Numéro 7 - Juillet 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2020

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 8 juillet 2020, n° 19-10.987, (P)

Rejet

Comité d'entreprise – Attributions – Attributions consultatives – Organisations, gestion et marche générale de l'entreprise – Avis du comité – Formulation – Délai – Délai légal – Modification – Conditions – Conclusion d'un accord – Modalités – Détermination – Portée

Selon l'article R. 2323-1-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, le comité d'entreprise dispose d'un délai d'un mois, porté à deux mois en cas d'intervention d'un expert, pour donner un avis motivé dans le cadre d'une consultation faite par l'employeur.

Le délai court à compter de la date à laquelle le comité d'entreprise a reçu une information le mettant en mesure d'apprécier l'importance de l'opération envisagée et de saisir le président du tribunal de grande instance s'il estime que l'information communiquée est insuffisante.

Un accord collectif de droit commun ou un accord entre le comité d'entreprise et l'employeur peut cependant fixer d'autres délais que ceux prévus à l'article R. 2323-1-1 précité, les prolonger, ou modifier leur point de départ.

Comité d'entreprise – Attributions – Attributions consultatives – Organisations, gestion et marche générale de l'entreprise – Avis du comité – Formulation – Délai – Point de départ – Point de départ légal – Modification – Conditions – Conclusion d'un accord – Modalités – Détermination – Portée

Comité d'entreprise – Attributions – Attributions consultatives – Organisation, gestion et marche générale de l'entreprise – Avis du comité – Formulation – Délai – Point de départ – Détermination – Remise de documents d'information – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 janvier 2019), statuant en la forme des référés, le comité d'entreprise de la société Lur Berri (la société) a, lors de sa séance du 27 octobre 2016, désigné un expert comptable pour l'assister dans le cadre des consultations annuelles obligatoires notamment sur la situation économique et financière et la politique sociale de l'entreprise.

2. Invoquant le dépassement par l'expert des délais impartis pour l'exercice de sa mission, la société a saisi le président du tribunal de grande instance pour voir dire que les honoraires réclamés par l'expert n'étaient pas dûs.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

La société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement des honoraires réclamés par l'expert, alors :

« 1°/ qu'à l'expiration des délais mentionnés par les articles L. 2323-3 et R. 2323-1-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable à l'espèce, le comité d'entreprise est réputé avoir rendu un avis négatif sur le projet qui lui est soumis de sorte que l'expert-comptable qui n'a pas rendu son rapport à cette date ne peut plus solliciter le paiement d'honoraires ; que le délai imparti au comité d'entreprise pour rendre son avis dans le cadre des consultations annuelles obligatoires sur la situation économique et financière de l'entreprise et sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi court dès lors que le comité a désigné un expert afin de l'assister sur ces consultations, le comité étant en mesure de saisir le président du tribunal de grande instance s'il estime que l'information dont il dispose à cette fin est insuffisante ; qu'en l'espèce, lors de sa réunion du 27 octobre 2016, le comité d'entreprise a désigné la société Syndex pour l'assister en vue des consultations annuelles obligatoires prévues en 2016 sur la situation économique et financière de l'entreprise et sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi ; qu'en jugeant que le délai de deux mois imparti au comité d'entreprise pour rendre son avis n'avait pas couru à compter du 27 octobre 2016 au prétexte inopérant que les informations utiles n'avaient pas été communiquées à cette date, que tout en contestant le montant des honoraires de l'expert-comptable, la société Lur Berri avait alimenté la banque de données et fourni des informations directement à Syndex pour lui permettre de diligenter sa mission sans formuler d'opposition, que la société Lur Berri ne démontrait pas avoir convoqué le comité d'entreprise pour recueillir son avis sur la situation économique et financière à une réunion fixée avant le 23 mars 2017 ni avoir convoqué le comité d'entreprise pour le consulter sur la politique sociale à une réunion fixée avant le 31 décembre 2016 ou le 16 janvier 2017 et que d'une manière générale, la société ne démontrait pas avoir convoqué le comité d'entreprise à une réunion ayant pour objet de recueillir son avis sur la politique sociale et la situation économique et financière avant celle du 27 avril 2017, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article L. 2323-4 du code du travail ;

