Numéro 7 - Juillet 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2020

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE

Soc., 8 juillet 2020, n° 18-13.593, (P)

Cassation partielle

Licenciement – Cause – Cause réelle et sérieuse – Défaut – Applications diverses – Dénonciation de faits dont le salarié a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions – Conditions – Détermination – Portée

Il résulte de l'article L. 1132-3-3 du code du travail, créé par la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013, que le salarié qui a relaté ou témoigné de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. D..., engagé le 1er juillet 2008 en qualité de magasinier poseur par la société Eurofeu services, exerçait en dernier lieu les fonctions de vérificateur-vendeur ; qu'après avoir fait l'objet d'avertissements le 24 avril puis le 30 juillet 2014, il a été licencié pour faute grave le 10 octobre 2014 aux motifs qu'il avait, d'une part, dénigré l'entreprise dans des courriers adressés au directeur de région en réponse à ces avertissements et, d'autre part, déposé plainte contre le responsable d'une agence de l'entreprise dans le but de déstabiliser cette structure ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1121-1 du code du travail ;

Attendu que pour rejeter la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif, l'arrêt retient que les allégations de l'intéressé, contenues dans les lettres des 10 mai et 14 août 2014, évoquant des pratiques d'escroquerie et d'abus de confiance envers les clients ne sont pas établies et qu'elles constituent par leur caractère outrancier un excès à la liberté d'expression du salarié ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les lettres litigieuses, adressées uniquement au directeur de région en réponse à deux avertissements et rédigées en des termes qui n'étaient ni injurieux, diffamatoires ou excessifs, ne caractérisaient pas un abus dans la liberté d'expression du salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen, qui est recevable :

Vu l'article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 ;

Attendu selon ce texte qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions ; qu'il s'en déduit que le salarié ne peut être licencié pour ce motif sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ;

Attendu que pour rejeter la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif, l'arrêt retient que les faits pour lesquels l'intéressé a déposé plainte auprès de la gendarmerie n'ont pas donné lieu à des poursuites pénales et que le salarié ne peut sérieusement plaider la bonne foi dès lors qu'il ne pouvait ignorer que cette plainte allait nécessairement déstabiliser son agence ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la mauvaise foi du salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge que le licenciement de M. D... repose sur une faute et qu'il est en conséquence pourvu d'une cause réelle et sérieuse, déboute M. D... de sa demande d'indemnité de rupture du contrat de travail, dit n'y avoir lieu d'ordonner le remboursement par la société Eurofeu services des indemnités servies à M. D... au titre de l'indemnisation du chômage, déboute M. D... de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel, le condamne au paiement à la société Eurofeu services de la somme de 500 euros sur ce même fondement et le condamne aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 12 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Marguerite - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Hémery, Thomas-Raquin et Le Guerer -

Textes visés :

Article L. 1132-3-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013.

Rapprochement(s) :

Sur l'impossibilité de licencier un salarié ayant relaté ou témoigné de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions pour ce motif, à rapprocher : Soc., 12 juillet 2006, pourvoi n° 04-41.075, Bull. 2006, V, n° 245 (cassation partielle) ; Soc., 30 juin 2016, pourvoi n° 15-10.557, Bull. 2016, V, n° 140 (cassation partielle).

Soc., 8 juillet 2020, n° 18-26.140, (P)

Rejet

Licenciement économique – Cause – Cause réelle et sérieuse – Motif économique – Défaut – Cas – Difficultés économiques résultant d'agissements fautifs de l'employeur – Cessation d'activité résultant de la liquidation judiciaire – Absence d'influence

Le fait que la cessation d'activité de l'entreprise résulte de sa liquidation judiciaire ne prive pas le salarié de la possibilité d'invoquer l'existence d'une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz,12 septembre 2017), Mme L... a été engagée le 1er janvier 2000 par la société [...] en qualité de secrétaire comptable.

2. Par jugement du 26 juin 2013, la chambre commerciale du tribunal de grande instance, statuant sur requête du ministère public, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société, la société K... et Y..., représentée par Mme K..., étant désignée liquidateur.

