Numéro 7 - Juillet 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2022

ARCHITECTE ENTREPRENEUR

3e Civ., 13 juillet 2022, n° 19-20.231, (B), FS

Cassation

Responsabilité – Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage – Garantie décennale – Domaine d'application – Eléments d'équipement du bâtiment – Malfaçons rendant l'ouvrage impropre à sa destination

Les désordres affectant un élément d'équipement adjoint à l'existant et rendant l'ouvrage impropre à sa destination ne relèvent de la responsabilité décennale des constructeurs que lorsqu'ils trouvent leur siège dans un élément d'équipement au sens de l'article 1792-3 du code civil, c'est-à-dire un élément destiné à fonctionner.

Les désordres, quel que soit leur degré de gravité, affectant un élément non destiné à fonctionner, adjoint à l'existant, relèvent exclusivement de la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur ou réputé constructeur.

Dès lors, viole l'article 1792 du code civil, une cour d'appel qui répare des désordres affectant un carrelage et des cloisons adjoints à l'existant sur le fondement de la responsabilité décennale alors que ces éléments ne sont pas destinés à fonctionner.

Responsabilité – Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage – Garantie décennale – Domaine d'application – Ouvrage en son ensemble impropre à sa destination – Désordres affectant des éléments d'équipement installés sur un ouvrage existant

Responsabilité – Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage – Garantie décennale – Domaine d'application – Elément d'équipement ou construction d'un ouvrage – Caractérisation – Exclusion – Cas – Carrelage et cloisons adjoints à l'existant non destinés à fonctionner

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 30 avril 2019), par acte du 6 août 2012, M. et Mme [Y] ont acquis de M. et Mme [R] une maison d'habitation sur laquelle ceux-ci avaient réalisé des travaux de rénovation en 2006.

2. Se plaignant de remontées d'humidité affectant notamment le carrelage et des cloisons en plaques de plâtre, M. et Mme [Y] ont, après expertise, assigné les vendeurs en réparation.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 1792 du code civil :

4. Aux termes de ce texte, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

5. Il est jugé, en application de ce texte, que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination (3e Civ., 15 janvier 2017, pourvoi n° 16-19.640, Bull. 2017, III, n° 71 ; 3e Civ., 14 septembre 2017, pourvoi n° 16-17.323, Bull. 2017, III, n° 100 ; 3e Civ., 26 octobre 2017, n° 16-18.120, Bull. 2017, III, n° 119 ; 3e Civ.,7 mars 2019, pourvoi n° 18-11.741).

6. Cette règle ne vaut cependant, s'agissant des éléments adjoints à l'existant, que lorsque les désordres trouvent leur siège dans un élément d'équipement au sens de l'article 1792-3 du code civil, c'est-à-dire un élément destiné à fonctionner (3e Civ., 13 février 2020, pourvoi n° 19-10.249, publié).

7. Il en résulte que les désordres, quel que soit leur degré de gravité, affectant un élément non destiné à fonctionner, adjoint à l'existant, relèvent exclusivement de la responsabilité contractuelle de droit commun du constructeur ou réputé constructeur.

8. Pour condamner M. et Mme [R] sur le fondement de la responsabilité décennale, l'arrêt retient que, si le carrelage collé sur une chape et les cloisons de plaques de plâtre sont des éléments dissociables de l'ouvrage, dès lors que leur dépose et leur remplacement peuvent être effectués sans détérioration de celui-ci, les désordres les affectant rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination.

9. En statuant ainsi alors qu'un carrelage et des cloisons, adjoints à l'existant, ne sont pas destinés à fonctionner, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Boyer - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SARL Cabinet Munier-Apaire -

Textes visés :

Articles 1792 et 1792-3 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 7 mars 2019, pourvoi n° 18-11.741, Bull., (cassation), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 13 février 2020, pourvoi n° 19-10.249, Bull., (cassation).