2°/ que le délai imparti au comité d'entreprise pour rendre son avis dans le cadre des consultations annuelles obligatoires sur la situation économique et financière de l'entreprise et sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi, d'une durée de deux mois lorsque le comité a fait appel à un expert, court dès lors que l'employeur a fourni des informations destinées à ces consultations, le comité ou l'expert étant en mesure de saisir le président du tribunal de grande instance s'il estime que l'information dont il dispose à cette fin est insuffisante ; qu'en l'espèce, lors de sa réunion du 27 octobre 2016, le comité d'entreprise a désigné la société Syndex pour l'assister en vue des consultations annuelles obligatoires prévues en 2016 sur la situation économique et financière de l'entreprise et sur la politique sociale, les conditions de travail et l'emploi ; qu'il résulte de l'arrêt que la société Lur Berri a transmis au comité et/ou à l'expert des informations relatives à ces consultations dès le 31 décembre 2016 ; qu'en jugeant cependant que la société Lur Berri ne pouvait opposer à l'expert l'expiration du délai de deux mois imparti au comité d'entreprise pour rendre son avis au prétexte inopérant qu'elle avait continué à fournir d'autres informations en janvier 2017 sans considérer les demandes de l'expert comme illégitimes ou tardives, que la société Lur Berri ne démontrait pas avoir convoqué le comité d'entreprise pour recueillir son avis sur la situation économique et financière à une réunion fixée avant le 23 mars 2017 ni avoir convoqué le comité d'entreprise pour le consulter sur la politique sociale à une réunion fixée avant le 31 décembre 2016 ou le 16 janvier 2017 et que d'une manière générale, la société ne démontrait pas avoir convoqué le comité d'entreprise à une réunion ayant pour objet de recueillir son avis sur la politique sociale et la situation économique et financière avant celle du 27 avril 2017, la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article L. 2323-4 du code du travail ;

3°/ qu'il résulte des articles L. 2323-3 et R. 2323-1 du code du travail que seul un accord conclu entre l'employeur et le comité d'entreprise, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, peut allonger le délai à l'expiration duquel le comité d'entreprise est réputé avoir rendu son avis ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que tout en contestant le montant des honoraires de l'expert-comptable, la société Lur Berri avait alimenté la banque de données et fournit des informations directement à Syndex pour lui permettre de diligenter sa mission sans formuler d'opposition, que le procès-verbal de réunion du comité d'entreprise du 26 janvier 2017 retraçait l'existence d'un vif débat entre les élus et la direction mais qu'à aucun moment, la société Lur Berri n'avait relevé que les délais étaient expirés pour la mission relative à la politique sociale, qu'à l'occasion de la réunion du comité d'entreprise du 16 février 2017, un nouvel échange avait opposé les élus à la direction sur le périmètre et les honoraires de la mission de Syndex et que c'était à ce moment que l'entreprise pour la première fois avait fait état de la tardiveté de l'intervention de Syndex, que toutefois, l'entreprise n'en avait tiré aucune conséquence puisqu'elle avait mis à l'ordre du jour du comité d'entreprise du 27 avril 2017 la restitution par Syndex de ses travaux sur la situation économique et financière, la politique sociale et la remise des avis du comité d'entreprise, et que la direction et les élus avaient ainsi accepté de considérer que les délais de consultation n'étaient pas expirés, quand, en l'absence de vote dans les conditions précitées, l'expert ne pouvait se prévaloir de la tenue de réunions du comité d'entreprise postérieures pour établir que le délai de deux mois aurait été prolongé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

4°/ qu'il est interdit au juge de dénaturer les documents soumis à son examen ; qu'en l'espèce, la société Lur Berri et les autres sociétés de l'UES, soutenant avoir convoqué le comité d'entreprise le 2 novembre 2016 et l'avoir consulté le 10 novembre suivant sur la politique sociale, produisaient une convocation du comité d'entreprise en date du 2 novembre 2016 pour une réunion du 10 novembre suivant, ayant pour objet ''la consultation annuelle sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi'' ; qu'en affirmant que la société Lur Berri ne démontrait pas avoir convoqué le comité d'entreprise à une réunion ayant pour objet de recueillir son avis sur la politique sociale fixée avant le 31 décembre 2016 ou le 16 janvier 2017 et même avant la réunion du 27 avril 2017, la cour d'appel a dénaturé cette pièce par omission en violation du principe susvisé. »

Réponse de la Cour

3. Aux termes de l'article L. 2323-3 du code du travail alors applicable, sauf dispositions législatives spéciales, l'accord défini à l'article L. 2323-7 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité d'entreprise ou, le cas échéant, le comité central d'entreprise, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité d'entreprise ou, le cas échéant, du comité central d'entreprise sont rendus dans le cadre des consultations prévues aux articles L. 2323-10, L. 2323-12, L. 2323-15 et L. 3121-28 à L. 3121-39, ainsi qu'aux consultations ponctuelles prévues à la présente section. Ces délais, qui ne peuvent être inférieurs à quinze jours, doivent permettre au comité d'entreprise ou, le cas échéant, au comité central d'entreprise d'exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l'importance des questions qui lui sont soumises et, le cas échéant, de l'information et de la consultation du ou des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

4. Selon l'article R. 2323-1-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, le comité d'entreprise dispose d'un délai d'un mois, porté à deux mois en cas d'intervention d'un expert, pour donner un avis motivé dans le cadre d'une consultation faite par l'employeur.