3. La salariée a été licenciée pour motif économique le 9 juillet 2013 en raison de la liquidation judiciaire impliquant la cessation d'activité de l'entreprise.

4. Par jugement du 13 octobre 2015, la chambre commerciale du tribunal de grande instance a condamné le gérant de la société [...] à payer au liquidateur judiciaire une somme correspondant à la totalité de l'insuffisance d'actif en raison notamment d'un défaut de déclaration d'état de cessation des paiements et d'un détournement d'actif.

5. La salariée, soutenant que la cessation d'activité de l'entreprise résultait d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur, a saisi la juridiction prud'homale afin de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et voir fixer sa créance dans la procédure collective à ce titre.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1° / que la cessation d'activité de l'entreprise résultant de sa liquidation judiciaire ne constitue pas un motif économique réel et sérieux lorsqu'elle est en rapport avec une faute ou une légèreté blâmable de l'employeur ; qu'en retenant que la cessation d'activité de la société [...] ne résultait pas d'une décision de son gérant, mais de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire sur requête du ministère public pour défaut persistant de paiement des salaires et des charges, pour exclure que la légèreté blâmable du gérant de l'entreprise puisse priver de cause réelle et sérieuse le licenciement de la salariée prononcé par le liquidateur judiciaire, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;

2°/ que la cessation d'activité de l'entreprise résultant de sa liquidation judiciaire ne constitue pas un motif économique réel et sérieux lorsqu'elle est en rapport avec une faute ou une légèreté blâmable de l'employeur ; que la salariée faisait valoir que la société [...] avait fait preuve de légèreté blâmable en rapport avec sa liquidation judiciaire en se prévalant du jugement du 13 octobre 2015 de la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Metz ayant condamné le dirigeant de la société [...] à payer au liquidateur de la société [...] l'intégralité du passif social de cette dernière pour n'avoir pas déclaré l'état de cessation des paiements de la société en dépit de l'alerte donnée par la salariée en sa qualité d'associée, et pour avoir détourné les actifs de la société [...] en mettant ses locaux à la disposition d'une autre société BG2M dont il détenait 95 % des parts sans cession de fonds de commerce ou de droit au bail, ces fautes, antérieures à la liquidation judiciaire, ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société [...] ; qu'en retenant qu'il importait peu que le gérant de la société ait été condamné à supporter le passif social pour défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal et détournement d'actifs, dès lors que ces éléments n'avaient pas d'influence sur la réalité du motif économique du licenciement, sans rechercher comme elle y était invitée si les fautes précitées ne caractérisaient pas que l'employeur avait fait preuve de légèreté blâmable à l'origine de la liquidation judiciaire de son entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Le fait que la cessation d'activité de l'entreprise résulte de sa liquidation judiciaire ne prive pas le salarié de la possibilité d'invoquer l'existence d'une faute de l'employeur à l'origine de la cessation d'activité, de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.

8. Cependant, ayant fait ressortir que le défaut de déclaration de l'état de cessation des paiements de la société et le détournement d'actif commis par le dirigeant postérieurement à l'ouverture de la procédure collective n'étaient pas à l'origine de la liquidation judiciaire, la cour d'appel, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Duvallet - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 1233-3 du code du travail.

Soc., 8 juillet 2020, n° 18-25.352, (P)

Rejet

Licenciement économique – Licenciement collectif – Plan de sauvegarde de l'emploi – Contestation – Action en contestation – Prescription – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

Le délai de prescription de douze mois prévu par l'article L. 1235-7 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et applicable du 1er juillet 2013 au 24 septembre 2017, concerne les contestations, de la compétence du juge judiciaire, fondées sur une irrégularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l'emploi ou sur la nullité de la procédure de licenciement en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un tel plan, telle la demande d'indemnisation prévue à l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013. Ce délai de prescription court à compter de la notification du licenciement.

