Numéro 7 - Juillet 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2021

SEPARATION DES POUVOIRS

Tribunal des conflits, 5 juillet 2021, n° 21-04.223

Compétence judiciaire – Exclusion – Cas – Litige relatif à un contrat administratif – Contrat administratif – Définition – Marché public – Applications diverses – Contrat d'assurance de responsabilité décennale – Exécution – Obligations de l'assureur au bénéfice du constructeur

Le contrat par lequel, dans le cadre d'un marché public de construction, une collectivité territoriale souscrit une assurance dommage-ouvrage, a le caractère de contrat administratif.

La circonstance que, par le même contrat, elle souscrit également une assurance garantissant la responsabilité décennale du constructeur auquel elle a attribué le marché public de construction, qui s'analyse comme une stipulation pour autrui, ne modifie pas la nature de ce contrat. Le litige relatif à l'exécution d'un tel contrat, y compris en tant qu'il porte sur les obligations de l'assureur stipulées au bénéfice du constructeur, relève donc de la compétence de la juridiction administrative.

En conséquence, la juridiction administrative est compétente pour connaître de l'appel en garantie dirigé par le constructeur contre la compagnie d'assurance fondé sur la police unique de chantier souscrite par la collectivité territoriale.

Vu, enregistrée à son secrétariat le 20 mai 2021, l'expédition de la décision n° 438593 en date du 4 février 2021, par laquelle le Conseil d'Etat, saisi du pourvoi de la société Cari-Fayat tendant à l'annulation de l'arrêt du 12 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il a rejeté ses conclusions contre la compagnie Allianz Iard, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu, enregistré le 28 juin 2021, le mémoire de la SCP Waquet, Farge, Hazan pour la société Cari-Fayat tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente par les motifs que, en matière de marchés publics de construction, l'intérêt de la police unique de chantier est de permettre que soient examinés par une même juridiction l'action en responsabilité dirigée contre les constructeurs et l'appel en garantie formé par ces derniers contre leur assureur de responsabilité ;

Vu, enregistré le 2 juillet 2021, le mémoire présenté par la SCP Zribi, Texier pour la société SMAC s'en rapportant à la justice sur la question de compétence posée au Tribunal des conflits ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été communiquée aux sociétés Atelier [V], [X] [M] et [F], à la compagnie Allianz Iard, à la commune d'Auch, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités, ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la relance, qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le décret n° 98-111 du 27 février 1998 modifiant le code des marchés publics en ce qui concerne les règles de mise en concurrence et de publicité des marchés de services ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 31 janvier 2001, la commune d'Auch a confié à un groupement d'entreprises solidaire le marché de construction d'un parc de stationnement souterrain.

La société d'économie mixte Gers, mandataire de la commune d'Auch, a, le 13 septembre 2002, conclu avec la société AGF, aux droits de laquelle est venue la compagnie Allianz Iard, un contrat d'assurance dénommé " police unique de chantier ", comprenant une assurance dommage-ouvrage au bénéfice de la commune d'Auch, maître d'ouvrage, et une assurance couvrant la responsabilité décennale des constructeurs. Des désordres ayant affecté la construction, la commune d'Auch a assigné les entreprises membres du groupement solidaire en réparation de son préjudice sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs.

Les entreprises assignées ont appelé la compagnie Allianz Iard en garantie.

Par jugement du tribunal administratif de Pau du 8 juin 2017, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 12 décembre 2019, les entreprises ont été condamnées à verser des dommages-intérêts à la commune d'Auch, mais leur appel en garantie dirigé contre la compagnie Allianz Iard a été rejeté comme porté devant une juridiction incompétente pour en connaître. Saisi du pourvoi formé par la société Cari-Fayat, anciennement dénommée Carillon BTP Nicoletti, membre du groupement d'entreprises solidaire, tendant à l'annulation de l'arrêt du 12 décembre 2019 en tant qu'il a rejeté son appel en garantie, le Conseil d'Etat a, par décision du 4 février 2021, renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence.

2. Aux termes du I de l'article 1er du code des marchés publics, dans sa version issue du décret n° 2001-210 du 7 mars 2001, applicable en l'espèce : » Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux avec des personnes publiques ou privées par les personnes morales de droit public mentionnées à l'article 2, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services ".