5. Le délai court à compter de la date à laquelle le comité d'entreprise a reçu une information le mettant en mesure d'apprécier l'importance de l'opération envisagée et de saisir le président du tribunal de grande instance s'il estime que l'information communiquée est insuffisante.

6. Un accord collectif de droit commun ou un accord entre le comité d'entreprise et l'employeur peut cependant fixer d'autres délais que ceux prévus à l'article R. 2323-1-1 précité, les prolonger, ou modifier leur point de départ.

7. En l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, qu'à la suite d'échanges avec le comité d'entreprise et le cabinet d'expertise, l'employeur a abondé la base de données économiques et sociales le 23 janvier 2017, provoqué une réunion extraordinaire du comité d'entreprise le 16 février 2017 pour discuter du périmètre et du coût de l'expertise puis fixé, conjointement avec le secrétaire du comité d'entreprise, au 27 avril 2017 la date de restitution des travaux d'expertise et de remise des avis du comité d'entreprise.

8. La cour d'appel a pu déduire de ses constatations que les délais de consultation du comité d'entreprise, et par conséquent de l'expertise, avaient d'un commun accord été prolongés jusqu'au 27 avril 2017 de sorte que le rapport d'expertise remis avant cette date n'avait pas été déposé hors délai.

9. Le moyen n'est donc pas fondé

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article R. 2323-1-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

Rapprochement(s) :

Sur le délai dont dispose le comité d'entreprise pour donner son avis dans le cadre de ses attributions consultatives, à rapprocher : Soc., 26 février 2020, pourvoi n° 18-22.759, Bull. 2020, (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 8 juillet 2020, n° 19-11.918, n° 19-60.107, (P)

Rejet

Comité social et économique – Mise en place – Mise en place au niveau de l'entreprise – Détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts – Modalités – Accord collectif – Défaut – Décision de l'employeur – Contestation – Saisine de l'autorité administrative – Décision de l'autorité administrative – Recours – Tribunal d'instance – Pouvoirs – Etendue – Détermination – Portée

Il résulte de l'article L. 2313-5 du code du travail que, lorsqu'il est saisi de contestations de la décision de l'autorité administrative quant à la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts, il appartient au juge de se prononcer sur la légalité de cette décision au regard de l'ensemble des circonstances de fait dont il est justifié à la date de la décision administrative et, en cas d'annulation de cette dernière décision, de statuer à nouveau, en fixant ce nombre et ce périmètre d'après l'ensemble des circonstances de fait à la date où le juge statue.

Vu leur connexité, joint les pourvois n° 19-60.107 et 19-11.918 ;

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Lagny-sur-Marne, 29 janvier 2019), que, à la suite de l'échec des négociations avec les organisations syndicales représentatives pour la détermination du nombre et des périmètres des établissements distincts de la société Conforama France, cette entreprise a, par une décision unilatérale du 7 septembre 2018, fixé ce nombre à vingt et délimité le périmètre de ces établissements ; que, par des décisions implicites et par une décision du 26 novembre 2018, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France (le Direccte) a rejeté les recours formés contre cette décision unilatérale ; que le tribunal a accueilli la contestation formée contre la décision du Direccte et fixé, dans des termes identiques à la décision unilatérale de l'employeur, le nombre et le périmètre des établissements de l'entreprise ;

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième à neuvième branches, du pourvoi n° 19-11.918, le premier moyen, le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, du pourvoi n° 19-60.107, qui est recevable :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens, ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° 19-60.107 et sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi n° 19-11.918 :

Attendu que les organisations syndicales font grief au jugement de fixer le nombre et le périmètre des établissements distincts de la société de la façon suivante : seize établissements distincts pour le réseau commercial de magasins sous enseigne Conforama correspondant au périmètre de chacune des directions régionales de la direction de l'exploitation, un établissement distinct correspondant au périmètre des quatre magasins du site logistique de Saint-Georges-d'Esperanche, un établissement distinct correspondant au périmètre du centre national de service après-vente de Compiègne auquel sont rattachés les centres fermés sans activité, un établissement distinct correspondant au périmètre du siège social, alors, selon le moyen :

