125 380,58 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 septembre 2011 entraîne la cassation du chef de dispositif rejetant la demande de dommages-intérêts formée par M. [K] contre l'assureur du fait de la violation de son obligation d'information et de conseil, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

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