Le I de l'article 2 précise : » Les dispositions du présent code s'appliquent : / 1° Aux marchés conclus par l'Etat, ses établissements publics autres que ceux ayant un caractère industriel et commercial, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ; / 2° Aux marchés conclus en vertu d'un mandat donné par une des personnes publiques mentionnées au 1° du présent article, sous réserve des adaptations éventuellement nécessaires auxquelles il est procédé par décret. » Les services d'assurances ont été soumis aux dispositions du code des marchés publics par l'article 1er du décret n° 98-111 du 27 février 1998 modifiant le code des marchés publics en ce qui concerne les règles de mise en concurrence et de publicité des marchés de services et codifié sur ce point à l'article 29 du code des marchés publics, dans sa version résultant du décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004.

3. Aux termes de l'article 2 de loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier : » Les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs ".

4. Il ressort de ces dispositions que le contrat par lequel, dans le cadre d'un marché public de construction, une collectivité territoriale souscrit une assurance dommage-ouvrage, a le caractère de contrat administratif.

La circonstance que, par le même contrat, elle souscrit également une assurance garantissant la responsabilité décennale du constructeur auquel elle a attribué le marché public de construction, qui s'analyse comme une stipulation pour autrui, ne modifie pas la nature de ce contrat.

Le litige relatif à l'exécution d'un tel contrat, y compris en tant qu'il porte sur les obligations de l'assureur stipulées au bénéfice du constructeur, relève donc de la compétence de la juridiction administrative.

5. En conséquence, la juridiction administrative est compétente pour connaître de l'appel en garantie dirigé par la société Cari-Fayat contre la compagnie Allianz Iard fondé sur la police unique de chantier souscrite par la commune d'Auch, représentée par la SEM Gers, son mandataire.

D E C I D E :

Article 1er :

La juridiction administrative est compétente pour connaître de l'appel en garantie dirigée par la société Cari-Fayat contre la compagnie Allianz Iard.

- Président : M. Schwartz - Rapporteur : M. Mollard - Avocat général : M. Polge (rapporteur public) - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Zribi et Texier -

Textes visés :

Loi des 16 et 24 août 1790 Décret du 16 fructidor an III ; loi du 24 mai 1872 ; décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ; décret n° 98-111 du 27 février 1998 ; loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ; code des marchés publics.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 23 janvier 2007, pourvoi n° 04-18.630, Bull. 2007, I, n° 40 (cassation sans renvoi), et l'arrêt cité.

Tribunal des conflits, 5 juillet 2021, n° 21-04.213

Compétence judiciaire – Exclusion – Cas – Litige relatif à un contrat comportant occupation du domaine public – Conditions – Contrat passé par des personnes publiques ou leurs concessionnaires – Applications diverses

L'article L. 2331-1, 1°, du code général de la propriété des personnes publiques attribue compétence au juge administratif pour connaître des litiges relatifs aux contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, passés par des personnes publiques ou leurs concessionnaires.

Tel est le cas du litige né du refus par un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) de conclure un nouveau contrat d'occupation temporaire du domaine public avec une association dont l'objet est de mettre à la disposition de cette dernière l'ensemble du site et ses équipements pendant plusieurs jours par an.

Vu, enregistrée à son secrétariat, l’expédition de l’arrêt du 5 mars 2021 par lequel la Cour d’appel de Paris, saisie d’un appel de l’établissement public industriel et commercial (EPIC) Pays de [Localité 1] Tourisme dirigé contre le jugement du 16 septembre 2019 par lequel le tribunal de commerce de Paris s’est déclaré incompétent pour connaître de l’action en rupture brutale de la relation commerciale établie entre M. et Mme [Y] et l’association Sport Concept et l’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme, a renvoyé au Tribunal, par application de l’article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider de la question de compétence ;

Vu le jugement du 22 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Melun s’est déclaré incompétent pour connaître de ce litige ;

Vu, enregistré le 7 juin 2021, le mémoire présenté par l’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par le motif que les contrats en cause sont conclus dans le cadre de la mise en oeuvre de la mission de service public qui lui est confiée et qu’ils ont pour objet une occupation du domaine public ;

Vu, enregistré le 7 juin 2021, le mémoire présenté par l’association Sport Concept, Mme [Y] et M. [Y], tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente, par le motif que les contrats en cause sont des contrats qui sont conclus entre un service public industriel et commercial et ses usagers et qui sont dès lors régis par le droit privé ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée au ministre de l’économie, des finances et de la relance, au ministre de l’intérieur et à la ministre des sports, qui n’ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code du tourisme ;

Considérant ce qui suit :

1. Le site du [2], situé dans la forêt domaniale de [Localité 1] et géré par l’établissement public industriel et commercial (EPIC) Pays de [Localité 1] Tourisme a été, par des contrats conclus chaque année de 2007 à 2014, mis à la disposition de l’association Sport Concept, dont la présidente est Mme [E] [Y], pour y organiser un concours hippique dénommé « l’été du [2] ».

