Numéro 7 - Juillet 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2020

PROTECTION DES CONSOMMATEURS

2e Civ., 2 juillet 2020, n° 19-15.736, (P)

Cassation

Surendettement – Procédure de rétablissement personnel – Procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire – Clôture – Clôture pour insuffisance d'actif – Conditions – Conditions visées à l'article L. 332-9, alinéa 1, in fine, du code de la consommation – Appréciation – Office du juge – Détermination – Portée

Il résulte des articles R. 334-10, devenu R. 742-17, et L. 332-9, alinéa 1, in fine, devenu L. 742-21, du code de la consommation que lorsque la liquidation judiciaire du patrimoine du débiteur n'a pas été prononcée, le juge ne peut prononcer la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif que s'il constate que le débiteur ne possède rien d'autre que des meubles meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle, ou que son actif n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (cour d'appel de Versailles, 28 février 2019) et les productions, le juge d'un tribunal d'instance a, par jugement du 10 décembre 2015, prononcé l'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire au profit de Mme J... et désigné un mandataire.

2. Après le dépôt par ce dernier du bilan économique et social, le juge a, par jugement du 29 mai 2017, arrêté les créances et prononcé la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif.

3. L'un des créanciers, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Nord de France (la banque), a interjeté appel de ce jugement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de prononcer la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure de rétablissement personnel ouverte au profit de Mme J... et de dire que la clôture pour insuffisance d'actif entraînait en conséquence l'effacement de la dette envers elle pour un montant de 175 199,76 euros, bénéficiant d'une hypothèque conventionnelle publiée le 6 juin 2007 alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis que le jugement rendu le 10 décembre 2015 par le tribunal d'instance d'Asnières-sur-Seine avait, dans son dispositif (p. 3, in fine, à p. 4, in limine), « prononc[é] l'ouverture d'une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire au bénéfice de madame V... J... » et « désign[é] la SELARL [...] (...) en qualité de mandataire, avec pour mission :

- de procéder aux mesures de publicité destinées à recenser les créanciers, / - de recevoir leurs déclarations de créances dans un délai de deux mois à compter de la publicité du jugement d'ouverture (...), / - de dresser un bilan de la situation économique et sociale de la débitrice, / - de vérifier les créances et d'évaluer les éléments d'actif et de passif » que, par ce jugement, le tribunal d'instance n'avait donc pas prononcé – et n'aurait du reste pu légalement prononcer – la liquidation judiciaire du patrimoine personnel de madame J..., ni désigné un liquidateur pour y procéder qu'en énonçant pourtant, pour retenir qu'eu égard à l'autorité de la chose jugée, la CRCAM Nord de France n'était pas recevable à demander le prononcé de la liquidation judiciaire du patrimoine de Mme J... et la désignation d'un liquidateur puis prononcer la clôture pour insuffisance d'actif, que le jugement en date du 10 décembre 2015, devenu irrévocable, avait d'ores et déjà pris ces décisions, c'est-à-dire prononcé la liquidation et désigné un liquidateur, la cour d'appel a méconnu l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ».

Réponse de la Cour

Vu l'interdiction faite au juge de dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

5. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient qu'eu égard à l'autorité de la chose jugée, la banque est irrecevable à demander à la cour d'appel de prononcer la liquidation judiciaire du patrimoine personnel de Mme J... et de désigner un liquidateur puisque ces décisions ont été prises par le jugement en date du 10 décembre 2015 et aujourd'hui définitif.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des productions qu'aux termes de ce jugement, le juge avait prononcé l'ouverture de la procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire et désigné un mandataire avec mission de recenser les créanciers et recevoir leurs déclarations de créances, dresser un bilan de la situation économique et sociale de la débitrice, vérifier les créances et évaluer les éléments d'actif et de passif, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

7. La banque fait encore grief à l'arrêt de prononcer la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure de rétablissement personnel ouverte au profit de Mme J... et de dire que la clôture pour insuffisance d'actif entraînait en conséquence l'effacement de la dette envers elle pour un montant de 175 199,76 euros, bénéficiant d'une hypothèque conventionnelle publiée le 6 juin 2007, alors « que lorsque la liquidation judiciaire du patrimoine du débiteur n'a pas été prononcée, le juge ne peut valablement prononcer la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif que s'il constate que le débiteur ne possède rien d'autre que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle, ou que son actif n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale, et ne peut par conséquent se prononcer valablement au regard de considérations liées à l'insuffisance de l'actif réalisable pour désintéresser les créanciers que, pour prononcer la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure de rétablissement personnel ouverte à l'encontre de madame J..., la cour d'appel a retenu que l'actif de cette dernière ne serait pas suffisant à désintéresser les créanciers qu'en prononçant ainsi la clôture de la procédure de rétablissement personnel par des considérations tirées de l'insuffisance de l'actif réalisable pour désintéresser les créanciers, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article R. 334-40 du code de la consommation, devenu l'article R. 742-17 du même code, ensemble l'article L. 332-9 du code de la consommation, devenu l'article L. 742-21 du même code ».

