Numéro 7 - Juillet 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2020

COMPETENCE

2e Civ., 16 juillet 2020, n° 19-18.795, (P)

Rejet

Compétence territoriale – Assurance – Action directe de la victime – Tribunal du domicile de la victime (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 3 mai 2019), M. W... P... a été victime, le 11 avril 2016, d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule assuré auprès de la société Macif Centre Europe (l'assureur).

2. M. W... P..., Mme E... P..., M. A... P... et Mme L... P... (les consorts P...) ont assigné l'assureur en indemnisation de leurs préjudices devant le tribunal de grande instance de Strasbourg, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin.

3. L'assureur a soulevé devant le juge de la mise en état l'incompétence territoriale de la juridiction saisie.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Les consorts P... font grief à l'arrêt de déclarer le tribunal de grande instance de Strasbourg incompétent territorialement et de renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de grande instance de Mulhouse, chambre civile, pour continuation de la procédure alors « que la victime exerçant l'action directe peut se prévaloir soit des règles de l'article R. 114-1 du code des assurances, impératives dans les seuls litiges entre assureur et assuré quand ils ont trait à la fixation et au règlement de l'indemnité, soit des règles des articles 42 et suivants du code de procédure civile ; qu'il en résulte que la victime exerçant l'action directe peut saisir le tribunal de son domicile pour obtenir réparation de son préjudice dans le cadre d'une action dirigée contre de l'assureur ; qu'en déclarant néanmoins le tribunal de grande instance de Strasbourg, juridiction du domicile des consorts P... qui exerçaient une action directe, incompétent territorialement, au motif inopérant que cette juridiction n'est le tribunal du domicile de l'assuré, la cour d'appel a violé l'article R. 114-1 du code des assurances.»

Réponse de la Cour

5. Pour confirmer l'incompétence territoriale du tribunal de Strasbourg, l'arrêt énonce qu'il est de jurisprudence constante que la victime exerçant l'action directe peut se prévaloir soit des règles de compétence issues des articles 42 et suivants du code de procédure civile, soit de celles de l'article R. 114-1 du code des assurances, qui donne compétence au tribunal du domicile de l'assuré.

6. La décision relève en premier lieu que les consorts P... exercent leur action directe contre l'assureur en application de l'article L. 124-3 du code des assurances et que la juridiction du lieu où est situé le siège social de ce défendeur, au sens de l'article 42 du code de procédure civile, est le tribunal de grande instance de Mulhouse.

7. Elle rappelle en deuxième lieu les termes de l'article 46 du même code qui, en matière délictuelle, dispose que le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi et relève qu'en l'espèce, l'accident de la circulation s'est produit à Mollkirch, situé dans le ressort du tribunal de grande instance de Saverne.

8. L'arrêt retient en dernier lieu que le domicile de l'assuré, conducteur du véhicule impliqué dans l'accident, est également situé à Mollkirch.

9. En déduisant de ces constatations et énonciations qu'aucun texte ne permettait de retenir la compétence territoriale de la juridiction dans le ressort de laquelle demeurait la victime, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bouvier - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article R. 114-1 du code des assurances ; articles 42 et suivants du code de procédure civile.

Com., 1 juillet 2020, n° 18-25.522, (P)

Cassation

Compétence territoriale – Clause attributive de compétence – Validité – Conditions – Contestation ne concernant pas la procédure collective

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 23 octobre 2018), la société DJM capital investissement (la société DJM) a été mise en liquidation judiciaire le 25 août 2015 par le tribunal de commerce de Brive, la société Pimouguet-Leuret-Devos Bot étant désignée liquidateur.

La société Crédit coopératif (la banque) a déclaré une créance au titre d'un crédit, laquelle a été contestée au motif que le taux effectif global (TEG) indiqué dans l'acte était erroné.

2. Le juge-commissaire s'est déclaré incompétent et a invité la banque à saisir le juge compétent dans le délai d'un mois.

La banque ayant saisi le tribunal de commerce de Brive, la société DJM et le liquidateur ont décliné la compétence de cette juridiction en application de la clause, figurant dans l'acte de prêt, attribuant compétence au tribunal de commerce de Versailles.

Examen du moyen unique

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. La société DJM fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence, alors « que la compétence exclusive du tribunal de la procédure collective, prévue par l'article R. 662-3 du code de commerce, ne concerne que les contestations nées de cette procédure ou sur lesquelles elle exerce une influence juridique ; qu'en l'espèce, le juge-commissaire ayant renvoyé les parties à mieux se pourvoir pour trancher la contestation portant sur la validité du taux d'intérêt applicable à la créance du Crédit coopératif, la banque a saisi le tribunal de commerce de Brive ; qu'en jugeant cette juridiction compétente, et non le tribunal de commerce de Nanterre désigné par la clause attributive de compétence stipulée dans le contrat de prêt, au prétexte de la compétence de principe de la juridiction de la procédure collective de la débitrice, quand la contestation existait indépendamment de la procédure de liquidation et qu'elle n'était pas née de cette procédure qui n'exerçait aucune influence juridique sur son issue, la cour d'appel a violé l'article R. 662-3 du code de commerce ».

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 624-5 et R. 662-3 du code de commerce :

4. Il résulte de la combinaison de ces textes que la juridiction compétente pour trancher la contestation sérieuse dont une créance déclarée au passif d'une procédure collective fait l'objet n'est pas le tribunal de la procédure collective mais celui que déterminent une clause attributive de compétence ou, à défaut, les règles de droit commun.

5. Pour rejeter l'exception d'incompétence, l'arrêt énonce que l'article R. 662-3 du code de commerce donne compétence au tribunal saisi de la procédure collective pour connaître des actions qui concernent la procédure. Il constate que c'est dans le cadre de la procédure de vérification des créances que le juge-commissaire s'est déclaré incompétent et a renvoyé les parties à saisir le tribunal compétent en application des dispositions de l'article R. 624-5 du code de commerce. Il en déduit que le contentieux qui oppose les parties est né de la procédure collective, de sorte que le tribunal de commerce compétent pour statuer sur la question litigieuse soulevée à l'occasion de la contestation de la créance est celui du lieu d'ouverture de ladite procédure, la clause attributive de compétence ne pouvant recevoir en l'occurrence application.

6. En statuant ainsi, alors que la question de la validité du TEG auquel était soumis le prêt conclu avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société DJM se serait posée de la même manière si cette dernière n'avait pas été soumise à une procédure collective, ce dont il résultait que la clause attributive de compétence s'appliquait, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Articles R. 624-5 et R. 662-3 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Com., 16 juin 2015, pourvoi n° 14-13.970, Bull. 2015, IV, n° 106 (rejet).

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