Numéro 7 - Juillet 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2021

PROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE

Soc., 7 juillet 2021, n° 19-25.754, (B)

Cassation partielle

Libertés fondamentales – Domaine d'application – Liberté de témoigner – Exercice – Atteinte – Exclusion – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 31 octobre 2018), M. [K] a été engagé le 1er septembre 2008 par l'Association vosgienne pour la sauvegarde de l'enfance, de l'adolescence et des adultes (AVSEA) en qualité de directeur du service des tutelles.

Le 14 novembre 2012, il a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à licenciement.

Le 20 novembre 2012, le salarié a dénoncé à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations, organe de tutelle de l'employeur, des faits pénalement répréhensibles qui auraient été commis par l'association. Il a été licencié pour insuffisance professionnelle le 3 décembre 2012.

2. Contestant son licenciement et estimant qu'il était en lien avec cette dénonciation, il a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen relevé d'office

4. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

5. En raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté d'expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d'un salarié intervenu pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est atteint de nullité.

6. Lorsque le salarié présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu'il a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve que sa décision de licencier est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice, par le salarié, de son droit de signaler des conduites ou actes illicites.

7. Pour rejeter les demandes du salarié tendant à la nullité du licenciement, à sa réintégration et au paiement de sommes subséquentes, l'arrêt, qui a estimé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, retient que la lettre adressée à la direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations par le salarié est postérieure à la convocation de celui-ci à l'entretien préalable au licenciement, et que la concomitance des deux circonstances ne peut à elle seule établir le détournement de procédure allégué.

8. En se déterminant ainsi, sans rechercher si le salarié, qui soutenait avoir préalablement à sa convocation à un entretien préalable avisé sa hiérarchie des faits qu'il jugeait illicites et de son intention de procéder à un signalement aux autorités compétentes, ne présentait pas des éléments de fait permettant de présumer qu'il avait relaté ou témoigné de bonne foi de faits qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales et si l'employeur rapportait alors la preuve que le licenciement était justifié par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l'intéressé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi principal du salarié, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement ayant déclaré recevable la reprise d'instance et condamné l'association AVSEA à restituer à M. [K] l'ensemble de ses effets personnels notamment un ordinateur portable, l'arrêt rendu le 31 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Duvallet - Avocat général : Mme Laulom et Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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