Numéro 7 - Juillet 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2021

Partie III - Décisions du Tribunal des conflits

DOMAINE

Tribunal des conflits, 5 juillet 2021, n° 21-04.213

Domaine public – Convention d'occupation – Litige – Compétence – Détermination

Vu, enregistrée à son secrétariat, l’expédition de l’arrêt du 5 mars 2021 par lequel la Cour d’appel de Paris, saisie d’un appel de l’établissement public industriel et commercial (EPIC) Pays de [Localité 1] Tourisme dirigé contre le jugement du 16 septembre 2019 par lequel le tribunal de commerce de Paris s’est déclaré incompétent pour connaître de l’action en rupture brutale de la relation commerciale établie entre M. et Mme [Y] et l’association Sport Concept et l’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme, a renvoyé au Tribunal, par application de l’article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider de la question de compétence ;

Vu le jugement du 22 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Melun s’est déclaré incompétent pour connaître de ce litige ;

Vu, enregistré le 7 juin 2021, le mémoire présenté par l’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme, tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente, par le motif que les contrats en cause sont conclus dans le cadre de la mise en oeuvre de la mission de service public qui lui est confiée et qu’ils ont pour objet une occupation du domaine public ;

Vu, enregistré le 7 juin 2021, le mémoire présenté par l’association Sport Concept, Mme [Y] et M. [Y], tendant à ce que la juridiction judiciaire soit déclarée compétente, par le motif que les contrats en cause sont des contrats qui sont conclus entre un service public industriel et commercial et ses usagers et qui sont dès lors régis par le droit privé ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée au ministre de l’économie, des finances et de la relance, au ministre de l’intérieur et à la ministre des sports, qui n’ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code du tourisme ;

Considérant ce qui suit :

1. Le site du [2], situé dans la forêt domaniale de [Localité 1] et géré par l’établissement public industriel et commercial (EPIC) Pays de [Localité 1] Tourisme a été, par des contrats conclus chaque année de 2007 à 2014, mis à la disposition de l’association Sport Concept, dont la présidente est Mme [E] [Y], pour y organiser un concours hippique dénommé « l’été du [2] ».

Par un courrier du 26 septembre 2014, M. [B] [O], président de l’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme, a informé Mme [Y] que l’été du [2] ne serait pas organisé en 2015.

Le 7 avril 2016, l’association Sport Concept, Mme [Y] et M. [Y] ont saisi le tribunal administratif de Melun d’une demande tendant à ce que l’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme soit condamné à leur verser une indemnité en réparation du préjudice qu’ils estimaient avoir subi du fait du refus de renouvellement des relations contractuelles.

Par jugement du 22 décembre 2017, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. L’association et M. et Mme [Y] ont alors saisi le tribunal de commerce de Paris d’une demande d’indemnisation pour rupture brutale d’une relation commerciale établie, sur le fondement du 5° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce.

Par jugement du 16 septembre 2019, le tribunal de commerce a jugé que le litige relevait de la compétence de la juridiction judiciaire et renvoyé les parties à une audience ultérieure pour qu’il soit statué sur le bien-fondé des demandes. L’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme a interjeté appel sur la compétence devant la cour d’appel de Paris laquelle, par arrêt du 5 mars 2021, a renvoyé au Tribunal, sur le fondement de l’article 32 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, le soin de décider de la question de compétence.

2. Aux termes de l’article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques : « Sont portés devant la juridiction administrative les litiges relatifs : / 1° Aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires (...) ».

Aux termes de l’article L. 2111-1 du même code : « Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique (...) est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ». Enfin, aux termes de l’article L. 2212-1 du même code : « Font (...) partie du domaine privé : (...) / 2° Les bois et forêts des personnes publiques relevant du régime forestier ».

3. En premier lieu, le site du [2], qui appartient à l’Etat et ne relève pas du régime forestier, a été mis à la disposition de la commune de [Localité 1] par une convention d’occupation qu’elle a transférée à la communauté de communes du pays de [Localité 1], laquelle, par convention du 29 juillet 2011, en a délégué la gestion et l’exploitation à l’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme. D’une part, l’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme est chargé, dans l’intérêt général, d’exploiter le stade équestre du [2] par l’organisation de compétitions sportives et de manifestations pour le grand public et de mettre en oeuvre une politique d’animation qui intègre notamment les publics jeunes et scolaires.

Le site doit dès lors être regardé comme affecté au service public. D’autre part, il comporte des aménagements indispensables à l’exécution des missions de ce service public.

Le site du [2] doit dès lors être regardé, en application de l’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques cité au point 2 ci-dessus, comme appartenant au domaine public.

4. En second lieu, l’objet des contrats conclus entre l’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme et l’association Sport Concept consistait en une mise à disposition de l’ensemble du site du [2] et de tous ses équipements, pendant une période de plusieurs jours par an. Ces contrats comportaient ainsi une occupation du domaine public que constitue ce site et avaient par suite la nature de contrats administratifs.

5. Dès lors, le litige résultant du refus de l’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme de conclure un nouveau contrat pour l’année 2015, qui n’oppose pas le gestionnaire d’un service public industriel et commercial à ses usagers mais porte sur le refus de conclusion d’une convention d’occupation temporaire du domaine public, doit, alors même que l’association et M. et Mme [Y] se prévalaient devant le tribunal de commerce du 5° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce, être porté devant la juridiction administrative.

6. Il résulte de ce qui précède que le litige qui oppose M. et Mme [Y] et l’association Sport Concept à l’EPIC Pays de [Localité 1] Tourisme relève de la compétence de la juridiction administrative.

D E C I D E :

Article 1er :

La juridiction administrative est compétente pour connaître du litige.

Article 2 :

Le jugement du tribunal administratif de Melun du 22 décembre 2017 est déclaré nul et non avenu.

La cause et les parties sont renvoyés devant ce tribunal.

Article 3 :

La procédure suivie devant le tribunal de commerce de Paris et la cour d’appel de Paris est déclarée nulle et non avenue, à l’exception de l’arrêt rendu par cette cour le 5 mars 2021.

- Président : M. Schwartz - Rapporteur : M. Goulard - Avocat général : Mme Berriat (rapporteure publique) - Avocat(s) : SCP Gaschignard ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III ; loi du 24 mai 1872 ; article L. 2331-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

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