3e Civ., 13 juillet 2022, n° 21-16.407, (B), FS

Cassation partielle

Responsabilité – Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage – Partage de responsabilité – Conditions – Maître de l'ouvrage – Société civile immobilière – Professionnel de la construction – Définition – Détermination

Viole l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, une cour d'appel qui, pour limiter la condamnation de l'architecte, retient que la société civile immobilière (SCI) maître de l'ouvrage a une compétence professionnelle certaine en matière de construction car son objet social est d'acquérir et de construire tous biens immobiliers, puis de les gérer, ces motifs étant impropres à établir la qualité de professionnel de la construction du maître de l'ouvrage, laquelle suppose des connaissances et des compétences techniques spécifiques.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 mars 2021), le 21 mars 2000, M. et Mme [U] ont acquis le lot n° 16 du lotissement de la Haute Garonnette, constitué d'une maison d'habitation bâtie sur un terrain de 1 658 mètres carrés.

2. Le 15 mai 2007, la société civile immobilière du Parc (la SCI) est devenue propriétaire du lot voisin n° 17.

3. Ayant obtenu un permis de construire le 16 octobre 2008 et un permis modificatif le 22 décembre 2011, la SCI a, sous la maîtrise d'oeuvre de M. [C], architecte, démoli la villa préexistante et reconstruit un bâtiment comprenant sept logements et des garages.

4. Invoquant la violation du cahier des charges du lotissement, M. et Mme [U] ont assigné la SCI et M. [C] aux fins d'obtenir, à titre principal, la démolition des ouvrages édifiés et, subsidiairement, des dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le moyen, pris en ses quatrième à sixième branches, du pourvoi principal et sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première à troisième branches, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. M. et Mme [U] font grief à l'arrêt de dire que, par la construction contrevenant au cahier des charges, la SCI ne leur a causé qu'un préjudice dont elle leur doit réparation à concurrence d'une somme de 50 000 euros, alors :

« 1°/ que le propriétaire d'un lot dans un lotissement a le droit de demander que ce qui a été fait par contravention à l'engagement contractuel résultant du cahier des charges soit détruit, indépendamment de l'existence ou de l'importance du préjudice, dès lors que, la réalisation de la violation des clauses du cahier des charges étant établie, il n'existe aucune impossibilité d'exécution de la démolition ; qu'en considérant, pour refuser d'ordonner la démolition de la construction litigieuse, que le juge restait libre d'apprécier si la démolition était adaptée au préjudice prouvé par la partie qui la demandait ou si une réparation indemnitaire était suffisante à réparer le dommage intégral, quand, la violation des clauses du cahier des charges étant établie, elle ne pouvait refuser la démolition qu'à raison d'une impossibilité d'exécution de celle-ci, la cour d'appel a violé l'article 1143 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que le propriétaire d'un lot dans un lotissement a le droit de demander que ce qui a été fait par contravention à l'engagement contractuel résultant du cahier des charges soit détruit, indépendamment de l'existence ou de l'importance du préjudice, dès lors que, la réalisation de la violation des clauses du cahier des charges étant établie, il n'existe aucune impossibilité d'exécution de la démolition ; que l'expulsion et la démolition sont les seules mesures de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien ; qu'en ajoutant que la démolition était « en pratique impossible en ce que les sept logements construits par la SCI étaient occupés », quand il n'en résultait en toute hypothèse aucune impossibilité d'exécution de la démolition, la cour d'appel a violé l'article 1143 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que le propriétaire d'un lot dans un lotissement a le droit de demander que ce qui a été fait par contravention à l'engagement contractuel résultant du cahier des charges soit détruit, indépendamment de l'existence ou de l'importance du préjudice, dès lors que, la réalisation de la violation des clauses du cahier des charges étant établie, il n'existe aucune impossibilité d'exécution de la démolition ; que la démolition ne peut en aucun cas constituer une sanction disproportionnée ; qu'en ajoutant encore qu'il était totalement disproportionné de demander la destruction d'un immeuble d'habitation collective uniquement pour éviter aux propriétaires d'une villa le désagrément d'un voisinage moins bourgeois, le bâtiment en question ayant été construit dans l'esprit du règlement du lotissement et seuls M. et Mme [U] se plaignant de cette construction qui ne leur occasionnait aucune perte de vue ou aucun vis-à-vis, quand la démolition ne pouvait constituer une sanction disproportionnée, la cour d'appel a violé l'article 1143 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a constaté que, si la construction violait l'article 8 du cahier des charges du lotissement, dès lors qu'elle n'était pas implantée dans un carré de trente mètres sur trente mètres, le cahier des charges, qui n'avait pas prohibé les constructions collectives, autorisait la construction d'un édifice important sur le lot acquis par la SCI et que la construction réalisée, située à l'arrière de la villa de M. et Mme [U], n'occultait pas la vue dont ils bénéficiaient, l'expert étant d'avis qu'il n'en résultait pas une situation objectivement préjudiciable mais seulement un ressenti négatif pour M. et Mme [U] en raison de la présence, en amont de leur propriété, d'un ensemble de sept logements se substituant à une ancienne villa.