Licenciement économique – Licenciement collectif – Plan de sauvegarde de l'emploi – Contestation – Action en contestation – Prescription – Délai – Domaine d'application – Détermination – Portée

Licenciement – Nullité – Action en nullité – Prescription – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 3 octobre 2018), Mme P... a été engagée le 1er juillet 1976, en qualité d'ouvrière qualifiée, par la société Gringoire, devenue la société Les Comptoirs du biscuit qui par jugement du 4 juillet 2013 a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, M. R... ayant été désigné en qualité de liquidateur judiciaire. Un document unilatéral fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi a été transmis à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi le 19 juillet 2013.

L'absence de réponse de l'autorité administrative dans le délai de l'article L. 1233-58, II, du code du travail a produit les effets d‘une homologation implicite.

Par lettre du 25 juillet 2013, Mme P... a été licenciée dans le cadre de la procédure de licenciement économique collectif.

2. Le 13 juin 2014, d'autres salariés ont saisi la juridiction administrative aux fins d'annulation de la décision implicite d'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi.

Par ordonnance du 12 août 2014, le tribunal administratif a rejeté leurs requêtes.

Par arrêt du 10 novembre 2014, la cour administrative d'appel a annulé l'ordonnance ainsi que la décision implicite d'homologation.

3. Les 14 juin et 21 juillet 2016, Mme P... a saisi la juridiction prud'homale, pour solliciter à titre principal l'indemnisation d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail et à titre subsidiaire l'indemnisation prévue par l'article L. 1233-58, II, du même code, en se prévalant, pour l'ensemble de ces demandes, de la décision d'annulation de la cour administrative d'appel du 10 novembre 2014, cette date fixant selon elle le point de départ de la prescription de son action.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause le CGEA d'Ile-de-France Ouest, de déclarer irrecevables ses demandes comme étant prescrites, alors :

« 1°/ que le délai de douze mois prévu par le second alinéa de l'article L. 1235-7 du code du travail n'est applicable qu'aux actions mettant en cause la régularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l'emploi ou aux contestations susceptibles d'entraîner la nullité de la procédure de licenciement collectif pour motif économique en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un tel plan ; que, pour déclarer, en l'espèce, irrecevables les demandes de la salariée fondée sur l'application de l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, la cour d'appel a rappelé l'énoncé de l'article L. 1235-7 du code du travail, dans sa version issue de la loi du 14 juin 2013 et applicable au litige et considéré que c'est au 25 juillet 2013 qu'a débuté le délai de prescription de cette disposition, la salariée ayant agi alors que la prescription était acquise ; qu'en statuant ainsi, alors que la demande fondée sur l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail ne met en cause ni la régularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l'emploi ni sa validité en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un tel plan, la cour d'appel, à qui il revenait de faire application, comme elle y était invitée, non pas de l'article L. 1235-7 mais de l'article L. 1471-1 du même code, dans leur version alors en vigueur, a violé les dispositions de ces texte ainsi que celles de l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail ;

2°/ que, selon l'article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; que, selon l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à la validation ou à l'homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ; qu'il ressort de la combinaison de ces deux textes que c'est à la date où l'annulation par le juge administratif de la décision d'homologation est devenue définitive que les salariés ont connaissance du fait leur permettant d'exercer leur action tendant à l'octroi de l'indemnité de l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail et qu'ainsi le délai de prescription de cette action ne court qu'à compter de cette date ; que, pour déclarer, en l'espèce, irrecevables les demandes de la salariée fondée sur l'application de l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, la cour d'appel a considéré que, sur le fondement de l'article L. 1471-1 du code du travail ou de l'article L. 1235-7 du code du travail, dans leur version alors en vigueur, le point de départ du délai de prescription de l'action tendant à l'octroi de l'indemnité de l'article L. 1233-58, II, alinéa 5, précité a couru dès le 25 juillet 2013, date de notification à la salariée de la rupture de son contrat de travail, et qu'au jour où la salariée a saisi la juridiction prud'homale, soit le 14 juin 2016, son action était prescrite ; qu'en statuant ainsi, alors que l'annulation de la décision implicite d'homologation du document unilatéral de l'employeur était devenue définitive avec l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 10 novembre 2014, date à partir de laquelle le délai de prescription biennal, applicable à cette demande, avait couru, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1233-58, II, alinéa 5, et L. 1471-1 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

5. Le délai de prescription de douze mois prévu par l'article L. 1235-7 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et applicable du 1er juillet 2013 au 24 septembre 2017, concerne les contestations, de la compétence du juge judiciaire, fondées sur une irrégularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l'emploi ou sur la nullité de la procédure de licenciement en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un tel plan, telle la demande d'indemnisation prévue à l'article L. 1233-58 II, alinéa 5, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013. Ce délai de prescription court à compter de la notification du licenciement.