Par un courrier du 26 septembre 2014, M. [B] [O], président de l’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme, a informé Mme [Y] que l’été du [2] ne serait pas organisé en 2015.

Le 7 avril 2016, l’association Sport Concept, Mme [Y] et M. [Y] ont saisi le tribunal administratif de Melun d’une demande tendant à ce que l’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme soit condamné à leur verser une indemnité en réparation du préjudice qu’ils estimaient avoir subi du fait du refus de renouvellement des relations contractuelles.

Par jugement du 22 décembre 2017, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. L’association et M. et Mme [Y] ont alors saisi le tribunal de commerce de Paris d’une demande d’indemnisation pour rupture brutale d’une relation commerciale établie, sur le fondement du 5° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce.

Par jugement du 16 septembre 2019, le tribunal de commerce a jugé que le litige relevait de la compétence de la juridiction judiciaire et renvoyé les parties à une audience ultérieure pour qu’il soit statué sur le bien-fondé des demandes. L’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme a interjeté appel sur la compétence devant la cour d’appel de Paris laquelle, par arrêt du 5 mars 2021, a renvoyé au Tribunal, sur le fondement de l’article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider de la question de compétence.

2. Aux termes de l’article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques : « Sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs : / 1° Aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires (...) ».

Aux termes de l’article L. 2111-1 du même code : « Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique (...) est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ». Enfin, aux termes de l’article L. 2212-1 du même code : « Font (...) partie du domaine privé : (...) / 2° Les bois et forêts des personnes publiques relevant du régime forestier ».

3. En premier lieu, le site du [2], qui appartient à l’Etat et ne relève pas du régime forestier, a été mis à la disposition de la commune de [Localité 1] par une convention d’occupation qu’elle a transférée à la communauté de communes du pays de [Localité 1], laquelle, par convention du 29 juillet 2011, en a délégué la gestion et l’exploitation à l’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme. D’une part, l’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme est chargé, dans l’intérêt général, d’exploiter le stade équestre du [2] par l’organisation de compétitions sportives et de manifestations pour le grand public et de mettre en oeuvre une politique d’animation qui intègre notamment les publics jeunes et scolaires.

Le site doit dès lors être regardé comme affecté au service public. D’autre part, il comporte des aménagements indispensables à l’exécution des missions de ce service public.

Le site du [2] doit dès lors être regardé, en application de l’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques cité au point 2 ci-dessus, comme appartenant au domaine public.

4. En second lieu, l’objet des contrats conclus entre l’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme et l’association Sport Concept consistait en une mise à disposition de l’ensemble du site du [2] et de tous ses équipements, pendant une période de plusieurs jours par an. Ces contrats comportaient ainsi une occupation du domaine public que constitue ce site et avaient par suite la nature de contrats administratifs.

5. Dès lors, le litige résultant du refus de l’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme de conclure un nouveau contrat pour l’année 2015, qui n’oppose pas le gestionnaire d’un service public industriel et commercial à ses usagers mais porte sur le refus de conclusion d’une convention d’occupation temporaire du domaine public, doit, alors même que l’association et M. et Mme [Y] se prévalaient devant le tribunal de commerce du 5° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce, être porté devant la juridiction administrative.

6. Il résulte de ce qui précède que le litige qui oppose M. et Mme [Y] et l’association Sport Concept à l’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme relève de la compétence de la juridiction administrative.

D E C I D E :

Article 1er :

La juridiction administrative est compétente pour connaître du litige.

Article 2 :

Le jugement du tribunal administratif de Melun du 22 décembre 2017 est déclaré nul et non avenu.

La cause et les parties sont renvoyés devant ce tribunal.

Article 3 :

La procédure suivie devant le tribunal de commerce de Paris et la cour d’appel de Paris est déclarée nulle et non avenue, à l’exception de l’arrêt rendu par cette cour le 5 mars 2021.

