Numéro 7 - Juillet 2020

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2020

APPEL CIVIL

2e Civ., 2 juillet 2020, n° 19-16.954, (P)

Rejet

Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Portée

Une cour d'appel, qui constate que la déclaration d'appel se borne à solliciter la réformation et/ou l'annulation de la décision sur les chefs qu'elle énumère et que l'énumération ne comporte que l'énoncé des demandes formulées devant le premier juge, en déduit à bon droit, sans dénaturer la déclaration d'appel et sans méconnaître les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle n'est saisie d'aucun chef du dispositif du jugement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 20 mars 2019), un jugement du 21 septembre 2017 a condamné la société Siloge à payer une certaine somme à la société Normafi et a débouté ces deux sociétés de leurs autres demandes.

2. La société Normafi ayant interjeté appel de cette décision, la société Siloge a soutenu que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande, faute pour l'appelante d'avoir indiqué dans la déclaration d'appel les chefs du jugement critiqués.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses cinquième et sixième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais, sur le moyen, pris en ses quatre premières branches

Enoncé du moyen

4. La société Normafi fait grief à l'arrêt de « constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel, la cour n'étant saisie d'aucune demande de la société Normafi tendant à voir réformer ou infirmer telle ou telle disposition du jugement entrepris », et dire en conséquence n'y avoir lieu de statuer sur son appel principal, alors :

« 1° / que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ; que la déclaration d'appel de la société Normafi indiquait expressément que ce dernier tendait à la « réformation et/ou annulation de la décision sur les chefs » relatifs aux demandes qu'elle énumérait, de sorte que l'appel avait déféré à la cour la connaissance de ces chefs du jugement ; qu'en retenant qu'elle n'aurait été saisie d'aucune demande de la société Normafi tendant à voir réformer « telle ou telle disposition du jugement entrepris », la cour d'appel a violé les articles 4 et 562 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que la déclaration d'appel définissait expressément l'objet de l'appel dans les termes suivants : « réformation et/ou annulation de la décision sur les chefs suivants : appel aux fins de voir :

- prononcer le sursis à statuer - débouter la SA Siloge de toutes ses demandes - constater que les PV de réception ont été établis le 2 mars 2012 - prononcer la réception judiciaire du chantier au 2 mars 2012 - condamner la SA Siloge à transmettre les PV datés du 2 mars 2012, sous astreinte - constater que la SA Siloge reconnaît devoir 95 452,08 euros - écarter toute compensation - ordonner la consignation sous astreinte de 132 000 euros », soit les demandes de la société Normafi rejetées par le jugement et donc, les chefs du jugement par lesquels la société Normafi avait été déboutée de ces demandes ; qu'en retenant que la déclaration d'appel se serait bornée à énumérer certaines demandes de l'appelante, sans qu'il soit « aucunement fait référence » aux chefs du jugement critiqués, la cour d'appel a dénaturé cet acte et violé le principe susvisé ;

3°/ qu'en tout état de cause, la seule sanction attachée à l'absence de mention, dans la déclaration d'appel, des chefs du jugement critiqués, consiste dans la nullité de l'acte pour vice de forme, l'article 562 du code de procédure civile n'édictant aucune fin de non-recevoir ; qu'en déniant à l'appel tout effet dévolutif, sans avoir caractérisé la nullité de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 4° du code de procédure civile ;

4°/ qu'en toute hypothèse, les limitations apportées au droit d'accès au juge doivent être proportionnées à l'objectif visé ; qu'en retenant, pour dire qu'elle n'était saisie d'aucune demande tendant à voir réformer le jugement, que la déclaration d'appel se bornait à énumérer des demandes de l'appelante, sans qu'il soit fait référence aux chefs du jugement critiqués, quand le visa, au titre des chefs critiqués, des demandes dont l'appelante avait été déboutée par le tribunal de commerce, ne laissait subsister aucun doute sur l'objet de l'appel, qui critiquait ainsi sans ambiguïté le chef par lequel le jugement avait débouté la société Normafi de ces demandes, la cour d'appel, procédant à une application excessivement formaliste de l'article 562 du code de procédure civile, a porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, au point de l'atteindre dans sa substance même, et a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

6. En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

7. Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel n'aurait pas été sollicitée par l'intimé.

8. Par ailleurs, la déclaration d'appel affectée d'une irrégularité, en ce qu'elle ne mentionne pas les chefs du jugement attaqués, peut être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.

9. Ces règles encadrant les conditions d'exercice du droit d'appel dans les procédures dans lesquelles l'appelant est représenté par un professionnel du droit, sont dépourvues d'ambiguïté et concourent à une bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique de cette procédure. Elles ne portent donc pas atteinte, en elles-mêmes, à la substance du droit d'accès au juge d'appel.

