Numéro 7 - Juillet 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2021

Partie I - Arrêts des chambres et ordonnances du Premier Président

APPEL CIVIL

2e Civ., 1 juillet 2021, n° 20-10.694, (B)

Annulation

Appel incident – Conclusions – Dispositif – Portée – Interprétation nouvelle par la Cour de cassation

Il résulte des articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'intimé forme un appel incident et ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation, ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que déclarer irrecevables ces conclusions, l'appel incident n'étant pas valablement formé. L'application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et qui n'a jamais été affirmée par la Cour de cassation antérieurement dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d' appel antérieure à la date du 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, Bull., (rejet)), aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable. En conséquence, doit être annulée la décision qui infirme, sur le fondement des articles 909 et 954 du code de procédure civile, une ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré recevable un appel incident formé, dès lors que la déclaration d'appel était antérieure à l'arrêt du 17 septembre 2020.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 novembre 2019), un litige oppose les héritiers [U] sur le partage de la succession de leurs parents.

2. Par jugement du 6 avril 2018, un tribunal de grande instance a, notamment, dit n'y avoir lieu à rapport de donations déguisées ou de dons manuels au profit d'un ou plusieurs héritiers de [I] [U], ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et de partage de la succession de [I] [U], décédé le [Date décès 1] 2007, et désigné pour y procéder le président de la chambre des notaires, et rejeté les demandes plus amples ou contraires.

3. Par déclaration du 16 mai 2018, M. [F] [U] a relevé appel de cette décision sur l'ensemble des dispositions du jugement précité, sauf celles rejetant les demandes reconventionnelles présentées par M. [K] [U] et Mmes [B] et [Z] [U].

4. Ces derniers ont, par conclusions notifiées le 8 novembre 2018, déclaré former appel incident et demandé la confirmation du jugement uniquement en ce qu'il a écarté les conclusions tardives déposées le 25 janvier 2018, dit n'y avoir lieu à rapport de donations déguisées ou de dons manuels à leur profit et rejeté la demande indemnitaire de M. [F] [U].

5.Par ordonnance du 15 mai 2019, le conseiller de la mise en état, saisi d'un incident par M. [F] [U], a déclaré recevable l'appel incident formé par les intimés et les demandes formées dans leurs conclusions du 8 novembre 2018.

6. M. [F] [U] a déféré cette ordonnance à la cour d'appel.

Recevabilité du pourvoi contestée par la défense

7. M. [F] [U] demande de dire que le pourvoi est irrecevable sur le fondement des articles 606 et 608 du code de procédure civile.

8. Pour infirmer l'ordonnance déclarant recevable l'appel incident, l'arrêt dit que Mmes [Z] et [B] [U] et M. [K] [U] n'ont pas valablement formé appel incident dans le délai imparti à l'article 909 du code de procédure civile, apprécié au regard des dispositions de l'article 954 du même code, ce dont il résultait que les demandes tendant à la faire trancher sur les prétentions déjà soumises aux premiers juges qui avaient statué en réponse, étaient irrecevables.

9. En privant Mmes [Z] et [B] [U] et M. [K] [U] de leur appel incident, la cour d'appel a tranché une partie du principal.

10. Dès lors, le pourvoi est recevable.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

11. Mmes [Z] et [B] [U] et M. [K] [U] font grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance rendue le 5 mai 2019 par le magistrat chargé de la mise en état, dire que Mmes [Z] et [B] [U] et M. [K] [U], intimés sur l'appel principal de M. [F] [U], n'ont pas valablement formé appel incident à l'encontre du jugement du 6 avril 2018 rendu par le tribunal de grande instance de Bergerac et dire que leurs demandes tendant à faire statuer la cour sur des prétentions déjà soumises aux premiers juges qui ont statué en réponse, et à l'égard desquelles ils n'ont pas valablement formé appel incident, sont irrecevables alors :

« 1°/ que vaut demande de réformation du jugement, le dispositif des écritures d'une partie demandant à la cour d'appel de statuer à nouveau sur des demandes qui ont été rejetées par les premiers juges et de les accueillir ; qu'en jugeant que les intimés ne sollicitaient pas la réformation du jugement dans le dispositif de leurs écritures, tout en constatant qu'ils sollicitaient de la cour d'appel qu'elle « statue à nouveau sur les points suivants », ce dont il résultait que les consorts [U] demandaient la réformation du jugement sur ces demandes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 954, 542 et 562 du code de procédure civile ;