1°/ que selon l'article L. 2313-4 du code du travail en l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées aux articles L. 2313-2 et L. 2313-3, l'employeur fixe le nombre et le périmètres des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel ; que l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement doit nécessairement être appréciée au regard de l'organisation réelle et effective de l'entreprise au jour de la décision de l'employeur fixant le nombre et le périmètres des établissements distincts ; que, en se fondant, pour juger que le nombre et le périmètre des établissements distincts de la société sont déterminés dans les termes de la décision unilatérale de l'employeur du 7 septembre 2018, sur des délégations de pouvoir établies le 1er octobre 2018, soit postérieurement à ladite décision unilatérale de l'employeur et à sa contestation par les organisations syndicales auprès de la DIRECCTE en septembre 2018, quand la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts de l'entreprise ne pouvait avoir été fixée par l'employeur au regard d'une organisation et d'une répartition des compétences qui n'existaient pas au jour de sa décision, le tribunal a violé l'article L. 2313-4 du code du travail ;

2°/ que la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts doit prioritairement intervenir par accord collectif loyalement négocié ; que ce n'est qu'à défaut d'accord d'entreprise que l'employeur, puis, en cas de contestation, l'administration et le cas échéant le juge, fixent le nombre et le périmètre des établissements distincts ; qu'en l'espèce, il est constant que la dernière réunion de négociation est intervenue le 28 août 2018 et que la décision unilatérale de l'employeur a été prise le 7 septembre 2018 ; qu'il est tout aussi constant et non contesté que, durant cette période, les partenaires sociaux ont négocié le nombre et le périmètre des établissements distincts selon une organisation de l'entreprise dans laquelle les directeurs de magasins disposaient de larges délégations de pouvoirs en matière de gestion du personnel [« embauches, sanctions y compris licenciement du personnel cadre de votre magasin »] et d'exécution du service ; qu'il est constaté que les délégations de pouvoir des directeurs de magasin ont été réduites par nouvelles délégations du 1er octobre 2018, soit postérieurement à la clôture de la négociation ; qu'en jugeant qu'il lui appartenait d'apprécier « le découpage des établissements distincts au regard de l'organisation actuelle de la société, même si cette organisation a connu des modifications récentes », quand il ne pouvait statuer sur une situation de l'entreprise qui était méconnue des organisations syndicales et qui n'a pas été prise en compte lors des négociations, sauf à vider de toute substance la priorité donnée à l'accord collectif pour la mise en place des établissements distincts, le tribunal a violé les articles L. 2313-2, L. 2313-4 et L. 2313-5 code du travail, ensemble le principe de loyauté de la négociation collective ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 2313-5 du code du travail que, lorsqu'il est saisi de contestations de la décision de l'autorité administrative quant à la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts, il appartient au juge de se prononcer sur la légalité de cette décision au regard de l'ensemble des circonstances de fait dont il est justifié à la date de la décision administrative et, en cas d'annulation de cette dernière décision, de statuer à nouveau, en fixant ce nombre et ce périmètre d'après l'ensemble des circonstances de fait à la date où le juge statue ;

Et attendu que, après avoir accueilli la contestation de la décision explicite de rejet de l'autorité administrative du 26 novembre 2018, le tribunal d'instance, statuant à nouveau, a constaté que les délégations de pouvoir établies le 1er octobre 2018 pour les directeurs de magasin mentionnent uniquement l'application de la réglementation en matière de gestion individuelle du personnel, que ne sont donc plus déléguées aux directeurs de magasin les compétences relatives aux procédures disciplinaires, y compris les licenciements, et à la procédure d'embauche, que le processus de recrutement en place depuis le mois d'avril 2016 est tel que ces directeurs ne jouissent plus que d'un pouvoir de proposition d'embauche, la décision relevant des directions régionales et nationales, que, depuis le mois de juillet 2018, ces directeurs sont privés de tout pouvoir de prononcer des sanctions autres que des rappels à l'ordre et des avertissements, les sanctions les plus graves ressortant, in fine, au niveau supérieur, en sorte que, le recrutement et les procédures disciplinaires relevant de la compétence des services des ressources humaines régionaux ou nationaux, il n'existe pas à l'échelon des magasins une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel pour retenir que chaque magasin constitue un établissement distinct ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 2313-5 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'office du juge en cas de contestation de la décision de l'autorité administrative quant à la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts, à rapprocher : Soc., 19 décembre 2018, pourvoi n° 18-23.655, Bull. 2018, (1) (rejet).

