Numéro 7 - Juillet 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2018

URBANISME

3e Civ., 5 juillet 2018, n° 12-27.823, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Bâtiments menaçant ruine ou insalubres – Immeuble déclaré irrémédiablement insalubre – Démolition – Exécution d'office des travaux – Coût à la charge du propriétaire – Exclusion – Cas – Illégalité de l'arrêté de péril

L'irrégularité de la procédure résultant de l'illégalité de l'arrêté de péril fait obstacle à ce que soit mis à la charge du propriétaire de l'immeuble menaçant ruine le coût des travaux de démolition ordonnés par cet arrêté et exécutés d'office par la commune.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 12 septembre 2012), qu'un incendie ayant endommagé en 1999 un immeuble appartenant à M. X..., le maire de la commune de Marmande a pris, le 6 mars 2002, un arrêté de péril imminent enjoignant au propriétaire de procéder à des travaux de sécurisation ; que, au visa du rapport d'un expert désigné par le président du tribunal administratif, faisant état d'une grave menace à la sécurité publique en raison d'un risque permanent d'effondrement de l'immeuble, il a pris, le 7 avril 2008, un arrêté de péril ordinaire prescrivant la démolition totale de l'immeuble ; que, à défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti, il a demandé au président du tribunal administratif, sur le fondement des dispositions du paragraphe IV de l'article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation, l'autorisation de faire procéder à la démolition ; qu'une ordonnance du 25 juillet 2008 a autorisé la démolition, sous réserve d'assurer, dans les conditions préconisées par l'architecte des bâtiments de France, la conservation des façades sur rues de l'immeuble et de l'immeuble voisin ; que les travaux de démolition ont été entrepris entre septembre et novembre 2008 et la totalité de l'immeuble démolie ; que, par jugement du 12 octobre 2010, le tribunal administratif a prononcé l'annulation de l'arrêté de péril du 7 avril 2008 ; que, la commune de Marmande ayant assigné M. X... en paiement du coût des travaux de démolition, celui-ci a reconventionnellement demandé l'indemnisation de son préjudice ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation du préjudice subi du fait de la démolition totale de son immeuble ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'immeuble n'avait fait l'objet d'aucun entretien par son propriétaire depuis l'incendie survenu en 1999, que, si une procédure l'avait opposé à sa compagnie d'assurance, M. X... avait néanmoins le devoir, en sa qualité de propriétaire, de prendre toutes mesures afin de prévenir tous risques d'effondrement et que, bien qu'ayant perçu une indemnité d'assurance de 300 000 euros à l'issue de cette procédure, il n'avait pas spontanément procédé aux réparations nécessaires, la cour d'appel, qui a retenu que les dégradations et démolitions invoquées ainsi que les préjudices financier et moral n'étaient dus qu'à sa propre inertie et au manque de soins élémentaires apportés à sa propriété, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article L. 511-2, IV, du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction alors applicable ;

Attendu que, pour accueillir la demande de la commune en paiement du coût des travaux de démolition, l'arrêt retient qu'il est constant que ces travaux ont été effectués à ses frais avancés, qu'ils étaient autorisés par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux qui avait rejeté la demande de M. X... en suspension de l'arrêté de péril ordinaire et, qu'ainsi, ces travaux devaient être mis à la charge de M. X..., la demande reconventionnelle de celui-ci pour voie de fait étant indépendante de cette obligation ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la commune n'agit pour le compte et aux frais du propriétaire que lorsqu'elle fait régulièrement usage des pouvoirs d'exécution d'office qui lui sont reconnus et que, dès lors, l'irrégularité de la procédure résultant de l'illégalité de l'arrêté de péril fait obstacle à ce que soit mis à la charge du propriétaire le coût des travaux ordonnés par cet arrêté et exécutés d'office par la commune, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. X... à payer à la commune de Marmande la somme de 42 757 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, l'arrêt rendu le 12 septembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la demande de la commune en paiement de la somme de 42 757 euros au titre du coût des travaux de démolition.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : M. Kapella - Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie ; SCP Monod, Colin et Stoclet -

Textes visés :

Article L. 511-2, IV, du code de la construction et de l'habitation.

