Numéro 7 - Juillet 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2018

SECURITE SOCIALE, REGIMES COMPLEMENTAIRES

Soc., 11 juillet 2018, n° 16-20.029, (P)

Cassation

Cotisations – Assiette – Contestation – Action en justice – Prescription – Prescription de droit commun – Portée

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, et l'article 26-II de la même loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 4 août 1978 par la société UAP, aux droits de laquelle vient la société Axa France IARD (la société Axa) ; que, de 1981 à 1996, il a exercé des fonctions au sein de filiales étrangères de la société ; qu'il a fait valoir ses droits à la retraite le 1er décembre 2011 ; que, le 16 janvier 2013, il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la condamnation de la société Axa à régulariser sa situation auprès des organismes de retraite ARRCO et AGIRC en tenant compte de l'ensemble des éléments de sa rémunération, et, subsidiairement, de la voir condamnée à lui payer une certaine somme en réparation de son préjudice ;

Attendu que pour dire la demande tendant à la régularisation des cotisations de retraite irrecevable, l'arrêt retient que la prescription quinquennale instaurée par l'article L. 143-14 de l'ancien code du travail s'applique à toute action engagée à raison des sommes afférentes aux salaires dus au titre du contrat de travail, que les cotisations de retraite patronales sont calculées et versées en principe en même temps que le salaire est payé au salarié, et que, dès lors, un salarié ne peut engager une action en paiement des cotisations de retraite assises sur ces salaires si l'action en paiement du salaire correspondant ne lui est pas ou plus ouverte ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'obligation pour l'employeur d'affilier son personnel cadre à un régime de retraite complémentaire et de régler les cotisations qui en découlent est soumise à la prescription de droit commun et qu'elle avait constaté que la demande ne concernait pas des cotisations afférentes à des salaires non versés mais portait sur la contestation de l'assiette des cotisations retenue par l'employeur sur les salaires versés, ce dont elle aurait dû déduire que cette demande était, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, soumise à la prescription trentenaire, et que la créance dépendant d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui résultent de déclarations que le débiteur est tenu de faire, la prescription ne courait qu'à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Farthouat-Danon - Avocat général : M. Liffran - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations ; article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ; article 26-II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

Rapprochement(s) :

Sur le point de départ du délai de prescription d'une action pour insuffisance de déclaration d'un employeur à un organisme de retraite, à rapprocher : Ass. plén., 7 juillet 1978, pourvoi n° 76-15.485, Bull. 1978, Ass. plén., n° 4 (cassation partielle) ; Soc., 26 avril 2006, pourvoi n° 03-47.525, Bull. 2006, V, n° 146 (2) (cassation partiellement sans renvoi), et l'arrêt cité.

Soc., 11 juillet 2018, n° 17-12.605, (P)

Rejet

Cotisations – Assiette – Contestation – Action en justice – Prescription – Prescription de droit commun – Portée

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 décembre 2016), que M. X..., engagé par la société AGF, aux droits de laquelle se trouve la société Allianz IARD, le 2 octobre 1978, a été expatrié en Côte d'Ivoire à compter du 1er juillet 1979 ; qu'il a démissionné le 26 décembre 1989 ; que, soutenant notamment que certains éléments de sa rémunération n'avaient pas été pris en compte dans l'assiette de ses cotisations au régime de retraite complémentaire AGIRC, il a saisi le 7 mai 2012 la juridiction prud'homale d'une demande tendant à ce que la société Allianz soit condamnée à régulariser sa situation auprès des organismes de retraite complémentaire en tenant compte de l'ensemble des éléments de sa rémunération, et, subsidiairement, à lui verser des dommages-intérêts ;

Attendu que la société Allianz IARD fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et de dire qu'elle doit effectuer le rattrapage des cotisations AGIRC sur la base de la somme de 666 540 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que la cour a analysé la demande en régularisation de cotisations comme une demande en révision de l'assiette servant de base au calcul des cotisations normalement dues et précisé que la demande de M. X... est une action qui tend à la rectification et au rétablissement de ces droits réels se trouvant minorés au moment de la liquidation de sa retraite auprès l'AGIRC du fait de l'employeur ; qu'ayant ainsi exactement qualifié la demande de révision de l'assiette comme une action tendant à mettre à la charge d'Allianz une obligation de faire, la cour a ensuite considéré qu'elle était saisie d'une action en responsabilité entrant dans le champ de la prescription trentenaire de l'article 2262 ancien du code civil ; qu'en jugeant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 2262 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et de l'article 2224 du code civil ;

