Numéro 7 - Juillet 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2020

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION

2e Civ., 2 juillet 2020, n° 19-11.417, n° 19-13.636, (P)

Cassation

Mesures d'exécution forcée – Avis à tiers détenteur – Contrat d'assurance vie – Nantissement – Sûreté primant celle du Trésor public

Il résulte de la combinaison des articles 2363 du code civil et L. 132-10 du code des assurances que le créancier bénéficiaire d'un nantissement de contrat d'assurance vie rachetable, qui peut provoquer le rachat, dispose d'un droit exclusif au paiement de la valeur de rachat, excluant ainsi tout concours avec les autres créanciers du souscripteur, même privilégiés.

Viole ces dispositions la cour d'appel qui condamne une société d'assurance, tiers saisi, à verser au comptable public saisissant le montant visé par un avis à tiers détenteur portant sur un contrat d'assurance vie souscrit par le débiteur, alors que ce contrat était nanti au profit d'un tiers.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° C 19-11.417 et Q 19-13.636 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 novembre 2018), le comptable responsable du service des impôts des particuliers de Paris 7e (le comptable public), agissant sur le fondement de titres exécutoires délivrés à l'encontre de M. B..., a notifié le 31 août 2016 entre les mains de la société Cardif assurance vie (l'assureur) un avis à tiers détenteur portant, notamment, sur un contrat rachetable n°305536 souscrit par le débiteur.

3. L'assureur a indiqué qu'il ne pouvait procéder à aucun paiement au titre de ce contrat.

4. Le comptable public a assigné l'assureur devant un juge de l'exécution en paiement des sommes, objet de l'avis à tiers détenteur, sur le fondement de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution.

L'assureur a fait valoir que le contrat en cause avait fait l'objet d'un nantissement le 2 décembre 2012 au profit de la société BNP Paribas (la banque).

5. Par jugement du 21 février 2018, le juge de l'exécution a accueilli la demande formée par le comptable public.

La banque et l'assureur ont formé chacun un pourvoi contre l'arrêt qui a confirmé le jugement.

Examen des moyens

Sur la deuxième branche du moyen du pourvoi Q 19-13.636 et la deuxième branche du moyen pourvoi C 19-11.417, qui sont similaires

Enoncé du moyen

6. L'assureur et la banque font grief à l'arrêt confirmatif attaqué de condamner la société Cardif assurance vie à payer au Service des impôts des particuliers de Paris 7e l'intégralité des fonds versés par M. B... sur le contrat n°... dans la limite de la valeur de rachat des droits à la date de la notification de l'avis à tiers détenteur, ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, alors

« 1°/ que le nantissement du contrat confère au créancier nanti un droit exclusif sur la valeur de rachat ; qu'il en résulte que l'avis à tiers détenteur qui oblige l'assureur à payer le Trésor public « aux lieu et place du redevable », est sans effet attributif lorsque le contrat est donné en nantissement, le redevable ne disposant plus dans son patrimoine des droits qu'il a régulièrement transférés avant la notification de l'avis à tiers détenteur ; qu'en donnant cependant effet à l'avis à tiers détenteur notifié à l'assureur postérieurement à la constitution du nantissement, la cour d'appel a violé l'article 2363 du code civil par refus d'application et l'article 1920 du code général des impôts par fausse application, ensemble les articles L. 211-2 et R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°/ que seul le créancier nanti reçoit valablement le paiement de la créance nantie tant en capital qu'en intérêts ; que la cour d'appel a constaté que M. B... avait donné en nantissement le 2 décembre 2012 à la société BNP Paribas les créances qu'il détenait contre la société Cardif assurance vie au titre du contrat d'assurance vie n°... ; qu'en condamnant la société Cardif assurance vie à verser l'intégralité de la valeur de rachat de ce contrat au Trésor public, au prétexte qu'il bénéficiait d'un privilège mobilier général s'exerçant avant tout autre, la cour d'appel a violé l'article 2363 du code civil, ensemble l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2363 du code civil et l'article L. 132-10 du code des assurances :

7. Il résulte de ces textes que le créancier bénéficiaire d'un nantissement de contrat d'assurance vie rachetable, qui peut provoquer le rachat, dispose d'un droit exclusif au paiement de la valeur de rachat, excluant ainsi tout concours avec les autres créanciers du souscripteur, même privilégiés.

8. Pour condamner l'assureur à verser au comptable public le montant visé par l'avis à tiers détenteur, l'arrêt retient que, s'agissant des contributions directes, le privilège du Trésor, bien que général, doit, en raison de son rang, s'exercer avant tout autre et primer le nantissement de la créance du souscripteur sur l'assureur au profit de la banque, quelle que soit la date à laquelle ce dernier a été constitué et que le comptable peut exercer immédiatement la faculté de rachat, aux lieu et place de la banque ou du souscripteur.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Leroy-Gissinger - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles 2363 du code civil et L. 132-10 du code des assurances.

Ass. plén., 10 juillet 2020, n° 18-18.542, n° 18-21.814, (P)

Renvoi devant la Cour de justice de l'Union européenne

Mesures d'exécution forcée – Saisie-attribution – Effets – Intérêts moratoires – Exclusion – Force majeure – Conditions – Extériorité

Le gel des avoirs d'une personne ou d'une entité qui est frappée par cette mesure en raison de ses activités, ne constitue pas pour elle un cas de force majeure, faute d'extériorité, de sorte que, malgré l'impossibilité où elle se trouve d'exécuter une condamnation au paiement d'une somme d'argent, le cours des intérêts légaux sur cette somme n'est pas suspendu.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° B 18-18.542 et G 18-21.814, qui attaquent le même arrêt, sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 mars 2018) et les productions, par la résolution 1737 (2006) du 23 décembre 2006, le Conseil de sécurité des Nations Unies a décidé que la République islamique d'Iran devait suspendre toutes les activités liées à l'enrichissement et au retraitement ainsi que les travaux sur tous projets liés à l'eau lourde, et prendre certaines mesures prescrites par le Conseil des Gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique, que le Conseil de sécurité des Nations Unies a jugé essentielles pour instaurer la confiance dans le fait que le programme nucléaire iranien poursuivait des fins exclusivement pacifiques. Afin de persuader l'Iran de se conformer à cette décision contraignante, le Conseil de sécurité a décidé que l'ensemble des États membres des Nations Unies devrait appliquer un certain nombre de mesures restrictives. Conformément à la résolution 1737 (2006), la position commune 2007/140/PESC du Conseil du 27 février 2007 a prévu certaines mesures restrictives à l'encontre de l'Iran, et notamment le gel des fonds et des ressources économiques des personnes, des entités et des organismes qui participent, sont directement associés ou apportent un soutien aux activités de l'Iran liées à l'enrichissement, au retraitement ou à l'eau lourde, ou à la mise au point par l'Iran de vecteurs d'armes nucléaires. Ces mesures ont été mises en œuvre dans la Communauté européenne par le règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil du 19 avril 2007.

3. Par la résolution 1747 (2007) du 24 mars 2007, le Conseil de sécurité a identifié la société Bank Sepah (la banque Sepah) comme faisant partie des « entités concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques » de l'Iran auxquelles devait s'appliquer la mesure de gel des avoirs. Cette résolution a été transposée dans le droit communautaire par le règlement (CE) n° 441/2007 de la Commission du 20 avril 2007 modifiant le règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil.

4. Par arrêt du 26 avril 2007, devenu irrévocable, la cour d'appel de Paris a condamné la banque Sepah, ainsi que diverses personnes physiques, à payer à la société Overseas Financial (la société Overseas) la contrevaleur en euros de la somme de 2 500 000 USD, et à la société Oaktree Finance (la société Oaktree) la contrevaleur en euros de la somme de 1 500 000 USD, le tout avec intérêts au taux légal à compter de cet arrêt.

5. Le 17 janvier 2016, le Conseil de sécurité a radié la banque Sepah de la liste des personnes et entités faisant l'objet de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran. Cette décision a été transposée dans le droit de l'Union par le règlement d'exécution (UE) n° 2016/74 du Conseil du 22 janvier 2016, entré en vigueur le 23 janvier 2016.