- Président : M. Schwartz - Rapporteur : M. Goulard - Avocat général : Mme Berriat (rapporteure publique) - Avocat(s) : SCP Gaschignard ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III ; loi du 24 mai 1872 ; article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

Tribunal des conflits, 5 juillet 2021, n° 21-04.214

Conventions entre personnes privées – Clause anti-spéculative – Pénalité au profit d'une collectivité territoriale – Action en annulation du titre exécutoire – Compétence – Juridiction judiciaire

Un contrat conclu entre deux personnes privées revêt, en principe, un caractère de contrat de droit privé. L'insertion dans un contrat de vente conclu entre deux personnes privées d'une clause, dite clause anti-spéculative, restreignant pendant une certaine durée les droits du propriétaire de louer son bien, en contrepartie du prix modéré d'acquisition du bien lié à des subventions allouées au promoteur par une collectivité territoriale, et d'une pénalité applicable au profit de cette dernière, qui n'était pas partie au contrat de vente, en cas de violation de cette clause, ne modifie pas la nature de ce contrat.

Il suit de là que la demande en annulation du titre exécutoire pris par la collectivité territoriale en application de la clause relève de la juridiction judiciaire.

Vu, enregistrée à son secrétariat le 8 février 2021, l'expédition du jugement du 25 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice, saisi par M. [H] d'un litige l'opposant à la Communauté d'Agglomération de la Riviera Française (CARF), consécutif à la contestation d'un titre exécutoire émis le 1er août 2016, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu le jugement du 13 mars 2018 par lequel le tribunal d'instance de Menton s'est déclaré incompétent pour connaître du litige ;

Vu les pièces dont il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été communiquée à M. [H], à la CARF et au ministère de la transition écologique qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 32 du décret du 27 février 2015 : « Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que le litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision du tribunal ».

2. Par acte du 27 octobre 2011, M. [H] a acquis auprès de la société Bouygues immobilier un bien immobilier à usage de logement situé à [Localité 1] dans le cadre d'une accession aidée.

L'acte de vente incluait une clause limitant les possibilités de location du bien pendant une durée de 15 ans, et prévoyait à défaut une pénalité égale à 50 % du loyer perçu en faveur de la Communauté d'Agglomération de la Riviera Française (CARF).

Par acte du 1er août 2016, la CARF a émis un titre exécutoire à l'encontre de M. [H] pour infraction à la clause relative à l'accession aidée. M. [H] a assigné la CARF devant le tribunal d'instance de Menton en annulation du titre exécutoire le 29 septembre 2016.

Par jugement du 13 mars 2018, le tribunal d'instance s'est déclaré incompétent pour connaître de cette affaire, au motif que l'affaire relève de la juridiction administrative au regard de la nature administrative du titre exécutoire. M. [H] a alors saisi le tribunal administratif de Nice par requêtes des 29 mai 2018 et du 5 juillet 2019.

Par jugement du 25 janvier 2021, le tribunal administratif, estimant que le litige relevait de la compétence de la juridiction judiciaire, a sursis à statuer et saisi le Tribunal des conflits sur le fondement de l'article 32 du décret du 27 février 2015.

3. L'opposition à un titre exécutoire, lorsqu'elle n'a pas pour objet de contester la régularité en la forme de l'acte de poursuite, doit être formée devant le juge compétent pour apprécier le bien-fondé de la créance dont ce titre exécutoire tend à assurer le recouvrement.

4. Un contrat conclu entre deux personnes privées revêt, en principe, un caractère de contrat de droit privé.

L'insertion dans un contrat de vente conclu entre deux personnes privées d'une clause, dite clause anti-spéculative, restreignant pendant une certaine durée les droits du propriétaire de louer son bien, en contrepartie du prix modéré d'acquisition du bien lié à des subventions allouées au promoteur par une collectivité territoriale, et d'une pénalité applicable au profit de cette dernière, qui n'était pas partie au contrat de vente, en cas de violation de cette clause, ne modifie pas la nature de ce contrat.

5. Il suit de là que la demande en annulation du titre exécutoire pris par la collectivité territoriale en application de la clause relève de la juridiction judiciaire.

D E C I D E :

Article 1er :

La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant M. [H] à la Communauté d'Agglomération de la Riviera Française.

