Numéro 7 - Juillet 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2018

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

1re Civ., 11 juillet 2018, n° 18-40.019, (P)

QPC - Renvoi au Conseil constitutionnel

Auxiliaires de justice – Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 – Articles 22, 23 et 24 – Principe d'égalité devant la loi – Caractère sérieux – Renvoi au Conseil constitutionnel

Attendu que, le 22 septembre 2017, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau du Val-de-Marne a saisi le conseil régional de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Paris aux fins de poursuites disciplinaires contre M. X..., avocat à ce barreau ; qu'à l'audience du 9 avril 2018, M. X... a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité ; que, par décision du 13 avril 2018, le conseil régional de discipline a décidé de transmettre cette question à la Cour de cassation ;

Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :

« Les articles 22, 23 et 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, faute de comporter des dispositions prévoyant la prescription des poursuites disciplinaires contre les avocats, alors qu'il existe une prescription des poursuites disciplinaires pour toutes les autres catégories professionnelles, et notamment les fonctionnaires, sont-ils conformes au principe d'égalité des citoyens devant la loi, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? » ;

Attendu que la disposition contestée est applicable au litige, lequel concerne des poursuites disciplinaires engagées contre M. X..., avocat ;

Qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Et attendu que la question posée présente un caractère sérieux en ce que l'absence de prescription en matière de poursuites disciplinaires contre un avocat est susceptible de porter atteinte au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, les poursuites disciplinaires contre divers autres professionnels en raison de faits commis dans leurs fonctions, tels les notaires, les huissiers de justice, les administrateurs judiciaires ou les fonctionnaires, se trouvant soumises à un délai de prescription ;

D'où il suit qu'il y a lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

RENVOIE au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Le Gall - Avocat général : M. Sudre - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié -

Soc., 12 juillet 2018, n° 18-40.024, (P)

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Relations collectives de travail – Code du travail – Articles L. 2323-3, L. 2323-4 et L. 4612-8 – Principe d'égalité devant la loi – Droits de la défense – Principe de participation des travailleurs – Dispositions déjà déclarées conformes à la constitution – Absence de changement des circonstances – Caractère sérieux – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :

« L'application combinée des dispositions des articles L. 2323-3, L. 2323-4 et L. 4612-8 du code du travail est-elle conforme au principe général du droit d'égalité entre les justiciables, et aux principes fondamentaux des droits de la défense et de liberté pour tout travailleur de participer à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises tels que définis protégés et garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que par l'alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ? » ;

Mais attendu, d'abord, que les articles L. 2323-3 et L. 2323-4 du code du travail ont déjà été déclarés conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2017-652 QPC rendue le 4 août 2017 par le Conseil constitutionnel ; qu'aucun changement de circonstances de droit ou de fait n'est depuis intervenu qui, affectant la portée de ces dispositions législatives, en justifierait le réexamen ;

Attendu, ensuite, que l'article L. 4612-8, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, est applicable au litige ; que la question ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Et attendu que la question posée, en tant qu'elle porte sur l'article L. 4612-8 du code du travail, ne présente pas un caractère sérieux en ce que les dispositions contestées prévoient des délais assortis des garanties nécessaires pour assurer le respect du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises et que les règles encadrant l'appel répondent aux exigences découlant des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 dès lors qu'en application de l'article R. 2323-1 du code du travail, le délai de consultation du comité d'entreprise ne court qu'à compter de la communication ou de la mise à disposition des documents prévus par la loi ou par un accord collectif et que la cour d'appel, dans le cadre de sa compétence, est tenue de vérifier la conformité, à la date où il a statué, de la décision du juge de première instance aux dispositions des articles L. 2323-3, L. 2323-4 et L. 4612-8 du code du travail et, le cas échéant, d'exercer les pouvoirs qu'elle tient du dernier alinéa de l'article L. 2323-4 du code du travail, les justiciables étant placés à cet égard dans des situations identiques au regard des garanties qu'offre l'exercice de la voie de recours ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU A RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Slove - Avocat général : M. Boyer - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Soc., 11 juillet 2018, n° 18-40.020, (P)

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Relations individuelles de travail – Code du travail – Article L. 4624-7 – Droits de la défense – Principe du contradictoire – Applicabilité au litige – Caractère sérieux – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Attendu que la question transmise est ainsi rédigée :