10. Dès lors, la cour d'appel, ayant constaté que la déclaration d'appel se bornait à solliciter la réformation et/ou l'annulation de la décision sur les chefs qu'elle énumérait et que l'énumération ne comportait que l'énoncé des demandes formulées devant le premier juge, en a déduit à bon droit, sans dénaturer la déclaration d'appel et sans méconnaître les dispositions de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle n'était saisie d'aucun chef du dispositif du jugement.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Leroy-Gissinger - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles 562 et 901, 4,° du code de procédure civile ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, Bull., 2020, (cassation partielle sans renvoi), et les avis cités.

Soc., 8 juillet 2020, n° 18-25.370, (P)

Irrecevabilité

Décisions susceptibles – Demande indéterminée – Demande tendant à faire déclarer abusif un licenciement

Recevabilité du pourvoi examinée d'office

Vu les articles 40 et 605 du code de procédure civile :

1. Après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des textes susvisés.

2. Selon le premier de ces textes, le jugement qui statue sur une demande indéterminée est, sauf disposition contraire, susceptible d'appel.

Selon le second, le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'à l'encontre des jugements rendus en dernier ressort.

3. M. P... et Mme L... se sont pourvus en cassation contre un jugement statuant sur des demandes dont l'une, qui tendait à voir constater que le licenciement était abusif, présentait un caractère indéterminé.

4. En conséquence, le pourvoi formé contre ce jugement susceptible d'appel et exactement qualifié en premier ressort, est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Depelley - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles 40 et 605 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur d'autres objets de la demande en justice, présentant un caractère indéterminé, à rapprocher : Soc., 3 octobre 1990, pourvoi n° 89-44.201, Bull. 1990, V, n° 410 (irrecevabilité) ; Soc., 28 janvier 1998, pourvoi n° 95-43.660, Bull. 1998, V, n° 48 (irrecevabilité), et l'arrêt cité ; Soc., 26 octobre 1999, pourvoi n° 97-44.304, Bull. 1999, V, n° 413 (cassation), et l'arrêt cité ; Soc., 13 mars 2001, pourvoi n° 00-40.963, Bull. 2001, V, n° 92 (1) (cassation).

2e Civ., 2 juillet 2020, n° 19-13.947, (P)

Cassation sans renvoi

Délai – Interruption – Exclusion – Cas – Demande d'aide juridictionnelle – Convention européenne des droits de l'homme – Compatibilité (non)

Si, en vertu de l'article 38-1, alors applicable, du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, la demande d'aide juridictionnelle formée en vue de relever un appel n'interrompt pas le délai d'appel, le droit d'accès au juge, résultant de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, exclut qu'un tel délai puisse courir tant qu'il n'a pas été définitivement statué sur la demande d'aide juridictionnelle formée dans ce délai.

Encourt dès lors la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui déclare irrecevable comme tardif un appel aux motifs, d'une part, que son auteur, qui avait déposé sa demande d'aide juridictionnelle pendant le délai d'appel, n'avait pas remis de déclaration d'appel dans le délai d'un mois suivant la décision d'admission partielle à l'aide juridictionnelle contre laquelle il avait formé un recours et, d'autre part, qu'il avait pu formaliser sa déclaration d'appel avant même de disposer de la décision statuant sur ce recours.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 12 septembre 2017), M. X... a été condamné au paiement d'un certaine somme au profit de la société Pages jaunes, par un jugement signifié le 28 septembre 2015.

2. En vue de relever appel de ce jugement, M. X... a sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle le 19 octobre 2015, qui lui a été accordé partiellement, à hauteur de 55 %, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 janvier 2016. Saisi d'un recours contre cette admission partielle, le premier président de la cour d'appel, par une décision du 10 mai 2016, lui a accordé l'aide juridictionnelle à hauteur de 70 %.

3. Entre-temps, M. X... a formé un appel par un acte du 3 mars 2016.

Le conseiller de la mise en état ayant déclaré cet appel irrecevable comme tardif, M. X... a déféré cette décision à la cour d'appel.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme tardif son appel interjeté le 3 mars 2016 contre le jugement rendu le 21 août 2015 par le tribunal de grande instance de Chalon-sur-Saône, signifié le 28 septembre 2015, alors « que le droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6, §1, est un droit concret et effectif et non pas théorique et illusoire ; que la cour d'appel, qui a apprécié la recevabilité de l'appel au regard des dispositions de l'article 38-1, alinéa 2, c) du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, a fait courir le nouveau délai d'appel à compter du 19 janvier 2016, date de la désignation de M. I... intervenue après l'admission le 14 janvier précédent de M. X... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à 55 % ; qu'en statuant ainsi, quand la désignation de M. I... était antérieure à l'ordonnance du 10 mai 2016 du premier président de la cour d'appel de Dijon statuant sur le recours formé contre la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 16 janvier 2016, visée par l'article 38-1, alinéa 2, b, du décret précité, qui rendait la décision d'admission de M. X... à l'aide juridictionnelle définitive en lui allouant cette aide à 70 %, la cour d'appel a porté une atteinte injustifiée et disproportionnée à la substance même du droit d'accès de M. X... à un tribunal et a ainsi violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble le droit d'accès effectif à un tribunal. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

5. Si, en vertu de l'article 38-1, alors applicable, du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, la demande d'aide juridictionnelle n'interrompt pas le délai d'appel, le droit d'accès au juge exclut que ce délai puisse courir tant qu'il n'a pas été définitivement statué sur une demande d'aide juridictionnelle formée dans ce délai (CEDH, 9 octobre 2007, requête n° 9375/02, Saoud c. France ; CEDH, 6 octobre 2011, requête n° 52124/08, Staszkow c. France).

