Numéro 7 - Juillet 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2020

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 9 juillet 2020, n° 19-11.871, (P)

Cassation partielle

Contentieux spéciaux – Contentieux technique – Maladies professionnelles – Reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie par la caisse – Contestation du caractère professionnel d'une rechute par l'employeur – Décision de prise en charge de la rechute inopposable à l'employeur – Absence d'influence

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 11 décembre 2018), Mme B... (la victime), salariée de la société Coopérative d'intérêt collectif d'HLM de la Corrèze (l'employeur), a déclaré une maladie, prise en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze par décision du 16 mai 2014.

2. Cette décision a été déclarée inopposable à l'employeur par jugement définitif du tribunal des affaires de sécurité sociale de Tulle du 24 février 2016, en raison de l'irrégularité de la procédure d'instruction de la demande.

3. La maladie professionnelle de la victime a été déclarée imputable à une faute inexcusable de l'employeur par un arrêt de la cour d'appel de Limoges du 24 avril 2018.

4. Par décision du 7 octobre 2016, la caisse a pris en charge une rechute de cette maladie professionnelle. Contestant l'opposabilité à son égard de cette décision, en invoquant d'une part, l'absence de caractère professionnel de la rechute, d'autre part, l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de sursis à statuer, de confirmer la décision de la commission de recours amiable de la caisse du 16 février 2017, de constater le bien fondé de la décision de prise en charge de la rechute et de la débouter de sa demande de dommages-intérêts, alors « que la contestation de la reconnaissance du caractère professionnel d'une rechute est un droit pour l'employeur, et qu'en refusant d'analyser les moyens d'appel de l'employeur contre une décision de prise en charge d'une rechute aux motifs inopérants qu'elle lui était inopposable, et qu'il n'était pas justifié qu'elle soit invoquée dans un litige de reconnaissance de sa faute inexcusable, la cour d'appel a violé les articles R. 441-14 et R. 441-16 du code de la sécurité sociale, ensemble les article 31 et 542 du code de procédure civile.»

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 441-14 du code de la sécurité sociale et 31 du code de procédure civile, le premier dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige :

6. La contestation par l'employeur d'une décision de prise en charge d'une rechute, au titre de la législation professionnelle, dans les conditions prévues par le premier de ces textes, peut notamment porter sur le caractère professionnel de celle-ci.

La circonstance que la décision lui soit déclarée inopposable, en raison de l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle, ne prive pas d'objet la contestation par l'employeur du caractère professionnel de la rechute.

7. Pour confirmer le bien-fondé de la décision de prise en charge de la rechute litigieuse au titre de la législation professionnelle, l'arrêt retient que l'instance, qui concerne exclusivement les rapports entre l'employeur et la caisse ne peut avoir pour effet de remettre en cause la reconnaissance du caractère professionnel de la rechute telle que retenue par la caisse dans ses rapports avec la victime et ne peut avoir d'incidence dans le cadre du contentieux de la faute inexcusable qui est un contentieux distinct, qu'il y a lieu de confirmer la décision des premiers juges en ce qu'ils ont déclaré inopposable à l'employeur la décision de prise en charge de la rechute dès lors que la reconnaissance de la maladie professionnelle lui avait été initialement déclarée inopposable, et que la reconnaissance de l'inopposabilité de cette décision à l'employeur rend sans objet la contestation sur le fond dans les rapports entre l'employeur et la caisse.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

9. Le moyen unique ne critiquant pas utilement les chefs de dispositif par lesquels la cour d'appel a refusé de surseoir à statuer sur les demandes et a débouté l'employeur de sa demande de dommages-intérêts, la cassation sera limitée aux chefs de dispositif par lesquels la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il a confirmé la décision de la commission de recours amiable de la caisse et a constaté le bien fondé de la décision de prise en charge de la rechute déclarée par la victime.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Tulle du 17 janvier 2018 en ce qu'il a confirmé la décision de la commission de recours amiable de la caisse et constaté le bien-fondé de la décision de prise en charge de la rechute déclarée par Mme B..., l'arrêt rendu le 11 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Vigneras - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Article R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 ; article 31 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 février 2009, pourvoi n° 08-10.544, Bull. 2009, II, n° 58 (cassation partielle).

2e Civ., 9 juillet 2020, n° 19-16.808, (P)

Cassation partielle

Preuve – Procès-verbaux des contrôleurs de la sécurité sociale – Validité – Prestation de serment – Conditions d'assermentation – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 mars 2019), à la suite d'un contrôle portant sur la période du 1er janvier 2010 au 30 juin 2011, la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (la caisse) a notifié à M. X..., infirmier libéral, un indu correspondant à des anomalies de facturation.