6. En vertu de l'arrêt du 26 avril 2007, les sociétés Overseas et Oaktree ont, le 17 mai 2016, fait délivrer des commandements de payer aux fins de saisie-vente contre la banque Sepah et, le 5 juillet 2016, fait pratiquer entre les mains de la Société générale des saisies-attributions et des saisies de droits d'associés et valeurs mobilières, au préjudice de la banque Sepah, saisies dénoncées le 8 juillet 2016.

7. Les 13 juin et 15 juillet 2016, la banque Sepah a assigné les sociétés Overseas et Oaktree devant le juge de l'exécution aux fins de contester ces mesures d'exécution forcée.

Les deux procédures ont été jointes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi n° B 18-18.542

Enoncé du moyen

8. La banque Sepah fait grief à l'arrêt de valider les saisies-attributions et saisies de droits d'associés et valeurs mobilières du 5 juillet 2016 pratiquées à la demande des sociétés Overseas et Oaktree entre les mains de la Société générale contre la banque Sepah et dénoncées le 8 juillet 2016 et de rejeter la demande de la banque Sepah tendant à voir constater que la décision du Conseil de sécurité du 24 mars 2007 et le règlement (CE) n° 423/2007 avaient eu pour effet le gel du patrimoine de la banque Sepah, celle tendant à voir dire et juger que le gel du patrimoine avait les effets d'une saisie pénale, celle tendant à voir dire et juger que les mesures d'embargo prononcées à l'encontre de la banque Sepah par décision du règlement (CE) n° 423/2007 caractérisaient un cas de force majeure entraînant suspension des intérêts, celle tendant à voir cantonner le montant des saisies au principal et celle tendant à voir exonérer la banque Sepah de la majoration au taux d'intérêt légal appliquée pour la détermination des intérêts réclamés par les créanciers, alors :

« 1°/ que les intérêts moratoires ne peuvent courir contre le débiteur d'une obligation monétaire qui se trouve temporairement placé dans l'impossibilité absolue d'exécuter de manière licite son obligation ; qu'en l'espèce, la banque Sepah faisait valoir que le Conseil de sécurité de l'ONU avait adopté une résolution 1747(2007) prononçant plusieurs mesures restrictives à l'encontre de la République islamique d'Iran qui incluaient le gel de ses avoirs en tant qu'« entité d'appui de l'Organisation des industries aérospatiales » et de ses émanations, et que des mesures de même nature avaient été adoptées par la Commission européenne dans un règlement n° 441/2007 ; que sans remettre en cause le principe même de sa condamnation, la banque Sepah faisait valoir que du temps où cet embargo était applicable, elle avait été placée dans l'impossibilité absolue d'exécuter l'arrêt du 26 avril 2007 par lequel la cour d'appel de Paris l'avait condamnée à verser aux sociétés Overseas et Oaktree la contrevaleur en euros de 4 000 000 USD « assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision de condamnation », de sorte qu'invoquant la survenance d'un authentique fait du prince, constitutif d'un cas de force majeure, elle faisait valoir que les intérêts moratoires n'avaient pu courir à son encontre sur la période considérée ; qu'en rejetant ce moyen au motif que le règlement (CE) n° 441/2007 de la Commission n'« avait pu, en lui-même, modifier le dispositif de l'arrêt du 26 avril 2007 », cependant que l'invocation par la banque Sepah du régime de gel de ses avoirs et de l'interdiction qui en résultait d'exécuter la condamnation mise à sa charge ne tendait en rien à revenir sur la chose jugée mais seulement à tirer les conséquences d'un cas de force majeure sur les dommages et intérêts moratoires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1153-1 et 1148 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause (devenus les articles 1231-6 et 1218 du code civil) ;

2°/ que l'article 1er du règlement (CE) n° 441/2007 du 20 avril 2007 a étendu à plusieurs entités iraniennes, dont la banque Sepah, les mesures prévues par le règlement (CE) n° 423/2007 du 19 avril 2007 « concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran », lequel, en son article 7, ordonnait le gel de « tous les fonds et ressources économiques » appartenant aux personnes relevant de son champ d'application ; que ce règlement ajoutait qu'il était « interdit de participer sciemment et volontairement à des activités ayant pour objet ou pour effet direct ou indirect de contourner » ces mesures et que celles-ci étaient applicables à toute personne morale, toute entité ou tout organisme, constitué selon le droit d'un Etat membre ainsi qu'à toute opération commerciale réalisée intégralement ou en partie dans la Communauté (article 18) ; qu'en jugeant que le règlement n° 441/2007 s'était limité « à rendre indisponible la créance de la Société générale sur la Bank Sepah » [comprendre : de la banque Sepah sur la Société générale] cependant que ce règlement avait pour effet de rendre indisponible l'ensemble des avoirs déposés par la banque Sepah auprès de dépositaires européens ou présents sur le territoire de la Communauté, et qu'il faisait également obstacle sur ce même territoire à toute opération de paiement à partir de ces avoirs, la cour d'appel a violé l'article 1er du règlement (CE) n° 441/2007, ensemble les articles 7 et 18 du règlement (CE) n° 423/2007 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran ;

3°/ qu'en jugeant qu'elle « n'était pas saisie des conséquences de [l'] indisponibilité [de la créance de la banque Sepah]" sur son correspondant européen, la Société générale, quand la banque Sepah faisait précisément valoir que le gel de ses avoirs par le règlement (CE) n° 441/2007 l'avait empêchée d'exécuter l'arrêt par lequel la cour d'appel de Paris l'avait condamnée à verser aux sociétés Overseas et Oaktree la contrevaleur en euros de 4 000 000 USD, cet embargo ayant notamment rendu indisponibles les avoirs qu'elle pouvait détenir auprès des banques et des dépositaires soumis à ce règlement, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4°/ que pour démontrer qu'elle avait été placée dans l'impossibilité d'exécuter la décision de condamnation du 26 avril 2007 et que les sociétés Overseas et Oaktree avaient été elles-mêmes placées dans l'impossibilité de recevoir tout paiement de sa part, la banque Sepah rappelait que par sa résolution 1747 (2007) le Conseil de sécurité de l'ONU avait décidé que les États membres des Nations Unies devaient geler l'intégralité de ses avoirs ; qu'il résulte des considérants liminaires de cette résolution que les mesures décidées par le Conseil de sécurité de l'ONU étaient motivées par le litige opposant le Conseil à la République islamique d'Iran qui, d'une part, était soupçonnée de méconnaître ses engagements internationaux en poursuivant un programme d'enrichissement nucléaire à des fins militaires, et qui, d'autre part, aurait refusé de mettre à exécution deux précédentes résolutions du Conseil de sécurité lui imposant un certain nombre de mesures destinées à permettre à la communauté internationale de s'assurer du respect, par celle-ci, du traité de non-prolifération de l'arme nucléaire dont elle était partie ; que c'est à ce titre que diverses mesures avaient été prises à l'encontre de l'Iran et de diverses entités iraniennes ; que la banque Sepah avait, pour sa part, vu ses avoirs gelés au regard de ces considérations et au motif qu'elle constituait une « entité d'appui de l'Organisation des industries aérospatiales » et de ses émanations et qu'elle « concourrait » à ce titre au programme militaire et balistique iranien ; qu'en retenant que les mesures adoptées par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1747 (2007) du 24 mars 2007 constituaient une sanction « prononcée à l'encontre de la société Bank Sepah » et que celle-ci était dès lors mal fondée à invoquer l'existence d'une « cause étrangère », cependant que cette résolution venait sanctionner des actes de gouvernement relevant de la compétence des institutions politiques de la République islamique d'Iran, ce dont il résultait que la banque Sepah s'était bornée à en subir les effets, la cour d'appel a violé la résolution 1747 (2007) du 24 mars 2007 du Conseil de sécurité de l'ONU. »

Réponse de la Cour

9. Ne constitue pas un cas de force majeure pour celle qui le subit, faute d'extériorité, le gel des avoirs d'une personne ou d'une entité qui est frappée par cette mesure en raison de ses activités.

