Numéro 7 - Juillet 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2018

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 12 juillet 2018, n° 17-18.766, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Caisse – Caisse de mutualité sociale agricole – Contrôle – Procédure – Envoi d'une lettre d'observations aux personnes contrôlées – Obligation – Non-respect – Effets – Détermination – Portée

En vertu de l'article D. 724-9, devenu R. 724-9, du code rural et de la pêche maritime, la lettre d'observations que la caisse de mutualité sociale agricole doit adresser, au terme d'un contrôle, à la personne contrôlée constitue une formalité substantielle destinée à assurer le caractère contradictoire de la procédure de contrôle et la sauvegarde des droits de la défense. Il en résulte que le non-respect de cette formalité entraîne la nullité du contrôle et de la procédure subséquente.

Par suite, viole le texte susvisé la cour d'appel qui refuse de valider, en raison de son caractère frauduleux, la demande de rachat de cotisations d'assurance vieillesse présentée par un assuré et de rétablir ses droits à la retraite à compter d'une certaine date, alors qu'elle constate la nullité de la procédure de contrôle engagée par la caisse, ce dont il résulte que celle-ci ne peut plus obtenir, en l'état, l'annulation du rachat litigieux.

Donne acte à Mme Y... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre du ministre chargé de la mutualité sociale agricole ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article D. 724-9, devenu R. 724-9, du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu qu'en vertu de ce texte, la lettre d'observations que la caisse de mutualité sociale agricole doit adresser, au terme d'un contrôle, à la personne contrôlée constitue une formalité substantielle destinée à assurer le caractère contradictoire de la procédure de contrôle et la sauvegarde des droits de la défense ; qu'il en résulte que le non-respect de cette formalité entraîne la nullité du contrôle et de la procédure subséquente ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a effectué, le 17 juin 2005, auprès de la caisse de mutualité sociale agricole Gentilly Ile-de-France (la caisse), le rachat de cotisations d'assurance vieillesse pour une activité de salariée agricole au cours de l'année 1964 ; qu'elle a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er février 2006 ; qu'à la suite d'un contrôle a posteriori du dossier, la caisse lui a notifié, le 3 novembre 2011, l'annulation du rachat de cotisations en raison de son caractère frauduleux ; que l'intéressée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour dire n'y avoir lieu à la validation du rachat litigieux et au rétablissement des droits à la retraite de Mme Y..., l'arrêt, après avoir annulé le contrôle en raison du non-accomplissement des formalités prévues à l'article D. 724-9 du code rural et de la pêche maritime, retient que cette nullité n'a pas pour effet d'authentifier la déclaration sur l'honneur faite par Mme Y..., ni de corroborer le salariat revendiqué ; que d'autres éléments étrangers ou détachables permettent de remettre en cause le rachat opéré, à la condition que la prescription ou le principe d'intangibilité des pensions liquidées n'y fassent obstacle ; que Mme Y... a produit, à l'appui de son dossier de rachat, une déclaration du 13 juin 2005 visant les mois d'août et septembre 1964 avec le mois de juillet rajouté en surcharge, en contradiction avec sa demande initiale du 3 mai 2005, dans laquelle elle ne visait que les mois d'août et septembre, et avec les deux attestations produites à l'appui de sa demande ; que cette fausse déclaration la prive de tout effet et ne peut démontrer la réalité de l'activité salariée invoquée ; qu'il ressort des autres attestations produites par Mme Y... que son travail sur l'exploitation viticole en cause n'a pas dépassé deux mois et que dès lors, l'intéressée n'est pas fondée à élargir à trois mois le rachat effectué sur la base d'une fausse déclaration ; que la décision de la caisse d'admission au rachat a été surprise par une déclaration qui s'est avérée mensongère et donc, constitutive de fraude ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait la nullité de la procédure de contrôle engagée par la caisse, ce dont il résultait que celle-ci ne pouvait plus obtenir, en l'état, l'annulation du rachat litigieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit que Mme Y... était partiellement fondée en sa demande ;

- constaté, au vu d'éléments étrangers ou détachables du contrôle, que Mme Y... avait effectué des fausses déclarations ;

- dit n'y avoir lieu de valider le rachat ;

- dit n'y avoir lieu de rétablir Mme Y... dans ses droits à retraite résultant du rachat ;

l'arrêt rendu le 26 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Valide la demande de rachat de cotisations de trimestre de retraite formée par Mme Y... pour un montant de 389 euros ;

Rétablit Mme Y... dans ses droits à retraite à compter du 1er février 2006.

- Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Le Fischer - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Article D. 724-9, devenu R. 724-9, du code rural et de la pêche maritime.