2. L'intéressé a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt d'annuler l'ensemble de la procédure en recouvrement de l'indu, alors « que depuis sa modification par la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, l'article L. 243-9 du code de la sécurité sociale, qui exige qu'« Avant d'entrer en fonctions, les agents de l'organisme chargés du contrôle prêtent, devant le tribunal d'instance, serment de ne rien révéler des secrets de fabrication et en général des procédés et résultats d'exploitation dont ils pourraient prendre connaissance dans l'exercice de leur mission. Toute violation de serment est punie des peines fixées par l'article 226-13 du code pénal. » n'envisage plus le renouvellement périodique de ce serment ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. I... avait prêté serment devant le tribunal d'instance dès le 5 octobre 2009 et ce alors qu'il bénéficiait d'une autorisation provisoire du directeur général de la CNAMTS pour exercer les fonctions d'agent de contrôle ; que la cour d'appel aurait dû en conclure que, lorsqu'il a rencontré M. X..., le 6 septembre 2011, M. I... avait bien la qualité d'agent assermenté et cela même s'il avait à nouveau prêté serment devant le même tribunal le 10 octobre 2011, à la suite de son agrément intervenu le 27 avril 2011 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 243-9 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 114-10, alinéa 1er, et L. 243-9 du code de la sécurité sociale, le premier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, le second, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, applicables au litige, et l'arrêté du 30 juillet 2004 modifié fixant les conditions d'agrément des agents des organismes de sécurité sociale chargés du contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, visés aux articles L. 216-6 et L. 243-9 du code de la sécurité sociale :

4. Selon le premier de ces textes, les directeurs des organismes de sécurité sociale confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Des praticiens conseils peuvent, à ce titre, être assermentés et agréés dans des conditions définies par le même arrêté. Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire.

5. Selon le deuxième, avant d'entrer en fonctions, les agents de l'organisme chargés du contrôle prêtent, devant le tribunal d'instance, serment de ne rien révéler des secrets de fabrication et en général des procédés et résultats d'exploitation dont ils pourraient prendre connaissance dans l'exercice de leur mission.

6. Il découle de ces dispositions que les conditions d'assermentation sont distinctes de celles qui régissent l'agrément des agents chargés du contrôle.

7. Pour accueillir le recours formé par M. X..., l'arrêt relève que le juge d'instance de Marseille a recueilli la prestation de serment de l'agent concerné, M. H., le 5 octobre 2009, au visa d'une autorisation provisoire du directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés donnée trois mois auparavant, le 2 juillet 2009 pour exercer des « fonctions provisoires » d'agent de contrôle. Il ajoute que selon un arrêté du 30 juillet 2004, modifié le 18 décembre 2006, il est fait une distinction entre autorisation provisoire et agrément, que l'autorisation provisoire n'est valable que six mois, renouvelable une fois, qu'en l'espèce, la première autorisation provisoire a été renouvelée avec effet au 1er juillet 2010, donc au bout d'un an, et que l'agrément a été donné le 27 avril 2011 sur une demande d'agrément présentée le 11 avril 2011. Il constate que l'agent a prêté serment, sur la base de cet agrément, six mois plus tard, le 10 octobre 2011, selon procès-verbal établi par le tribunal d'instance versé aux débats.

L'arrêt retient que cette chronologie traduit soit une discontinuité dans les fonctions réelles de l'intéressé, soit le peu de sérieux de la gestion administrative des agents chargés du contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, visés aux articles L. 216-6 et L. 243-9 du code de la sécurité sociale. Il ajoute qu'à la date de l'entretien avec M. X..., si M. H. bénéficiait bien d'un agrément depuis le 27 avril 2011, il n'avait pas encore prêté serment au visa de cet agrément, alors que cette assermentation est une condition essentielle de la validité des enquêtes faites par les agents de la caisse.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que l'agent concerné avait prêté serment le 5 octobre 2009, de sorte qu'il était régulièrement assermenté au moment du contrôle de la situation de M. X..., la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Marseille ayant déclaré recevable en la forme le recours de M. X..., l'arrêt rendu le 22 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties, sauf sur ce point, dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Renault-Malignac - Avocat général : Mme Ceccaldi - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux ; SCP Gaschignard -

Textes visés :

Articles L. 114-10, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, et L. 243-9 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003.

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