Numéro 7 - Juillet 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2022

Partie I - Arrêts des chambres et ordonnances du Premier Président

ACCIDENT DE LA CIRCULATION

2e Civ., 7 juillet 2022, n° 21-10.945, (B) (R), FS

Cassation

Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 – Domaine d'application – Exclusion – Véhicule en stationnement – Accident survenu dans un garage privé et sans lien avec la fonction de déplacement du véhicule

Ne constitue pas un accident de la circulation, au sens de l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, celui résultant de la chute d'une victime sur un véhicule en stationnement dans un garage privé, lorsqu'aucun des éléments liés à sa fonction de déplacement n'est à l'origine de l'accident.

Viole le texte susvisé la cour d'appel qui, pour faire application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985, après avoir constaté que la victime qui était montée sur son toit pour effectuer des travaux de réparation, avait trébuché et était tombée au travers de la lucarne du toit du garage de son voisin, heurtant dans sa chute le véhicule qui y était stationné, retient que le stationnement du véhicule constituait en tant que tel un fait de circulation.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 2020), alors qu'il effectuait des travaux sur le toit de son garage, M. [E] a trébuché et est tombé au travers de la lucarne du garage de son voisin, M. [H], heurtant dans sa chute le véhicule de ce dernier qui y était stationné.

2. Après la mise en oeuvre d'une mesure d'expertise amiable, M. [E] a assigné la société GMF assurances, assureur du véhicule de M. [H] (l'assureur), en indemnisation de ses préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Vu l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 :

3. Selon ce texte, les dispositions du chapitre 1er de la loi susvisée s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques et semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres.

4. Au sens de ce texte, ne constitue pas un accident de la circulation, celui résultant de la chute d'une victime sur un véhicule en stationnement dans un garage privé, lorsqu'aucun des éléments liés à sa fonction de déplacement n'est à l'origine de l'accident.

5. Pour retenir que M. [E] avait été victime d'un accident de la circulation, au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, l'arrêt constate qu'étant monté sur son toit pour effectuer des travaux de réparation, il a trébuché et est tombé au travers de la lucarne du toit du garage de son voisin, heurtant dans sa chute le véhicule qui y était stationné et que le stationnement d'un véhicule terrestre à moteur constitue en tant que tel un fait de circulation.

6. En statuant ainsi, alors que cet accident ne constituait pas un accident de la circulation au sens de ces dispositions, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Condamne M. [E] aux dépens.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Pradel - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

2e Civ., 7 juillet 2022, n° 20-23.240, (B) (R), FS

Cassation partielle

Véhicule à moteur – Garde – Transfert – Applications diverses

N'a pas donné de base légale à sa décision la cour d'appel qui, pour déclarer le propriétaire d'un véhicule responsable, sur le fondement de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, de l'accident de la circulation ayant occasionné des dommages à l'un des passagers, retient que le fait que ce propriétaire ait, dans son seul intérêt et pour un laps de temps limité, confié la conduite à une autre personne, en raison de son état d'ébriété, tout en restant passager dans son propre véhicule n'était pas de nature à transférer au conducteur les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle caractérisant la garde, ces seuls motifs étant impropres à exclure, en considération des circonstances de la cause, que le propriétaire non conducteur avait perdu tout pouvoir d'usage, de contrôle et de direction de son véhicule.

Désistement partiel

Il est donné acte à M. [L] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges, M. [I] et M. [G].

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 15 septembre 2020), M. [L], qui avait consommé de l'alcool, a cédé à M. [I] le volant de son véhicule et un accident est survenu, occasionnant des blessures à M. [G], passager avant.

2. Poursuivi du chef de blessures involontaires, M. [L] a été relaxé par jugement d'un tribunal correctionnel, en l'absence de preuve de ce qu'il avait tiré le frein à main et provoqué l'accident.

Par ce même jugement, M. [G] et la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges (la caisse des Vosges), parties civiles, ont été déboutés de leurs prétentions.

Le désistement de l'appel formé par cette caisse contre ce jugement a été constaté par la cour d'appel.

3. La caisse des Vosges a assigné devant un tribunal de grande instance M. [L], en qualité de propriétaire et gardien du véhicule, en remboursement de ses débours.

4. La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne (la caisse de la Haute-Marne) est intervenue volontairement à l'instance en tant que gestionnaire des recours de la caisse des Vosges.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. M. [L] fait grief à l'arrêt de le déclarer responsable de l'accident dont M. [G] a été victime et de le condamner à payer à la caisse de la Haute-Marne d'une part, une somme de 101 635,60 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 février 2016 et des intérêts desdits intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, d'autre part, une indemnité de 1 080 euros, et, enfin, une indemnité de 2 000 euros, alors « que si le propriétaire de la voiture à laquelle l'accident de la circulation est imputable, est présumé en être le gardien, il en va autrement lorsqu'il est établi qu'un tiers était, au moment de l'accident de la circulation, seul à même de prévenir le dommage que cet accident a causé ; qu'il résulte du jugement répressif rendu, le 1er octobre 2013 par le tribunal correctionnel d'Épinal que M. [L], propriétaire de la voiture à laquelle l'accident de la circulation du 5 novembre 2010 est imputable, était assis, au moment de la sortie de route, à l'arrière de sa voiture et dans un état d'ébriété tel qu'il lui interdisait de prévenir le dommage qui est survenu, tandis que l'ancien propriétaire de la voiture, M. [I], en était alors le conducteur et disposait donc de tous les moyens qui auraient permis d'éviter ce même dommage ; qu'en énonçant dans ces conditions, de façon abstraite, que « le fait que le propriétaire de la voiture en ait, dans son seul intérêt et pour un laps de temps limité, confié la conduite à une autre personne en raison de son état d'ébriété tout en restant passager dans son propre véhicule n'est pas de nature à transférer au profit du conducteur les pouvoirs de direction, d'usage et de contrôle qui caractérisent la garde », sans se demander qui, de M. [L] ou de ce conducteur, était objectivement à même d'empêcher l'accident, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 :

7. Il résulte de ce texte que les victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d'un tiers par le conducteur ou le gardien de ce véhicule.

8. Pour déclarer M. [L] responsable de l'accident sur le fondement de cette loi et le condamner à payer certaines sommes à la caisse de la Haute-Marne, l'arrêt énonce que M. [L], qui n'était pas en état de conduire en raison de son état d'ivresse manifeste, a demandé à M. [I] de prendre le volant pour ramener ses amis et lui à leurs domiciles respectifs et que celui-ci, qui se trouvait aux commandes du véhicule dont il avait la maîtrise au moment de l'accident, doit être qualifié de conducteur. Il ajoute que le fait que le propriétaire de ce véhicule ait, dans son seul intérêt et pour un laps de temps limité, confié la conduite à une autre personne en raison de son état d'ébriété tout en restant passager dans son propre véhicule n'était pas de nature à transférer au conducteur les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle caractérisant la garde.

9. En se déterminant par ces seuls motifs, impropres à exclure, en considération des circonstances de la cause, que le propriétaire non conducteur avait perdu tout pouvoir d'usage, de contrôle et de direction de son véhicule, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. [L] responsable, sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, de l'accident de la circulation dont M. [G] a été victime et le condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne la somme de 101 635,60 euros, montant des prestations qu'elle a servies à M. [G], les intérêts au taux légal à valoir sur cette somme à compter du 26 février 2016, intérêts qui se capitaliseront dans la mesure où ils sont dus au moins pour une année entière et la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, l'arrêt rendu le 15 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Guého - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Yves et Blaise Capron -

Textes visés :

Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.