8. Ayant retenu qu'il était totalement disproportionné de demander la démolition d'un immeuble d'habitation collective dans l'unique but d'éviter aux propriétaires d'une villa le désagrément de ce voisinage, alors que l'immeuble avait été construit dans l'esprit du règlement du lotissement et n'occasionnait aucune perte de vue ni aucun vis-à-vis, la cour d'appel, qui a fait ressortir l'existence d'une disproportion manifeste entre le coût de la démolition pour le débiteur et son intérêt pour les créanciers, a pu déduire, de ces seuls motifs, que la demande d'exécution en nature devait être rejetée et que la violation du cahier des charges devait être sanctionnée par l'allocation de dommages-intérêts.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

10. La SCI fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de M. [C] à la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du dommage causé par ses manquements, alors « qu'en se bornant à énoncer pour opérer un partage de responsabilité que la SCI du Parc, même constituée entre époux, avait une compétence professionnelle certaine en matière de construction dès lors que son objet social était précisément d'acquérir et de construire tous biens immobiliers puis de les gérer quand cette constatation ne suffisait pas à lui conférer la qualité de professionnel de la construction, qui seule serait de nature à la faire considérer comme étant intervenue à titre professionnel à l'occasion du contrat de maîtrise d'oeuvre litigieux dès lors que le domaine de la construction faisait appel à des connaissances ainsi qu'à des compétences techniques spécifiques, la cour d'appel a méconnu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

11. Selon ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

12. Pour limiter la condamnation de M. [C] à garantir la SCI des condamnations prononcées contre elle, l'arrêt retient que M. [C] peut légitimement demander que sa responsabilité soit atténuée par le fait que la SCI maître de l'ouvrage, même constituée entre époux, a une compétence professionnelle certaine en matière de construction car son objet social est précisément d'acquérir et de construire tous biens immobiliers, puis de les gérer.

13. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir la qualité de professionnel de la construction de la SCI, laquelle suppose des connaissances et des compétences techniques spécifiques, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen du pourvoi incident, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le chef de dispositif du jugement ayant condamné M. [C] à garantir la société civile immobilière du Parc de la condamnation prononcée contre elle au titre de la violation du cahier des charges du lotissement, il limite la condamnation de M. [C] à payer à cette société la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du dommage causé par ses manquements, l'arrêt rendu le 11 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Caston ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Article 1143 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 10 octobre 1978, pourvoi n° 77-11.334, Bull. 1978, III, n° 307 (rejet) ; 3e Civ., 19 mai 1981, pourvoi n° 79-16.605, Bull. 1981, III, n° 101 (cassation), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 21 janvier 2016, pourvoi n° 15-10.566, Bull. 2016, III, n° 14 (2) (rejet). 3e Civ., 7 novembre 2019, pourvoi n° 18-23.259, Bull., (rejet), et l'arrêt cité.

