Numéro 7 - Juillet 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2020

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 2 juillet 2020, n° 19-14.086, (P)

Cassation

Fin de non-recevoir – Action en justice – Irrecevabilité – Régularisation – Domaine d'application

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué, la société Corse de distribution (la société Socodi) a interjeté appel le 29 mars 2016 devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence d'un jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio dans le litige l'opposant à M. L....

2. Le 4 mai 2016, la société Socodi a interjeté un nouvel appel devant la cour d'appel de Bastia et s'est désistée le 14 juin 2018 de l'appel pendant devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui a constaté ce désistement par un arrêt du 29 juin 2018.

3. M. L... a soulevé l'irrecevabilité de l'appel formé devant la cour d'appel de Bastia.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches

Enoncé du moyen

3. La société Socodi fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel irrecevable et de la débouter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que la saisine irrégulière d'une cour d'appel territorialement incompétente autorise la partie appelante à saisir sans délai la cour d'appel territorialement compétente afin de régulariser la procédure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Bastia a jugé irrecevable l'appel interjeté par la société exposante au motif qu'au jour où celui-ci a été formé, un premier appel était encore pendant devant la cour d'appel d'Aix en Provence ; qu'en statuant ainsi, quand l'adage « appel sur appel ne vaut » n'a vocation à s'appliquer que dans la mesure où une cour d'appel a déjà régulièrement été saisie d'un premier appel et qu'en l'espèce, il était constant que la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui avait été saisie était territorialement incompétente, ce dont il résultait que le premier appel était irrégulier et qu'ainsi l'appelante avait intérêt à former le second appel pour réparer cette irrégularité, et ce, même si elle avait indiqué avoir sciemment saisi la première juridiction incompétente en raison de sa qualité de conseiller prud'hommes dans le ressort bastiais ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé par fausse application cet adage, ensemble les articles 30, 31, 122, 542, 543 et 546 du code de procédure civile ;

2°/ que le droit d'accès au juge interdit à une cour d'appel territorialement compétente de refuser de statuer sur l'appel formé par une partie au prétexte que celle-ci a préalablement saisi une cour d'appel territorialement incompétente, dès lors qu'il est constant que cette dernière n'a pas statué au fond ; qu'à défaut, le refus de statuer au fond sur le second appel constitue un déni de justice ; que le fait de sanctionner par l'irrecevabilité le second appel formé à l'encontre d'un même jugement afin de régulariser la procédure d'appel porte atteinte au droit de la partie appelante à un procès équitable ; qu'en l'espèce, en jugeant le second appel irrecevable, quand la société appelante s'était désistée de son premier appel irrégulièrement formé devant une cour d'appel territorialement incompétente, la cour d'appel a privé la société appelante d'un droit à un recours effectif dans le cadre d'un procès équitable et commis un déni de justice ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble, l'article 4 du code civil et fait une fausse application de l'adage contra legem « appel sur appel ne vaut. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 126 et 546 du code de procédure civile, et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Il résulte de ces textes que la saisine d'une cour d'appel territorialement incompétente donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée avant que le juge statue, à condition que le délai d'appel n'ait pas expiré.

5. La circonstance que le désistement de l'appel porté devant la juridiction incompétente n'était pas intervenu au jour où l'appel a été formé devant la cour d'appel territorialement compétente ne fait pas obstacle à la régularisation de l'appel.

4. Pour déclarer irrecevable l'appel interjeté le 4 mai 2016 devant la cour d'appel de Bastia, l'arrêt retient que l'appel formé devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence était encore pendant lorsque le second appel contre le même jugement a été interjeté devant la cour d'appel de Bastia, privant par là-même la société Socodi d'intérêt à agir.

5. En statuant ainsi, alors que le second appel avait été formé avant l'expiration du délai d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles 126 et 546 du code de procédure civile ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2e Civ., 2 juillet 2020, n° 19-12.752, (P)

Cassation

Notification – Notification entre avocats – Modalités – Détermination – Portée

Selon l'article 672 du code de procédure civile, la signification des actes entre avocats est constatée par l'apposition du cachet et de la signature de l'huissier de justice sur l'acte et sa copie avec l'indication de la date et du nom de l'avocat destinataire. Selon l'article 673 du même code, la notification directe des actes entre avocats s'opère par la remise de l'acte en double exemplaire à l'avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l'un des exemplaires après l'avoir daté et visé.