2e Civ., 12 juillet 2018, n° 17-16.547, (P)

Cassation

Caisse – URSSAF – Missions – Contributions de l'assurance chômage – Recouvrement et contrôle – Pouvoirs – Etendue – Limite

Selon l'article L. 5312-1, alinéa 1, 4°, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, Pôle emploi a pour mission, notamment, d'assurer, pour le compte de l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage, le service de l'allocation d'assurance ; selon l'article L. 5422-16, alinéa 1, du même code, dans sa rédaction applicable au litige, les contributions afférentes au régime d'assurance chômage sont recouvrées et contrôlées par les unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) pour le compte de l'organisme gestionnaire susmentionné ; selon l'article R. 5422-5 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, l'employeur qui embauche pour la première fois un salarié qu'il est tenu en vertu de l'article L. 5422-13, alinéa 1, d'assurer contre le risque de privation d'emploi, adresse à cet effet un bordereau d'affiliation à Pôle emploi.

Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si l'URSSAF peut, lors d'un contrôle, se prononcer sur l'application des règles d'assujettissement au régime d'assurance chômage aux fins de redressement des bases des contributions dues par l'employeur, elle est néanmoins liée par l'appréciation portée par Pôle emploi sur la situation du travailleur.

La juridiction du contentieux général ne peut se prononcer sur la contestation du redressement par l'employeur qu'après avoir appelé en la cause le travailleur concerné ainsi que Pôle emploi, intéressés à la solution du litige.

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 5312-1, alinéa 1, 4°, L. 5422-13, alinéa 1, L. 5422-16, alinéa 1, et R. 5422-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que Pôle emploi a pour mission, notamment, d'assurer, pour le compte de l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage, le service de l'allocation d'assurance ; que, selon le troisième, les contributions afférentes au régime d'assurance chômage sont recouvrées et contrôlées par les URSSAF pour le compte de l'organisme gestionnaire susmentionné ; que, selon le dernier, l'employeur qui embauche pour la première fois un salarié qu'il est tenu en vertu du deuxième d'assurer contre le risque de privation d'emploi, adresse à cet effet un bordereau d'affiliation à Pôle emploi ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que si l'URSSAF peut, lors d'un contrôle, se prononcer sur l'application des règles d'assujettissement au régime d'assurance chômage aux fins de redressement des bases des contributions dues par l'employeur, elle est néanmoins liée par l'appréciation portée par Pôle emploi sur la situation du travailleur ; que la juridiction du contentieux général ne peut se prononcer sur la contestation du redressement par l'employeur qu'après avoir appelé en la cause le travailleur concerné ainsi que Pôle emploi, intéressés à la solution du litige ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, et les productions, qu'à la suite d'un contrôle portant sur l'année 2012, l'URSSAF d'Aquitaine (l'URSSAF) a notifié à la société Yaal une lettre d'observations en date du 3 avril 2014 comportant une régularisation, au titre des contributions à l'assurance chômage assises sur les rémunérations de son gérant, et un redressement, au titre de la réduction Fillon opérée sur ces mêmes rémunérations, puis une mise en demeure en date du 23 juin 2014 de payer la somme de 3 218 euros en cotisations et majorations de retard ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour accueillir ce recours, le jugement énonce que si un dirigeant de société est exclu du régime de l'assurance chômage en sa qualité de mandataire social, il en bénéficie, en revanche, en sa qualité de salarié lorsqu'il a conclu un contrat de travail comportant des missions techniques distinctes de son mandat social ; qu'il retient que la société a conclu, le 1er mars 2012, un contrat de travail de consultant en systèmes informatiques avec M. Z... ; que celui-ci n'est devenu gérant de la société qu'à compter du 25 juin 2012, sans percevoir de rémunération à ce titre ; que pour justifier le redressement, l'URSSAF se contente de faire référence à une notification de Pôle emploi en date du 18 mars 2014 rejetant la participation du dirigeant à l'assurance chômage ; que, cependant, la preuve de l'existence d'un contrat de travail ou, s'il est apparent, de son caractère fictif, revient à celui qui s'en prévaut ; que l'URSSAF ne rapporte pas la preuve du caractère fictif du contrat de travail de M. Z... ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il constatait que l'assujettissement de M. Z... au régime d'assurance chômage avait fait l'objet d'une décision de refus de Pôle emploi, laquelle s'imposait à l'URSSAF, et sans qu'aient été appelés en la cause l'intéressé ainsi que Pôle emploi, le tribunal a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 2 février 2017, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Angoulème.

- Président : M. Prétot (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Taillandier-Thomas - Avocat général : Mme Nicolétis - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois -

Textes visés :

Article L. 5312-1, alinéa 1, 4°, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ; article L. 5422-16, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ; article R. 5422-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

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