Article 2 :

La juridiction de l'ordre judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant M. [H] à la Communauté d'Agglomération de la Riviera Française.

Article 3 :

La procédure suivie devant le tribunal administratif de Nice est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement du 25 janvier 2021.

- Président : M. Schwartz - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Bokdam-Tognetti (rapporteure publique) -

Textes visés :

Loi des 16 et 24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III ; loi du 24 mai 1872.

Tribunal des conflits, 5 juillet 2021, n° 21-04.217

Etablissement privé assurant une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social – Contrat simple avec l'Etat – Maîtres agréés – Litiges portant sur le versement de compléments de rémunération et d'indemnité – Compétence – Juridiction judiciaire

Les litiges portant sur le versement de compléments de rémunération et d'indemnité, opposant les maîtres agréés, rémunérés par l'Etat, en application de l'article L442-12 du code de l'éducation, à l'établissement privé qui les emploie et qui assure, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation au sens de l'article D. 312-0-1 du code de l'action sociale et des familles relèvent de la juridiction judiciaire.

Vu, enregistrée à son secrétariat le 4 mars 2021, l'expédition du jugement du 4 mars 2021 par lequel le conseil des prud'hommes d'Evry Courcouronnes, saisi par M. [B] [T], M. [H] [Z], M. [U] [Y], Mme [L] [V], Mme [P] [W], Mme [G] [I] et M. [C] [S] de litiges portant sur des rappels de salaires et d'indemnités, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 35 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu, enregistré le 14 mai 2021, le mémoire produit par l'association Olga Spitzer, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente par le motif que les maîtres agréés de l'établissements sous contrat simple doivent, à l'instar des maîtres des établissements sous contrat d'association, être considérés comme des agents publics et les litiges les concernant relever du juge administratif ;

Vu, enregistré le 20 mai 2021, le mémoire produit par MM. [T] et [Y], tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente par le motif que l'établissement où ils enseignent n'a conclu avec l'Etat qu'un contrat simple et que les demandes qu'ils présentent n'ont pas trait aux modalités de paiement de la rémunération qui leur est servie par l'Etat, mais au paiement de compléments de rémunération et indemnités prévues par la convention collective dont ils relèvent ;

Vu, enregistrées le 11 juin 2021, les observations produites par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n°2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le code du travail ;

Considérant ce qui suit :

1. MM. [T], [Z], [Y] et [I] et Mmes [V], [W] et [S], employés par l'association Olga Spitzer en qualité d'enseignants au sein de l'institut thérapeutique, éducatif et pédagogique du [1] géré par l'association, ont saisi le conseil des prud'hommes d'Evry Courcouronnes de litiges relatifs à des rappels de compléments de salaire et d'indemnités qu'ils estiment leur être dus par l'association.

Par un jugement du 4 mars 2021, le conseil des prud'hommes a sursis à statuer et renvoyé au Tribunal le soin de décider sur la question de compétence en application de l'article 35 du décret du 27 février 2015 relatif au Tribunal des conflits et aux questions préjudicielles.

2. D'une part, aux termes de l'article L.442-12 du code de l'éducation : « Les établissements d'enseignement privés du premier degré peuvent passer avec l'Etat un contrat simple suivant lequel les maîtres agréés reçoivent de l'Etat leur rémunération qui est déterminée compte tenu notamment de leurs diplômes et des rémunérations en vigueur dans l'enseignement public ».

3. Les maîtres agréés qui enseignent dans des établissements ayant passé un contrat simple avec l'Etat sont des salariés des organismes de gestion de ces établissements, même si leur rémunération est prise en charge par l'Etat.

Les litiges les opposant aux chefs de ces établissements, qui se rattachent à l'exécution de leur contrat de travail, relèvent de la compétence du juge judiciaire.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 351-1 du code de l'éducation : « Les enfants et adolescents présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant sont scolarisés dans les écoles maternelles et élémentaires et les établissements visés aux articles L. 213-2, L 214-6, L. 421-19-1, L. 422-1, L. 422-2 et L. 442-1 du présent code et aux articles L. 811-8 et L. 813-1 du code rural et de la pêche maritime, si nécessaire au sein de dispositifs adaptés, lorsque ce mode de scolarisation répond aux besoins des élèves.