Soc., 8 juillet 2020, n° 19-14.605, (P)

Rejet

Délégué syndical – Désignation – Conditions – Candidat ayant obtenu 10 % des voix – Exception – Cas – Détermination

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Foix, 22 mars 2019), le 11 février 2019, le syndicat UD CGT de l'Ariège (le syndicat) a notifié à la société Vandemoortele bakery products France (la société) la désignation de M. G..., simple adhérent, en qualité de délégué syndical au sein de l'établissement du Fossat, en remplacement de M. Y....

2. Invoquant la présence au sein de l‘établissement de candidats lors des dernières élections professionnelles, la société a saisi le tribunal d'instance afin d'obtenir l'annulation de cette désignation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief au jugement de la débouter de sa demande d'annulation de la désignation de M. G... en qualité de délégué syndical sur le site du Fossat, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article L. 2141-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-2017 du 29 mars 2018, applicable au litige, que l'organisation syndicale représentative, qui ne peut désigner comme délégué syndical un candidat ayant recueilli à titre personnel au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections, soit parce qu'aucun des candidats qu'elle a présentés ne remplit cette condition, soit parce que l'« ensemble des élus » remplissant cette condition ont renoncé par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, doit désigner par priorité un délégué syndical « parmi les autres candidats » et que ce n'est qu'à défaut de pouvoir procéder à une telle désignation, que l'organisation peut procéder à la désignation d'un adhérent ou d'un ancien élu ; qu'il en résulte que ce n'est qu'à défaut d'autres candidats susceptibles d'être désignés que le syndicat peut désigner comme délégué syndical un de ses adhérents dans l'entreprise ; qu'au cas présent, la société Vandemoortele Bakery Products France faisait valoir qu'il existait plusieurs candidats, dont MM. D..., S... et P..., qui avaient été élus et n'avaient manifestement pas renoncé à être désignés délégué syndical, de sorte que le syndicat CGT ne pouvait prétendre nommer un adhérent qui ne s'était pas porté candidat aux élections ; qu'en jugeant le contraire, au motif inopérant que les candidats n'ayant pas renoncé à être désignés délégué syndical n'appartenaient pas au syndicat CGT, le tribunal d'instance a violé le texte susvisé ;

2°/ que les prérogatives légales sont conférées au délégué syndical non pas dans l'intérêt du syndicat représentatif qui l'a désigné, mais dans celui de l'ensemble des salariés de l'entreprise ou de l'établissement ; qu'en énonçant, pour débouter l'employeur de sa demande d'annulation comme délégué syndical d'un adhérent du syndicat qui ne s'était pas présenté aux dernières élections professionnelles, que « le délégué syndical n'est pas une institution représentative du personnel à proprement parler, mais un représentant du syndicat qu'il a désigné », le tribunal d'instance a violé par fausse application les articles L. 2121-1, L. 2122-1 et L. 2143-1 du code du travail ;

3°/ qu'en toute hypothèse, en cas de renonciation de l'ensemble des élus présentés par l'organisation syndicale, cette dernière ne peut procéder à la désignation d'un adhérent au sein de l'établissement ou de l'entreprise qu'à défaut d'autres candidats aux élections susceptibles d'être désignés ; que le texte ne prévoit aucune faculté de désigner un simple adhérent en cas de renonciation de l'ensemble des candidats ; qu'au cas présent, la société exposante faisait valoir, sans être contredite, que le syndicat CGT disposait de candidats non élus, de sorte qu'il ne pouvait prétendre désigner un adhérent qui ne s'était pas présenté aux dernières élections ; qu'en refusant d'annuler la désignation au motif que l'ensemble des candidats, même ceux qui n'avaient pas été élus, avaient renoncé à être désignés, le tribunal d'instance a violé l'article L. 2143-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. L'article L. 2143-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, fait obligation au syndicat représentatif qui désigne un délégué syndical de le choisir parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique.

Aux termes du deuxième alinéa de ce texte, si aucun des candidats présentés par l'organisation syndicale aux élections professionnelles ne remplit les conditions mentionnées au premier alinéa de ce texte, ou s'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit ces conditions, ou si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33.

5. S'agissant de l'article L. 2143-3, alinéa 2, du code du travail, tel qu'issu de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, qui disposait « S'il ne reste, dans l'entreprise ou l'établissement, plus aucun candidat aux élections professionnelles qui remplit les conditions mentionnées au premier alinéa, une organisation syndicale représentative peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement », la Cour, après consultation de l'ensemble des organisations syndicales représentatives de salariés et d'employeurs, a décidé que cette obligation n'a pas pour objet ou pour effet de priver l'organisation syndicale du droit de disposer du nombre de représentants syndicaux prévus par le code du travail ou les accords collectifs dès lors qu'elle a présenté des candidats à ces élections dans le périmètre de désignation. Elle en avait déduit que s'il n'est pas exclu qu'un syndicat représentatif puisse désigner un salarié candidat sur la liste d'un autre syndicat qui a obtenu au moins 10 % des voix et qui l'accepte librement, l'article L. 2143-3 du code du travail n'exige pas de l'organisation syndicale qu'elle propose, préalablement à la désignation d'un délégué syndical en application de l'alinéa 2 de cet article, à l'ensemble des candidats ayant obtenu au moins 10 %, toutes listes syndicales confondues, d'être désigné délégué syndical (Soc., 27 février 2013, pourvoi n° 12-15.807, Bull. 2013, V, n° 65).

