Numéro 7 - Juillet 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2020

AVOCAT

2e Civ., 16 juillet 2020, n° 19-17.331, (P)

Cassation

Honoraires – Contestation – Irrégularités de facturation – Article L. 441-3 du code de commerce – Application (non)

Le juge saisi d'une contestation des honoraires d'un avocat en fixe le montant conformément aux dispositions de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, nonobstant les irrégularités pouvant affecter la facturation de ceux-ci au regard des prescriptions de l'article L. 441-3 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, applicable en la cause.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 2 avril 2019), Mme M... a confié, en mai 2016, la défense de ses intérêts dans divers litiges à la société CSF Jurco (l'avocat).

2. Dessaisi le 20 octobre 2016 par sa cliente, l'avocat a saisi le bâtonnier de l'ordre pour fixer le montant des honoraires lui restant dus.

Examen du moyen

Sur le moyen pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'avocat fait grief à l'ordonnance de limiter les honoraires restant dus par Mme M... à la somme de 919,67 euros toutes taxes comprises, alors que « la sanction du défaut de respect des règles de facturation ne consiste pas en la nullité de la facture émise, de sorte que l'absence de précision, sur la facture adressée par l'avocat à son client, de la nature des diligences accomplies ne confère pas un caractère indu aux sommes réclamées par l'avocat ; que le premier président a retenu, pour dire que les sommes réclamées au titre des factures n° 1610057 du 19 octobre 2016 d'un montant de 3 390 euros et n° 1611074 du 23 novembre 2016 d'un montant de 6 970,50 euros, adressées par l'avocat à sa cliente, n'étaient pas dues, que même si des précisions sur la nature des diligences effectuées par l'avocat avaient été apportées dans des documents extérieurs remis ultérieurement à la cliente, aucune précision n'avait été donnée dans ces factures elles-mêmes sur la nature desdites diligences, de sorte que les sommes réclamées n'étaient pas justifiées et que ces factures ne pouvaient donner lieu à versement d'honoraires ; qu'en statuant ainsi, quand l'absence de précision relative à la nature des diligences effectuées par l'avocat sur lesdites factures, n'avait pas pour conséquence de conférer un caractère indu aux sommes réclamées, le premier président a violé l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, ensemble l'article L. 441-3 du code de commerce ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et L. 441-3 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, applicable au litige ;

4. Il résulte de ces textes que le juge saisi d'une contestation des honoraires d'un avocat en fixe le montant conformément aux dispositions du premier, nonobstant les irrégularités pouvant affecter la facturation de ceux-ci au regard des prescriptions du second.

5. Pour infirmer la décision du bâtonnier et fixer à la somme de 919,67 euros TTC les honoraires restant dus par Mme M... à l'avocat, l'ordonnance retient que les factures des 19 octobre et 23 novembre 2016 concernent les diligences accomplies respectivement en août 2016 et de septembre à novembre 2016 par l'avocat, calculées au temps passé, mais qu'aucune précision n'a été donnée dans les factures même sur la nature des diligences effectuées et que même si ces précisions sont apportées dans un document extérieur remis ultérieurement, ces factures ne peuvent donner lieu à versement d'honoraires.

6. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 2 avril 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant la juridiction du premier président de cour d'appel d'Aix en Provence autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; Me Balat -

Textes visés :

Article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; article L. 441-3 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014.

2e Civ., 16 juillet 2020, n° 19-18.145, (P)

Cassation

Honoraires – Contestation – Procédure – Domaine d'application – Détermination – Portée

La procédure spéciale prévue par l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats. Il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir de conseil et d'information.

Dès lors, encourt la cassation l'ordonnance qui pour fixer le montant des honoraires dus, retient que le manquement de l'avocat à son obligation d'information préalable du client concernant le tarif horaire pratiqué, s'il ne peut le priver de toute rémunération, peut conduire à une réfaction de ses honoraires dans une proportion appréciée par le juge.