2°/ que les juridictions ne peuvent, dans l'application, de règles de procédure, faire preuve d'un formalisme excessif susceptible de porter atteinte à l'équité de la procédure ; qu'en exigeant que les intimés fassent explicitement figurer au dispositif de leurs conclusions les mots « infirmer » ou « réformer », quand ces derniers sollicitaient que la cour d'appel statue à nouveau sur plusieurs points, dans un sens contraire à la décision des premiers juges, la cour d'appel a fait montre d'un formalisme excessif portant atteinte au droit d'accès à un juge et, partant, a violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

12. Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui a été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626) pour la première fois dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

13. Rappelant que l'appel incident n'est pas différent de l'appel principal par sa nature ou son objet, que les conclusions de l'appelant, qu'il soit principal ou incident, doivent déterminer l'objet du litige porté devant la cour d'appel, que l'étendue des prétentions dont est saisie la cour d'appel étant déterminée dans les conditions fixées par l'article 954 du code de procédure civile, le respect de la diligence impartie par l'article 909 du code de procédure civile est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de cet article 954, l'arrêt retient que les conclusions des intimés ne comportant aucune prétention tendant à l'infirmation ou à la réformation du jugement attaqué, ne constituaient pas un appel incident valable, quelle que soit, par ailleurs, la recevabilité en la forme de leurs conclusions d'intimés.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 16 mai 2018, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutissant à priver M. [U] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Maunand - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Yves et Blaise Capron -

Textes visés :

Articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, Bull., (rejet).

2e Civ., 1 juillet 2021, n° 20-14.449, (B)

Cassation

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Caducité – Cas – Procédures fondées sur l'article 905 du code de procédure civile – Conclusions – Signification – Délai

Il résulte de la combinaison des articles 905, 905-2 et 911 du code de procédure civile que lorsque l'appel relève de plein droit d'une instruction à bref délai, l'appelant, qui a remis au greffe ses conclusions dans le délai imparti et avant que l'intimé ne constitue avocat, dispose d'un délai de deux mois suivant l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour notifier ses conclusions à l'intimé ou à l'avocat que celui-ci a constitué entre-temps.

Acte d'appel – Caducité – Application – Appelant – Conclusions – Signification aux parties n'ayant pas constitué avocat – Délai – Détermination – Procédures fondées sur l'article 905 du code de procédure civile

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 janvier 2020), par acte du 28 mai 2019, M. [A] a relevé appel du jugement d'un juge de l'exécution, dans une affaire l'opposant à l'Agent judiciaire de l'État, puis remis au greffe ses conclusions le 11 juillet 2019, avant que l'affaire ne fasse l'objet d'un avis de fixation à bref délai, le 3 septembre 2019.

2. Par une ordonnance du 19 septembre 2019, le magistrat désigné par le premier président de la cour d'appel a constaté la caducité de la déclaration d'appel, faute pour l'appelant d'avoir notifié ses conclusions à l'intimé dans le délai prévu par l'article 911 du code de procédure civile.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [A] fait grief à l'arrêt de constater à la date du 12 août 2019 la caducité de sa déclaration d'appel et de prononcer cette caducité, alors « que dans le cadre d'une procédure à bref délai applicable s'agissant de l'appel d'une décision du juge de l'exécution, l'appelant dispose d'un délai d'un mois courant à compter de l'avis de fixation de l'affaire pour remettre ses conclusions au greffe, puis d'un délai d'un mois supplémentaire pour signifier ses conclusions aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; qu'en considérant que le délai d'un mois ouvert à l'appelant pour signifier ses conclusions à l'intimé n'ayant pas constitué avocat aurait expiré un mois après la remise par l'exposant de ses conclusions au greffe, peu important que l'avis de fixation eut été adressé postérieurement à la remise par ledit exposant de ses conclusions au greffe, la cour d'appel a violé les articles 911, 905-2 du code de procédure civile et R. 121-20 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 905, 905-2 et 911 du code de procédure civile :

4. Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsque l'appel relève de plein droit d'une instruction à bref délai, l'appelant, qui a remis au greffe ses conclusions dans le délai imparti et avant que l'intimé ne constitue avocat, dispose d'un délai de deux mois suivant l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour notifier ses conclusions à l'intimé ou à l'avocat que celui-ci a constitué entre-temps.