6. Pour déclarer irrecevable comme tardif l'appel de M. X..., l'arrêt retient, par motifs propres, que M. X... a déposé sa demande d'aide juridictionnelle pendant le délai d'appel et qu'il n'a été statué sur cette demande que le 14 janvier 2016, date à laquelle l'aide juridictionnelle partielle a été accordée au requérant, qu'indépendamment du recours formé contre cette décision par M. X..., la désignation d'un avocat pour lui prêter son concours est intervenue le 19 janvier 2016 et que ce n'est que le 3 mars 2016, soit plus d'un mois après, que la déclaration d'appel de M. X... a été reçue au greffe.

L'arrêt retient en outre, par motifs adoptés, que M. X... a formalisé sa déclaration d'appel avant même de disposer de la décision statuant sur sa demande d'aide, ce qui démontre qu'il n'était pas tributaire de cette décision pour réaliser cet acte de procédure, et que l'article 38-1 précité suspend les délais pour conclure afin d'assurer au justiciable la réalité de son accès au juge d'appel.

7. En statuant ainsi, alors que M. X... avait formé un appel avant même qu'il ne soit définitivement statué sur sa demande d'aide juridictionnelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Infirme l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 18 octobre 2016 ;

Déclare recevable l'appel de M. X... ;

Dit que l'instance d'appel se poursuivra devant la cour d'appel de Dijon.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Ortscheidt ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 38-1, alors applicable, du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 2 décembre 2004, pourvoi n° 03-10.427, Bull. 2004, II, n° 509 (rejet).

Soc., 1 juillet 2020, n° 18-24.180, (P)

Cassation partielle

Demande nouvelle – Recevabilité – Conditions – Introduction de l'instance prud'homale avant le 1er août 2016 – Demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 16 octobre 2018), Mme A... a été engagée par la société Air Austral le 28 octobre 2009 en qualité d'assistante du responsable de formation équipage.

2. Elle a saisi la juridiction prud'homale le 25 septembre 2015 de demandes tendant au paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral, s'estimant victime de faits de discrimination et de harcèlement moral.

3. Elle a été licenciée le 10 octobre 2016.

4. Elle a interjeté appel le 11 mai 2017 du jugement l'ayant déboutée de toutes ses demandes et a présenté en appel des demandes nouvelles au titre de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé Publication sans intérêt

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes nouvelles tendant à voir dire son licenciement nul, à voir ordonner sa réintégration et le paiement des salaires non perçus depuis la date du licenciement, subsidiairement à voir condamner l'employeur au paiement d'une somme en application de l'article L. 1134-4 du code du travail outre une indemnité de licenciement et des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi au titre de la procédure vexatoire, plus subsidiairement à voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et à obtenir des dommages-intérêts à ce titre ainsi qu'au titre du préjudice moral subi en raison de la procédure vexatoire alors « que la règle de l'unicité de l'instance, en application de laquelle toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance, s'oppose à l'introduction d'une seconde instance devant le conseil de prud'hommes lorsque les causes du second litige relatif au contrat de travail sont connues avant la clôture des débats devant la cour d'appel saisie de la première instance et oblige les parties à présenter leurs demandes au titre de ce second litige devant la cour d'appel saisie du premier ; que l'article 8 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, qui porte suppression de cette règle d'unicité, n'est applicable qu'aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes à compter du 1er août 2016 ; que pour dire la salariée non fondée à invoquer le principe d'unicité de l'instance, même s'il était applicable devant les premiers juges en raison d'une requête introductive déposée le 25 septembre 2015, la cour d'appel a retenu que l'appel ayant été interjeté le 11 mai 2017, l'abrogation de l'article R. 1452-7 du code du travail énonçant le principe d'unicité de l'instance était alors effective ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail ensemble les articles R. 1452-6 et R. 1452-7 du code du travail alors en vigueur. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 1452-7 du code du travail alors applicable, les articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :

7. Il résulte des articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 que les dispositions de l'article R. 1452-7 du code du travail, aux termes desquelles les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016.