Honoraires – Contestation – Procédure – Premier président – Compétence – Existence d'une faute professionnelle (non)

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 19 avril 2019), la société Immobilière Parc Montmorency (SIPM) a confié la défense de ses intérêts dans un litige relatif au recouvrement d'appels de fonds à la société [...] (l'avocat). A la suite d'un différend sur le montant des honoraires, la SIPM a saisi le bâtonnier de l'ordre d'une contestation de ceux-ci.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. L'avocat fait grief à l'ordonnance de fixer à la seule somme de 26 163,59 euros hors-taxes le reliquat des honoraires dus par la SIPM et, en conséquence, de la condamner à lui verser cette somme, majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 février 2016 et de la TVA au taux de 20 %, alors « que le juge de l'honoraire n'est pas habilité à se prononcer sur une éventuelle responsabilité de l'avocat envers son client, qui serait liée à un prétendu manquement à son devoir de conseil et d'information quant aux conditions de sa rémunération et à l'évolution prévisible de ses honoraires ; que dès lors, en retenant, pour réduire les honoraires dus par SIPM au cabinet... au titre du dossier F... à la somme de 20 000 euros, que ce dernier n'avait pas informé sa cliente, autrement qu'à réception des factures, de l'évolution prévisible du montant des honoraires et que ce manquement à son obligation d'information pouvait conduire à une réfection des honoraires réclamés dans une proportion appréciée par le juge, le premier Président de la cour d'appel a violé, ensemble, l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 174 du décret du 27 novembre 1991. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et l'article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 :

3. La procédure spéciale prévue par le second de ces textes ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats. Il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir de conseil et d'information.

4. Pour fixer à la somme de 20 000 euros hors-taxes les honoraires dus dans le dossier SIPM/F..., soit un reliquat à devoir de 7 925 euros après versement des provisions, l'ordonnance énonce que dans ce dossier, la SIPM n'a jamais été informée, autrement qu'à réception des factures, de l'évolution prévisible du montant des honoraires et que ce manquement à l'obligation d'information préalable du client concernant le tarif horaire pratiqué ne peut aboutir à priver l'avocat de toute rémunération mais peut conduire à une réfaction des honoraires réclamés dans une proportion appréciée par le juge.

5. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L'avocat fait grief à l'ordonnance de fixer à la seule somme de 26 163,59 euros hors-taxes le reliquat des honoraires dus par la SIPM et de la condamner, en conséquence à lui verser seulement cette somme, majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 février 2016 et de la TVA au taux de 20 %, alors « que le juge de l'honoraire n'a pas le pouvoir de se prononcer sur une éventuelle responsabilité de l'avocat à l'égard de son client liée au manquement à son devoir de conseil et d'information quant aux conditions de sa rémunération et à l'évolution prévisible de ses honoraires ; que dès lors, en retenant, pour réduire les honoraires dus par SIPM au cabinet... au titre du dossier « Divers » à la somme de 35 000 euros, que ce dernier n'avait pas informé sa cliente, autrement qu'à la réception des factures, de l'évolution prévisible du montant des honoraires et que ce manquement à son obligation d'information pouvait conduire à une réfection des honoraires réclamés dans une proportion appréciée par le juge, le premier Président de la cour d'appel a violé, ensemble, l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 174 du décret du 27 novembre 1991. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971 et l'article 174 du décret du 27 novembre 1991 :

7. La procédure spéciale prévue par le second de ces textes ne s'applique qu'aux contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats. Il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir de conseil et d'information.

8. Pour fixer à la somme de 35 000 euros hors-taxes les honoraires dus dans le dossier « Divers » soit un reliquat à devoir de 16 310 euros après versement des provisions, l'ordonnance énonce que dans ce dossier, la SIPM n'a jamais été informée, autrement qu'à réception des factures, de l'évolution prévisible du montant des honoraires et que ce manquement à l'obligation d'information préalable du client concernant le tarif horaire pratiqué ne peut aboutir à priver l'avocat de toute rémunération mais peut conduire à une réfaction des honoraires réclamés dans une proportion appréciée par le juge.

9. En statuant ainsi, le premier président a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 19 avril 2019, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la juridiction du premier président de la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire ; SCP Richard -

Textes visés :

Article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ; article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991.

Rapprochement(s) :

Sur le domaine d'application de la procédure de contestation d'honoraires d'avocat, à rapprocher : 2e Civ., 26 mai 2011, pourvoi n° 10-12.728, Bull. 2011, II, n° 116 (cassation), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 30 juin 2016, pourvoi n° 15-22.152, Bull. 2016, II, n° 179 (cassation).

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