Viole ces dispositions la cour d'appel qui statue sans débat au visa de conclusions comportant la mention imprimée selon laquelle elles avaient été notifiées à l'avocat constitué par la partie adverse (arrêt n° 1, pourvoi n° 19-12.752) ou sur lesquelles avait été apposé un tampon de l'ordre des avocats d'un barreau faisant état de leur notification et revêtu de la signature de l'avocat auteur des conclusions (arrêt n° 2, pourvoi n° 19-12.753), sans vérifier que ces conclusions avaient été notifiées dans les formes requises et que la partie adverse avait été mise en mesure d'y répondre.

Droit de la défense – Conclusions – Notification – Notification entre avocats – Régularité – Vérification – Office du juge

Notification – Notification entre avocats – Signification – Mentions

Faits et procédure :

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 décembre 2018) et les productions, par une ordonnance du 27 février 2009, un tribunal d'instance, statuant comme tribunal de l'exécution, a ordonné, à la requête de la caisse de Crédit mutuel La Frontalière (la banque), la vente forcée de biens immobiliers appartenant à M. H... et Mme I....

2. Saisi par une nouvelle requête en adjudication forcée de la banque en date du 23 février 2017, le tribunal d'instance y a fait droit par ordonnance d'adhésion du 11 juillet 2017.

3. Sur le pourvoi immédiat formé par M. H... et Mme I..., ce tribunal a, par ordonnance du 30 novembre 2017, dit n'y avoir lieu à rétracter sa décision et transmis le dossier à une cour d'appel.

Examen du moyen :

Sur le moyen, pris en sa seconde branche :

Enoncé du moyen

4. M. H... et Mme I... font grief à l'arrêt de déclarer le pourvoi immédiat mal fondé, de maintenir l'ordonnance du 11 juillet 2017 du tribunal de l'exécution forcée immobilière, d'ordonner l'accès de la caisse de Crédit mutuel La Frontalière à l'adjudication forcée prononcée le 27 février 2009 par ordonnance du tribunal de l'exécution de Huningue concernant l'immeuble situé [...] (68220) cadastré section [...], [...], inscrit au Livre foncier de Hegenheim, au nom de M. V... H... et de Mme A... I..., chacun pour moitié, pour avoir paiement de la somme de 177 770,90 CHF représentant la contrevaleur en euros au cours du 14 novembre 2016 de 154 334,44 euros et des intérêts au taux légal sur la somme de 11 629,87 CHF représentant la contrevaleur en euros au cours du 14 janvier 2016 de 10 803,41 euros et les cotisations d'assurance vie conformément au contrat à compter du 15 novembre 2016 jusqu'au règlement définitif alors « que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; qu'en statuant sans débat au visa de conclusions de la caisse de Crédit mutuel La Frontalière du 19 novembre 2018, postérieures au pourvoi immédiat de M. et Mme H... du 11 août 2017, sans même s'assurer que ces écritures avaient été communiquées à M. et Mme H... et que ceux-ci avaient été mis en mesure d'y répondre utilement, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour :

Vu les articles 672 et 673 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

5. Selon le premier de ces textes, la signification des actes entre avocats est constatée par l'apposition du cachet et de la signature de l'huissier de justice sur l'acte et sa copie avec l'indication de la date et du nom de l'avocat destinataire.

Selon le deuxième, la notification directe des actes entre avocats s'opère par la remise de l'acte en double exemplaire à l'avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l'un des exemplaires après l'avoir daté et visé.

6. L'arrêt attaqué se prononce sans débat au visa de conclusions de la caisse de Crédit mutuel La Frontalière du 19 novembre 2018, postérieures au pourvoi immédiat de M. H... et Mme I... du 11 août 2017, et comportant la mention imprimée selon laquelle elles avaient été notifiées à l'avocat constitué par M. H... et Mme I....

7. En statuant ainsi, sans vérifier que ces conclusions avaient été notifiées à l'avocat de M. H... et de Mme I... dans les formes requises, et que ces derniers en avaient eu connaissance et avaient été mis en mesure d'y répondre, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; Me Le Prado -

Textes visés :

Articles 672 et 673 du code de procédure civile ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2e Civ., 2 juillet 2020, n° 19-12.753, (P)

Cassation

Notification – Notification entre avocats – Modalités – Détermination – Portée

Selon l'article 672 du code de procédure civile, la signification des actes entre avocats est constatée par l'apposition du cachet et de la signature de l'huissier de justice sur l'acte et sa copie avec l'indication de la date et du nom de l'avocat destinataire. Selon l'article 673 du même code, la notification directe des actes entre avocats s'opère par la remise de l'acte en double exemplaire à l'avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l'un des exemplaires après l'avoir daté et visé.

