Numéro 7 - Juillet 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2018

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 4 juillet 2018, n° 16-26.138, (P)

Cassation partielle

Règles communes – Contrat de travail – Licenciement – Mesures spéciales – Autorisation administrative – Annulation par la juridiction administrative – Décision fondée sur un motif de légalité externe – Portée

Lorsque la cour administrative d'appel confirme le jugement du tribunal administratif sur un motif de légalité externe tenant à l'absence d'enquête contradictoire par l'inspecteur du travail mais ne statue pas sur le motif également retenu par le tribunal administratif selon lequel les faits reprochés au salarié ne comportaient pas un degré de gravité suffisant pour justifier son licenciement, ce dernier motif ne peut constituer le soutien nécessaire de la décision de la cour administrative d'appel.

Viole dès lors les articles L. 1235-3 et L. 2422-1 du code du travail la cour d'appel qui ne recherche pas si le licenciement du salarié était justifié par une cause réelle et sérieuse.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé en qualité de conducteur routier le 14 octobre 2002 par la société GTM, dont les activités ont été transférées à compter du 1er avril 2005 à la société TCMG, a été élu membre de la délégation unique du personnel le 1er juillet 2005, réélu le 7 décembre 2007 et désigné délégué syndical le 30 janvier 2006 ; qu'il a saisi en 2008 la juridiction prud'homale de demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour discrimination syndicale ; qu'il a fait appel du jugement du conseil des prud'hommes ; que pendant le cours de l'instance, après un premier refus, invoquant de nouveaux faits, la société a obtenu, sur recours hiérarchique, l'autorisation de le licencier ; qu'il a formé un recours contre la décision du ministre du travail devant le tribunal administratif ; qu'il a été licencié pour faute grave le 8 août 2011 ; que par arrêt du 1er février 2012, la cour d'appel de Poitiers a ordonné le sursis à statuer sur l'appel de M. X... dans l'attente de la décision de la juridiction administrative ; que par arrêt du 26 mai 2014, la cour administrative d'appel a rejeté la requête de la société dirigée contre la décision du tribunal administratif ayant annulé la décision du ministre du travail ; que le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi de la société le 3 avril 2015 et que l'affaire a été remise au rôle de la cour d'appel de Poitiers le 26 janvier 2016 ;

Sur le premier moyen : Publication sans intérêt

Sur le deuxième moyen : Publication sans intérêt

Sur le quatrième moyen : Publication sans intérêt

Mais sur le troisième moyen :

Vu les articles L. 1235-3 et L. 2422-1 du code du travail ;

Attendu que pour s'estimer liée par la décision de la juridiction administrative et dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu qu'il résulte de la décision du tribunal administratif confirmée par l'arrêt de la cour administrative d'appel que les faits reprochés au salarié, bien que présentant un caractère fautif, ne comportent pas, toutefois, un degré de gravité suffisant pour justifier, à eux seuls, son licenciement et que, contrairement à ce qui est soutenu par l'employeur, la décision de la juridiction administrative prononçant l'annulation de la décision du ministre du travail autorisant le licenciement est donc motivée par des considérations relatives au caractère réel et sérieux du licenciement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la cour administrative d'appel, qui avait seulement confirmé le jugement du tribunal administratif sur un motif de légalité externe tenant à l'absence d'enquête contradictoire par l'inspecteur du travail mais n'avait pas statué sur le motif selon lequel les faits reprochés au salarié ne comportaient pas un degré de gravité suffisant pour justifier son licenciement, de sorte que ce dernier motif ne pouvait constituer le soutien nécessaire de sa décision, la cour d'appel, qui devait rechercher dès lors si le licenciement du salarié était justifié par une cause réelle et sérieuse, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société TCMG à payer à M. X... les sommes de 4 376 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, 6 418,13 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 21 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Lanoue - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Ortscheidt ; Me Haas -

Textes visés :

Articles L. 1235-3 et L. 2422-1 du code du travail.