Les élèves accompagnés dans le cadre de ces dispositifs sont comptabilisés dans les effectifs scolarisés ? / L'enseignement est également assuré par des personnels qualifiés relevant du ministère chargé de l'éducation lorsque la situation de l'enfant ou de l'adolescent présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant nécessite un séjour dans un établissement de santé ou un établissement médico-social. Ces personnels sont soit des enseignants publics mis à la disposition de ces établissements dans des conditions prévues par décret, soit des maîtres de l'enseignement privé dans le cadre d'un contrat passé entre l'établissement et l'Etat dans les conditions prévues par le titre IV du livre IV ».

Aux termes de l'article R. 442-75 du même code : « Dans la limite des moyens inscrits à cet effet dans la loi de finances, les établissements ou services sociaux ou médico-sociaux privés mentionnés au 2° et au 12° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles peuvent passer avec l'Etat un contrat simple dans les conditions prévues par l'article L. 442-12 du code de l'éducation. / Ce contrat peut porter sur une partie ou sur la totalité des classes de l'établissement ».

L'article R. 442-78 du même code précise que « Les dépenses prises en charge par l'Etat en ce qui concerne le fonctionnement des classes sous contrat sont constituées exclusivement par la rémunération des services d'enseignement dispensés par les maîtres et le financement des charges sociales et fiscales incombant à l'employeur ».

5. L'institut thérapeutique, éducatif et pédagogique du [1] dans lequel les requérants exercent comme enseignants est, en application de l'article D. 312-0-1 du code de l'action sociale et des familles, au nombre des « établissements ou services d'enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation », mentionnés au 2° du I de l'article L. 312-1 du même code.

L'association Olga Spitzer a conclu le 18 juillet 1978 un contrat simple relatif à l'éducation spéciale avec l'Etat.

Les intéressés, qui ont le statut de maîtres agréés, ont été embauchés par l'association « selon les textes d'application de la loi sociale concernant le statut des maîtres de l'enseignement privé enseignant dans un établissement privé sous contrat ».

La circonstance que leur rémunération soit versée par l'Etat n'est pas de nature, s'agissant d'un établissement d'enseignement privé lié à l'Etat par un contrat simple, à conférer à ces enseignants, salariés de l'association, la qualité d'agents publics.

6. Il s'ensuit qu'il incombe à la juridiction judiciaire de statuer sur le litige opposant M. [T] et autres et l'association Olga Spitzer au sujet du versement par l'association de compléments de rémunération et d'indemnités.

D E C I D E :

Article 1er :

La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant MM. [T], [Z], [Y] et [I] et Mmes [V], [W] et [S] à l'association Olga Spitzer.

- Président : M. Schwartz - Rapporteur : Mme Maugüé - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 442-12 du code de l'éducation ; article L. 312-1 et D. 312-0-1 du code de l'action sociale et des familles.

Tribunal des conflits, 5 juillet 2021, n° 21-04.218

Servitude – Servitude conventionnelle de droit privé – Etablissement sur une parcelle appartenant au domaine public – Exercice – Litige – Compétence judiciaire

Il résulte des principes de la domanialité publique qu'une servitude conventionnelle de droit privé constituée avant l'entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques peut être maintenue sur une parcelle appartenant au domaine public à la double condition d'avoir été consentie antérieurement à l'incorporation de cette parcelle dans le domaine public, lorsque cette incorporation est elle aussi antérieure à l'entrée en vigueur du code, et d'être compatible avec son affectation.

Il en va ainsi d'une servitude conventionnelle d'alimentation en eau par le passage souterrain d'une canalisation sur les parcelles appartenant au domaine public routier d'une commune, consentie antérieurement à l'incorporation de ces parcelles dans le domaine public, cette incorporation étant antérieure à l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, et qui est compatible avec leur affectation à usage de parking public.

S'agissant d'une servitude de droit privé, le litige relatif à son exercice relève de la compétence de la juridiction judiciaire.