6. La cour d'appel, qui a constaté que la salariée avait saisi la juridiction prud'homale plus d'un an après la notification de son licenciement, en a déduit à bon droit que sa demande d'indemnisation fondée sur les dispositions de l'article L. 1233-58, II, du code du travail était irrecevable comme prescrite.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Depelley - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller -

Textes visés :

Articles L. 1233-58, II, alinéa 5, et L. 1235-7 du code du travail, dans leur version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013.

Rapprochement(s) :

Sur le domaine d'application et le point de départ du délai de prescription de l'article L. 1235-7 du code du travail, à rapprocher : Soc., 11 septembre 2019, pourvoi n° 18-18.414, Bull. 2019, (cassation partielle sans renvoi), et l'arrêt cité.

Soc., 8 juillet 2020, n° 18-15.603, (P)

Cassation partielle

Licenciement – Licenciement disciplinaire – Formalités préalables – Formalités prévues par des dispositions conventionnelles ou un règlement intérieur – Saisine d'une instance disciplinaire – Avis – Signature par les membres de l'instance disciplinaire du document consignant l'avis et transmission au salarié – Garantie de fond – Exclusion – Portée

Sur le moyen unique, qui est recevable :

Vu les articles 55.4, 58.1, 58.3 et 58.4 de la convention collective nationale de travail du personnel des agences de voyages et de tourisme du 12 mars 1993, dans sa rédaction en vigueur au 1er juillet 2014 ;

Attendu que selon le premier des textes susvisés, la commission de conciliation d'entreprise est appelée à formuler un avis sur les sanctions que l'employeur se propose d'infliger à un salarié, à l'exception de l'avertissement et du blâme ; que selon le second, les avis de la commission de conciliation sont formulés à la majorité des membres la constituant ; que selon l'article 58.3, en cas d'avis défavorable à la mesure disciplinaire envisagée à l'encontre du salarié, l'employeur conserve son droit d'appliquer la mesure ; qu'enfin, l'article 58.4 prévoit que les avis de la commission de conciliation d'entreprise sont consignés dans un document signé par ses membres, lequel sera notifié au salarié par lettre recommandée avec avis de réception dans un délai maximum de cinq jours à compter du jour de la réunion de la commission ; la sanction éventuelle fera l'objet d'un envoi d'avis, la sanction pouvant prendre effet dès après la réunion de la commission et avant cette notification ;

Attendu selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a été engagée à compter du 1er janvier 1991 par la société Aquatour, aux droits de laquelle est venue la société Thomas Cook SAS, en qualité d'employée qualifiée selon contrat de travail régi par la convention collective nationale de travail du personnel des agences de voyage et de tourisme du 12 mars 1993 et a été nommée à compter du 1er avril 2000 en qualité de responsable d'agence ; qu'elle a été licenciée pour faute grave le 19 décembre 2014 après que la commission de conciliation de l'entreprise, réunie à sa demande le 5 décembre 2014, a rendu à la majorité de ses membres un avis favorable au licenciement ; qu'elle a contesté celui-ci devant la juridiction prud'homale ; qu'un jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société Thomas Cook SAS le 28 novembre 2019, la société BTSG et la société [...] sont intervenues à la procédure en qualité de liquidateurs de cette société par conclusions de reprise d'instance du 27 mai 2020 ;