6. Par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, le législateur a entendu éviter l'absence de délégué syndical dans les entreprises.

7. Il en résulte qu'il y a lieu à nouveau de juger que, s'il n'est pas exclu qu'un syndicat puisse désigner un salarié candidat sur la liste d'un autre syndicat, qui a obtenu au moins 10 % des voix et qui l'accepte librement, l'article L. 2143-3 du code du travail n'exige pas de l'organisation syndicale qu'elle propose, préalablement à la désignation d'un délégué syndical en application de l'alinéa 2 de l'article précité, à l'ensemble des candidats ayant obtenu au moins 10 %, toutes listes syndicales confondues, d'être désigné délégué syndical.

8. Par ailleurs, eu égard aux travaux préparatoires à la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, la mention du même texte selon laquelle « si l'ensemble des élus qui remplissent les conditions mentionnées audit premier alinéa renoncent par écrit à leur droit d'être désigné délégué syndical, le syndicat peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant atteint la limite de durée d'exercice du mandat au comité social et économique fixée au deuxième alinéa de l'article L. 2314-33 », doit être interprétée en ce sens que lorsque tous les élus ou tous les candidats qu'elle a présentés aux dernières élections professionnelles ont renoncé à être désignés délégué syndical, l'organisation syndicale peut désigner comme délégué syndical l'un de ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou l'un de ses anciens élus ayant atteint la limite de trois mandats successifs au comité social et économique.

9. Dès lors, ayant constaté que M. Y..., précédent délégué syndical désigné par le syndicat, avait démissionné de ses fonctions et que les autres candidats de la liste du syndicat avaient renoncé à exercer les fonctions de délégué syndical sur le site du [...], le tribunal en a déduit à bon droit que le syndicat avait valablement désigné l'un de ses adhérents, M. G..., en qualité de délégué syndical de l'établissement.

10. Le moyen, inopérant en sa deuxième branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 2143-3, alinéa 2, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de mise en oeuvre du 2ème alinéa de l'article L. 2143-3 du code du travail, à rapprocher : Soc., 27 février 2013, pourvoi n° 12-18.828, Bull. 2013, V, n° 67 (rejet), et les arrêts cités.

Soc., 8 juillet 2020, n° 19-10.534, (P)

Rejet

Règles communes – Contrat de travail – Licenciement – Mesures spéciales – Autorisation administrative – Annulation par l'autorité administrative – Caractère définitif – Conditions – Détermination – Portée

Une décision d'annulation d'une autorisation administrative devient définitive lorsqu'il n'a pas été formé de recours dans les délais, ou lorsqu'aucune voie de recours ordinaire ne peut plus être exercée à son encontre. Le fait qu'après l'annulation par une décision définitive de l'autorisation administrative de licenciement, l'employeur puisse reprendre la procédure de licenciement pour les mêmes faits et demander une nouvelle autorisation de licenciement est sans emport sur le caractère définitif de la décision d'annulation de la première décision d'autorisation et sur l'application des dispositions de l'article L. 2422-4 du code du travail.

Règles communes – Contrat de travail – Licenciement – Mesures spéciales – Autorisation administrative – Annulation par l'autorité administrative – Préjudice – Réparation – Condition

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 14 décembre 2018), M. L..., salarié de la société Bongard depuis mars 2000, et titulaire de divers mandats représentatifs depuis 2002, a été licencié pour faute grave le 9 août 2012, après obtention d'une autorisation préalable de licenciement datée du 7 août 2012.

L'autorisation administrative a été annulée par la cour administrative d'appel le 23 juin 2015, et le pourvoi formé sur cette décision a été déclaré irrecevable par le Conseil d'Etat.

Le salarié a été réintégré dans ses fonctions le 21 juillet 2015.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de l'indemnité prévue à l'article L. 2422-4 du code du travail en cas d'annulation d'une autorisation administrative de licenciement.