10. L'arrêt relève que, par sa résolution 1747 (2007) du 24 mars 2007, transposée par le règlement (CE) n° 441/2007, le Conseil de sécurité a ordonné le gel des fonds et des ressources économiques de la banque Sepah.

Aux termes de cette résolution, la banque Sepah est désignée comme entité concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques iranien en tant qu'entité d'appui à l'Organisation des industries aérospatiales (AIO) et aux entités placées sous son contrôle, y compris le Groupe industriel Shahid Hemmat (SHIG) et le Groupe industriel Shahid Bagheri (SBIG), tous deux mentionnés dans la résolution 1737 (2006).

11. Il en résulte que l'impossibilité où se serait trouvée la banque Sepah, qui n'a pas contesté sa désignation devant les juridictions de l'Union, d'utiliser ses avoirs gelés pour exécuter l'arrêt du 26 avril 2007, ne procède pas d'une circonstance extérieure à son activité.

12. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.

13. Par conséquent, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le moyen unique du pourvoi n° G 18-21.814

Enoncé du moyen

14. Les sociétés Overseas et Oaktree font grief à l'arrêt de dire prescrits les intérêts antérieurs au 17 mai 2011 et de les retrancher des causes des saisies, alors :

« 1°/ que la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi ; qu'une loi prononçant une mesure de gel de fonds, laquelle s'entend comme toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation de fonds qui aurait pour conséquence un changement de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l'utilisation, empêche le créancier d'une personne visée par une telle mesure d'engager toute mesure d'exécution portant sur les fonds gelés, y compris à titre conservatoire, toute mesure conservatoire étant constitutive d'une modification des fonds ayant pour conséquence un changement de leur destination ; qu'en jugeant que la prescription extinctive n'avait pas été suspendue contre les sociétés Overseas et Oaktree dès lors que rien ne leur interdisait d'engager des mesures d'exécution, ne serait-ce qu'à titre conservatoire, à l'encontre de la banque Sepah, cependant que de telles mesures étaient prohibées par les dispositions légales ayant opéré le gel des fonds détenus par cette société, la cour d'appel a violé l'article 2234 du code civil, ensemble les articles 1 et 7 du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil du 19 avril 2007, repris par les articles 1 et 16 du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil du 25 octobre 2010 ;

2°/ que la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi ; qu'un tel empêchement se trouve caractérisé en l'absence d'une autorisation administrative requise par la loi pour agir ; qu'en jugeant que la prescription extinctive n'avait pas été suspendue contre les sociétés Overseas et Oaktree, cependant que le ministre de l'économie avait refusé de leur accorder l'autorisation portant sur le déblocage des fonds appartenant à la banque Sepah dans la limite de leur créance, autorisation requise par l'article 8 règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil du 19 avril 2007 puis par l'article 16 du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil du 25 octobre 2010, la cour d'appel a violé l'article 2234 du code civil. »

Réponse de la Cour

15. L'issue du litige dépend du point de savoir si les sociétés Overseas et Oaktree auraient pu interrompre la prescription en diligentant une mesure conservatoire ou d'exécution forcée sur les avoirs gelés de la banque Sepah.

16. Il convient donc de se demander si l'article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 423/2007, l'article 16, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil du 25 octobre 2010, qui a abrogé et remplacé le règlement (CE) n° 423/2007, et l'article 23, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil du 23 mars 2012, qui a abrogé et remplacé le règlement (UE) n° 961/2010, doivent être interprétés en ce sens qu'ils interdisent toute mesure conservatoire ou d'exécution forcée telles que celles prévues au code des procédures civiles d'exécution français.

17. Cette question est inédite, tant devant les juridictions de l'Union européenne que devant la Cour de cassation.

18. D'une part, les règlements (CE) n° 423/2007, (UE) n° 961/2010 et (UE) n° 267/2012 ne comportent aucune disposition interdisant expressément à un créancier de diligenter une mesure conservatoire ou d'exécution forcée sur les biens gelés de son débiteur.

19. D'autre part, le gel des fonds y est défini comme « toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation de fonds qui aurait pour conséquence un changement de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l'utilisation, notamment la gestion de portefeuilles », et le gel des ressources économiques, comme « toute action visant à empêcher l'utilisation de ressources économiques afin d'obtenir des fonds, des biens ou des services de quelque manière que ce soit, et notamment, mais pas exclusivement, leur vente, leur location ou leur mise sous hypothèque ».

20. Il semble, à la lumière de ces définitions, que seuls soient prohibés, s'agissant des fonds gelés, « tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation de fonds qui aurait pour conséquence un changement de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l'utilisation, notamment la gestion de portefeuilles » et, s'agissant des ressources économiques, « l'utilisation de ressources économiques afin d'obtenir des fonds, des biens ou des services de quelque manière que ce soit, et notamment, mais pas exclusivement, leur vente, leur location ou leur mise sous hypothèque ».

21. Il ne peut donc être exclu que des mesures ne relevant d'aucune de ces prohibitions soient mises en œuvre sur des avoirs gelés.

22. A cet égard, la Cour considère comme probable que des mesures qui ont pour effet de faire sortir des biens du patrimoine du débiteur ne peuvent être mises en œuvre sur des avoirs gelés qu'avec l'autorisation préalable de l'autorité nationale compétente et uniquement dans les hypothèses visées aux articles 8 à 10 du règlement (CE) n° 423/2007, 17 à 19 du règlement (UE) n° 961/2010, puis 24 à 28 du règlement (UE) n° 267/2012.

23. La question se pose de savoir si des mesures qui n'ont pas un tel effet attributif peuvent être diligentées sans autorisation préalable sur des avoirs gelés. Ces mesures sont les sûretés judiciaires et les saisies conservatoires, qui sont des mesures conservatoires.

24. Une sûreté judiciaire peut être constituée à titre conservatoire sur les immeubles, les fonds de commerce, les actions, parts sociales et valeurs mobilières (article L. 531-1 du code des procédures civiles d'exécution).

Les biens grevés d'une sûreté judiciaire demeurent aliénables, mais le prix en est payé et distribué dans les conditions fixées par voie réglementaire (article L. 531-2 du code des procédures civiles d'exécution).

25. La sûreté judiciaire, qu'elle soit constituée sur un immeuble (hypothèque), sur un fonds de commerce ou sur des parts sociales et valeurs mobilières (nantissement), est dépourvue d'effet attributif. Elle n'emporte aucune obligation pour le titulaire des biens ou droits concernés de les céder et n'affecte pas son droit de choisir la personne à laquelle il les cède. Elle a pour seul effet qu'en cas de cession des biens et droits sur lesquels elle est constituée, la créance du constituant de la sûreté doit être réglée par priorité au moyen du prix de la cession.

26. Une saisie conservatoire peut porter sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels, appartenant au débiteur (article L. 521-1 du code des procédures civiles d'exécution), et notamment sur des créances de somme d'argent ou des droits d'associés et valeurs mobilières.

27. Les biens meubles corporels, rendus indisponibles par la saisie conservatoire, sont placés sous la garde du débiteur et ne peuvent être ni aliénés ni déplacés, sauf exception, sous peine des sanctions prévues à l'article 314-6 du code pénal (article R. 522-1, 4°, du code des procédures civiles d'exécution).

28. Les droits pécuniaires attachés à l'intégralité des parts ou valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire sont rendus indisponibles par la saisie conservatoire (articles R. 524-1 et R. 524-3 du code des procédures civiles d'exécution).

29. La saisie conservatoire de créances produit les effets d'une consignation prévus à l'article 2350 du code civil (article L. 523-1 du code des procédures civiles d'exécution).

L'article 2350 du code civil dispose que « le dépôt ou la consignation de sommes, effets ou valeurs, ordonné judiciairement à titre de garantie ou à titre conservatoire, emporte affectation spéciale et droit de préférence au sens de l'article 2333 ». Quant à l'article 2333 du même code, il précise que « le gage est une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs ».