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 334-10, devenu R. 742-17, et L. 332-9, alinéa 1, in fine, devenu L. 742-21 du code de la consommation :

8. Il résulte de ces textes que lorsque la liquidation judiciaire du patrimoine du débiteur n'a pas été prononcée, le juge ne peut prononcer la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d'actif que s'il constate que le débiteur ne possède rien d'autre que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle, ou que son actif n'est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.

9. Pour confirmer le jugement, l'arrêt relève, d'une part, par motifs adoptés, que les créanciers avaient déclaré leurs créances pour un montant total de 220 792 euros dont 175 199,76 euros par la banque, que Mme J... avait acquis, en l'état futur d'achèvement, un appartement situé dans le Gers financé en totalité par le prêt consenti par la banque, qu'elle ne s'est pas opposée à la vente du bien, que sur une action engagée par un certain nombre d'investisseurs, dont Mme J..., pour défaut de conseil, la banque et la société de courtage en crédits immobiliers avaient été condamnées in solidum à payer à Mme J... la somme principale de 80 000 euros, et retient, d'autre part, par motifs propres, que le premier juge a constaté l'insuffisance des actifs pour désintéresser les créanciers et que la banque ne rapporte pas la preuve qu'il existerait suffisamment d'actifs pour désintéresser les créanciers de la procédure.

10. En se déterminant ainsi, sans constater, alors que la liquidation judiciaire du patrimoine de Mme J... n'avait pas été prononcée, que celle-ci se trouvait dans la situation définie à la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 332-9 du code de la consommation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Articles R. 334-10, devenu R. 742-17, et L. 332-9, alinéa 1, in fine, devenu L. 742-21, du code de la consommation.

2e Civ., 2 juillet 2020, n° 18-26.213, (P)

Rejet

Surendettement – Procédure – Demande d'ouverture – Recevabilité – Conditions – Bonne foi – Absence – Appréciation souveraine

En matière de surendettement, l'appréciation de la bonne foi du débiteur relève du pouvoir souverain du juge du fond.

Ayant relevé que la débitrice ne justifiait d'aucun revenu et d'aucune recherche d'emploi, stage ou reconversion, qu'elle avait été condamnée pénalement pour des infractions qui étaient à l'origine d'au moins la moitié de son endettement et par diverses décisions commerciales pour ses engagements de caution, ces actes délictueux étant directement à l'origine de la totalité de son endettement, c'est sans encourir les griefs du moyen que le juge du tribunal d'instance en a déduit, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, l'absence de bonne foi de la débitrice.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (juge du tribunal d'instance de Martigues, 19 octobre 2018), rendu en dernier ressort, deux créanciers, dont la société CNH Industrial Financial Services, ont chacun formé un recours contre la décision d'une commission de surendettement ayant déclaré recevable la demande de Mme N... tendant au traitement de sa situation financière.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. Mme N... fait grief au jugement de la déclarer irrecevable à la procédure de surendettement des particuliers alors que « le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi ; que la condition de bonne foi doit être appréciée au vu de l'ensemble des éléments soumis au juge au jour où il statue ; qu'en déduisant la mauvaise foi de la débitrice de ce que son endettement était le produit d'actes délictueux et de ce qu'elle ne justifiait ni d'un emploi ni d'une recherche d'emploi, le tribunal d'instance, qui s'est déterminé par des motifs impropres à caractériser la mauvaise foi, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 711-1 du code de la consommation ».

Réponse de la Cour

4. En matière de surendettement, l'appréciation de la bonne foi du débiteur relève du pouvoir souverain du juge du fond.

5. Ayant relevé que Mme N... ne justifiait d'aucun revenu et d'aucune recherche d'emploi, stage ou reconversion, qu'elle avait été condamnée pénalement pour des infractions qui étaient à l'origine d'au moins la moitié de son endettement et par diverses décisions commerciales pour ses engagements de caution, ces actes délictueux étant directement à l'origine de la totalité de son endettement, c'est sans encourir les griefs du moyen que le juge du tribunal d'instance en a déduit, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, l'absence de bonne foi de la débitrice.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 711-1 du code de la consommation.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.