Numéro 7 - Juillet 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2021

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 1 juillet 2021, n° 20-10.596, (B)

Cassation

Contentieux spéciaux – Contentieux technique – Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail – Procédure – Procédure d'instruction – Ordonnance de clôture – Effets – Irrecevabilité des écritures et pièces déposées postérieurement – Exception – Absence de connaissance de la date de l'ordonnance de clôture

Il résulte de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article R. 143-28-1 du code de la sécurité sociale que les exigences d'un procès équitable impliquent que la partie qui a usé de la faculté d'adresser un mémoire à la cour n'est irrecevable, sauf motif légitime, à présenter des prétentions ou moyens nouveaux ou à communiquer de nouvelles pièces, que si elle a été avisée de la date prévue pour la clôture.

A violé les textes susvisés la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification qui a dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture et a écarté des débats le mémoire produit postérieurement à l'ordonnance de clôture alors qu'il ne résultait d'aucune des constatations de l'arrêt que la partie concernée avait eu connaissance de la date à laquelle serait prononcée l'ordonnance de clôture.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 5 novembre 2019), la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Nord-Picardie a refusé à Mme [N] (l'assurée) l'attribution d'une majoration pour tierce personne avec effet au 4 mai 2015.

2. L'assurée a formé un recours devant une juridiction du contentieux technique de la sécurité sociale.

Sur le moyen

Enoncé du moyen

3. L'assurée fait grief à l'arrêt d'écarter des débats le mémoire produit par elle postérieurement à l'ordonnance de clôture et de la débouter de ses demandes, alors, « que si une partie qui a usé de la faculté d'adresser à la cour un mémoire avant la clôture de l'instruction n'est plus recevable à produire un nouveau mémoire ou de nouvelles pièces postérieurement à la clôture de l'instruction, cette fin de non-recevoir ne peut être opposée que si cette partie a été préalablement informée de la date de la clôture ; qu'en écartant le mémoire de l'assurée produit postérieurement à la clôture, sans que les parties aient été préalablement informées de la date à laquelle l'ordonnance de clôture interviendrait, la CNITAAT a violé les articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et R. 143-28-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article R. 143-28-1 du code de la sécurité sociale :

4. Il résulte de ces textes que les exigences d'un procès équitable impliquent que la partie qui a usé de la faculté d'adresser un mémoire à la cour n'est irrecevable, sauf motif légitime, à présenter des prétentions ou moyens nouveaux ou à communiquer de nouvelles pièces, que si elle a été avisée de la date prévue pour la clôture.

5. Pour dire n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture et écarter des débats le mémoire produit par Mme [N] postérieurement à l'ordonnance de clôture, l'arrêt retient que l'assurée, qui a accusé réception le 5 juin 2019 de l'ordonnance de clôture, a adressé le 24 juillet 2019 de nouvelles observations à la cour, et que la seule critique de l'avis du médecin consultant, qui aurait pu être exprimée avant l'ordonnance de clôture, ne constitue pas un motif légitime de révocation de cette dernière.

6. En statuant ainsi, alors qu'il ne résultait d'aucune des constatations de l'arrêt que l'intéressée avait eu connaissance de la date à laquelle serait prononcée l'ordonnance de clôture, la cour nationale de l'incapacité et de la tarification des accidents du travail a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2019, entre les parties, par la cour nationale de l'incapacité et de la tarification des accidents du travail (CNITAAT) ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Cassignard - Avocat(s) : Me Haas -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article R. 143-28-1 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 15 mai 2008, pourvoi n° 07-17.763, Bull. 2008, II, n° 116 (rejet).