30. La saisie conservatoire est dépourvue d'effet attributif (2e Civ., 4 juillet 2007, pourvoi n° 06-14.825, Bull. 2007, II, n° 201).

Les biens, créances et droits saisis restent dans le patrimoine du débiteur.

31. La saisie conservatoire sur les biens meubles corporels et sur les droits d'associés et valeurs mobilières est convertie en saisie-vente lorsque le créancier, muni d'un titre exécutoire, signifie au débiteur un acte de conversion ; l'effet attributif est alors opéré par la vente des biens saisis (Com., 27 mars 2012, pourvoi n° 11-18.585, Bull. 2012, IV, n° 69 ; 2e Civ., 28 janvier 2016, pourvoi n° 15-13.222, Bull. 2016, II, n° 34).

La saisie conservatoire de créances est convertie en saisie-attribution lorsque le créancier, muni d'un titre exécutoire, signifie au débiteur un acte de conversion ; cette conversion emporte un effet attributif immédiat (2e Civ., 23 novembre 2000, pourvoi n° 98-22.795, Bull. 2000, II, n° 153 ; 2e Civ., 25 septembre 2014, pourvoi n° 13-25.552, Bull. 2014, II, n° 197).

32. La Cour se demande si, faute d'effet attributif, une sûreté judiciaire ou, avant sa conversion, une saisie conservatoire peuvent être diligentées, sans autorisation préalable, sur des avoirs gelés.

33. Elle s'interroge en particulier sur le point de savoir si, nonobstant l'absence d'effet attributif, de telles mesures n'ont pas pour conséquence une modification de la « destination » des fonds qui en font l'objet, au sens donné à ce terme dans la définition du gel des fonds.

En effet, il semble envisageable d'interpréter les articles 1er, sous h), du règlement (CE) n° 423/2007, 1er, sous i), du règlement (UE) n° 961/2010 et 1er, sous k), du règlement (UE) n° 267/2012 en ce sens que le droit d'être payé par priorité sur le prix de cession des droits d'associés ou de valeurs mobilières, comme l'affectation spéciale des créances et le droit de préférence sur celles-ci, modifient la destination de ces fonds.

34. Elle se demande plus généralement si, nonobstant l'absence d'effet attributif, les sûretés judiciaires et saisies conservatoires ne seraient pas susceptibles de permettre une « utilisation » des fonds qui en font l'objet, au sens donné à ce terme dans la définition du gel des fonds, et une « utilisation » des ressources économiques en faisant l'objet « afin d'obtenir des fonds, des biens ou des services de quelque manière que ce soit », au sens donné à ces termes dans la définition du gel des ressources économiques. Ces mesures, en assurant à celui qui les met en œuvre d'être payé par priorité au moyen des biens, droits et créances hypothéqués, nantis ou saisis à titre conservatoire, une fois le gel levé, pourraient en effet être considérées comme étant de nature à inciter un opérateur économique à contracter avec la personne ou l'entité dont les avoirs sont gelés, ce qui équivaudrait à l'utilisation par cette dernière de la valeur économique de ses avoirs qualifiés de fonds, ou à l'obtention, grâce à la valeur économique de ses avoirs qualifiés de ressources économiques, de fonds, de biens ou de services.

35. Un tel risque apparaît toutefois inexistant en l'espèce, où les sociétés Overseas et Oaktree cherchent à recouvrer une créance constituée par une décision de justice postérieure au gel des avoirs de la banque Sepah, mais pour une cause à la fois étrangère au programme nucléaire et balistique iranien et antérieure à l'instauration de ce gel.

36. La question se pose donc de savoir si la possibilité de diligenter, sans autorisation préalable, une mesure sur des avoirs gelés s'apprécie par catégorie d'acte, sans avoir égard aux spécificités de l'espèce, ou si, au contraire, ces spécificités peuvent être prises en compte.

37. La réponse à ces questions ne s'impose pas avec la force de l'évidence, alors que les règlements de l'Union ne comportent aucune disposition expresse et que ni le Tribunal de l'Union ni la Cour de justice n'ont eu l'occasion de se prononcer.

38. Aussi convient-il de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice d'un renvoi préjudiciel en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Sur le second moyen du pourvoi n° B 18-18.542

39. L'intérêt d'une bonne administration de la justice commande que soient examinés par un même arrêt le second moyen du pourvoi n° B 18-18.542 et le moyen unique du pourvoi n° G 18-21.814.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le premier moyen du pourvoi n° B 18-18.542 ;

RENVOIE à la Cour de justice de l'Union européenne aux fins de répondre aux questions suivantes :

« 1°) Les articles 1, sous h) et j), et 7, § 1, du règlement (CE) n° 423/2007, 1, sous i) et h), et 16, § 1, du règlement (UE) n° 961/2010 ainsi que 1, sous k) et j), et 23, § 1, du règlement (UE) n° 267/2012 doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à ce que soit diligentée sur des avoirs gelés, sans autorisation préalable de l'autorité nationale compétente, une mesure dépourvue d'effet attributif, telle une sûreté judiciaire ou une saisie conservatoire, prévues par le code des procédures civiles d'exécution français ?

2°) La circonstance que la cause de la créance à recouvrer sur la personne ou l'entité dont les avoirs sont gelés soit étrangère au programme nucléaire et balistique iranien et antérieure à la résolution 1737 (2006) du 23 décembre 2006 du Conseil de sécurité des Nations Unies est-elle pertinente aux fins de répondre à la première question ? »

Sursoit à statuer sur le second moyen du pourvoi n° B 18-18.542 et le moyen unique du pourvoi n° G 18-21.814, jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne ;

Réserve les dépens ;

Dit qu'une expédition du présent arrêt ainsi qu'un dossier, comprenant notamment la décision attaquée, seront transmis par le directeur de greffe de la Cour de cassation au greffier de la Cour de justice de l'Union européenne.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi n° B 18-18.542 par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Bank Sepah

PREMIER MOYEN DE CASSATION

- sur le paiement des intérêts moratoires -

Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'AVOIR validé les saisies attributions et saisies de droits d'associés et valeurs mobilières du 5 juillet 2016 pratiquées à la demande des sociétés Overseas Financial et Oaktree Finance entre les mains de la Société générale à l'encontre de la Bank Sepah et dénoncées le 8 juillet 2016 et d'AVOIR rejeté la demande de la Bank Sepah tendant à voir constater que la décision du Conseil de sécurité de l'ONU du 24 mars 2007 et le règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil de l'Union européenne du 19 avril 2007 avaient eu pour effet le gel du patrimoine de la Bank Sepah, de celle tendant à voir dire et juger que le gel du patrimoine avait les effets d'une saisie pénale, de celle tendant à voir dire et juger que les mesures d'embargo prononcées à l'encontre de la Bank Sepah par décision du règlement (CE) n° 423/2007 du 19 avril 2007 caractérisaient un cas de force majeure entraînant suspension des intérêts, de celle tendant à voir cantonner le montant des saisies au principal et de celle tendant à voir exonérer la Bank Sepah de la majoration au taux d'intérêt légal appliquée pour la détermination des intérêts réclamés par les créanciers ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Le litige portant sur le décompte des intérêts constitue, contrairement à ce qu'a relevé le premier juge et à ce que soutiennent les intimées, non pas un litige tendant à voir modifier le dispositif de la décision ou à en suspendre l'exécution, mais un litige qui conduit le juge de l'exécution à rechercher si les faits postérieurs à cette décision sont de nature, ou non, à modifier le montant de la dette, laquelle, selon les intimées, est constituée, notamment des intérêts courus sur le montant de la condamnation. Contrairement à ce que soutient l'appelante, le gel des fonds, tel que défini par l'article L. 562-1 du code monétaire et financier, porte exclusivement sur les actifs de la Bank Sepah lesquels comprennent « les intérêts, les dividendes ou autres revenus d'actifs ou plus-values perçus sur des actifs » et non sur le passif de son patrimoine, lequel comprend effectivement les intérêts éventuellement courus sur le montant des condamnations, intérêts qui sont de nature distincte.