Attendu que pour dire le licenciement de la salariée sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui payer diverses sommes, l'arrêt retient que la transmission au salarié dans le délai de cinq jours à compter de la date de réunion de la commission de conciliation d'entreprise de l'avis de cette dernière, émargé par ses membres, constitue une garantie de fond dont la violation prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu'il ajoute que le procès-verbal n'ayant pas été signé par l'ensemble des membres de la commission et n'ayant pas été transmis à l'issue de la réunion à la salariée, la garantie de fond de la procédure conventionnelle a été méconnue ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ne résultait pas de ses constatations que le défaut de signature du procès-verbal par l'ensemble des membres de la commission et de transmission de celui-ci à l'issue de la réunion, qui ne constituent pas des garanties de fond, avaient porté atteinte aux droits de la défense de la salariée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en ses dispositions ayant débouté Mme Y... de ses demandes en paiement de rappel de salaire ainsi que de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier et préjudice moral, l'arrêt rendu le 23 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Richard - Avocat général : M. Weissmann et Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles 55.4, 58.1, 58.3 et 58.4 de la convention collective nationale de travail du personnel des agences de voyages et de tourisme du 12 mars 1993, dans sa rédaction en vigueur au 1er juillet 2014.

Rapprochement(s) :

Sur d'autres cas d'absence de violation d'une garantie de fond, en matière de procédure disciplinaire, à rapprocher : Soc., 18 septembre 2019, pourvoi n° 18-10.261, Bull. 2019, (rejet), et les arrêts cités.

Soc., 8 juillet 2020, n° 19-10.534, (P)

Rejet

Licenciement – Salarié protégé – Mesures spéciales – Autorisation administrative – Annulation par l'autorité administrative – Caractère définitif – Conditions – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 14 décembre 2018), M. L..., salarié de la société Bongard depuis mars 2000, et titulaire de divers mandats représentatifs depuis 2002, a été licencié pour faute grave le 9 août 2012, après obtention d'une autorisation préalable de licenciement datée du 7 août 2012.

L'autorisation administrative a été annulée par la cour administrative d'appel le 23 juin 2015, et le pourvoi formé sur cette décision a été déclaré irrecevable par le Conseil d'Etat.

Le salarié a été réintégré dans ses fonctions le 21 juillet 2015.

2. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de l'indemnité prévue à l'article L. 2422-4 du code du travail en cas d'annulation d'une autorisation administrative de licenciement.

Par ailleurs, l'employeur a repris la procédure de licenciement et obtenu, le 15 février 2016, une autorisation de licenciement du ministre du travail.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une certaine somme au titre de l'indemnité de l'article L. 2422-4 du code du travail alors :

« 1°/ que l'indemnisation correspondant à la réparation du préjudice subi au cours de la période écoulée entre le licenciement d'un salarié protégé et sa réintégration n'est due que lorsque l'annulation de la décision autorisant le licenciement est devenue définitive ; que tel n'est pas le cas lorsque l'employeur poursuit, à la suite de la réintégration d'un salarié protégé, la procédure de licenciement initialement engagée en considération des mêmes faits ; qu'en l'espèce, la société soutenait que les dispositions de l'article L. 2422-4 du code du travail, prévoyant l'indemnisation du préjudice subi au cours de la période écoulée entre le licenciement du salarié protégé et sa réintégration, n'étaient pas applicables dès lors que, l'employeur ayant repris la même procédure de licenciement à la suite de la réintégration du salarié et cette procédure ayant abouti au licenciement du salarié, il s'agissait d'une seule et même procédure et donc qu'aucune annulation définitive de la dernière décision d'autorisation de licenciement n'était intervenue ; que pour accueillir les demandes indemnitaires formées par le salarié à l'encontre de la société exposante, la cour d'appel a considéré par motifs propres et adoptés que la circonstance que l'employeur ait repris un processus de licenciement du salarié en obtenant une nouvelle autorisation administrative de licenciement à son encontre fondée sur les mêmes faits était sans emport puisqu'elle reposait sur une autre autorisation administrative de licenciement et que la première décision d'autorisation de licenciement du 7 août 2012 était définitive ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 2422-4 du code du travail.

