Numéro 7 - Juillet 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2019

FONDS DE GARANTIE

2e Civ., 4 juillet 2019, n° 18-13.853, (P)

Cassation partielle

Actes de terrorisme et autres infractions – Indemnisation – Régime d'indemnisation autonome – Effet

L'article 706-3 du code de procédure pénale institue en faveur des victimes d'infractions un régime d'indemnisation autonome, répondant à des règles qui lui sont propres, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions devant fixer le montant de l'indemnité allouée en fonction des éléments de la cause, sans être tenue par la décision de la juridiction précédemment saisie.

Dès lors, méconnaît l'étendue de ses pouvoirs et viole ce texte la cour d'appel qui, après avoir constaté que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions ne conteste pas qu'une personne a été victime de faits présentant le caractère matériel d'une infraction, retient que sont irrecevables devant la CIVI les demandes, formées par cette victime et ses parents, qui portent sur des postes de préjudices intégralement réparés par les juridictions administratives ayant précédemment statué à l'égard du responsable des faits en cause.

Sur le moyen unique :

Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale ;

Attendu que ce texte institue en faveur des victimes d'infractions un régime d'indemnisation autonome, répondant à des règles qui lui sont propres, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (la CIVI) devant fixer le montant de l'indemnité allouée en fonction des éléments de la cause, sans être tenue par la décision de la juridiction précédemment saisie ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z... U..., né le [...] dans un hôpital parisien, a été victime d'une anoxie prolongée entraînant des lésions cérébrales irréversibles à la suite de complications durant l'accouchement ; que, saisi par ses parents, M. E... U... et Mme W... U..., agissant en qualité d'administrateurs légaux de celui-ci et à titre personnel, le tribunal administratif de Paris a retenu la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (l'AP-HP) et statué sur leurs demandes d'indemnisation ; que sur appel de l'AP-HP la cour administrative d'appel de Paris s'est ensuite prononcée ; que par requête déposée le 8 juin 2013, M. E... U..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de tuteur de M. Z... U..., Mme W... U..., Mme Q... U... et M. X... U... ont saisi une CIVI afin de voir ordonner une expertise médicale de M. Z... U... et d'obtenir le versement d'indemnités provisionnelles ;

Attendu que pour statuer comme elle l'a fait après avoir constaté que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions ne contestait pas que M. Z... U... avait été victime de faits présentant le caractère matériel d'une infraction, la cour d'appel a retenu qu'étaient irrecevables devant la CIVI les demandes, formées tant par M. E... U... en sa qualité de tuteur de M. Z... U... que par M. E... U... et Mme W... U... en leur nom personnel, qui portaient sur des postes de préjudices intégralement réparés par les juridictions administratives ;

Qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit qu'à l'exception du poste de préjudice de la perte de chance professionnelle, le préjudice de M. Z... U... a fait l'objet d'une réparation intégrale par la juridiction administrative, de sorte que ses demandes présentées des mêmes chefs devant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions sont irrecevables, décharge le docteur B... de la mission d'expertise qui lui avait été confiée par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions, à supposer que cette mission n'ait pas encore été achevée, et dit que M. E... U... et Mme W... U..., dont le préjudice personnel a été intégralement indemnisé par la juridiction administrative, sont irrecevables en leurs demandes, l'arrêt rendu le 18 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Gelbard-Le Dauphin - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Marlange et de La Burgade ; SCP Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Article 706-3 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

Sur le régime d'indemnisation autonome institué par les articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale, à rapprocher : 2e Civ., 14 décembre 2017, pourvoi n° 16-24.169, Bull. 2017, II, n° 233 (cassation partielle sans renvoi) ; 2e Civ., 5 juillet 2018, pourvoi n° 17-22.453, Bull. 2018, II (cassation), et les arrêts cités.

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