Le règlement (CE) n° 441/2007 de la Commission en date du 19 avril 2007 n'a pu, en lui-même, modifier le dispositif de l'arrêt du 26 avril 2007, passé en force de chose jugée, et ses effets, en l'espèce, se sont limités à rendre indisponible la créance de la Société générale sur la Bank Sepah, la cour n'étant, au demeurant, pas saisie des conséquences de cette indisponibilité sur le patrimoine de chacune des parties ;

Au surplus, la résolution 1747 (2007) en date du 24 mars 2007 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui a ordonné le gel des fonds et des ressources économiques de la Bank Sepah constitue une sanction prononcée à l'encontre de celle-ci. Dès lors, l'appelante est mal fondée à invoquer l'existence d'une cause étrangère qui l'exonérerait de son obligation d'exécuter l'arrêt du 26 avril 2007 en ce qu'il l'a condamnée au paiement des intérêts au taux légal à compter de son prononcé. Dès lors, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a refusé de retrancher des causes des saisies le montant des intérêts au taux légal » ;

1°) ALORS QUE les intérêts moratoires ne peuvent courir contre le débiteur d'une obligation monétaire qui se trouve temporairement placé dans l'impossibilité absolue d'exécuter de manière licite son obligation ; qu'en l'espèce, la banque Sepah faisait valoir que le Conseil de sécurité de l'ONU avait adopté une résolution 1747(2007) prononçant plusieurs mesures restrictives à l'encontre de la République islamique d'Iran qui incluaient le gel de ses avoirs en tant qu'« entité d'appui de l'Organisation des industries aérospatiales » et de ses émanations, et que des mesures de même nature avaient été adoptées par la Commission européenne dans un règlement n° 441/2007 ; que sans remettre en cause le principe même de sa condamnation, la banque Sepah faisait valoir que du temps où cet embargo était applicable, elle avait été placée dans l'impossibilité absolue d'exécuter l'arrêt du 26 avril 2007 par lequel la cour d'appel de Paris l'avait condamnée à verser aux sociétés Overseas Financial et Oaktree Finance la contrevaleur en euros de 4 000 000 USD « assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision de condamnation », de sorte qu'invoquant la survenance d'un authentique fait du prince, constitutif d'un cas de force majeure, elle faisait valoir que les intérêts moratoires n'avaient pu courir à son encontre sur la période considérée ; qu'en rejetant ce moyen au motif que le règlement (CE) n° 441/2007 de la Commission n'« avait pu, en lui-même, modifier le dispositif de l'arrêt du 26 avril 2007 », cependant que l'invocation par la banque Sepah du régime de gel de ses avoirs et de l'interdiction qui en résultait d'exécuter la condamnation mise à sa charge ne tendait en rien à revenir sur la chose jugée mais seulement à tirer les conséquences d'un cas de force majeure sur les dommages-intérêts moratoires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1153-1 et 1148 du code civil dans leur rédaction applicable à la cause (devenus les articles 1231-6 et 1218 du code civil) ;

2°) ALORS en outre QUE l'article 1er du règlement n° 441/2007 du 20 avril 2007 a étendu à plusieurs entités iraniennes, dont la société Bank Sepah, les mesures prévues par le règlement (CE) n° 423/2007 du 19 avril 2007 « concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran » lequel, en son article 7, ordonnait le gel de « tous les fonds et ressources économiques » appartenant aux personnes relevant de son champ d'application ; que ce règlement ajoutait qu'il était « interdit de participer sciemment et volontairement à des activités ayant pour objet ou pour effet direct ou indirect de contourner » ces mesures et que celles-ci étaient applicables à toute personne morale, toute entité ou tout organisme, constitué selon le droit d'un Etat membre ainsi qu'à toute opération commerciale réalisée intégralement ou en partie dans la Communauté (article 18) ; qu'en jugeant que le règlement n° 441/2007 s'était limité « à rendre indisponible la créance de la Société générale sur la Bank Sepah » [comprendre : de la banque Sepah sur la Société générale] cependant que ce règlement avait pour effet de rendre indisponible l'ensemble des avoirs déposés par la banque Sepah auprès de dépositaires européens ou présents sur le territoire de la communauté, et qu'il faisait également obstacle sur ce même territoire à toute opération de paiement à partir de ces avoirs, la cour d'appel a violé l'article 1er du règlement (CE) n° 441/2007, ensemble les articles 7 et 18 du règlement (CE) n° 423/2007 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran ;

3°) ALORS en outre QU'en jugeant qu'elle « n'était pas saisie des conséquences de [l'] indisponibilité [de la créance de la banque Sepah] » sur son correspondant européen, la Société générale, quand la banque Sepah faisait précisément valoir que le gel de ses avoirs par le règlement (CE) n° 441/2007 l'avait empêchée d'exécuter l'arrêt par lequel la cour d'appel de Paris l'avait condamnée à verser aux sociétés Overseas Financial et Oaktree Finance la contrevaleur en euros de 4 000 000 USD (v. spéc. ses conclusions, p. 14 s.), cet embargo ayant notamment rendu indisponibles les avoirs qu'elle pouvait détenir auprès des banques et des dépositaires soumis à ce règlement, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE pour démontrer qu'elle avait été placée dans l'impossibilité d'exécuter la décision de condamnation du 26 avril 2007 et que les sociétés Overseas Financial et Oaktree Finance avaient été elles-mêmes placées dans l'impossibilité de recevoir tout paiement de sa part, la banque Sepah rappelait que par sa résolution 1747 (2007) le Conseil de sécurité de l'ONU avait décidé que les États membres des Nations Unies devaient geler l'intégralité de ses avoirs ; qu'il résulte des considérants liminaires de cette résolution que les mesures décidées par le Conseil de sécurité de l'ONU étaient motivées par le litige opposant le Conseil à la République islamique d'Iran qui, d'une part, était soupçonnée de méconnaître ses engagements internationaux en poursuivant un programme d'enrichissement nucléaire à des fins militaires, et qui, d'autre part, aurait refusé de mettre à exécution deux précédentes résolutions du Conseil de sécurité lui imposant un certain nombre de mesures destinées à permettre à la communauté internationale de s'assurer du respect, par celle-ci, du traité de non-prolifération de l'arme nucléaire dont elle était partie ; que c'est à ce titre que diverses mesures avaient été prises à l'encontre de l'Iran et de diverses entités iraniennes ; que la banque Sepah avait, pour sa part, vu ses avoirs gelés au regard de ces considérations et au motif qu'elle constituait une « entité d'appui de l'Organisation des industries aérospatiales » et de ses émanations et qu'elle « concourrait » à ce titre au programme militaire et balistique iranien ; qu'en retenant que les mesures adoptées par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1747 (2007) du 24 mars 2007 constituaient une sanction « prononcée à l'encontre de la société Bank Sepah » et que celle-ci était dès lors mal fondée à invoquer l'existence d'une « cause étrangère », cependant que cette résolution venait sanctionner des actes de gouvernement relevant de la compétence des institutions politiques de la République Islamique d'Iran, ce dont il résultait que la banque Sepah s'était bornée à en subir les effets, la cour d'appel a violé la résolution 1747 (2007) du 24 mars 2007 du Conseil de sécurité de l'ONU.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

- sur la majoration du taux d'intérêts -

Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'AVOIR validé les saisies attributions et saisies de droits d'associés et valeurs mobilières du 5 juillet 2016 pratiquées à la demande des sociétés Overseas Financial et Oaktree Finance entre les mains de la Société générale à l'encontre de la Bank Sepah et dénoncées le 8 juillet 2016 et d'AVOIR rejeté les demandes de la Bank Sepah tendant à voir exonérer la banque Sepah de la majoration au taux d'intérêt légal appliquée pour la détermination des intérêts réclamés par les créanciers et celle tendant à voir dire et juger que les intérêts dus aux sociétés Overseas Financial Ltd et Oaktree Finance Ltd seront calculés selon le taux d'intérêt légal à l'exception de toute majoration ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE : « Le litige portant sur le décompte des intérêts constitue, contrairement à ce qu'a relevé le premier juge et à ce que soutiennent les intimées, non pas un litige tendant à voir modifier le dispositif de la décision ou à en suspendre l'exécution, mais un litige qui conduit le juge de l'exécution à rechercher si les faits postérieurs à cette décision sont de nature, ou non, à modifier le montant de la dette, laquelle, selon les intimées, est constituée, notamment des intérêts courus sur le montant de la condamnation. Contrairement à ce que soutient l'appelante, le gel des fonds, tel que défini par l'article L. 562-1 du code monétaire et financier, porte exclusivement sur les actifs de la Bank Sepah lesquels comprennent « les intérêts, les dividendes ou autres revenus d'actifs ou plus-values perçus sur des actifs » et non sur le passif de son patrimoine, lequel comprend effectivement les intérêts éventuellement courus sur le montant des condamnations, intérêts qui sont de nature distincte.