Soc., 4 juillet 2018, n° 16-26.860, (P)

Rejet

Règles communes – Contrat de travail – Licenciement – Mesures spéciales – Autorisation administrative – Demande de l'employeur aux fins d'annulation de la décision de retrait – Rejet fondé sur une irrégularité ayant trait à la procédure diligentée par l'employeur – Portée

Lorsque la juridiction administrative rejette la demande de l'employeur aux fins d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail de retrait de l'autorisation administrative du licenciement aux motifs que la procédure de licenciement est entachée d'une irrégularité tenant à l'écoulement d'un délai excessif entre la mise à pied conservatoire et la saisine de l'administration, cette irrégularité, ayant trait à la procédure diligentée par l'employeur, ne constitue pas un motif tiré de la légalité externe de la décision administrative.

Une cour d'appel en déduit dès lors exactement que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 septembre 2016), que M. X..., engagé par la société Transport de l'Ariane le 20 mai 2003 en qualité de chauffeur livreur, a été élu délégué du personnel en 2010 ; que son licenciement pour faute lui a été notifié le 16 mai 2012, après autorisation de l'inspecteur du travail donnée le 15 mai 2012 ; que l'inspecteur du travail est revenu sur cette autorisation par décision du 14 septembre 2012 et que, par jugement du 5 février 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté le recours de la société contre le refus d'autorisation ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir notamment des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de la condamner à payer au salarié diverses sommes et de lui ordonner de rembourser les indemnités de chômage payées au salarié dans la limite de quinze jours d'indemnités, alors, selon le moyen, que l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement ne résulte pas en soi de la seule annulation de l'autorisation administrative de licenciement ; que si l'annulation est justifiée seulement par un vice de forme, le juge judiciaire conserve l'intégralité de son pouvoir d'apprécier l'existence de la cause réelle et sérieuse du licenciement ; que le non-respect des délais prévus par les dispositions de l'article R. 2421-14 du code du travail est une raison de pure procédure n'entamant pas le fond du droit ; qu'en conséquence, le retrait de l'autorisation de licenciement ou son annulation par le juge administratif du fait de l'écoulement d'un délai excessif entre la mise à pied du salarié et la saisine de l'inspection du travail entraîne l'annulation du licenciement pour un vice de forme, mais est sans rapport avec l'appréciation du bien-fondé du licenciement, laquelle suppose que le juge administratif se soit prononcé sur les faits fautifs invoqués par l'employeur ; qu'en l'espèce, le tribunal administratif a, dans son jugement du 5 février 2014, confirmé la décision de l'inspecteur du travail du 14 septembre 2012 de retrait de l'autorisation de licencier au seul motif du non-respect de la procédure de licenciement, sans se prononcer sur les faits fautifs invoqués par l'employeur, de sorte qu'il appartenait au juge judiciaire d'apprécier l'existence d'une cause réelle et sérieuse au regard de ces faits ; qu'en jugeant néanmoins le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse parce que l'autorité administrative « s'est prononcée sur le fond, notamment quant à l'écoulement d'un délai excessif entre la mise à pied conservatoire et la saisine de l'administration », tandis que la méconnaissance dudit délai constituait une irrégularité de procédure qui rendait certes le licenciement nul, mais ne le privait pas de plein droit de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-3 et L. 2422-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, ayant relevé que la juridiction administrative avait rejeté la demande de l'employeur aux fins d'annulation de la décision de l'inspecteur du travail de retrait de l'autorisation administrative du licenciement aux motifs que la procédure de licenciement était entachée d'une irrégularité tenant à l'écoulement d'un délai excessif entre la mise à pied conservatoire et la saisine de l'administration, laquelle irrégularité, ayant trait à la procédure diligentée par l'employeur, ne constituait pas un motif tiré de la légalité externe de la décision administrative, en a exactement déduit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Lanoue - Avocat général : M. Weissmann - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 1235-3 et L. 2422-1 du code du travail.

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