5. Pour confirmer l'ordonnance de caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt retient que le délai d'un mois ouvert à l'appelant pour signifier ses conclusions à l'intimé n'ayant pas constitué avocat expirait le 12 août 2019, soit un mois après la remise au greffe de ses premières conclusions le 11 juillet 2019, peu important que l'avis de fixation ait été adressé postérieurement à cette dernière date.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Articles 905, 905-2 et 911 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 27 juin 2013, pourvoi n° 12-20.529, Bull. 2013, II, n° 140 (cassation) ; 2e Civ., 25 mars 2021, pourvoi n° 19-20.636, Bull., (rejet).

2e Civ., 1 juillet 2021, n° 20-14.284, (B)

Cassation partiellement sans renvoi

Procédure avec représentation obligatoire – Procédures fondées sur l'article 905 du code de procédure civile – Appel incident – Conclusions tardives de l'appelant principal sur appel incident – Sanction – Détermination – Portée

L'appel relatif à une décision du juge de l'exécution étant, de plein droit, instruit à bref délai, il résulte des articles 905-2, alinéa 1, et 911 du code de procédure civile, que le délai d'un mois imparti à l'intimé pour conclure et former le cas échéant un appel incident court de plein droit dès la notification des conclusions de l'appelant, puis la notification de ces conclusions comportant un appel incident fait courir le délai d'un mois imparti à l'intimé à cet appel incident pour remettre ses conclusions. Il en résulte que les conclusions tardives de l'appelant, intimé à un appel incident, sont irrecevables en tant qu'elles ne développent pas son appel principal.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 décembre 2019), un jugement du 1er juillet 2010 rendu au profit de [E] [V] et confirmé en appel, a condamné M. et Mme [P] à supprimer des vues illicitement constituées depuis leur terrasse, sous une astreinte courant par jour de retard. [E] [V] a saisi un juge de l'exécution d'une demande de liquidation de cette astreinte puis, après son décès, survenu le [Date décès 1] 2013, l'affaire, enregistrée sous le numéro RG 13/11638, a été radiée.

2. Par un acte du 31 mai 2017, les héritières du défunt, Mmes [K] et [R] [V], cette dernière, mineure, représentée par sa mère Mme [A], ont assigné M. et Mme [P] à cette même fin de liquidation, l'affaire ayant été enregistrée sous le numéro RG 17/09307.

Par un jugement du 10 avril 2018, le juge de l'exécution a rejeté les incidents de M. et Mme [P] tendant au constat de la péremption des deux instances et déclaré irrecevable comme prescrite la demande de Mme [K] [V] et de Mme [A], es qualités.

3. Ces dernières ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il avait déclaré irrecevable comme prescrite leur demande en liquidation de l'astreinte.

Le 27 juillet 2018, M. et Mme [P] ont notifié aux appelantes leurs conclusions d'intimé, comportant un appel incident tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il avait rejeté leur demande tendant au constat de la péremption des deux instances.

Examen des moyens

Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la deuxième branche de ce moyen, qui est irrecevable, et sa troisième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. M. et Mme [P] font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de Mme [R] [V], de déclarer celle-ci recevable en son action et, en conséquence, de les condamner solidairement à payer à cette dernière la somme de 26 415 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par jugement du 1er juillet 2010, pour la période du 1er août 2010 au 8 octobre 2018, alors « que la suspension de la prescription dont bénéficie un mineur n'est pas applicable aux actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à des termes périodiques plus courts ; qu'il en résulte que l'action en liquidation d'une astreinte prononcée par jour de retard ne peut être suspendue pendant la minorité de son auteur ; qu'en décidant néanmoins que l'action en liquidation de l'astreinte, prononcée à l'encontre de M. et Mme [P], de 100 euros par jour de retard, avait été suspendue à l'égard de Mme [K] (lire [R]) [V] pendant sa minorité, la cour d'appel a violé l'article 2235 du code civil, ensemble l'article 2224 dudit code. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 2235 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, la prescription ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle, sauf pour les actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées et, généralement, les actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à des termes périodiques plus courts.