8. Pour déclarer irrecevables les demandes de la salariée au titre de la rupture de son contrat de travail, l'arrêt retient que ces demandes n'ont pas été présentées devant les premiers juges et sont donc nouvelles en cause d'appel. Il ajoute que l'article R. 1452-7 du code du travail a été abrogé par le décret du 20 mai 2016 mettant fin au principe de l'unicité de l'instance et que, s'agissant d'une règle de procédure, elle est d'application immédiate pour les instances postérieures à son entrée en vigueur. Dès lors, il en déduit que la salariée, ayant interjeté appel le 11 mai 2017, n'est pas fondée à invoquer ce principe, même s'il était applicable devant les premiers juges.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de la salariée en nullité de son licenciement, en réintégration et en paiement des salaires non perçus depuis la date du licenciement, subsidiairement en condamnation de l'employeur au paiement d'une somme en application de l'article L. 1134-4 du code du travail outre d'une indemnité de licenciement et de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi au titre de la procédure vexatoire, plus subsidiairement ses demandes tendant à voir juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en paiement de dommages et intérêts à ce titre ainsi qu'au titre du préjudice moral subi en raison de la procédure vexatoire, l'arrêt rendu le 16 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Leprieur - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article R. 1452-7 du code du travail alors applicable ; articles 8 et 45 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016.

2e Civ., 2 juillet 2020, n° 19-14.745, (P)

Cassation

Procédure avec représentation obligatoire – Conclusions – Transmission par voie électronique – Avis électronique de réception – Mention des conclusions au nombre des pièces jointes – Effet

En application des articles 908 et 930-1 du code de procédure civile, l'appelant dispose, à peine de caducité de sa déclaration d'appel, d'un délai de trois mois à compter de cette déclaration pour remettre ses conclusions au greffe par la voie électronique. Il résulte de la combinaison des articles 748-3 du code de procédure civile et 2, 4, 5 et 8 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel, que la cour d'appel est régulièrement saisie des conclusions que la partie lui a transmises, par le réseau privé virtuel avocat (RPVA), en pièce jointe à un message électronique ayant fait l'objet d'un avis électronique de réception mentionnant ces conclusions au nombre des pièces jointes.

Encourt par conséquent la censure l'arrêt d'une cour d'appel qui prononce la caducité d'une déclaration d'appel au motif que la remise au greffe par RPVA des conclusions relatives à une instance avait été accomplie dans le cadre d'une instance distincte, concernant une autre partie et dont elles portaient par erreur le numéro d'inscription au répertoire général, alors que la cour d'appel est bien saisie de ces conclusions, en dépit de l'indication d'un numéro de répertoire erroné.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 mars 2019), la société Mixcom a relevé appel de deux jugements d'un conseil de prud'hommes l'ayant condamnée, pour le premier, au profit de M. C... et, pour le second, au profit de M. R....

Le premier appel a été enregistré sous le numéro RG 17/07222 et le second sous le numéro RG 17/07224. M. R... et M. C... ont constitué le même avocat dans les deux affaires.

2. La société Mixcom a déféré à la cour d'appel une ordonnance du conseiller de la mise en état ayant prononcé la caducité de sa déclaration d'appel dans l'affaire l'opposant à M. R..., faute de remise au greffe de ses conclusions avant l'expiration du délai de l'article 908 du code de procédure civile.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Mixcom fait grief à l'arrêt, confirmant l'ordonnance déférée, de prononcer la caducité de sa déclaration d'appel formée à l'encontre du jugement du 18 septembre 2017 intervenu au profit de M. R..., alors « que l'article 908 du code de procédure civile exige simplement que des conclusions soient remises entre les mains du greffe de la cour d'appel dans le délai requis sans énoncer aucune autre exigence quant au contenu des conclusions et quant aux mentions qu'elles doivent comporter, et si le texte institue une caducité, c'est pour sanctionner, non pas une erreur qui pourrait affecter une mention portée sur les conclusions, mais l'absence de conclusions, relatives à l'appel qui doit être soutenu, entre les mains du greffe ; qu'en décidant le contraire, pour retenir une caducité, quand des conclusions incontestablement relatives au contentieux opposant la société Mixcom à M. R..., étaient produites au greffe dans le délai de trois mois, motifs pris d'une mention erronée quant au numéro de répertoire, les juges du fond ont violé l'article 908 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 748-3, 908 et 930-1 du code de procédure civile et les articles 2, 4, 5 et 8 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel :

4. L'appelant dispose, à peine de caducité de sa déclaration d'appel, d'un délai de trois mois à compter de cette déclaration pour remettre ses conclusions au greffe par la voie électronique et la cour d'appel est régulièrement saisie des conclusions que cette partie lui a transmises, par le Réseau privé virtuel avocat (RPVA), en pièce jointe à un message électronique ayant fait l'objet d'un avis électronique de réception mentionnant ces conclusions au nombre des pièces jointes.

5. Pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel formée par la société Mixcom, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que cette société n'a pas remis ses conclusions au greffe ni adressé celles-ci à M. R... avant le 16 janvier 2018, dès lors que la remise au greffe par RPVA, le 11 décembre 2017, des conclusions relatives à cette instance, dans le cadre d'une instance distincte concernant un autre salarié, inscrite au répertoire général du greffe sous le numéro 17/07222, dont elles portaient par erreur le numéro, ne pouvait suppléer l'absence de remise au greffe des conclusions de l'appelante ni valoir remise de ces conclusions dans le dossier numéro 17/07224.