Par ailleurs, l'employeur a repris la procédure de licenciement et obtenu, le 15 février 2016, une autorisation de licenciement du ministre du travail.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme au titre de l'indemnité de l'article L. 2422-4 du code du travail alors :

« 1°/ que l'indemnisation correspondant à la réparation du préjudice subi au cours de la période écoulée entre le licenciement d'un salarié protégé et sa réintégration n'est due que lorsque l'annulation de la décision autorisant le licenciement est devenue définitive ; que tel n'est pas le cas lorsque l'employeur poursuit, à la suite de la réintégration d'un salarié protégé, la procédure de licenciement initialement engagée en considération des mêmes faits ; qu'en l'espèce, la société soutenait que les dispositions de l'article L. 2422-4 du code du travail, prévoyant l'indemnisation du préjudice subi au cours de la période écoulée entre le licenciement du salarié protégé et sa réintégration, n'étaient pas applicables dès lors que, l'employeur ayant repris la même procédure de licenciement à la suite de la réintégration du salarié et cette procédure ayant abouti au licenciement du salarié, il s'agissait d'une seule et même procédure et donc qu'aucune annulation définitive de la dernière décision d'autorisation de licenciement n'était intervenue ; que pour accueillir les demandes indemnitaires formées par le salarié à l'encontre de la société exposante, la cour d'appel a considéré par motifs propres et adoptés que la circonstance que l'employeur ait repris un processus de licenciement du salarié en obtenant une nouvelle autorisation administrative de licenciement à son encontre fondée sur les mêmes faits était sans emport puisqu'elle reposait sur une autre autorisation administrative de licenciement et que la première décision d'autorisation de licenciement du 7 août 2012 était définitive ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 2422-4 du code du travail.

2°/ que l'indemnisation correspondant à la réparation du préjudice subi au cours de la période écoulée entre le licenciement d'un salarié protégé et sa réintégration n'est due que lorsque l'annulation de la décision autorisant le licenciement est devenue définitive ; que tel n'est pas le cas lorsque l'employeur poursuit, à la suite de la réintégration d'un salarié protégé, la procédure de licenciement initialement engagée en considération des mêmes faits ; qu'en l'espèce, pour accueillir les demandes indemnitaires formées par le salarié à l'encontre de la société exposante, la cour d'appel a considéré par motifs propres que l'indemnisation du salarié protégé pour le préjudice subi entre son licenciement et sa réintégration suite à l'annulation de la décision d'autorisation du licenciement, reposait sur le caractère définitif de cette annulation et non sur le fait que son licenciement serait infondé, ce qui pourrait être à nouveau discuté dans le cadre de la nouvelle procédure de licenciement ; que cependant, l'appréciation du caractère définitif de l'annulation de la décision autorisant le licenciement ne pouvait être réalisée indépendamment de la poursuite de la procédure initiale par l'employeur fondée sur les mêmes motifs et de la justification des motifs ayant présidé au licenciement du salarié protégé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 2422-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. En application de l'article L. 2422-4 du code du travail le salarié protégé, licencié après l'obtention d'une autorisation administrative de licenciement ultérieurement annulée, peut demander indemnisation de son préjudice lorsque la décision d'annulation est devenue définitive.

6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation (Soc., 10 décembre 1997, pourvoi n° 94-45.337, Bull. 1997, V, 435) que l'annulation par le juge administratif d'un refus d'autorisation de licencier ne vaut pas autorisation de licencier et une autorisation administrative de licencier délivrée postérieurement à l'annulation par le juge administratif d'une précédente autorisation ne peut avoir pour effet de régulariser a posteriori le licenciement prononcé sur la base de l'autorisation annulée et tenir en échec le droit à réintégration que le salarié tient de l'annulation par le juge administratif de la précédente autorisation.

Par ailleurs, la Cour a déjà jugé (Soc., 2 février 2006, pourvoi n° 05-41.811, Bull. 2006, V, n° 61) que le caractère définitif de la décision administrative privant le licenciement d'un salarié protégé de validité n'a d'effet que sur l'exigibilité du paiement de l'indemnité prévue à l'article L. 412-19 du code du travail destinée à réparer le préjudice subi par le salarié évincé de l'entreprise, qui perdure tant que la réintégration qu'il a demandée ne lui est pas accordée.

7. Une décision d'annulation d'une autorisation administrative devient définitive lorsqu'il n'a pas été formé de recours dans les délais, ou lorsqu'aucune voie de recours ordinaire ne peut plus être exercée à son encontre.

Le fait qu'après l'annulation par une décision définitive de l'autorisation administrative de licenciement, l'employeur puisse reprendre la procédure de licenciement pour les mêmes faits et demander une nouvelle autorisation de licenciement est sans emport sur le caractère définitif de la décision d'annulation de la première décision d'autorisation et sur l'application des dispositions de l'article L. 2422-4 du code du travail.