7. La condamnation, assortie d'une astreinte, prononcée par un juge ne fait pas naître une action en paiement de sommes payables par années ou à des termes périodiques plus courts, mais confère à son bénéficiaire une action en liquidation de cette astreinte, à l'issue de laquelle celui-ci est susceptible de disposer d'une créance de somme d'argent. Il en résulte que cette action en liquidation n'entre pas dans le champ de l'exception apportée par l'article 2235 code civil au principe selon lequel la prescription ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle.

8. Par conséquent, le moyen, qui manque en droit, ne peut être accueilli.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

9. M. et Mme [P] font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir qu'il ont soulevée à l'encontre des conclusions notifiées par Mmes [V] le 23 octobre 2018 et, en conséquence, de rejeter la demande tendant à voir ordonner la jonction des instances et constater leur péremption, de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de Mme [R] [V], de déclarer celle-ci recevable en son action et de les condamner solidairement à payer à Mme [R] [V] la somme de 26 415 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par jugement du 1er juillet 2010, pour la période du 1er août 2010 au 8 octobre 2018, alors « qu'il résulte de l'article R. 121-20 du code des procédures civiles d'exécution que la procédure d'appel des décisions du juge de l'exécution est soumise de plein droit aux dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, nonobstant l'absence d'avis de fixation à bref délai ; qu'en application de l'article 905-2, alinéa 3, du code de procédure civile, l'intimé à un appel incident dispose, à peine d'irrecevabilité, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident pour remettre ses conclusions au greffe ; que ce délai commence à courir même en l'absence d'avis de fixation à bref délai ; qu'en décidant néanmoins, pour déclarer recevables des conclusions d'intimé à un appel incident déposées plus d'un mois après la notification de l'appel incident, que les conclusions échangées avant l'avis de fixation n'étaient pas soumises aux délais fixés à l'article 905-2 du code de procédure civile, et ce bien que l'appelant ait déposé ses conclusions sans attendre l'avis de fixation, faisant ainsi courir les délais prévus à l'article précité, la cour d'appel a violé les articles 905 et 905-2 du code de procédure civile ainsi que l'article R. 121-20 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 121-20, alinéa 2, du code des procédures civiles d'exécution et 905-2 et 911 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

10. Il résulte, d'abord, du premier de ces textes que lorsque l'appel est relatif à une décision du juge de l'exécution, sauf autorisation d'assigner à jour fixe, l'instruction à bref délai s'applique de plein droit, même en l'absence d'ordonnance de fixation en ce sens.

11. Il résulte, ensuite, des articles 905-2, alinéa 1er, et 911 susvisés, qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, l'appelant doit, au plus tard dans le délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai, remettre ses conclusions au greffe et les notifier à l'avocat de l'intimé.

12. Par conséquent, en application de l'article 905-2, alinéas 2 et 3, susvisé lorsqu'il est relevé appel d'une décision du juge de l'exécution, le délai d'un mois imparti à l'intimé pour conclure et former, le cas échéant, un appel incident court de plein droit dès la notification des conclusions de l'appelant, puis la notification de ces conclusions comportant un appel incident fait courir le délai d'un mois imparti à l'intimé à cet appel incident pour remettre ses conclusions, de sorte que les conclusions tardives de l'appelant, intimé à un appel incident, sont irrecevables en tant qu'elles ne développent pas son appel principal.

13. Pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les intimés à l'encontre des conclusions notifiées par Mmes [V] le 23 octobre 2018, l'arrêt retient que les délais fixés par l'article 905-2 du code de procédure civile forment un ensemble indissociable dont le point de départ, quelle que soit la nature de l'instance, est fixé par l'avis de fixation adressé par la cour d'appel, qu'en l'espèce l'avis de fixation ayant été adressé le 12 mars 2019, l'ensemble des échanges antérieurs notifiés entre les parties ne relèvent pas des dispositions spécifiques de l'article 905-2, qui ne peut dès lors fonder aucune fin de non-recevoir à leur encontre.

14. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les conclusions de Mmes [V] n'avaient pas été remises et notifiées dans le mois suivant la notification par M. et Mme [P] de leurs conclusions comportant appel incident, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

17. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 12 et 14, que doivent être déclarées irrecevables les conclusions de Mmes [V] du 23 octobre 2018 en tant qu'elles ne développent pas leur appel principal.

