Numéro 7 - Juillet 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2018

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 12 juillet 2018, n° 17-16.547, (P)

Cassation

Contentieux général – Compétence matérielle – Contributions de l'assurance chômage – Recouvrement et contrôle – Redressement – Contestation – Obligations de la juridiction – Appel en la cause du travailleur concerné et de Pôle emploi

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 5312-1, alinéa 1, 4°, L. 5422-13, alinéa 1, L. 5422-16, alinéa 1, et R. 5422-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que Pôle emploi a pour mission, notamment, d'assurer, pour le compte de l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage, le service de l'allocation d'assurance ; que, selon le troisième, les contributions afférentes au régime d'assurance chômage sont recouvrées et contrôlées par les URSSAF pour le compte de l'organisme gestionnaire susmentionné ; que, selon le dernier, l'employeur qui embauche pour la première fois un salarié qu'il est tenu en vertu du deuxième d'assurer contre le risque de privation d'emploi, adresse à cet effet un bordereau d'affiliation à Pôle emploi ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que si l'URSSAF peut, lors d'un contrôle, se prononcer sur l'application des règles d'assujettissement au régime d'assurance chômage aux fins de redressement des bases des contributions dues par l'employeur, elle est néanmoins liée par l'appréciation portée par Pôle emploi sur la situation du travailleur ; que la juridiction du contentieux général ne peut se prononcer sur la contestation du redressement par l'employeur qu'après avoir appelé en la cause le travailleur concerné ainsi que Pôle emploi, intéressés à la solution du litige ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, et les productions, qu'à la suite d'un contrôle portant sur l'année 2012, l'URSSAF d'Aquitaine (l'URSSAF) a notifié à la société Yaal une lettre d'observations en date du 3 avril 2014 comportant une régularisation, au titre des contributions à l'assurance chômage assises sur les rémunérations de son gérant, et un redressement, au titre de la réduction Fillon opérée sur ces mêmes rémunérations, puis une mise en demeure en date du 23 juin 2014 de payer la somme de 3 218 euros en cotisations et majorations de retard ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour accueillir ce recours, le jugement énonce que si un dirigeant de société est exclu du régime de l'assurance chômage en sa qualité de mandataire social, il en bénéficie, en revanche, en sa qualité de salarié lorsqu'il a conclu un contrat de travail comportant des missions techniques distinctes de son mandat social ; qu'il retient que la société a conclu, le 1er mars 2012, un contrat de travail de consultant en systèmes informatiques avec M. Z... ; que celui-ci n'est devenu gérant de la société qu'à compter du 25 juin 2012, sans percevoir de rémunération à ce titre ; que pour justifier le redressement, l'URSSAF se contente de faire référence à une notification de Pôle emploi en date du 18 mars 2014 rejetant la participation du dirigeant à l'assurance chômage ; que, cependant, la preuve de l'existence d'un contrat de travail ou, s'il est apparent, de son caractère fictif, revient à celui qui s'en prévaut ; que l'URSSAF ne rapporte pas la preuve du caractère fictif du contrat de travail de M. Z... ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il constatait que l'assujettissement de M. Z... au régime d'assurance chômage avait fait l'objet d'une décision de refus de Pôle emploi, laquelle s'imposait à l'URSSAF, et sans qu'aient été appelés en la cause l'intéressé ainsi que Pôle emploi, le tribunal a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 2 février 2017, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angoulème.

- Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Taillandier-Thomas - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Article L. 5312-1, alinéa 1, 4°, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ; article L. 5422-16, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ; article R. 5422-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

2e Civ., 12 juillet 2018, n° 17-20.198, (P)

Cassation

Contentieux général – Procédure – Procédure gracieuse préalable – Commission de recours amiable – Saisine – Délai – Forclusion – Fin de non-recevoir – Opposabilité au requérant – Condition

Selon l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, la commission de recours amiable doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation, la forclusion ne pouvant être opposée à ces derniers que si la notification porte mention de ce délai.