Le règlement (CE) n° 441/2007 de la Commission en date du 19 avril 2007 n'a pu, en lui-même, modifier le dispositif de l'arrêt du 26 avril 2007, passé en force de chose jugée, et ses effets, en l'espèce, se sont limités à rendre indisponible la créance de la Société générale sur la Bank Sepah, la cour n'étant, au demeurant, pas saisie des conséquences de cette indisponibilité sur le patrimoine de chacune des parties ;

Au surplus, la résolution 1747 (2007) en date du 24 mars 2007 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui a ordonné le gel des fonds et des ressources économiques de la Bank Sepah constitue une sanction prononcée à l'encontre de celle-ci. Dès lors, l'appelante est mal fondée à invoquer l'existence d'une cause étrangère qui l'exonérerait de son obligation d'exécuter l'arrêt du 26 avril 2007 en ce qu'il l'a condamnée au paiement des intérêts au taux légal à compter de son prononcé. Dès lors, il convient de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a refusé de retrancher des causes des saisies le montant des intérêts au taux légal » ;

ET QUE : « l'indisponibilité de sa créance sur la Société générale résultant de la sanction prononcée à son encontre par le Conseil de sécurité des Nations Unies ne constitue pas un élément de la situation de la débitrice permettant de l'exonérer de la majoration de l'intérêt légal » ;

1°) ALORS QU'eu égard à sa fonction comminatoire et à son caractère de sanction, la majoration de l'intérêt légal prévue par l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ne peut s'appliquer au débiteur qui, du fait de la survenance d'une mesure de gel de ses avoirs, se trouve temporairement dans l'impossibilité de s'exécuter ; que cette exonération est indépendante de l'exercice, par le juge de l'exécution, du pouvoir de modération que lui reconnaît l'article L. 313-3, alinéa 2, du code monétaire et financier pour tenir compte de la « situation du débiteur » ; qu'en rejetant la demande subsidiaire de la banque Sepah tendant à être exonérée de la majoration prévue par ce texte sur la période au cours de laquelle elle avait été dans l'impossibilité de payer au motif que « l'indisponibilité de sa créance sur la Société générale résultant de la sanction prononcée à son encontre par le Conseil de sécurité des Nations Unies ne constitue pas un élément de la situation de la débitrice permettant de l'exonérer de la majoration de l'intérêt légal » sans rechercher, comme elle y était invitée, si le gel de l'ensemble des avoirs de la banque Sepah en conséquence de la résolution 1747 (2007) du Conseil de sécurité des Nations Unies et du règlement (CE) n° 441/2007, ainsi que l'impossibilité, pour les sociétés Oaktree Finance et Overseas Financial Ltd, de recevoir paiement n'exonérait pas en tout état de cause la banque Sepah du paiement des intérêts majorés de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier du temps où elle avait été dans l'impossibilité de s'exécuter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de cette disposition et de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ;

2°) ALORS en outre QUE l'article 1er du règlement n° 441/2007 du 20 avril 2007 a étendu à plusieurs entités iraniennes, dont la société Bank Sepah, les mesures prévues par le règlement (CE) n° 423/2007 du 19 avril 2007 « concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran » lequel, en son article 7, ordonnait le gel de « tous les fonds et ressources économiques » appartenant aux personnes relevant de son champ d'application ; que ce règlement ajoutait qu'il était « interdit de participer sciemment et volontairement à des activités ayant pour objet ou pour effet direct ou indirect de contourner » ces mesures et que celles-ci étaient applicables à toute personne morale, toute entité ou tout organisme, constitué selon le droit d'un Etat membre ainsi qu'à toute opération commerciale réalisée intégralement ou en partie dans la Communauté (article 18) ; qu'en jugeant que le règlement n° 441/2007 s'était limité « à rendre indisponible la créance de la Société générale sur la Bank Sepah » [comprendre : de la banque Sepah sur la Société générale] cependant que ce règlement avait pour effet de rendre indisponible l'ensemble des avoirs déposés par la banque Sepah auprès de dépositaires européens ou présents sur le territoire de la communauté, et qu'il faisait également obstacle sur ce même territoire à toute opération de paiement à partir de ces avoirs, la cour d'appel a violé l'article 1er du règlement (CE) n° 441/2007, ensemble les articles 7 et 18 du règlement (CE) n° 423/2007 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran ;

3°) ALORS en outre QU'en jugeant qu'elle « n'était pas saisie des conséquences de [l'] indisponibilité [de la créance de la banque Sepah] » sur son correspondant européen, la Société générale, quand la banque Sepah faisait précisément valoir que le gel de ses avoirs par le règlement (CE) n° 441/2007 l'avait empêchée d'exécuter l'arrêt par lequel la cour d'appel de Paris l'avait condamnée à verser aux sociétés Overseas Financial et Oaktree Finance la contrevaleur en euros de 4 000 000 USD (v. spéc. ses conclusions, p. 14 s.), cet embargo ayant notamment rendu indisponibles les avoirs qu'elle pouvait détenir auprès des banques et des dépositaires soumis à ce règlement, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE pour démontrer qu'elle avait été placée dans l'impossibilité d'exécuter la décision de condamnation du 26 avril 2007 et que les sociétés Overseas Financial et Oaktree Finance avaient été elles-mêmes placées dans l'impossibilité de recevoir tout paiement de sa part, la banque Sepah rappelait que par sa résolution 1747 (2007) le Conseil de sécurité de l'ONU avait décidé que les États membres des Nations Unies devaient geler l'intégralité de ses avoirs ; qu'il résulte des considérants liminaires de cette résolution que les mesures décidées par le Conseil de sécurité de l'ONU étaient motivées par le litige opposant le Conseil à la République islamique d'Iran qui, d'une part, était soupçonnée de méconnaître ses engagements internationaux en poursuivant un programme d'enrichissement nucléaire à fins militaires, et qui, d'autre part, aurait refusé de mettre à exécution deux précédentes résolutions du Conseil de sécurité lui imposant un certain nombre de mesures destinées à permettre à la communauté internationale de s'assurer du respect, par celle-ci, du traité de non-prolifération de l'arme nucléaire dont elle était partie ; que c'est à ce titre que diverses mesures avaient été prises à l'encontre de l'Iran et de diverses entités iraniennes ; que la banque Sepah avait, pour sa part, vu ses avoirs gelés au regard de ces considérations et au motif qu'elle constituait une « entité d'appui de l'Organisation des industries aérospatiales » et de ses émanations et qu'elle « concourrait » à ce titre au programme militaire et balistique iranien ; qu'en retenant que les mesures adoptées par le Conseil de sécurité dans sa résolution 1747 (2007) du 24 mars 2007 constituaient une sanction « prononcée à l'encontre de la société Bank Sepah » et que celle-ci était dès lors mal fondée à invoquer l'existence d'une « cause étrangère », cependant que cette résolution venait sanctionner des actes de gouvernement relevant de la compétence des institutions politiques de la République islamique d'Iran, ce dont il résultait que la banque Sepah s'était bornée à en subir les effets, la cour d'appel a violé la résolution 1747 (2007) du 24 mars 2007 du Conseil de sécurité de l'ONU ;

