Numéro 7 - Juillet 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2021

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

1re Civ., 1 juillet 2021, n° 21-40.008, (B)

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Office du juge – Question posée au juge – Pouvoir de reformulation – Absence de pouvoir de modification – Portée – Question posée devant la Cour

Code de la consommation – Article L. 211-3 – Article 34 de la Constitution – Principe de clarté – Méconnaissance – Non-lieu à renvoi au conseil constitutionnel

Faits et procédure

1. Le 14 octobre 2017, hors établissement, Mme [E], ergothérapeuthe, a souscrit auprès des sociétés Cometik et Locam deux contrats de licence d'exploitation et de location financière d'un site internet d'une durée ferme et irrévocable de quarante-huit mois. Ces sociétés lui ayant dénié le droit de se rétracter, elle les a assignées, le 9 juin 2020, en annulation des contrats.

Au cours de cette procédure, la société Cometik a posé une question prioritaire de constitutionnalité.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

2. Par jugement du 22 avril 2021, le tribunal judiciaire de Lille a transmis une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

L'article L. 221-3 du code de la consommation suivant lequel « les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq », en tant qu'il fixe le champ d'application des dispositions sur les contrats conclus hors établissements entre deux professionnels, est-il contraire au principe de clarté de la loi découlant de l'article 34 de la Constitution, dès lors qu'il ne définit pas en des termes suffisamment clairs et précis le critère tenant au « champ de l'activité principale » ?

3. Devant la Cour, la société Cometik demande que soit posée la question suivante :

L'article L. 221-3 du code de la consommation suivant lequel « les dispositions des sections 2, 3, 6 du présent chapitre applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq », appréhendé de façon autonome mais aussi en combinaison avec l'article L. 242-6 du code de la consommation en tant qu'il fixe le champ d'application de l'incrimination pénalement sanctionnée par ce dernier texte, est-il contraire au principe de légalité des délits et des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi qu'au principe de clarté de la loi découlant de l'article 34 de la Constitution, dès lors qu'il ne définit pas en des termes suffisamment clairs et précis le critère tenant au « champ de l'activité principale » ?

4. Si la question peut être reformulée par le juge à l'effet de la rendre plus claire ou de lui restituer son exacte qualification, il ne lui appartient pas d'en modifier l'objet ou la portée, de sorte que ne peuvent être examinés ni le grief d'inconstitutionnalité de l'article L. 242-6 du code de la consommation ni la méconnaissance par la disposition contestée du principe constitutionnel de légalité des délits et des peines qui n'ont pas été soumis au tribunal judiciaire.

5. Il y a donc lieu pour la Cour de cassation de se prononcer sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité telle qu'elle a été posée par la juridiction qui la lui a transmise et soulevée dans le mémoire distinct produit devant celle-ci.

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

6. La disposition contestée est applicable au litige au sens et pour l'application de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

7. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

8. Cependant, si le principe de clarté de la loi découlant de l'article 34 de la Constitution, composante de l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, impose au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques, sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution.

9. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : Mme Duval-Arnould (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Serrier - Avocat général : Mme Legohérel - Avocat(s) : SCP Bénabent -

Textes visés :

Article L. 221-3 du code de la consommation ; articles 34 et 61-1 de la Constitution.

Soc., 7 juillet 2021, n° 21-10.257, (B)

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Statuts professionnels particuliers – Gérant – Gérant non salarié de succursale – Bénéfice de la législation sociale – Durée du travail – Article L. 7322-1 du code du travail – Droits de la défense, droit à un procès équitable et principe d'égalité devant la justice – Caractère sérieux ou nouveau – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

L'article L. 7322-1 du code du travail, tel qu'interprété par la jurisprudence de la chambre sociale, en ce qu'il impose à l'entreprise propriétaire de la succursale, nonobstant l'interdiction légale pesant sur elle de contrôler le temps de travail des gérants non-salariés, de justifier des horaires effectivement réalisées par ceux-ci au seul prétexte qu'elle leur adresse des demandes concernant les horaires d'ouverture et de fermeture des succursales, de se conformer aux habitudes de la clientèle et aux coutumes locales et qu'elle assure la diffusion des horaires d'ouverture du commerce sur son site internet, est-il compatible avec les droits de la défense, le droit à un procès équitable et le principe d'égalité devant la justice qui sont garantis par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ?

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

1. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2020 par la cour d'appel de Dijon, la société Distribution Casino France a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée :

« L'article L. 7322-1 du code du travail, tel qu'interprété par la jurisprudence de la chambre sociale, en ce qu'il impose à l'entreprise propriétaire de la succursale, nonobstant l'interdiction légale pesant sur elle de contrôler le temps de travail des gérants non-salariés, de justifier des horaires effectivement réalisées par ceux-ci au seul prétexte qu'elle leur adresse des demandes concernant les horaires d'ouverture et de fermeture des succursales, de se conformer aux habitudes de la clientèle et aux coutumes locales et qu'elle assure la diffusion des horaires d'ouverture du commerce sur son site internet, est-il compatible avec les droits de la défense, le droit à un procès équitable et le principe d'égalité devant la justice qui sont garantis par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

2. Selon l'article L. 7322-1 du code du travail, l'entreprise propriétaire de la succursale est responsable de l'application au profit des gérants non salariés des dispositions du livre I de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés, ainsi que de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail lorsque les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ont été fixées par elle ou soumises à son accord. Dans tous les cas, les gérants non salariés bénéficient des avantages légaux accordés aux salariés en matière de congés payés.

3. La chambre sociale déduit de ces dispositions que, lorsque les conditions d'application en sont réunies, les gérants non salariés peuvent revendiquer le paiement d'heures supplémentaires et l'application des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail (Soc., 10 octobre 2018, pourvoi n° 17-13.418).

4. La disposition législative est applicable au litige.

5. Elle n'a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. Mais, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

7. D'autre part, elle ne présente pas un caractère sérieux dès lors que ce n'est que lorsque les conditions de travail dans l'établissement ont été fixées par l'entreprise propriétaire de la succursale ou soumises à son accord ce qui dépend des constatations des juges du fond que les dispositions de l'article L. 3174-1 du code du travail trouvent à s'appliquer, de sorte que la disposition législative ainsi interprétée, ne viole aucune des dispositions et principes constitutionnels invoqués.

8. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Van Ruymbeke - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Ortscheidt -

Textes visés :

Articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; article L. 7322-1 du code du travail.

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