« L'article L. 4624-7 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, par application duquel l'employeur ou le salarié peuvent contester les avis ou préconisations du médecin du travail en sollicitant devant la formation de référé du Conseil de prud'hommes la désignation d'un expert dont le rapport sera rendu sur la base d'éléments médicaux et d'examens médicaux non communiqués à l'employeur, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution et, plus précisément, aux droits de la défense et au principe du contradictoire ? » ;

Attendu que cette disposition législative, qui sert de fondement à la décision contestée, est applicable au litige ;

Qu'elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu, d'une part, que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

Attendu, d'autre part, que la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce sens que lors d'une expertise médicale, les parties ont la faculté de mandater un médecin qui, au cours des opérations d'expertise, pourra prendre connaissance des documents comportant les renseignements d'ordre médical examinés par l'expert, et peuvent dès lors faire valoir leurs droits dans le cadre d'un débat contradictoire devant la juridiction contentieuse ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Van Ruymbeke - Avocat général : Mme Rémery -

2e Civ., 5 juillet 2018, n° 18-10.385, (P)

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Sécurité sociale – Code de la sécurité sociale – Articles L. 512-1 et L. 761-2 – Principe d'égalité devant la loi – Compétence du législateur – Défaut partiel d'applicabilité au litige – Caractère sérieux – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Attendu que Mme Y... a perçu, entre le 1er janvier 2012 et le 31 octobre suivant, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et l'allocation de rentrée scolaire, alors qu'elle résidait, avec sa fille, en Turquie où son époux était affecté en tant qu'enseignant détaché auprès de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger ; que la caisse d'allocations familiales du Bas-Rhin lui ayant notifié un indu d'une certaine somme, Mme Y... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ; que Mme Y... s'est pourvue en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar du 9 novembre 2017 l'ayant déboutée de son recours ; que par mémoires distincts et motivés reçus par la Cour de cassation le 9 mai 2018, elle a déposé deux questions prioritaires de constitutionnalité ;

Que la première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« L'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale méconnaît-il l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en subordonnant l'application de la législation française de sécurité sociale aux travailleurs détachés temporairement à l'étranger par leur employeur pour y exercer une activité salariée ou assimilée à la condition que l'employeur s'engage à s'acquitter de l'intégralité des cotisations dues ? » ;

Que la seconde question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« L'article L. 512-1 du code de la sécurité sociale méconnaît-il l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 34 de la Constitution en ce qu'il ne prévoit pas de dérogation à la condition de résidence en France à laquelle est subordonnée l'allocation de prestations familiales pour les fonctionnaires de l'Etat temporairement détachés à l'étranger sur le fondement du décret n° 2002-22 du 4 janvier 2002 relatif à la situation administrative et financière des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger ? » ;

Sur la première question prioritaire de constitutionnalité :

Attendu que la situation des fonctionnaires de l'Etat détachés auprès de l'Agence pour l'enseignement à l'étranger pour l'exercice de leur activité à l'étranger dans les conditions fixées par le décret n° 2002-22 du 4 janvier 2002, n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 761-2 du code de la sécurité sociale ; que la disposition critiquée n'est pas, dès lors, applicable au litige ;

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ;

Et sur la seconde question prioritaire de constitutionnalité :

Attendu que la disposition critiquée, dans sa rédaction applicable à la date du versement des prestations litigieuses, est applicable au litige ;

Qu'elle n'a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

Mais attendu que, ne portant pas sur l'interprétation de dispositions constitutionnelles dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, la question n'est pas nouvelle ;

Et attendu que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'ouvert sans condition d'activité, ni de cotisation ou de contribution, à toute personne française ou étrangère résidant en France, ayant à sa charge un ou plusieurs enfants résidant en France, le droit aux prestations familiales procède des exigences de la solidarité nationale telle qu'elle résulte des dispositions des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; qu'ainsi, il ne saurait être sérieusement soutenu que la disposition critiquée méconnaît les exigences du principe d'égalité devant la loi pour n'avoir pas exempté de la condition de résidence qu'elle édicte certains fonctionnaires de l'Etat appelés à exercer leurs fonctions à l'étranger en application de dispositions statutaires purement réglementaires, lesquelles prévoient d'ailleurs le versement aux intéressés de majorations familiales destinées à couvrir pour partie leurs charges de famille ;

D'où il suit que la question ne présente pas un caractère sérieux et qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel ;

PAR CES MOTIFS :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Moreau - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Gatineau et Fattaccini -

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