Numéro 7 - Juillet 2019

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2019

CONVENTIONS INTERNATIONALES

1re Civ., 11 juillet 2019, n° 18-14.186, n° 18-16.277, (P)

Rejet et cassation partielle

Accords et conventions divers – Convention franco-italienne du 3 juin 1930 – Article 24 – Loi du pays de situation des immeubles – Domaine d'application – Privilèges et droits de préférence sur les biens immeubles

Il résulte des règles de conflit de lois énoncées à l'article 24 de la Convention sur l'exécution des jugements en matière civile et commerciale, signée à Rome le 3 juin 1930 entre la France et l'Italie, que les privilèges et droits de préférence établis sur les biens immeubles sont régis par la loi de l'État sur le territoire duquel ces biens sont situés tandis que l'admission des créanciers est réglée par la loi du pays où la faillite a été déclarée.

Dès lors, une cour d'appel, qui a constaté qu'un créancier, titulaire d'hypothèques et privilèges immobiliers, n'avait pas déclaré sa créance à la faillite italienne, en a déduit à bon droit que celui-ci ne pouvait, par application de la loi française, faute d'un titre de créance opposable, concourir à la procédure d'ordre ouverte en France pour la distribution du produit de la réalisation d'immeubles appartenant aux débiteurs dont les syndics italiens avaient poursuivi la vente.

Accords et conventions divers – Convention franco-italienne du 3 juin 1930 – Article 24 – Loi du pays où la faillite a été déclarée – Domaine d'application – Admission des créanciers

Vu leur connexité, joint les pourvois n° 18-14.186 et 18-16.277 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme B... (les débiteurs) ont été déclarés en faillite par des jugements du tribunal civil de Livourne (Italie) des 4 juin et 5 juillet 1996, désignant pour le premier M. I... et pour la seconde M. E... en qualité de syndics (les syndics) ; que ces décisions ont été revêtues de l'exequatur en France par jugement du 25 juin 1998 ; que les banques Finama et Sovac immobilier, aux droits de laquelle vient la société GE Money bank, devenue My Money bank, ont, par des commandements aux fins de saisie immobilière publiés après l'exequatur, poursuivi la vente de biens immobiliers appartenant aux débiteurs et situés à Nice ; que les syndics ont repris ces poursuites ; qu'à la suite de l'adjudication, des procédures d'ordre ont été ouvertes le 15 avril 2004 par le juge chargé des ordres du tribunal de grande instance de Nice ; que le 19 mars 2015, celui-ci a établi le règlement provisoire du prix de vente des biens immobiliers, et, sur la somme à distribuer, a admis les créances du syndicat des copropriétaires, de la société Finama, devenue Groupama banque et de la société GE Money bank et, rien ne restant à répartir après ces admissions, a rejeté la demande des syndics italiens tendant à être colloqués au rang de leur privilège pour les frais de justice de la liquidation judiciaire ; que les syndics ont formé un contredit contre le règlement provisoire ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 18-14.186 :

Attendu que la société My Money bank fait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne peut prétendre participer à la distribution du prix de vente sans justifier avoir déclaré sa créance au passif de la procédure collective italienne, et que faute de production d'un tel justificatif, elle doit être exclue de la collocation et de la répartition, alors selon le moyen, qu'il résulte des règles de conflit de lois énoncées à l'article 24 de la Convention franco-italienne du 3 juin 1930 sur l'exécution des jugements que c'est à la loi du lieu de situation des immeubles qu'il appartient de régir les privilèges et droits de préférence dont ceux-ci sont grevés, les difficultés relatives au concours et au classement entre créanciers titulaires d'hypothèques et privilèges immobiliers, dans une procédure d'ordre, devant être tranchées par application de la loi du lieu de situation de l'immeuble ; qu'il en résulte que ces créanciers peuvent participer à une procédure d'ordre portant sur un immeuble situé en France, sans être tenus à une quelconque obligation de déclaration de leur créance en application de loi italienne lorsqu'il s'avère que leur débiteur fait l'objet d'une procédure de faillite ouverte en Italie ; qu'en estimant au contraire que la société My Money bank ne peut prétendre participer à la distribution du prix de vente d'un immeuble situé en France et qu'elle doit être exclue de la collocation et de la répartition, au motif qu'elle n'a pas déclaré sa créance au passif de la procédure collective italienne ouverte à l'encontre de ses débiteurs, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil et l'article 24 de la Convention franco-italienne du 3 juin 1930 sur l'exécution des jugements ;

Mais attendu qu'il résulte des règles de conflit de lois énoncées à l'article 24 de la Convention sur l'exécution des jugements en matière civile et commerciale, signée à Rome le 3 juin 1930 entre la France et l'Italie, que les privilèges et droits de préférence établis sur les biens immeubles sont régis par la loi de l'État sur le territoire duquel ces biens sont situés tandis que l'admission des créanciers est réglée par la loi du pays où la faillite a été déclarée ; qu'après avoir exactement énoncé que, s'agissant de l'opposabilité à la procédure collective des droits des créanciers titulaires d'hypothèques et privilèges immobiliers, la loi italienne était applicable, la cour d'appel qui a constaté que la société My Money bank n'avait pas déclaré sa créance à la faillite italienne, en a déduit à bon droit que celle-ci ne pouvait, par application de la loi française, faute d'un titre de créance opposable, concourir à la procédure d'ordre ouverte en France pour la distribution du produit de la réalisation d'immeubles appartenant aux débiteurs dont les syndics italiens avaient poursuivi la vente ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi n° 18-16.277, pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter la demande des syndics italiens, la cour d'appel retient que le privilège concédé au paiement des frais de justice engagés pour le déroulement de la procédure collective de faillite des époux B..., ne peut contrevenir au principe de la prédominance de la procédure d'ordre française pour déterminer les règles relatives au concours et au classement des créances ;