Viole ces dispositions la cour d'appel qui statue sans débat au visa de conclusions comportant la mention imprimée selon laquelle elles avaient été notifiées à l'avocat constitué par la partie adverse (arrêt n° 1, pourvoi n° 19-12.752) ou sur lesquelles avait été apposé un tampon de l'ordre des avocats d'un barreau faisant état de leur notification et revêtu de la signature de l'avocat auteur des conclusions (arrêt n° 2, pourvoi n° 19-12.753), sans vérifier que ces conclusions avaient été notifiées dans les formes requises et que la partie adverse avait été mise en mesure d'y répondre.

Droit de la défense – Conclusions – Notification – Notification entre avocats – Régularité – Vérification – Office du juge

Notification – Notification entre avocats – Signification – Mentions

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 20 décembre 2018) et les productions, par ordonnance du 6 octobre 2017, un tribunal d'instance, statuant comme tribunal de l'exécution, a ordonné, à la requête de la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque), la vente forcée de biens immobiliers appartenant à la SCI du Quai (la SCI).

2. Sur le pourvoi immédiat formé par cette dernière le 20 octobre 2017, le tribunal a, par ordonnance du 17 novembre 2017, dit n'y avoir lieu à rétracter sa décision et transmis le dossier à une cour d'appel.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer son pourvoi immédiat mal fondé et de confirmer l'ordonnance du tribunal de l'exécution forcée immobilière de Strasbourg en date du 6 octobre 2017 et d'ordonner la vente forcée des immeubles sis à Strasbourg et cadastrés comme suit : livre foncier de Strasbourg, section [...], lots 7 et 10, à hauteur de la somme de 227 806,03 euros selon commandement de payer aux fins de vente forcée immobilière du 19 septembre 2017, de commettre M. E... W..., notaire à Strasbourg, en vue de procéder aux opérations de vente forcée immobilière, de dire que la mise à prix serait fixée conformément à l'article 147 de la loi civile du 1er juin 1924 et de dire que le notaire commis devrait respecter le rang des créanciers hypothécaires inscrits en cas de distribution ultérieure, en se prononçant au vu des conclusions récapitulatives de la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne en date du 16 novembre 2018 alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en se fondant, pour déclarer le pourvoi immédiat de la SCI du Quai mal fondé sur les conclusions récapitulatives de la Banque populaire Alsace Lorraine Champagne en date du 16 novembre 2018 qui n'avaient pourtant pas été notifiées à SCI du Quai, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour :

Vu les articles 672 et 673 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales :

4. Selon le premier de ces textes, la signification des actes entre avocats est constatée par l'apposition du cachet et de la signature de l'huissier de justice sur l'acte et sa copie avec l'indication de la date et du nom de l'avocat destinataire.

Selon le deuxième, la notification directe des actes entre avocats s'opère par la remise de l'acte en double exemplaire à l'avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l'un des exemplaires après l'avoir daté et visé.

5. L'arrêt attaqué se prononce sans débat au visa de conclusions de la banque du 16 novembre 2018, postérieures au pourvoi immédiat, et sur lesquelles avait été apposé un tampon de l'ordre des avocats de Strasbourg faisant état de leur notification et revêtu de la signature de l'avocat de la banque.

6. En statuant ainsi, sans vérifier que ces conclusions avaient été notifiées à l'avocat de la SCI, et que cette dernière en avait eu connaissance et avait été mise en mesure d'y répondre, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Buk Lament-Robillot ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Articles 672 et 673 du code de procédure civile ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2e Civ., 2 juillet 2020, n° 19-11.624, (P)

Rejet

Procédure de la mise en état – Juge de la mise en état – Ordonnance du juge de la mise en état – Ordonnance statuant exclusivement sur la compétence – Voies de recours – Appel – Modalités – Procédure à jour fixe – Application

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 décembre 2018), la société Areva et la société Orano cycle, anciennement dénommée Areva NC, ont relevé appel de l'ordonnance du juge de la mise en état d'un tribunal de grande instance, rendue le 6 février 2018, ayant dit ce tribunal compétent pour connaître du litige opposant ces sociétés à M. T..., la société Opérations et organisations spéciales (la société OPOS) et M. R....