8.C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel, constatant que le salarié avait été licencié le 9 août 2012 en vertu d'une autorisation administrative ultérieurement annulée par une décision définitive, a fait droit à la demande d'indemnité formée par le salarié en application de l'article L. 2422-4 du code du travail.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 2422-4 du code du travail.

Soc., 8 juillet 2020, n° 17-31.291, n° 18-16.254, (P)

Rejet

Règles communes – Contrat de travail – Licenciement – Mesures spéciales – Inobservation – Indemnisation – Evaluation

Vu leur connexité, joint les pourvois n° 17-31.291 et 18-16.254 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Basse-Terre, 18 septembre 2017 et 5 février 2018), que M. A..., né le [...], salarié de la société Socotec Antilles Guyane (la société) depuis 1995, a exercé divers mandats représentatifs à compter de 1999 ; que la société a demandé l'autorisation de le licencier pour motif économique, autorisation refusée par l'inspecteur du travail le 2 février 2011 ; que le 23 septembre 2011, le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail et fait droit à la demande d'autorisation de licenciement ; que la société a licencié le salarié le 13 octobre 2011 ; que le salarié a fait liquider ses droits à la retraite le 1er février 2012 ; que, le 9 janvier 2014, le tribunal administratif a annulé la décision d'autorisation du ministre du travail ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de réintégration, ainsi que de demandes en paiement de diverses sommes ; que la cour d'appel a, par arrêt du 18 septembre 2017, dit n'y avoir lieu à réintégration du salarié, dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et sursis à statuer sur la demande d'indemnisation à ce titre, et, par arrêt du 5 février 2018, condamné l'employeur à verser une certaine somme à ce titre ;

Sur les premier et second moyens du pourvoi du salarié n° 17-31.291, le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur n° 18-16.254, et les première et deuxième branches du moyen unique du pourvoi principal du salarié n° 18-16.254 :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur la troisième branche du moyen unique du pourvoi principal du salarié n° 18-16.254 :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt du 5 février 2018 de le débouter de sa demande de voir juger nul son licenciement en raison de la violation d'une liberté fondamentale et de sa demande de condamnation de la société à lui payer une certaine somme à titre d'indemnités de salaire pour la période du 14 janvier 2012 au 22 mars 2014 alors, selon le moyen qu'en toute hypothèse le départ à la retraite pendant la période d'indemnisation du préjudice subi par le salarié dont l'autorisation de licenciement a été annulée ne fait pas cesser ce préjudice dont la totalité doit être réparée pendant la période déterminée par l'article L. 2422-4 du code du travail, soit entre son licenciement et le délai de deux mois à compter de la notification de la décision d'annulation de l'autorisation administrative de licenciement ; qu'en privant M. A... de sa demande d'indemnisation pour la période 14 janvier 2012 au 22 mars 2014 au motif inopérant qu'il ne peut prétendre cumuler sa pension de retraite avec des salaires qui auraient couru depuis cette date jusqu'au 14 mars 2014 correspondant à l'expiration du délai de deux mois suivant la notification de la décision du tribunal administratif annulant la décision ministérielle du 23 septembre 2011 accordant l'autorisation de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 2422-4 du code du travail ;

Mais attendu que le salarié licencié en vertu d'une autorisation administrative ultérieurement annulée, qui fait valoir ses droits à la retraite, ne peut demander sa réintégration dans l'entreprise, mais peut prétendre, en application de l'article L. 2422-4 du code du travail, à une indemnité égale aux rémunérations qu'il aurait dû percevoir de son éviction jusqu'à l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de la décision d'annulation, sous déduction des pensions de retraite perçues pendant la même période, sauf s'il atteint, avant cette date, l'âge légal de mise à la retraite d'office ;

Et attendu que la cour d'appel, ayant constaté que le salarié avait fait liquider ses droits à la retraite à la suite de son départ de l'entreprise, et qu'il avait atteint le 16 janvier 2014 l'âge de 70 ans, a fixé à bon droit l'indemnité due au titre de l'article L. 2422-4 du code du travail à une somme égale aux rémunérations qu'il aurait dû percevoir de son éviction jusqu'à cette date ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois tant principaux qu'incident.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 2422-4 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'étendue de l'indemnité due au salarié protégé en cas de demande de réintégration suite à un licenciement intervenu en violation du statut protecteur, à rapprocher : Soc., 13 février 2019, pourvoi n° 16-25.764, Bull. 2019, (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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