2°/ que l'indemnisation correspondant à la réparation du préjudice subi au cours de la période écoulée entre le licenciement d'un salarié protégé et sa réintégration n'est due que lorsque l'annulation de la décision autorisant le licenciement est devenue définitive ; que tel n'est pas le cas lorsque l'employeur poursuit, à la suite de la réintégration d'un salarié protégé, la procédure de licenciement initialement engagée en considération des mêmes faits ; qu'en l'espèce, pour accueillir les demandes indemnitaires formées par le salarié à l'encontre de la société exposante, la cour d'appel a considéré par motifs propres que l'indemnisation du salarié protégé pour le préjudice subi entre son licenciement et sa réintégration suite à l'annulation de la décision d'autorisation du licenciement, reposait sur le caractère définitif de cette annulation et non sur le fait que son licenciement serait infondé, ce qui pourrait être à nouveau discuté dans le cadre de la nouvelle procédure de licenciement ; que cependant, l'appréciation du caractère définitif de l'annulation de la décision autorisant le licenciement ne pouvait être réalisée indépendamment de la poursuite de la procédure initiale par l'employeur fondée sur les mêmes motifs et de la justification des motifs ayant présidé au licenciement du salarié protégé ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 2422-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. En application de l'article L. 2422-4 du code du travail le salarié protégé, licencié après l'obtention d'une autorisation administrative de licenciement ultérieurement annulée, peut demander indemnisation de son préjudice lorsque la décision d'annulation est devenue définitive.

6. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation (Soc., 10 décembre 1997, pourvoi n° 94-45.337, Bull. 1997, V, 435) que l'annulation par le juge administratif d'un refus d'autorisation de licencier ne vaut pas autorisation de licencier et une autorisation administrative de licencier délivrée postérieurement à l'annulation par le juge administratif d'une précédente autorisation ne peut avoir pour effet de régulariser a posteriori le licenciement prononcé sur la base de l'autorisation annulée et tenir en échec le droit à réintégration que le salarié tient de l'annulation par le juge administratif de la précédente autorisation.

Par ailleurs, la Cour a déjà jugé (Soc., 2 février 2006, pourvoi n° 05-41.811, Bull. 2006, V, n° 61) que le caractère définitif de la décision administrative privant le licenciement d'un salarié protégé de validité n'a d'effet que sur l'exigibilité du paiement de l'indemnité prévue à l'article L. 412-19 du code du travail destinée à réparer le préjudice subi par le salarié évincé de l'entreprise, qui perdure tant que la réintégration qu'il a demandée ne lui est pas accordée.

7. Une décision d'annulation d'une autorisation administrative devient définitive lorsqu'il n'a pas été formé de recours dans les délais, ou lorsqu'aucune voie de recours ordinaire ne peut plus être exercée à son encontre.

Le fait qu'après l'annulation par une décision définitive de l'autorisation administrative de licenciement, l'employeur puisse reprendre la procédure de licenciement pour les mêmes faits et demander une nouvelle autorisation de licenciement est sans emport sur le caractère définitif de la décision d'annulation de la première décision d'autorisation et sur l'application des dispositions de l'article L. 2422-4 du code du travail.

8.C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel, constatant que le salarié avait été licencié le 9 août 2012 en vertu d'une autorisation administrative ultérieurement annulée par une décision définitive, a fait droit à la demande d'indemnité formée par le salarié en application de l'article L. 2422-4 du code du travail.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article L. 2422-4 du code du travail.

Soc., 8 juillet 2020, n° 17-31.291, n° 18-16.254, (P)

Rejet

Licenciement – Salarié protégé – Mesures spéciales – Autorisation administrative – Annulation par la juridiction administrative – Réintégration – Réintégration impossible d'un salarié ayant fait valoir ses droits à la retraite – Indemnisation – Etendue – Détermination

Le salarié licencié en vertu d'une autorisation administrative ultérieurement annulée, qui fait valoir ses droits à la retraite, ne peut demander sa réintégration dans l'entreprise, mais peut prétendre, en application de l'article L. 2422-4 du code du travail, à une indemnité égale aux rémunérations qu'il aurait dû percevoir de son éviction jusqu'à l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de la décision d'annulation, sous déduction des pensions de retraite perçues pendant la même période, sauf s'il atteint, avant cette date, l'âge légal de mise à la retraite d'office.