3e Civ., 13 juillet 2022, n° 21-16.408, (B), FS

Cassation partielle

Responsabilité – Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage – Partage de responsabilité – Conditions – Maître de l'ouvrage – Société civile immobilière – Professionnel de la construction – Définition – Détermination

Viole l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, une cour d'appel qui, pour limiter la condamnation de l'architecte, retient que la société civile immobilière (SCI) maître de l'ouvrage a une compétence professionnelle certaine en matière de construction car son objet social est d'acquérir et de construire tous biens immobiliers, puis de les gérer, ces motifs étant impropres à établir la qualité de professionnel de la construction du maître de l'ouvrage, laquelle suppose des connaissances et des compétences techniques spécifiques.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 mars 2021), le 21 mars 2000, M. et Mme [Y] ont acquis le lot n° 16 du lotissement de la Haute Garonnette, constitué d'une maison d'habitation bâtie sur un terrain de 1 658 m².

2. Le 15 décembre 2011, la société civile immobilière Domaine du cap (la SCI) est devenue propriétaire du lot n° 18.

3. En vertu d'un permis de construire du 12 mars 2008 et d'un permis modificatif du 22 décembre 2011, elle a entrepris, sous la maîtrise d'oeuvre de M. [F], la construction d'un immeuble de six logements avec piscine.

4. Invoquant la violation du cahier des charges du lotissement, M. et Mme [Y] ont assigné la SCI et M. [F] aux fins d'obtenir, à titre principal, la démolition des ouvrages édifiés et, subsidiairement, des dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le moyen, pris en ses quatrième à sixième branches, du pourvoi principal et sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première à troisième branches, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. M. et Mme [Y] font grief à l'arrêt de dire que, par la construction contrevenant au cahier des charges, la SCI ne leur a causé qu'un préjudice dont elle leur doit réparation à concurrence d'une somme de 20 000 euros, alors :

« 1°/ que le propriétaire d'un lot dans un lotissement a le droit de demander que ce qui a été fait par contravention à l'engagement contractuel résultant du cahier des charges soit détruit, indépendamment de l'existence ou de l'importance du préjudice, dès lors que, la réalisation de la violation des clauses du cahier des charges étant établie, il n'existe aucune impossibilité d'exécution de la démolition ; qu'en considérant, pour refuser d'ordonner la démolition de la construction litigieuse, que le juge restait libre d'apprécier si la démolition était adaptée au préjudice prouvé par la partie qui la demandait ou si une réparation indemnitaire était suffisante à réparer le dommage intégral, quand, la violation des clauses du cahier des charges étant établie, elle ne pouvait refuser la démolition qu'à raison d'une impossibilité d'exécution de celle-ci, la cour d'appel a violé l'article 1143 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que le propriétaire d'un lot dans un lotissement a le droit de demander que ce qui a été fait par contravention à l'engagement contractuel résultant du cahier des charges soit détruit, indépendamment de l'existence ou de l'importance du préjudice, dès lors que, la réalisation de la violation des clauses du cahier des charges étant établie, il n'existe aucune impossibilité d'exécution de la démolition ; que l'expulsion et la démolition sont les seules mesures de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien ; qu'en ajoutant que la démolition était « en pratique impossible en ce que les six logements construits par la SCI étaient occupés », quand il n'en résultait en toute hypothèse aucune impossibilité d'exécution de la démolition, la cour d'appel a violé l'article 1143 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que le propriétaire d'un lot dans un lotissement a le droit de demander que ce qui a été fait par contravention à l'engagement contractuel résultant du cahier des charges soit détruit, indépendamment de l'existence ou de l'importance du préjudice, dès lors que, la réalisation de la violation des clauses du cahier des charges étant établie, il n'existe aucune impossibilité d'exécution de la démolition ; que la démolition ne peut en aucun cas constituer une sanction disproportionnée ; qu'en ajoutant encore qu'il était totalement disproportionné de demander la destruction d'un immeuble d'habitation collective uniquement pour éviter aux propriétaires d'une villa le désagrément d'un voisinage moins bourgeois, le bâtiment en question ayant été construit dans l'esprit du règlement du lotissement et seuls M. et Mme [Y] se plaignant de cette construction qui ne leur occasionnait aucune perte de vue ou aucun vis-à-vis, quand la démolition ne pouvait constituer une sanction disproportionnée, la cour d'appel a violé l'article 1143 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a constaté que, si la construction violait l'article 8 du cahier des charges du lotissement, dès lors qu'elle n'était pas implantée dans un carré de trente mètres sur trente mètres, le cahier des charges, qui n'avait pas prohibé les constructions collectives, autorisait la construction d'un édifice important sur le lot acquis par la SCI et que la construction réalisée, située à l'arrière de la villa de M. et Mme [Y], n'occultait pas la vue dont ils bénéficiaient, l'expert étant d'avis qu'il n'en résultait pas une situation objectivement préjudiciable mais seulement un ressenti négatif pour M. et Mme [Y] en raison de la présence, en amont de leur propriété, d'un ensemble de six logements se substituant à une ancienne villa.