Contentieux général – Procédure – Procédure gracieuse préalable – Commission de recours amiable – Saisine – Délai – Indication dans la notification de la décision contestée – Nécessité

Sur le moyen unique :

Vu l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon ce texte, que la commission de recours amiable de l'organisme doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation, la forclusion ne pouvant être opposée à ces derniers que si la notification porte mention de ce délai ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire ayant pris en charge au titre de la législation professionnelle, par deux décisions du 9 mai 2012, la double affection déclarée par l'un des salariés de la société Sade (la société), celle-ci a formé le 19 novembre 2012 aux fins d'inopposabilité de ces décisions deux réclamations préalables auprès de la commission de recours amiable de la caisse, qui les a rejetées au motif qu'elles étaient irrecevables ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que, pour juger recevables les réclamations présentées par la société auprès de la commission de recours amiable, l'arrêt retient essentiellement que la société ne forme pas une réclamation à l'encontre des décisions de prise en charge au sens de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, mais à l'encontre de l'ensemble de la procédure, et qu'à défaut de contestation de ces décisions particulières, on ne saurait lui opposer le délai de deux mois courant à compter de la notification de celles-ci ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle était saisie d'un recours formé contre les deux décisions du 9 mai 2012, dont la société contestait la procédure suivie pour leur édiction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Decomble - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Ohl et Vexliard -

Textes visés :

Article R. 142-1 du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 12 juillet 2018, n° 17-22.459, (P)

Cassation partielle

Contentieux général – Procédure – Procédure gracieuse préalable – Commission de recours amiable – Saisine – Délai – Forclusion – Opposabilité – Condition

Il résulte de l'article R. 142-18, alinéa 2, du code de la sécurité sociale que la forclusion ne peut être opposée toutes les fois que le recours prévu par l'article R. 142-1 du même code a été introduit dans les délais soit auprès d'une autorité administrative, soit auprès d'un organisme de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole.

Par suite, viole ces textes la cour d'appel qui déclare irrecevable le recours formé par un professionnel de santé à l'encontre d'une décision de la caisse primaire d'assurance maladie, alors que l'intéressé avait formé en temps utile une réclamation auprès, non de la commission de recours amiable elle-même, mais du service gestionnaire de la caisse, ce dont il résultait que son recours contentieux était recevable.

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles R. 142-1 et R. 142-18, alinéa 2, du code de la sécurité sociale ;

Attendu qu'il résulte du second de ces textes que la forclusion ne peut être opposée toutes les fois que le recours prévu par le premier a été introduit dans les délais soit auprès d'une autorité administrative, soit auprès d'un organisme de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite d'un contrôle de la facturation des actes dispensés par M. Y..., masseur-kinésithérapeute, la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin (la caisse) a notifié, le 5 février 2014, à ce dernier, un indu en raison d'anomalies de facturation ; que M. Y... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour dire ce recours irrecevable, l'arrêt retient que la notification de l'indu date du 19 mars 2014 et mentionne les modalités, dont le délai de saisine de la commission de recours amiable, avec en gras et bien détaché des autres mentions, auprès de qui le recours doit être envoyé ; qu'en conséquence, M. Y... devait former son recours dans le délai de deux mois après la notification ; que sa lettre datée du 4 avril 2014, qui porte deux cachets d'entrée de la caisse au 4 et au 8 avril 2014, ne peut valoir recours alors qu'elle est adressée au service gestionnaire de la caisse ; que dès le 23 avril 2014, la caisse a répondu sur l'irrégularité de la procédure soulevée par M. Y... et lui a rappelé le délai de deux mois pour interjeter recours contre la décision d'indu, en insistant sur le fait que ce délai court à compter du jour de la réception de la décision ; que ce n'est que par lettre du 27 mai 2014, sans que celle-ci ait date certaine en l'absence de justificatif quant à sa date d'envoi, que M. Y... a saisi la commission de recours amiable ; qu'à cette date, le délai de deux mois était expiré ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que M. Y... avait formé en temps utile une réclamation contre la décision de la caisse auprès des services administratifs de celle-ci, ce dont il résultait que son recours contentieux était recevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'appel formé par M. Y..., l'arrêt rendu le 1er juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

- Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : Me Occhipinti ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles R. 142-1 et R. 142-18, alinéa 2, du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 5 juin 2008, pourvoi n° 07-13.046, Bull. 2008, II, n° 133 (cassation).

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