Vu leur connexité, joint les pourvois n° 17-31.291 et 18-16.254 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Basse-Terre, 18 septembre 2017 et 5 février 2018), que M. A..., né le [...], salarié de la société Socotec Antilles Guyane (la société) depuis 1995, a exercé divers mandats représentatifs à compter de 1999 ; que la société a demandé l'autorisation de le licencier pour motif économique, autorisation refusée par l'inspecteur du travail le 2 février 2011 ; que le 23 septembre 2011, le ministre du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail et fait droit à la demande d'autorisation de licenciement ; que la société a licencié le salarié le 13 octobre 2011 ; que le salarié a fait liquider ses droits à la retraite le 1er février 2012 ; que, le 9 janvier 2014, le tribunal administratif a annulé la décision d'autorisation du ministre du travail ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de réintégration, ainsi que de demandes en paiement de diverses sommes ; que la cour d'appel a, par arrêt du 18 septembre 2017, dit n'y avoir lieu à réintégration du salarié, dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et sursis à statuer sur la demande d'indemnisation à ce titre, et, par arrêt du 5 février 2018, condamné l'employeur à verser une certaine somme à ce titre ;

Sur les premier et second moyens du pourvoi du salarié n° 17-31.291, le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur n° 18-16.254, et les première et deuxième branches du moyen unique du pourvoi principal du salarié n° 18-16.254 :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur la troisième branche du moyen unique du pourvoi principal du salarié n° 18-16.254 :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt du 5 février 2018 de le débouter de sa demande de voir juger nul son licenciement en raison de la violation d'une liberté fondamentale et de sa demande de condamnation de la société à lui payer une certaine somme à titre d'indemnités de salaire pour la période du 14 janvier 2012 au 22 mars 2014 alors, selon le moyen qu'en toute hypothèse le départ à la retraite pendant la période d'indemnisation du préjudice subi par le salarié dont l'autorisation de licenciement a été annulée ne fait pas cesser ce préjudice dont la totalité doit être réparée pendant la période déterminée par l'article L. 2422-4 du code du travail, soit entre son licenciement et le délai de deux mois à compter de la notification de la décision d'annulation de l'autorisation administrative de licenciement ; qu'en privant M. A... de sa demande d'indemnisation pour la période 14 janvier 2012 au 22 mars 2014 au motif inopérant qu'il ne peut prétendre cumuler sa pension de retraite avec des salaires qui auraient couru depuis cette date jusqu'au 14 mars 2014 correspondant à l'expiration du délai de deux mois suivant la notification de la décision du tribunal administratif annulant la décision ministérielle du 23 septembre 2011 accordant l'autorisation de licenciement, la cour d'appel a violé l'article L. 2422-4 du code du travail ;

Mais attendu que le salarié licencié en vertu d'une autorisation administrative ultérieurement annulée, qui fait valoir ses droits à la retraite, ne peut demander sa réintégration dans l'entreprise, mais peut prétendre, en application de l'article L. 2422-4 du code du travail, à une indemnité égale aux rémunérations qu'il aurait dû percevoir de son éviction jusqu'à l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de la décision d'annulation, sous déduction des pensions de retraite perçues pendant la même période, sauf s'il atteint, avant cette date, l'âge légal de mise à la retraite d'office ;

Et attendu que la cour d'appel, ayant constaté que le salarié avait fait liquider ses droits à la retraite à la suite de son départ de l'entreprise, et qu'il avait atteint le 16 janvier 2014 l'âge de 70 ans, a fixé à bon droit l'indemnité due au titre de l'article L. 2422-4 du code du travail à une somme égale aux rémunérations qu'il aurait dû percevoir de son éviction jusqu'à cette date ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois tant principaux qu'incident.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pécaut-Rivolier - Avocat général : Mme Berriat - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 2422-4 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'étendue de l'indemnité due au salarié protégé en cas de demande de réintégration suite à un licenciement intervenu en violation du statut protecteur, à rapprocher : Soc., 13 février 2019, pourvoi n° 16-25.764, Bull. 2019, (cassation partielle), et l'arrêt cité.

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