6. La cour d'appel retient également que le débat ne porte pas sur la portée de l'indication d'un numéro de répertoire erroné sur les conclusions mais sur le défaut d'accomplissement d'un acte de procédure, que faire valoir que les avocats des intimés étaient les mêmes revient à plaider l'absence de grief, laquelle est inopérante en matière de caducité, qui n'est pas subordonnée à l'existence d'un grief et que la communication par voie électronique repose sur la mise en commun des dossiers des parties entre le greffe et les avocats, chacun accomplissant les actes mis à sa charge par le code de procédure civile, de sorte qu'aucun raisonnement par analogie avec l'ancien système « papier » ne peut être effectué.

7. La cour d'appel énonce enfin, par motifs adoptés, que la demande de jonction de ces instances était dénuée d'incidence faute de créer une procédure unique et qu'aucune erreur du greffe ni aucun dysfonctionnement du réseau n'est allégué.

8. En statuant ainsi, tout en constatant que la société Mixcom avait transmis au greffe de la cour d'appel, dans un délai de trois mois suivant sa déclaration d'appel, des conclusions relatives à l'instance d'appel l'opposant à M. R..., par l'intermédiaire du RPVA, de sorte qu'elle était bien saisie de ces conclusions en dépit de l'indication d'un numéro de répertoire erroné, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une condition que celle-ci ne comporte pas, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; Me Le Prado -

Textes visés :

Articles 748-3, 908 et 930-1 du code de procédure civile ; articles 2, 4, 5 et 8 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d'appel.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 24 septembre 2015, pourvoi n° 14-20.212, Bull. 2015, II, n° 208 (cassation) ; 2e Civ., 7 janvier 2016, pourvoi n° 14-28.887, Bull. 2016, II, n° 2 (cassation).

2e Civ., 2 juillet 2020, n° 19-16.336, (P)

Cassation

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Caducité – Domaine d'application – Détermination

Encourt la censure l'arrêt qui prononce la caducité d'une déclaration d'appel au motif qu'elle n'a pas été notifiée à l'avocat de l'intimé dans le délai de dix jours de la réception de l'avis de fixation à bref délai, l'application combinée des articles 905-1 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne prescrivant pas qu'une telle caducité sanctionne l'inobservation de cette obligation.

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel – Caducité – Exclusion – Cas – Procédures fondées sur l'article 905 du code de procédure civile – Notification d'une déclaration d'appel à l'avocat de l'intimé préalablement constitué faite hors délai

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 4 juillet 2018), M. Q... a interjeté appel le 8 novembre 2017 du jugement d'un tribunal d'instance ordonnant, sur la requête de Mme O..., la saisie de ses rémunérations pour un certain montant.

2. Un avis de fixation de l'affaire à bref délai a été émis par le greffe le 6 décembre 2017.

3. Mme O... a soulevé, le 18 janvier 2018, la caducité de la déclaration d'appel faute pour M. Q... d'avoir, dans le délai de dix jours suivant l'avis de fixation, notifié la déclaration d'appel à l'avocat qu'elle avait constitué.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. Q... fait grief à l'arrêt de prononcer la caducité de la déclaration d'appel alors « que l'obligation faite à l'appelant de notifier la déclaration d'appel à l'avocat que l'intimé a préalablement constitué, dans le délai de dix jours de réception de l'avis de fixation adressé par le greffe, n'est pas prescrite à peine de caducité de cette déclaration ; qu'en prononçant la caducité de l'a déclaration d'appel de M. Q... au motif qu'elle n'avait pas été notifiée à l'avocat de Mme O... dans le délai de dix jours à compter de l'avis de fixation, la cour d'appel a violé l'article 905-1 du code de procédure civile ensemble l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 905-1 du code de procédure civile et l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales :

5. Il résulte de ces textes que l'obligation faite à l'appelant de notifier la déclaration d'appel à l'avocat que l'intimé a préalablement constitué, dans le délai de dix jours de la réception de l'avis de fixation adressé par le greffe, n'est pas prescrite à peine de caducité de la déclaration d'appel.

6. Pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt retient que la sanction de la caducité prévue à l'article 905-1 s'applique de manière identique selon que l'appelant procède par voie de signification de la déclaration d'appel ou par voie de simple notification entre avocats, de sorte que la caducité était encourue en l'espèce, à défaut de la notification à l'avocat de l'intimée de la déclaration d'appel, qui devait intervenir dans le délai de dix jours de la réception de l'avis de fixation à bref délai, soit au plus tard le 16 décembre 2017.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Gaschignard -

Textes visés :

Article 905-1 du code de procédure civile ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

Avis de la Cour de cassation, 12 juillet 2018, n° 18-70.008, Bull. 2018, Avis, n° 8, et l'arrêt cité.