2°/ que l'action tendant au paiement de cotisations de retraites par l'employeur, introduite par un salarié dûment averti de l'assiette des cotisations retenue par ce dernier, est, en raison du caractère périodique des cotisations, assimilée à une action en paiement des salaires qui se prescrit par cinq ans ; que la demande en révision de l'assiette de calcul des cotisations retraites déjà versées par l'employeur et en régularisation de la situation d'un salarié auprès d'organismes de retraite complémentaire suit le régime de l'action en paiement de salaires et se prescrit par cinq ans ; qu'en jugeant pourtant, par motifs propres et adoptés, que l'action en régularisation de cotisations retraites constituait une action en responsabilité régie par la prescription trentenaire et que le régime de l'action en paiement de cotisations retraite était indépendant de celui des salaires lorsque ces derniers avaient été payés, tout en condamnant Allianz au rattrapage de cotisations retraites complémentaires, la cour d'appel a violé l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et l'article 2277 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, devenu aujourd'hui l'article L. 3245-1 du code du travail ;

3°/ que l'obligation pour l'employeur de verser les cotisations d'assurance vieillesse et de retraites complémentaires ne nait pas au jour de la liquidation des droits à pension de retraite mais chaque mois au cours de la relation de travail lors du paiement du salaire mensuel ; que la prescription de l'action en rattrapage de cotisations retraites complémentaires commence à courir à la date où les cotisations auraient dû être acquittées, c'est-à-dire à chaque échéance de paiement des salaires ; qu'en jugeant pourtant que la prescription n'avait commencé à courir que le jour de la liquidation des droits à la retraite de M. X..., le 1er octobre 2015, la cour d'appel a violé l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et l'article 2277 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, devenu aujourd'hui l'article L. 3245-1 du code du travail ;

4°/ qu'en tout état de cause, la prescription d'une action en responsabilité contractuelle ne court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime que si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que lorsque le salarié était dûment averti de l'assiette retenue pour le paiement des cotisations de retraite, la prescription l'action en réparation du préjudice lié à l'absence de paiement par l'employeur des cotisations sur une assiette plus étendue commence à courir à la date où le salarié a eu connaissance de l'assiette retenue ; qu'en jugeant, par motifs propres et adoptés, que le dommage de M. X... n'avait pris naissance et n'était devenu certain qu'au jour de la liquidation de ses droits à la retraite, le 1er octobre 2015, de sorte que la prescription n'avait commencé à courir qu'à compter de cette date, après avoir pourtant constaté que le salarié avait été informé, dès le 26 juin 1979, de l'assiette retenue pour les cotisations au régime complémentaire, la cour d'appel a violé l'article 2262 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et l'article 2224 du code civil, ensemble le principe de sécurité juridique ;

Mais attendu, d'abord, que l'obligation pour l'employeur d'affilier son personnel cadre à un régime de retraite complémentaire et de régler les cotisations qui en découlent est soumise à la prescription de droit commun ; que la cour d'appel, qui a constaté que la demande ne concernait pas des cotisations afférentes à des salaires non versés mais portait sur la contestation de l'assiette des cotisations retenue par l'employeur sur les salaires versés, en a exactement déduit que cette demande était, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, soumise à la prescription trentenaire ;

Attendu, ensuite, que la créance dépendant d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui résultent de déclarations que le débiteur est tenu de faire, il s'en déduit que la prescription ne courait qu'à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite ; que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a statué comme elle a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Farthouat-Danon - Avocat général : M. Liffran - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations ; article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ; article 26-II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

Rapprochement(s) :

Sur le point de départ du délai de prescription d'une action pour insuffisance de déclaration d'un employeur à un organisme de retraite, à rapprocher : Ass. plén., 7 juillet 1978, pourvoi n° 76-15.485, Bull. 1978, Ass. plén., n° 4 (cassation partielle) ; Soc., 26 avril 2006, pourvoi n° 03-47.525, Bull. 2006, V, n° 146 (2) (cassation partiellement sans renvoi), et l'arrêt cité.

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