Sur l'application de l'article 688 du code de procédure civile

2. Le mémoire ampliatif a été transmis en vue de sa notification à M. R..., résidant au Mali, le 7 juin 2019. Il résulte des démarches que la société Areva et la société Orano cycle justifient avoir accomplies depuis lors auprès des autorités chargées de cette transmission, que ce mémoire n'a pas pu être remis à M. R....

3. Un délai de six mois s'étant écoulé depuis la transmission du mémoire ampliatif, il y a lieu de statuer sur le pourvoi.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Areva et la société Orano cycle font grief à l'arrêt de déclarer caduque leur déclaration d'appel formée à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre le 6 février 2018 (RG n° 16/11570), en ce qu'elle vise le chef de décision disant le tribunal de grande instance de Nanterre compétent pour connaître du litige les opposant à M. T..., la société OPOS et M. R..., alors :

« 1°/ que l'ordonnance du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure tirée de l'incompétence de la juridiction saisie n'est susceptible que d'un appel dans les formes et modalités fixées par les articles 776 et 905 du code de procédure civile, à l'exclusion de celles applicables à l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence et visées aux articles 83 et suivants du même code, selon lesquels l'appelant doit notamment solliciter par voie de requête une autorisation d'assigner à jour fixe les intimés ; qu'en déclarant néanmoins caduque la déclaration d'appel de l'ordonnance du 6 février 2018, motif pris que la société Areva et la Société Orano cycle n'ayant pas sollicité par voie de requête une autorisation d'assigner à jour fixe les intimés, elles n'avaient pas respecté les formes et modalités de l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, telles qu'elles résultent des articles 83 et suivants susvisés, la cour d'appel a violé les articles 776 et 905 du code de procédure civile, ensemble les articles 83 et suivants, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, du même code ;

2°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que le droit d'accès à un tribunal doit être concret et effectif : que les limitations à ce droit ne doivent pas restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même, notamment en raison d'un formalisme excessif en ce qui concerne les exigences procédurales ; que ne satisfont pas à cette exigence, les dispositions qui, par leur ambiguïté, ne mettent pas le justiciable en mesure de déterminer les modalités de la voie de recours qui lui est ouverte ; qu'en déclarant néanmoins caduque la déclaration d'appel de l'ordonnance du 6 février 2018, motif pris qu'elle ne respectait pas les formes de l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, telle qu'elles résultent des articles 83 et suivants du code de procédure civile, bien que la société Areva et la société Orano cycle aient pu légitimement considérer que l'appel relevait des modalités fixées par les articles 776 et 905 du code de procédure civile, dès lors que ces articles visent l'appel des ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure, la cour d'appel, qui a privé les appelants de leur droit d'accès au juge d'appel, en leur opposant des dispositions dont l'ambiguïté était de nature à les induire en erreur, a violé l'article 6, §1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que, nonobstant toute disposition contraire, l'appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer un avocat, de la procédure à jour fixe et qu'en ce cas, l'appelant doit saisir, dans le délai d'appel, le premier président de la cour d'appel en vue d'être autorisé à assigner l'intimé à jour fixe.

6. L'application de ces textes spécifiques à l'appel d'une ordonnance d'un juge de la mise en état statuant sur la compétence du tribunal de grande instance se fonde sur la lettre et la finalité de l'ensemble du dispositif, dont l'objectif, lié à la suppression du contredit, était de disposer d'une procédure unique et rapide pour l'appel de tous les jugements statuant sur la compétence.

7. L'application de ces dispositions, sanctionnées par la caducité de l'appel, sauf cas de force majeure, ne pouvait être exclue pour une partie représentée par un avocat, professionnel avisé.

En outre, ces dispositions poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel des jugements statuant sur la compétence sans se prononcer sur le fond du litige, la compétence du juge appelé à connaître d'une affaire pouvant être définitivement déterminée dans les meilleurs délais. Elles ne portent pas une atteinte disproportionnée à l'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé.

8. Dès lors, ayant relevé que les sociétés appelantes, qui ne se prévalaient d'aucun moyen pris d'un risque d'atteinte portée à leur droit à un procès équitable, ne s'étaient pas conformées à ces prescriptions, c'est à bon droit que la cour d'appel a prononcé la caducité de leur déclaration d'appel.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Richard ; Me Carbonnier -

Textes visés :

Articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 11 juillet 2019, pourvoi n° 18-23.617, Bull. 2019, (rejet), et l'avis cité.

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