2e Civ., 2 juillet 2020, n° 19-14.086, (P)

Cassation

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel devant une cour territorialement incompétente – Second appel devant la cour compétente – Recevabilité – Conditions – Détermination – Portée

Il résulte des articles 126 et 546 du code de procédure civile, ainsi que 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la saisine d'une cour d'appel territorialement incompétente, qui donne lieu à une fin de non-recevoir, est susceptible d'être régularisée avant que le juge statue, à condition que le délai d'appel n'ait pas expiré.

La circonstance que le désistement de l'appel porté devant la juridiction territorialement incompétente ne soit pas intervenu au jour où l'appel est formé devant la cour d'appel territorialement compétente ne fait pas obstacle à la régularisation de l'appel.

Encourt en conséquence la censure l'arrêt qui déclare irrecevable le second appel interjeté, dans le délai du recours, devant la cour d'appel territorialement compétente, motif pris de ce que l'appelant serait dépourvu d'intérêt à agir dès lors que le premier appel, formé devant la cour d'appel territorialement incompétente et dont il ne s'est pas désisté, est encore pendant.

Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration d'appel devant une cour territorialement incompétente – Régularisation – Possibilité – Premier appel encore pendant – Absence d'influence

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué, la société Corse de distribution (la société Socodi) a interjeté appel le 29 mars 2016 devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence d'un jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio dans le litige l'opposant à M. L....

2. Le 4 mai 2016, la société Socodi a interjeté un nouvel appel devant la cour d'appel de Bastia et s'est désistée le 14 juin 2018 de l'appel pendant devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui a constaté ce désistement par un arrêt du 29 juin 2018.

3. M. L... a soulevé l'irrecevabilité de l'appel formé devant la cour d'appel de Bastia.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches

Enoncé du moyen

3. La société Socodi fait grief à l'arrêt de déclarer l'appel irrecevable et de la débouter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que la saisine irrégulière d'une cour d'appel territorialement incompétente autorise la partie appelante à saisir sans délai la cour d'appel territorialement compétente afin de régulariser la procédure ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Bastia a jugé irrecevable l'appel interjeté par la société exposante au motif qu'au jour où celui-ci a été formé, un premier appel était encore pendant devant la cour d'appel d'Aix en Provence ; qu'en statuant ainsi, quand l'adage « appel sur appel ne vaut » n'a vocation à s'appliquer que dans la mesure où une cour d'appel a déjà régulièrement été saisie d'un premier appel et qu'en l'espèce, il était constant que la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui avait été saisie était territorialement incompétente, ce dont il résultait que le premier appel était irrégulier et qu'ainsi l'appelante avait intérêt à former le second appel pour réparer cette irrégularité, et ce, même si elle avait indiqué avoir sciemment saisi la première juridiction incompétente en raison de sa qualité de conseiller prud'hommes dans le ressort bastiais ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé par fausse application cet adage, ensemble les articles 30, 31, 122, 542, 543 et 546 du code de procédure civile ;

2°/ que le droit d'accès au juge interdit à une cour d'appel territorialement compétente de refuser de statuer sur l'appel formé par une partie au prétexte que celle-ci a préalablement saisi une cour d'appel territorialement incompétente, dès lors qu'il est constant que cette dernière n'a pas statué au fond ; qu'à défaut, le refus de statuer au fond sur le second appel constitue un déni de justice ; que le fait de sanctionner par l'irrecevabilité le second appel formé à l'encontre d'un même jugement afin de régulariser la procédure d'appel porte atteinte au droit de la partie appelante à un procès équitable ; qu'en l'espèce, en jugeant le second appel irrecevable, quand la société appelante s'était désistée de son premier appel irrégulièrement formé devant une cour d'appel territorialement incompétente, la cour d'appel a privé la société appelante d'un droit à un recours effectif dans le cadre d'un procès équitable et commis un déni de justice ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble, l'article 4 du code civil et fait une fausse application de l'adage contra legem « appel sur appel ne vaut. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 126 et 546 du code de procédure civile, et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Il résulte de ces textes que la saisine d'une cour d'appel territorialement incompétente donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée avant que le juge statue, à condition que le délai d'appel n'ait pas expiré.

5. La circonstance que le désistement de l'appel porté devant la juridiction incompétente n'était pas intervenu au jour où l'appel a été formé devant la cour d'appel territorialement compétente ne fait pas obstacle à la régularisation de l'appel.

4. Pour déclarer irrecevable l'appel interjeté le 4 mai 2016 devant la cour d'appel de Bastia, l'arrêt retient que l'appel formé devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence était encore pendant lorsque le second appel contre le même jugement a été interjeté devant la cour d'appel de Bastia, privant par là-même la société Socodi d'intérêt à agir.

5. En statuant ainsi, alors que le second appel avait été formé avant l'expiration du délai d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles 126 et 546 du code de procédure civile ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

2e Civ., 2 juillet 2020, n° 19-11.624, (P)

Rejet

Procédure avec représentation obligatoire – Procédure à jour fixe – Domaine d'application – Appel de la décision de toute juridiction du premier degré statuant exclusivement sur la compétence

Il résulte des articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que nonobstant toute disposition contraire, l'appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer avocat, de la procédure à jour fixe et qu'en ce cas, l'appelant doit saisir, dans le délai d'appel, le premier président de la cour d'appel en vue d'être autorisé à assigner l'intimé à jour fixe.