3e Civ., 12 juillet 2018, n° 17-20.654, (P)

Rejet

Logements – Changement d'affectation – Article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation – Domaine d'application – Bail autorisant la sous-location temporaire à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile

Encourt l'amende prévue par l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation le propriétaire d'un local à usage d'habitation qui, sans solliciter l'autorisation prévue par l'article L. 631-7 du même code lorsque celle-ci est requise, consent un bail autorisant le locataire à le louer de manière temporaire à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile.

Logements – Changement d'affectation – Article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation – Local à usage d'habitation – Affectation à d'autres fins – Autorisation administrative préalable à la signature du bail – Obtention par le propriétaire – Nécessité – Cas – Bail autorisant la sous-location temporaire des locaux à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile

Sur le second moyen, pris en ses deuxième et sixième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 mars 2017), rendu en référé, que M. Y..., propriétaire d'un appartement à usage d'habitation, a été assigné par le procureur de la République en paiement d'une amende civile, sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, pour avoir loué ce logement de manière répétée sur de courtes durées à une clientèle de passage, en contravention avec les dispositions de l'article L. 631-7 du même code ;

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de dire qu'il a enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 précité et de le condamner au paiement d'une amende de 20 000 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que, pour justifier la condamnation de M. Y..., la cour d'appel a retenu, par motifs propres, que son appartement avait été offert à la location sur les sites de booking.com et budgetplaces.com, puis sur le site Habitat Parisien, en ajoutant que M. Y... ne pouvait le contester « puisqu'il justifie avoir donné son appartement en location meublée par contrat du 2 juin 2010 à la société Habitat Parisien avec autorisation expresse donnée au locataire de sous-louer de manière temporaire le logement » ; qu'en se déterminant ainsi, sans avoir constaté que M. Y... ait lui-même procédé aux mises en location litigieuses sur ces sites, pour être l'auteur d'une infraction, ni donné aucune autorisation à la société Habitat Parisien d'y procéder dans des conditions contraires à la loi, la cour d'appel a violé les articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

2°/ que l'amende civile est une sanction ayant le caractère d'une punition, même lorsqu'elle n'est pas prononcée par une juridiction répressive, de sorte qu'elle est susceptible d'être confrontée au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines ; qu'il s'ensuit que son infliction doit respecter, en toutes matières, les exigences des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789, et notamment le principe de personnalité des peines, qui a valeur constitutionnelle et s'étend à toute sanction ayant le caractère d'une sanction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a relevé, par motifs propres ou adoptés, aucun élément permettant d'établir que M. Y... aurait, soit commis personnellement l'infraction sanctionnée, soit donné instruction à son preneur de sous-louer dans des conditions prohibées, soit ait seulement connu les conditions illégales de la sous-location ; que la seule « connaissance de cause » que la cour d'appel lui a attribuée, dans le contrat de bail qu'il a conclu avec la société Habitat Parisien, porte exclusivement sur l'autorisation « expresse donnée au locataire de sous-louer de manière temporaire le logement », sous-location qui, en soi, n'a rien d'illégal ; qu'en infligeant dès lors à M. Y... une amende civile, c'est-à-dire une sanction ayant le caractère d'une punition, sans avoir retenu aucune pratique interdite par le législateur qu'il ait lui-même personnellement commise, la cour d'appel a violé l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation, ensemble les articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'il résultait de l'enquête diligentée par la Direction du logement et de l'habitat que l'appartement de M. Y... avait été loué ou proposé à la location sur plusieurs sites internet et que, par contrat du 2 juin 2010, il avait été donné en location meublée à la société Habitat parisien avec autorisation expresse donnée au locataire de le sous-louer de manière temporaire, la cour d'appel a retenu à bon droit qu'une telle location en connaissance de cause ne pouvait dégager M. Y... de la responsabilité qu'il encourait en qualité de propriétaire et a pu, sans méconnaître les dispositions des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le condamner au paiement de l'amende civile prévue par l'article L. 651-2 précité ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Collomp - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : SCP Le Griel ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles L. 631-7 et L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.