2e Civ., 8 juillet 2021, n° 20-16.846, (B)

Cassation

Preuve – Procès-verbaux des contrôleurs de la sécurité sociale – Opérations de contrôle – Redressement – Méconnaissance de l'article R. 243-53 – Effets – Annulation de l'ensemble de la procédure de contrôle (non)

Il résulte de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, que la méconnaissance par l'organisme de recouvrement des garanties qu'il prévoit au bénéfice du cotisant n'emporte la nullité de l'ensemble de la procédure de contrôle et de redressement que si l'irrégularité affecte chacun des chefs de redressement envisagés.

Dès lors, c'est en violation de ce texte et par motifs impropres à déterminer les conséquences de l'irrégularité relevée sur la validité des autres chefs de redressement que la cour d'appel a annulé l'ensemble du contrôle et de la procédure de redressement au motif que, pour certains des chefs de redressement, les dispositions de l'article L 114-21 du même code et le principe du contradictoire n'avaient pas été respectés.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 2 avril 2020), à la suite d'un contrôle des cotisations sociales dues au titre des années 2010 à 2012, l'URSSAF du Nord-Pas-de-Calais (l'URSSAF) a adressé, le 10 septembre 2013, une lettre d'observations, puis, le 9 novembre 2013, une mise en demeure à la société Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts-de-France (la société).

2. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui sont irrecevables.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler l'entière procédure de contrôle et de redressement qu'elle a mise en oeuvre contre la société, alors « que la validité d'une procédure de contrôle et de redressement s'apprécie chef de redressement par chef de redressement ; qu'en l'espèce la cour d'appel a estimé que pour quatre chefs de redressement (12 à 15) relatifs aux dépenses de « stimulation-challenge » et de séminaire, le contradictoire n'avait pas été respecté puisque pour procéder au redressement de ces quatre chefs l'URSSAF avait obtenu des renseignements d'autres sociétés de groupe sans communiquer la teneur de ces informations à l'entreprise contrôlée ; que cet éventuel défaut d'information ne concernait aucun des autres chefs de redressement pour lesquels le contradictoire avait été parfaitement respecté sans que cela soit contesté par l'entreprise contrôlée ; qu'en affirmant que l'irrégularité du contrôle concernant ces quatre chefs spécifiques du redressement devait entrainer la nullité du contrôle tout entier sans expliquer en quoi le contradictoire aurait été méconnu pour les autres chefs de redressement et en quoi l'entreprise contrôlée aurait été privée du droit de se défendre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des arrêts L. 114-21 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, applicable au litige :

5. Il résulte de ce texte que la méconnaissance par l'organisme de recouvrement des garanties qu'il prévoit au bénéfice du cotisant n'emporte la nullité de l'ensemble de la procédure de contrôle et de redressement que si l'irrégularité affecte chacun des chefs de redressement envisagés.

6. Pour faire droit à la demande de la société, l'arrêt relève qu'il est incontesté que les chefs de redressement n° 12 à 15 ont été établis à partir d'informations exclusivement obtenues lors du contrôle d'autres sociétés du groupe auquel appartient la société, sans respect des conditions visées aux articles R. 243-59, L. 114-16-1, L. 114-19 et L. 114-21 du code de la sécurité sociale, aucun élément n'établissant que la teneur des informations et documents en cause aurait été communiquée à la société Caisse d'épargne des Hauts-de-France avant émission de la mise en demeure. Il constate que l'URSSAF a accepté dans ces circonstances d'annuler ces chefs de redressement, les dispositions de l'article L. 114-21 du même code et le principe du contradictoire n'ayant pas été respectés. Il retient qu'une atteinte a ainsi été portée au caractère contradictoire qu'un tel contrôle doit nécessairement revêtir dans son ensemble et que les irrégularités ainsi relevées doivent donc entraîner la nullité de l'ensemble du contrôle et de la procédure de redressement subséquente.

7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à déterminer les conséquences de l'irrégularité relevée sur la validité des autres chefs de redressement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 avril 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Gauthier - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article R. 243-59 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 15 mars 2018, pourvoi n° 17-11.891, Bull. 2018, II, n° 58 (cassation).

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