L'application de ces textes spécifiques à l'appel d'une ordonnance d'un juge de la mise en état statuant sur la compétence du tribunal de grande instance se fonde sur la lettre et la finalité de l'ensemble du dispositif, dont l'objectif lié à la suppression du contredit, était de disposer d'une procédure unique et rapide pour l'appel de tous les jugements statuant sur la compétence.

L'application des ces dispositions, sanctionnées par la caducité de l'appel, sauf cas de force majeure, ne pouvait être exclue pour une partie représentée par un avocat, professionnel avisé. En outre, ces dispositions poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel des jugements statuant sur la compétence sans se prononcer sur le fond du litige, la compétence du juge appelé à connaître d'une affaire pouvant être définitivement déterminée dans les meilleurs délais. Elles ne portent pas une atteinte disproportionnée à l'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé.

C'est dès lors à bon droit qu'une cour d'appel prononce la caducité de la déclaration d'appel d'une partie qui ne s'était pas conformée à ces prescriptions.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 décembre 2018), la société Areva et la société Orano cycle, anciennement dénommée Areva NC, ont relevé appel de l'ordonnance du juge de la mise en état d'un tribunal de grande instance, rendue le 6 février 2018, ayant dit ce tribunal compétent pour connaître du litige opposant ces sociétés à M. T..., la société Opérations et organisations spéciales (la société OPOS) et M. R....

Sur l'application de l'article 688 du code de procédure civile

2. Le mémoire ampliatif a été transmis en vue de sa notification à M. R..., résidant au Mali, le 7 juin 2019. Il résulte des démarches que la société Areva et la société Orano cycle justifient avoir accomplies depuis lors auprès des autorités chargées de cette transmission, que ce mémoire n'a pas pu être remis à M. R....

3. Un délai de six mois s'étant écoulé depuis la transmission du mémoire ampliatif, il y a lieu de statuer sur le pourvoi.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Areva et la société Orano cycle font grief à l'arrêt de déclarer caduque leur déclaration d'appel formée à l'encontre de l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre le 6 février 2018 (RG n° 16/11570), en ce qu'elle vise le chef de décision disant le tribunal de grande instance de Nanterre compétent pour connaître du litige les opposant à M. T..., la société OPOS et M. R..., alors :

« 1°/ que l'ordonnance du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure tirée de l'incompétence de la juridiction saisie n'est susceptible que d'un appel dans les formes et modalités fixées par les articles 776 et 905 du code de procédure civile, à l'exclusion de celles applicables à l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence et visées aux articles 83 et suivants du même code, selon lesquels l'appelant doit notamment solliciter par voie de requête une autorisation d'assigner à jour fixe les intimés ; qu'en déclarant néanmoins caduque la déclaration d'appel de l'ordonnance du 6 février 2018, motif pris que la société Areva et la Société Orano cycle n'ayant pas sollicité par voie de requête une autorisation d'assigner à jour fixe les intimés, elles n'avaient pas respecté les formes et modalités de l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, telles qu'elles résultent des articles 83 et suivants susvisés, la cour d'appel a violé les articles 776 et 905 du code de procédure civile, ensemble les articles 83 et suivants, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, du même code ;

2°/ que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; que le droit d'accès à un tribunal doit être concret et effectif : que les limitations à ce droit ne doivent pas restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même, notamment en raison d'un formalisme excessif en ce qui concerne les exigences procédurales ; que ne satisfont pas à cette exigence, les dispositions qui, par leur ambiguïté, ne mettent pas le justiciable en mesure de déterminer les modalités de la voie de recours qui lui est ouverte ; qu'en déclarant néanmoins caduque la déclaration d'appel de l'ordonnance du 6 février 2018, motif pris qu'elle ne respectait pas les formes de l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, telle qu'elles résultent des articles 83 et suivants du code de procédure civile, bien que la société Areva et la société Orano cycle aient pu légitimement considérer que l'appel relevait des modalités fixées par les articles 776 et 905 du code de procédure civile, dès lors que ces articles visent l'appel des ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une exception de procédure, la cour d'appel, qui a privé les appelants de leur droit d'accès au juge d'appel, en leur opposant des dispositions dont l'ambiguïté était de nature à les induire en erreur, a violé l'article 6, §1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que, nonobstant toute disposition contraire, l'appel dirigé contre la décision de toute juridiction du premier degré se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige relève, lorsque les parties sont tenues de constituer un avocat, de la procédure à jour fixe et qu'en ce cas, l'appelant doit saisir, dans le délai d'appel, le premier président de la cour d'appel en vue d'être autorisé à assigner l'intimé à jour fixe.