Qu'en statuant ainsi, par une affirmation d'ordre général, sans préciser la disposition de la loi française déclarée applicable qui s'opposerait à la reconnaissance du privilège accordé aux frais de justice que revendiquaient les syndics en application tant de la loi française que de la loi italienne et, partant, à la collocation, dans la procédure d'ordre, de leurs créances suivant leur rang, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen du pourvoi n° 18-16.277 :

REJETTE le pourvoi n° 18-14.186 ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il infirme le jugement en ses dispositions ayant considéré que le syndicat des copropriétaires ETOILE DE MER et la société My Money bank n'étaient tenus d'aucune obligation de déclaration de leur créance au passif de la procédure collective des époux B... ouverte en Italie, dit que ces deux créanciers ne peuvent prétendre participer à la distribution du prix de vente sans justifier avoir déclaré leur créance au passif de la procédure collective italienne, et que faute de production d'un tel justificatif ils doivent être exclus de la collocation et de la répartition, déclaré bien fondés sur ce point les deux contredits formés par M. I..., en qualité de syndic de M. B..., et M. E..., en qualité de syndic de Mme B..., contre le règlement provisoire établi le 19 mars 2015 par le juge chargé des ordres du tribunal de grande instance de Nice et modifié, en conséquence, le classement des créanciers et la distribution du prix d'adjudication établis par ce juge dans ce règlement, l'arrêt rendu le 6 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sauf sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Acquaviva - Avocat général : Mme Caron-Déglise - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 24 de la Convention franco-italienne du 3 juin 1930 ; article 3 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 6 juin 1990, pourvoi n° 88-19.922, Bull. 1990, I, n° 136 (rejet) ; Com., 12 mars 2013, pourvoi n° 11-27.748, Bull. 2013, IV, n° 37 (rejet).

2e Civ., 11 juillet 2019, n° 18-19.158, (P)

Cassation

Accords et conventions divers – Convention générale sur la sécurité sociale conclue le 5 janvier 1950 entre la France et la Yougoslavie – Sécurité sociale – Prestations familiales – Bénéficiaires – Détermination – Portée

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1er, § 2, et 23 A de la Convention générale sur la sécurité sociale conclue le 5 janvier 1950 entre la France et la Yougoslavie, publiée par le décret n° 51-457 du 19 avril 1951, applicable dans les relations entre la France et la Macédoine en vertu de l'accord sous forme d'échange de lettres des 13 et 14 décembre 1995, publié par le décret n° 96-726 du 8 août 1996 ;

Attendu, selon le premier de ces textes, seul applicable au droit à prestations du chef de l'enfant qui réside également sur le territoire français, que les ressortissants français ou macédoniens qui n'ont pas la qualité de travailleur salarié ou assimilé au sens des législations de sécurité sociale comprises dans le champ d'application de la Convention, sont soumis respectivement aux législations concernant les prestations familiales énumérées à l'article 2 de la Convention, applicables en Macédoine et en France, et en bénéficient dans les mêmes conditions que les ressortissants de chacun de ces pays ; que, selon le second, les travailleurs salariés ou assimilés de nationalité française ou macédonienne occupés sur le territoire de l'un de ces Etats ont le droit, pour leurs enfants résidant sur le territoire de l'autre Etat, à des allocations familiales dans les conditions qui seront fixées d'un commun accord ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. B..., de nationalité macédonienne, déclare être entré en France le 28 janvier 2013, accompagné de sa fille, née le [...] ; qu'ayant obtenu le 31 décembre 2013 une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », il a sollicité, auprès de la caisse d'allocations familiales de l'Isère, le bénéfice des prestations familiales ; que la caisse lui ayant opposé un refus pour sa fille aînée, il a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour rejeter ce dernier, l'arrêt retient que M. B... se prévaut de la Convention générale de sécurité sociale conclue le 5 janvier 1950 entre la France et la Yougoslavie, applicable entre la France et la Macédoine, qui prévoit la réciprocité d'application des législations de sécurité sociale ; que toutefois les articles 23 A et 23 B de cette Convention relatifs aux prestations familiales ne font référence qu'aux travailleurs ; que la caisse d'allocations familiales démontre par les pièces qu'elle verse au dossier que depuis son entrée en France, M. B... n'a jamais déclaré de revenus et n'a donc jamais travaillé ; qu'il ne pouvait donc se prévaloir de ces conventions ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que la fille aînée de M. B... résidait en France avec lui, ce dont il résultait que ce dernier pouvait prétendre au bénéfice des prestations familiales dans les mêmes conditions que les allocataires de nationalité française, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application, le second par fausse application ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

- Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vigneras - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer ; SCP Gatineau et Fattaccini -

Textes visés :

Articles 1er, § 2, et 23 A de la Convention générale sur la sécurité sociale conclue le 5 janvier 1950 entre la France et la Yougoslavie, publiée par le décret n° 51-457 du 19 avril 1951, applicable dans les relations entre la France et la Macédoine en vertu de l'accord sous forme d'échange de lettres des 13 et 14 décembre 1995, publié par le décret n° 96-726 du 8 août 1996.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 6 novembre 2014, pourvoi n° 13-23.318, Bull. 2014, II, n° 223 (cassation).

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