18. En revanche, la cassation du chef de l'arrêt ayant rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. et Mme [P] se limite à ce chef, sans s'étendre aux dispositions de l'arrêt ayant confirmé, au terme de motifs non affectés par la cassation, le jugement qui avait ordonné la jonction des instances et constaté leur péremption au profit de Mmes [V].

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [W] [P] et Mme [E] [E] épouse [P] à l'encontre des conclusions d'appelant notifiées le 23 octobre 2018, l'arrêt rendu le 19 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE IRRECEVABLES les conclusions de Mmes [V] du 23 octobre 2018 en tant qu'elles ne développent pas leur appel principal.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Article 2235 du code civil ; articles 905-2, alinéa 1, et 911 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 14 juin 2005, pourvoi n° 01-11.741, Bull. 2005, I, n° 260 (cassation). 2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.769, Bull. (cassation partielle) ; 3e Civ., 2 juin 2016, pourvoi n° 15-12.834, Bull. 2016, III, n° 70 (cassation).

2e Civ., 1 juillet 2021, n° 19-10.668, (B)

Rejet

Recevabilité – Conditions – Acquittement du droit de timbre prévu pour l'indemnisation des avoués – Défaut – Décision d'irrecevabilité – Erreur – Demande de rapport – Exclusion – Cas – Parties convoquées ou citées à comparaître

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 octobre 2018), la société Crédit logement a fait assigner M. et Mme [W] devant un tribunal de grande instance aux fins de les voir condamner au paiement d'une somme qu'elle avait réglée en sa qualité de caution. Un jugement a fait droit à la demande et M. et Mme [W] en ont interjeté appel.

Recevabilité du pourvoi examinée d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile.

2. Il résulte des articles 963 et 964 du code de procédure civile qu' en cas d'irrecevabilité de l'appel prononcée en application de l'article 963 précité, c'est seulement si la décision a été prise sans que les parties aient été convoquées ou citées à comparaître à l' audience à l'issue de laquelle le juge a statué, qu'elle peut être rapportée dans les conditions prévues par l'article 964 du même code, de sorte que, dans ce cas, le recours ne peut être exercé sans que la demande de rapport ait été préalablement formée.

3. M. et Mme [W] ayant été convoqués à l'audience de la cour d'appel qui a déclaré leur appel irrecevable à défaut d'acquittement du droit prévu par l'article 963 précité, leur pourvoi est, dès lors, recevable.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [W] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur appel et de les condamner in solidum à payer à la SA Crédit logement la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel alors que « la cour d'appel, se prononçant sur la recevabilité de l'appel, soulevée d'office a relevé, pour juger irrecevable l'appel, que M. et Mme [W] ne se sont pas acquittés du droit prévu à l'article 1635 bis P du code général des impôts ; qu'en statuant ainsi, sans avoir invité les exposants à s'expliquer sur le défaut de justification du paiement du droit prévu à l'article 1635 bis P du code général des impôts alors qu'il ne ressort pas des productions et du dossier de la procédure qu'un avis a préalablement été adressé par le greffe à l'avocat de M. et Mme [W] en vue de cette justification, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble les articles 963 du même code et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. En application de l'article 16 du code de procédure civile, la fin de non-recevoir tirée du défaut de justification du paiement du droit prévu par l'article 1635 bis P du code général des impôts ne peut être retenue sans que la partie concernée ait été invitée à s'en expliquer ou, qu'à tout le moins, un avis d'avoir à justifier de ce paiement lui ait été préalablement adressé par le greffe.

6. Il ressort des productions en défense que le greffe de la cour d'appel a, le 16 juillet 2018, invité les appelants à justifier de l'acquittement du droit prévu à l'article 1635 bis P du code général des impôts, à peine d'irrecevabilité de l'appel.

7. Dès lors, c'est sans encourir le grief du moyen que la cour d'appel, après des débats qui se sont tenus le 4 septembre 2018, relevant que M. et Mme [W] n'ont pas acquitté le droit prévu à l'article 1635 bis P précité, a déclaré l'appel irrecevable.

8. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Durin-Karsenty - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 964 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 28 septembre 2017, pourvoi n° 16-18.166, Bull. 2017, II, n° 183 (irrecevabilité).

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