5°) ALORS subsidiairement QUE le juge de l'exécution peut, en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de la majoration prévue par l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ou en réduire le montant ; que le juge de l'exécution est tenu de s'expliquer sur les circonstances invoquées par le débiteur pour solliciter la réduction ou la neutralisation de la majoration encourue sur le fondement de ce texte ; qu'en refusant d'exercer son pouvoir de modération au motif que « l'indisponibilité de la créance sur la Société générale résultant de la sanction prononcée à son encontre par le Conseil de sécurité des Nations Unies ne constitue pas un élément de la situation de la débitrice permettant de l'exonérer de la majoration de l'intérêt légal » sans rechercher, comme elle y était invitée (v. ses conclusions, p. 15), si le gel de l'ensemble des avoirs de la banque Sepah et l'impossibilité, pour les sociétés Oaktree Finance et Overseas Financial Ltd, de recevoir paiement ne justifiaient pas à tout le moins l'exercice du pouvoir modérateur prévu par l'article L. 313-3, alinéa 2, du code monétaire et financier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de cette disposition ;

6°) ALORS enfin et en tout état de cause QUE la « situation du débiteur » à l'aune de laquelle le juge de l'exécution doit apprécier l'opportunité de réduire ou de neutraliser la majoration prévue par l'article L. 313-3 du code monétaire et financier s'entend de tous les éléments relatifs à la situation financière du débiteur mais également de toutes difficultés qu'il a pu rencontrer dans le cadre de l'exécution de la décision de condamnation ; qu'en jugeant que les éléments invoqués par la banque Sepah pour démontrer qu'elle avait été dans l'impossibilité de s'exécuter ne constituaient pas, par construction, « un élément de la situation du débiteur » à l'aune duquel devait s'apprécier l'opportunité de mettre en oeuvre le pouvoir modérateur que lui reconnaissait l'article L. 313-3, alinéa 2, du code monétaire et financier, la cour d'appel a violé cette disposition. Moyen produit au pourvoi n° G 18-21.814 par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour les sociétés Overseas Financial Ltd et Oaktree Finance Ltd

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit prescrits les intérêts antérieurs au 17 mai 2011 et d'avoir retranché des causes des saisies les intérêts antérieurs au 17 mai 2011 ;

Aux motifs propres que « A l'appui de cette fin de non-recevoir, qui peut être soulevée en tout état de cause, la Bank Sepah soutient que les créanciers poursuivants ne peuvent obtenir le recouvrement des intérêts au-delà des cinq années précédant la délivrance des deux commandements de payer du 17 mai 2016 ;

Si depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le créancier peut poursuivre pendant dix ans l'exécution du jugement portant condamnation au paiement d'une somme payable à termes périodiques, le recouvrement des arriérés échus postérieurement à la décision est soumis au délai de prescription applicable en raison de la nature de la créance. Il en résulte que le délai d'exécution d'un titre exécutoire, prévu à l'article L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, n'est pas applicable aux créances périodiques nées en application de ce titre exécutoire, en l'espèce aux intérêts, lesquels se prescrivent par cinq ans par application de l'article 2224 du code civil.

Rien n'interdisait aux intimées, contrairement à ce qu'elles soutiennent, d'engager des mesures d'exécution, ne serait-ce qu'à titre conservatoire, sur un actif ou une créance indisponible, cette indisponibilité n'ayant alors que suspendu l'effet attributif d'une éventuelle saisie-attribution.

Les intérêts antérieurs au 17 mai 2011, en l'absence de toute cause interruptive de prescription invoquée par les intimées, antérieure à la signification des commandements de payer en date du 17 mai 2016, sont donc prescrits et il convient de les retrancher des causes des saisies. »

1°) Alors que, la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi ; qu'une loi prononçant une mesure de gel de fonds, laquelle s'entend comme toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation de fonds qui aurait pour conséquence un changement de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l'utilisation, empêche le créancier d'une personne visée par une telle mesure d'engager toute mesure d'exécution portant sur les fonds gelés, y compris à titre conservatoire, toute mesure conservatoire étant constitutive d'une modification des fonds ayant pour conséquence un changement de leur destination ; qu'en jugeant que la prescription extinctive n'avait pas été suspendue contre les sociétés Overseas et Oaktree dès lors que rien ne leur interdisait d'engager des mesures d'exécution, ne serait-ce qu'à titre conservatoire, à l'encontre de la société Bank Sepah, cependant que de telles mesures étaient prohibées par les dispositions légales ayant opéré le gel des fonds détenus par cette société, la cour d'appel a violé l'article 2234 du code civil, ensemble les articles 1 et 7 du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil du 19 avril 2007, repris par les articles 1 et 16 du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil du 25 octobre 2010 ;

2°) Alors que, la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi ; qu'un tel empêchement se trouve caractérisé en l'absence d'une autorisation administrative requise par la loi pour agir ; qu'en jugeant que la prescription extinctive n'avait pas été suspendue contre les sociétés Overseas et Oaktree, cependant que le ministre de l'économie avait refusé de leur accorder l'autorisation portant sur le déblocage des fonds appartenant à la société Bank Sepah dans la limite de leur créance, autorisation requise par l'article 8 du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil du 19 avril 2007 puis par l'article 16 du règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil du 25 octobre 2010, la cour d'appel a violé l'article 2234 du code civil.

- Président : Mme Arens (première présidente) - Rapporteur : M. Mollard - Avocat général : M. Molins (procureur général) - Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer ; SCP Spinosi et Sureau -

Textes visés :

Articles 1231-6 et 1218 du code civil ; règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil du 19 avril 2007 ; règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil du 25 octobre 2010 ; règlement (UE) n° 267/2012 du Conseil du 23 mars 2012.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 21 janvier 2010, pourvoi n° 08-20.810, Bull. 2010, II, n° 18 (cassation partielle et annulation).

2e Civ., 2 juillet 2020, n° 19-14.379, (P)

Cassation partielle

Mesures d'exécution forcée – Saisie-attribution – Tiers saisi – Comptable public – Obligation de renseignement – Charge de l'obligation – Détermination – Portée

Il résulte des articles L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, 5 du décret n° 93-977 du 31 juillet 1993, devenu l'article R. 211-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution, et 20 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962, devenu l'article 9 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, et de l'application du principe de séparation de l'ordonnateur et du comptable public, que seul le comptable public est habilité à fournir à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution et à lui communiquer les pièces justificatives.

Encourt donc la cassation l'arrêt, qui, pour rejeter la demande de condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie-attribution en application de l'article R. 211-5, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution et celle en paiement de dommages-intérêts en application du deuxième alinéa du même texte, retient que les renseignements et pièces justificatives pouvaient être fournis par l'ordonnateur ou le sachant contacté par le comptable public.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 7 décembre 2017, pourvoi n° 16-23.603), l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône, aux droits de laquelle vient l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence Alpes Côte d'Azur (l'URSSAF), est créancière de la société Aegitna Sécurité Services (Aegitna) à hauteur d'une somme de 3 639 856,38 euros en vertu de deux contraintes exécutoires des 25 août et 26 septembre 2011.

2. Le 14 novembre 2011, l'URSSAF a fait procéder à une saisie-attribution, entre les mains de l'Ecole nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers (Ensosp), des sommes dont cet établissement public national aurait été tenu envers la société Aegitna au titre d'un marché public de prestations d'accueil téléphonique et de gardiennage sur les sites de l'Ensosp, qu'il lui avait attribué le 7 juin 2011.

3. Par jugement du 17 octobre 2013, un juge de l'exécution a dit que le juge de l'exécution est compétent pour statuer sur la mesure de saisie-attribution réalisée entre les mains de l'Ensosp, tiers saisi, que la mesure notifiée à l'Ensosp le 14 novembre 2012 est régulière, a déclaré le juge de l'exécution incompétent pour statuer sur la validité de l'avenant au marché public attribué à la société Aegitna et portant transfert du marché à la société Amo 13, renvoyé les parties à saisir le tribunal administratif sur cette question, rejeté la demande d'indemnisation de l'URSSAF, rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens qui lui incombe.