Vu, enregistrée à son secrétariat, le 21 avril 2021, l'expédition du jugement du 13 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Versailles, saisi d'une demande de la SCI LMG et de M. A... tendant à l'annulation de la décision de la commune d'[Localité 4] du 31 mars 2018 rejetant leur demande indemnitaire, à ce qu'il soit enjoint à ladite commune d'effectuer sous astreinte des travaux de remise en état de la servitude d'alimentation en eau dont dispose la SCI LMG sur les parcelles cadastrées section [Cadastre 3], [Cadastre 7] et [Cadastre 6] et, enfin, tendant à la condamnation de la commune à verser une indemnité de 30 324,77 euros à la SCI LMG et de 20 314,23 euros à M. A... en réparation des préjudices subis en raison de la faute de la commune, a renvoyé au Tribunal, en application de l'article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de la compétence ;

Vu le jugement du 14 mars 2017 par lequel le tribunal d'instance de Poissy a déclaré la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de ce litige ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à la SCI LMG, à M. A..., à la commune d'[Localité 4] et au ministre de l'intérieur, qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code civil ;

Considérant ce qui suit :

1. Par acte du 10 juin 2005, la SCI LMG a acquis les parcelles cadastrées, sur la commune d'[Localité 4], section [Cadastre 3], [Cadastre 7] et [Cadastre 5], et dont M. A... a été précédemment propriétaire de 1981 à 1996. Cet acte mentionne l'existence, au profit du fonds acquis, d'une servitude d'alimentation en eau par une canalisation passant sous les parcelles anciennement cadastrées section [Cadastre 2] et [Cadastre 1] dont la commune d'[Localité 4] est devenue propriétaire par déclaration d'abandon du 29 juillet 2002 et qui ont été aménagées en parking public.

La canalisation ayant été rompue en 1988 à l'occasion de travaux effectués par l'ancien propriétaire du fonds servant, la SCI LMG a fait assigner la commune d'[Localité 4] devant le tribunal d'instance de Poissy aux fins notamment de voir remplacer cet ouvrage.

Par jugement du 14 mars 2017, le tribunal s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction administrative.

Par requête du 27 mai 2018, la SCI LMG et M. A... ont saisi le tribunal administratif de Versailles aux fins notamment de voir enjoindre à la commune d'[Localité 4] d'effectuer des travaux de remise en état de la servitude d'alimentation en eau et de condamner la commune à les indemniser des préjudices subis en raison de sa faute.

Par jugement du 13 avril 2021, cette juridiction, estimant que le litige ne relevait pas de sa compétence, a renvoyé au Tribunal le soin de décider sur la question de la compétence, par application de l'article 32 du décret du 27 février 2015.

2. Il résulte des principes de la domanialité publique qu'une servitude conventionnelle de droit privé constituée avant l'entrée en vigueur du code général de la propriété des personnes publiques peut être maintenue sur une parcelle appartenant au domaine public à la double condition d'avoir été consentie antérieurement à l'incorporation de cette parcelle dans le domaine public, lorsque cette incorporation est elle aussi antérieure à l'entrée en vigueur du code, et d'être compatible avec son affectation.

3. Il est constant que la servitude conventionnelle de droit privé dont se prévalent les requérants sur les parcelles appartenant au domaine public routier de la commune d'[Localité 4], servitude d'alimentation en eau par le passage souterrain d'une canalisation, a été consentie antérieurement à l'incorporation de ces parcelles dans le domaine public, cette incorporation étant antérieure à l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, et qu'elle est compatible avec leur affectation à usage de parking public.

4. S'agissant d'une servitude de droit privé, le litige relatif à son exercice relève de la compétence de la juridiction judiciaire.

D E C I D E :

Article 1er :

La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du litige opposant la SCI LMG et M. A... à la commune d'[Localité 4].

Article 2 :

Le jugement du tribunal d'instance de Poissy du 14 mars 2017 est déclaré nul et non avenu.

La cause et les parties sont renvoyées devant le tribunal judiciaire de Versailles.

Article 3 :

La procédure suivie devant le tribunal administratif de Versailles est déclarée nulle et non avenue, à l'exception du jugement rendu le 13 avril 2021 par ce tribunal.

- Président : M. Schwartz - Rapporteur : Mme Taillandier-Thomas - Avocat général : M. Polge (Rapporteur public) -

Textes visés :

Loi des 16 et 24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III ; loi du 24 mai 1872 ; décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ; code général de la propriété des personnes publiques.

Rapprochement(s) :

CE, 26 février 2016, n° 383935, mentionné dans les tables du Recueil Lebon.