8. Ayant retenu qu'il était totalement disproportionné de demander la démolition d'un immeuble d'habitation collective dans l'unique but d'éviter aux propriétaires d'une villa le désagrément de ce voisinage, alors que l'immeuble avait été construit dans l'esprit du règlement du lotissement et n'occasionnait aucune perte de vue ni aucun vis-à-vis, la cour d'appel, qui a fait ressortir l'existence d'une disproportion manifeste entre le coût de la démolition pour le débiteur et son intérêt pour les créanciers, a pu déduire, de ces seuls motifs, que la demande d'exécution en nature devait être rejetée et que la violation du cahier des charges devait être sanctionnée par l'allocation de dommages-intérêts.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident

Enoncé du moyen

10. La SCI fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de M. [F] à la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « qu'en se bornant à énoncer pour opérer un partage de responsabilité que la SCI Domaine du Cap, même constituée entre époux, avait une compétence professionnelle certaine en matière de construction dès lors que son objet social était précisément d'acquérir et de construire tous biens immobiliers puis de les gérer quand cette constatation ne suffisait pas à lui conférer la qualité de professionnel de la construction, qui seule serait de nature à la faire considérer comme étant intervenue à titre professionnel à l'occasion du contrat de maîtrise d'oeuvre litigieux dès lors que le domaine de la construction faisait appel à des connaissances ainsi qu'à des compétences techniques spécifiques, la cour d'appel a méconnu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

11. Selon ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

12. Pour limiter la condamnation de M. [F] à garantir la SCI des condamnations prononcées contre elle, l'arrêt retient que M. [F] peut légitimement demander que sa responsabilité soit atténuée en raison de la qualité de professionnelle de la SCI, maître de l'ouvrage, dont l'objet social est précisément d'acquérir et de construire tous biens immobiliers, puis de les gérer, la circonstance qu'elle soit constituée entre époux ne suffisant pas à anéantir la présomption de sa compétence de constructeur immobilier.

13. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir la qualité de professionnel de la construction de la SCI, laquelle suppose des connaissances et des compétences techniques spécifiques, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen du pourvoi incident, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le chef de dispositif du jugement ayant condamné M. [F] à garantir la société civile immobilière Domaine du parc de la condamnation prononcée contre elle au titre de la violation du cahier des charges du lotissement, il limite la condamnation de M. [F] à payer à cette société la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du dommage causé par ses manquements, l'arrêt rendu le 11 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Caston ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Article 1143 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 10 octobre 1978, pourvoi n° 77-11.334, Bull. 1978, III, n° 307 (rejet) ; 3e Civ., 19 mai 1981, pourvoi n° 79-16.605, Bull., 1981, III, n° 101 (cassation), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 21 janvier 2016, pourvoi n° 15-10.566, Bull. 2016, III, n° 14 (2) (rejet). 3e Civ., 7 novembre 2019, pourvoi n° 18-23.259, Bull., (rejet), et l'arrêt cité.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.