6. L'application de ces textes spécifiques à l'appel d'une ordonnance d'un juge de la mise en état statuant sur la compétence du tribunal de grande instance se fonde sur la lettre et la finalité de l'ensemble du dispositif, dont l'objectif, lié à la suppression du contredit, était de disposer d'une procédure unique et rapide pour l'appel de tous les jugements statuant sur la compétence.

7. L'application de ces dispositions, sanctionnées par la caducité de l'appel, sauf cas de force majeure, ne pouvait être exclue pour une partie représentée par un avocat, professionnel avisé.

En outre, ces dispositions poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel des jugements statuant sur la compétence sans se prononcer sur le fond du litige, la compétence du juge appelé à connaître d'une affaire pouvant être définitivement déterminée dans les meilleurs délais. Elles ne portent pas une atteinte disproportionnée à l'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé.

8. Dès lors, ayant relevé que les sociétés appelantes, qui ne se prévalaient d'aucun moyen pris d'un risque d'atteinte portée à leur droit à un procès équitable, ne s'étaient pas conformées à ces prescriptions, c'est à bon droit que la cour d'appel a prononcé la caducité de leur déclaration d'appel.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Richard ; Me Carbonnier -

Textes visés :

Articles 83, 84 et 85 du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 ; article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 11 juillet 2019, pourvoi n° 18-23.617, Bull. 2019, (rejet), et l'avis cité.

2e Civ., 2 juillet 2020, n° 19-14.855, (P)

Rejet

Recevabilité – Pluralité de parties – Litige indivisible – Défaut d'intimation d'une partie – Effet

Il résulte des articles 552 et 553 du code de procédure civile qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance, mais l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance. Par conséquent, l'appel étant, en application de l'article 900 du même code, formé par déclaration unilatérale ou requête conjointe, les parties que l'appelant a omis d'intimer sont appelées à l'instance par voie de déclaration d'appel.

C'est, dès lors, à bon droit qu'une cour d'appel, qui constate, dans une matière où l'objet du litige est indivisible, qu'un appelant a omis d'intimer une partie à la procédure, retient que la signification de la déclaration d'appel et des conclusions effectuée par l'appelant à cette partie n'a pu entraîner une régularisation de la déclaration d'appel et déclare l'appel irrecevable.

Intimé – Pluralité – Appel interjeté contre un seul – Litige indivisible – Signification postérieure de la déclaration d'appel et des conclusions par l'appelant – Régularisation de l'appel (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 novembre 2018), un tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société L'investisseur gestion (la société) et a désigné la société BTSG, prise en la personne de M. I..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

2. M. A... a déclaré une créance au passif de la procédure collective, qui a été contestée par la société.

3. La société a relevé appel de l'ordonnance d'un juge commissaire ayant admis cette créance.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt, en considération de l'absence d'intimation du mandataire judiciaire au redressement judiciaire, la société BTSG, partie indivisible à la procédure de vérification et d'admission des créances, de déclarer irrecevable l'appel qu'elle a formé à l'encontre de l'ordonnance du juge commissaire ayant admis la créance déclarée par M. A... au passif de la procédure de redressement judiciaire, à titre chirographaire, à hauteur de la somme de 114.013,58 euros et de rejeter toute autre fin de non-recevoir, alors « que l'appelant peut appeler les autres parties à l'instance et régulariser son acte d'appel jusqu'à ce que le juge statue, notamment par voie de conclusions régulièrement signifiées ; qu'en considérant, pour déclarer l'appel irrecevable, que la signification de la déclaration d'appel et des conclusions effectuée le 2 mai 2018 par la société à la SCP BTSG en la personne de M. I... ne pouvait avoir régularisé la procédure, cependant que la signification des conclusions à la société BTSG le 2 mai 2018, intervenue avant que le juge ne statue, avait eu pour effet de régulariser l'appel à l'égard de la société BTSG, ès qualités, la cour d'appel a violé l'article 552 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles 552 et 553 du code de procédure civile, qu'en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel dirigé contre l'une des parties réserve à l'appelant la faculté d'appeler les autres à l'instance mais l'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance.

Par conséquent, l'appel étant, en application de l'article 900 du même code, formé par déclaration unilatérale ou requête conjointe, les parties que l'appelant a omis d'intimer sont appelées à l'instance par voie de déclaration d'appel.

6. Ayant constaté que la société avait relevé appel de l'ordonnance de vérification et d'admission des créances du juge commissaire sans intimer la société BTSG, ès qualités, qui était partie à cette procédure, et exactement retenu que la signification de la déclaration d'appel et des conclusions effectuée par l'appelante à la société BTSG, ès qualités, n'avait pu entraîner une régularisation, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que l'appel interjeté contre l'ordonnance du juge commissaire, dans une matière où l'objet du litige est indivisible, était irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Girard - Avocat(s) : SCP Bénabent -

Textes visés :

Articles 552 et 553 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Com., 29 septembre 2015, pourvoi n° 14-13.257, Bull. 2015, IV, n° 138 (rejet).

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