Tribunal des conflits, 5 juillet 2021, n° 21-04.219

Transports des élèves handicapés – Prise en charge des frais de transports – Décision du président du conseil départemental – Décision administrative – Contestation – Compétence administrative

La contestation de la décision du président du conseil départemental du Puy-de-Dôme qui refuse la prise en charge des frais de transport d'un élève handicapé vers un établissement scolaire, laquelle présente le caractère d'une décision administrative, relève de la compétence de la juridiction administrative.

Vu, enregistrée à son secrétariat le 22 avril 2021, l'expédition du jugement du 9 avril 2021 par lequel le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, saisi par renvoi du tribunal administratif de Clermont-Ferrand de la demande, initialement formée devant ce tribunal, de Mme [T] [S] et M. [E] [Z] tendant à l'annulation de la décision du 15 juillet 2019 du président du conseil départemental du Puy-de-Dôme refusant la prise en charge d'un transport scolaire adapté pour leur fils [I] [Z], a renvoyé au Tribunal, en application de l'article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l'ordonnance du 18 septembre 2019 par laquelle le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de Mme [S] et M. [Z] comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître et l'a transmise au tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 juin 2021, présenté pour le département du Puy-de-Dôme, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par les motifs que les décisions prises par les autorités administratives sont en principe de la compétence du juge administratif et que la décision attaquée a été prise par le département dans le cadre de la compétence prévue à l'article R. 3111-24 du code des transports et non par la commission pour les droits et l'autonomie des personnes handicapées au titre du 1° du I de l'article L. 241-6 du code de l'action sociale et des familles ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée à Mme [S] et M. [Z], au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, au ministre de l'intérieur et au ministre des solidarités et de la santé, qui n'ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code des transports ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme [S] et M. [Z] ont demandé la prise en charge d'un mode de transport scolaire adapté pour leur fils [I] [Z], lui permettant de se rendre au collège de [Localité 1] où il est scolarisé par un moyen de transport adapté à son handicap.

Par une décision du 15 juillet 2019, le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme a refusé la prise en charge de tels frais de transport.

Par une ordonnance du 18 septembre 2019, le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté le recours formé par Mme [S] et M. [Z] contre la décision du département, au motif qu'il ne relevait pas de la compétence de la juridiction administrative, et l'a transmis au tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand en application des dispositions du premier alinéa de l'article 32 du décret du 27 février 2015.

Le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, par un jugement du 9 avril 2021, a renvoyé au Tribunal, sur le fondement du second alinéa de l'article 32 du décret du 27 février 2015, le soin de décider sur la question de compétence.

2. En vertu de l'article L. 3111-1 du code des transports, les services non urbains de transports publics collectifs routiers sont organisés par la région « à l'exclusion des services de transport spécial des élèves handicapés vers les établissements scolaires ».

Aux termes de l'article R. 3111-24 du même code : « Les frais de déplacement exposés par les élèves handicapés qui fréquentent un établissement d'enseignement général, agricole ou professionnel, public ou privé placé sous contrat (...), et qui ne peuvent utiliser les moyens de transport en commun en raison de la gravité de leur handicap, médicalement établie, sont pris en charge par le département du domicile des intéressés ».

3. La décision contestée dans le cadre du présent litige a été prise par le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme sur le fondement des dispositions de l'article R. 3111-24 du code des transports. Aucune disposition législative n'attribue un tel litige à la compétence de la juridiction judiciaire, notamment pas l'article L. 241-9 du code de l'action sociale et des familles, selon lequel relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires les décisions prises, au titre du 1° du I de l'article L. 241-6 du même code, par les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées sur l'orientation et les mesures propres à assurer l'insertion scolaire d'un enfant ou d'un adolescent handicapé.

4. Il résulte de ce qui précède que la contestation de la décision du président du conseil départemental du Puy-de-Dôme qui refuse la prise en charge des frais de transport d'un élève handicapé vers un établissement scolaire, laquelle présente le caractère d'une décision administrative, relève de la compétence de la juridiction administrative.

D E C I D E :

Article 1er :

La juridiction administrative est compétente pour connaître de la demande de Mme [S] et de M. [Z].

Article 2 :

L'ordonnance du 18 septembre 2019 du président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est déclarée nulle et non avenue.

La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.

Article 3 :

La procédure suivie devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand est déclarée non avenue, à l'exception du jugement rendu par ce tribunal le 9 avril 2021.

- Président : M. Schwartz - Rapporteur : M. Stahl - Avocat général : M. Chaumont (rapporteur public) - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Article R. 3111-24 du code des transports.

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