4. L'URSSAF a interjeté appel de cette décision.

5. Par ordonnance d'incident du 19 juin 2015, un conseiller de la mise en état s'est déclaré incompétent au profit de la cour administrative d'appel de Marseille.

6. Par arrêt sur déféré de l'URSSAF du 8 janvier 2016, une cour d'appel a infirmé cette ordonnance et statuant à nouveau, a déclaré l'exception d'incompétence recevable mais mal fondée et en a débouté l'Ensosp.

7. Par arrêt du 1er juillet 2016, la même cour d'appel a infirmé le jugement du 17 octobre 2013, en ce qu'il a dit que l'Ensosp avait respecté son obligation d'information, en ce qu'il a déclaré le juge de l'exécution incompétent pour statuer sur la validité de l'avenant portant transfert du marché public, renvoyé les parties à saisir le tribunal administratif sur cette question, en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de l'URSSAF et en ce qu'il a dit que chaque partie conserverait la charge de ses dépens.

Statuant à nouveau sur ces chefs, elle a débouté l'URSSAF de sa demande de condamnation de l'Ensosp à lui payer les causes de la saisie dans la limite des sommes dues par elle à la société Aegitna jusqu'au 3 février 2012, condamné l'Ensosp à payer à l'URSSAF une somme équivalente de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article R. 211-5 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution et de 30 000 euros par application de l'article R. 211-9 du même code, débouté les parties de leurs demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamné l'Ensosp aux dépens de première instance et d'appel avec distraction.

8. Par arrêt du 7 décembre 2017 (2e Civ., 7 décembre 2017, pourvoi n° 16-23.603), la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt, sauf en ce qu'il a infirmé le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en date du 17 octobre 2013 ayant déclaré le juge de l'exécution incompétent pour statuer sur la validité de l'avenant au marché public attribué à Aegitna et portant transfert du marché à la société Amo, et renvoyé les parties à saisir le tribunal administratif. Elle a remis, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la même cour d'appel autrement composée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de condamnation de l'Ensosp en vertu de l'article R. 211-5 alinéas 1 et 2 du code des procédures civiles d'exécution, alors « que par dérogation à l'article 59 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992, devenu l'article R. 211-4, alinéa 1er, du code des procédures civiles d'exécution, le comptable public dispose d'un délai de vingt-quatre heures pour fournir à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991, devenu l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, et lui communiquer les pièces justificatives ; que les fonctions d'ordonnateur et de comptable public sont incompatibles ; qu'en l'espèce, en retenant que ces renseignements et pièces justificatives pouvaient être fournis directement par l'ordonnateur ou le sachant contacté par le comptable public, de sorte que l'Ensosp n'avait pas manqué à ses obligations de tiers saisi envers l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur, créancier poursuivant, la cour d'appel a violé l'article 5 du décret n° 93-977 du 31 juillet 1993, devenu l'article R. 211-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution, et l'article 20 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962, devenu l'article 9 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 » :

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, l'article 5 du décret n° 93-977 du 31 juillet 1993, devenu l'article R. 211-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution, et l'article 20 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962, devenu l'article 9 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

9. Aux termes du premier de ces textes, le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures.

Selon le deuxième, si le tiers saisi est tenu de fournir sur-le-champ à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article L. 211-3 et de lui communiquer les pièces justificatives, par dérogation à cet alinéa, lorsque la saisie est pratiquée entre les mains du comptable public, celui-ci dispose d'un délai de vingt-quatre heures pour fournir à l'huissier de justice ces renseignements et lui communiquer les pièces justificatives.

10. Il résulte de ces dispositions et de l'application du principe de séparation de l'ordonnateur et du comptable public, que seul ce dernier est habilité à fournir à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution et à lui communiquer les pièces justificatives.

11. Pour rejeter la demande de condamnation de l'URSSAF au paiement des causes de la saisie-attribution en application de l'article R. 211-5 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution et celle en paiement de dommages-intérêts en application du deuxième alinéa du même texte, l'arrêt retient que les renseignements et pièces justificatives pouvaient être fournis par l'ordonnateur ou le sachant contacté par le comptable public et que, par conséquent, l'Ensosp avait bien satisfait, d'une part, à son obligation de renseignement le jour de la saisie en complétant et précisant ses déclarations le lendemain dans le délai légal de vingt-quatre heures, et d'autre part, à son obligation de communiquer les pièces justificatives.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Provence Alpes Côte d'Azur (URSSAF) de ses demandes de condamnation de l'Ecole nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers (Ensosp) en vertu de l'article R. 211-5 alinéas 1 et 2 du code des procédures civiles d'exécution, l'arrêt rendu le 17 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Martinel - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh -

Textes visés :

Articles L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, 5 du décret n° 93-977 du 31 juillet 1993, devenu l'article R. 211-4, alinéa 3, du code des procédures civiles d'exécution, et 20 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962, devenu l'article 9 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; principe de séparation de l'ordonnateur et du comptable public.

2e Civ., 2 juillet 2020, n° 19-14.893, (P)

Cassation

Mesures d'exécution forcée – Saisie-vente – Commandement – Signification – Signification à personne – Recherches infructueuses – Signification effectuée à une adresse autre que la dernière adresse connue – Portée

Il résulte de l'article 659 du code de procédure civile que la signification d'un acte selon les modalités de cet article en un lieu autre que la dernière adresse connue ne vaut pas notification.

Prive dès lors de base légale sa décision la cour d'appel qui ne recherche pas, comme il lui était demandé, si l'adresse à laquelle la signification a été faite était la dernière adresse connue du destinataire de l'acte.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 30 avril 2018), le 1er avril 2016, la société Cofidis a fait signifier à Mme E... un commandement à fin de saisie-vente sur le fondement d'un jugement d'un tribunal d'instance du 7 mai 2015.

2. Par jugement du 24 octobre 2016, un juge de l'exécution, saisi par Mme E... en nullité de ce commandement au motif de la nullité de la signification du titre exécutoire, a rejeté cette demande.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Mme E... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à l'annulation du commandement aux fins de saisie-vente, du procès-verbal de saisie-vente du 1er avril 2016 et de la saisie, ensemble de rejeter ses demandes alors « qu'avant d'établir un procès-verbal tel que prévu à l'article 659 du code de procédure civile, l'huissier de justice doit s'assurer du dernier domicile connu du destinataire de l'acte et se présenter à ce dernier domicile connu ; qu'en l'espèce, Mme E... soutenait que si l'huissier de justice s'est présenté à une adresse située à Hendaye (Pyrénées Atlantiques), avant de dresser le procès-verbal du 6 octobre 2015, l'adresse d'Hendaye ne correspondait pas à son dernier domicile connu, son dernier domicile connu étant situé à Ainharp (Pyrénées Atlantiques) ; qu'en déclarant régulier le procès-verbal du 6 octobre 2015, sans avoir constaté au préalable, condition pour qu'un procès-verbal de recherches infructueuses fût dressé, que le dernier domicile connu était bien situé à Hendaye, où l'huissier de justice s'est présenté, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 659 du Code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 659 du code de procédure civile :

4. Il résulte de ce texte que la signification d'un acte selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile en un lieu autre que la dernière adresse connue ne vaut pas notification.

5. Pour confirmer le jugement rejetant la demande de nullité du commandement à fin de saisie-vente, l'arrêt retient que la signification est régulière dès lors que le jugement a été signifié à Mme E... le 6 octobre 2015 à Hendaye (64), selon les formes prévues à l'article 659 du code de procédure civile et qu'il est justifié de ce qu'un courrier recommandé avec accusé de réception a été envoyé à Mme E....

4. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'adresse à Hendaye était la dernière adresse connue de Mme E..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

5. La demande de délais de paiement, que la cour d'appel a tranché dans son dispositif était une demande subsidiaire de Mme E... de sorte que la cassation sur le rejet de sa demande principale entraîne par voie de conséquence la cassation sur le chef de dispositif ayant statué sur sa demande subsidiaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 659 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 16 décembre 2004, pourvoi n° 03-11.510, Bull. 2004, II, n° 532 (cassation), et l'arrêt cité.

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