Numéro 7 - Juillet 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2018

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 5 juillet 2018, n° 17-19.738, (P)

Cassation

Demande – Objet – Détermination – Prétentions respectives des parties – Moyens fondant les prétentions – Changement – Office du juge – Détermination – Portée

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ensemble l'article 12 du code de procédure civile ;

Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que le véhicule de la société Pressing Fontaine frères a été percuté par le scooter conduit par M. Z... et assuré auprès de la société Mutuelle d'assurance des instituteurs de France (l'assureur) ; que celle-ci l'a assigné en réparation des dommages subis sur le fondement de la responsabilité délictuelle des articles 1382 et suivants du code civil ;

Attendu que pour débouter la société Pressing Fontaine frères de ses demandes, la juridiction de proximité relève que les accidents de la circulation impliquant des véhicules terrestres à moteur relèvent du régime spécial de responsabilité de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, que cette loi exclut l'application des régimes de responsabilité de droit commun et qu'en conséquence, il y a lieu de déclarer l'action de la société Pressing Fontaine frères mal fondée ;

Qu'en statuant ainsi, alors que selon ses propres constatations, les dommages avaient été causés par un accident de la circulation survenu entre deux véhicules à moteur, de sorte qu'il lui incombait pour trancher le litige de faire application, au besoin d'office, des dispositions d'ordre public de la loi du 5 juillet 1985, la juridiction de proximité a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 16 février 2017, entre les parties, par la juridiction de proximité de Saint-Denis de La Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Saint-Denis de La Réunion.

- Président : Mme Flise - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; Me Le Prado -

Textes visés :

Articles 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et 12 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Ch. mixte, 7 juillet 2017, pourvoi n° 15-25.651, Bull. 2017, Ch. mixte, n° 2 (2) (cassation).

1re Civ., 11 juillet 2018, n° 17-17.441, n° 17-19.581, (P)

Cassation partielle

Droits de la défense – Expertise – Partie ni appelée, ni représentée à l'expertise – Moyen de preuve – Rapport versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties – Office du juge – Détermination – Portée

Si un rapport d'expertise judiciaire n'est opposable à une partie que lorsqu'elle a été appelée ou représentée au cours des opérations d'expertise, le juge ne peut cependant refuser de prendre en considération ce rapport, dès lors qu'il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve.

Vu leur connexité, joint les pourvois n° 17-17.441 et 17-19.581 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a présenté une dissection d'une artère vertébrale, ayant entraîné un accident vasculaire cérébelleux ischémique bilatéral, dont il a imputé la responsabilité à une faute commise, lors d'une manipulation cervicale réalisée, le 15 janvier 2007, par J. Y..., kinésithérapeute, assuré auprès de la Mutuelle d'assurances du corps de santé français (l'assureur) et associé au sein de la société civile professionnelle Mistral Kinés (la SCP) ; qu'il a sollicité une expertise en référé qui a été ordonnée, le 21 juin 2007, au contradictoire de J.. Y... ; que celui-ci est décédé, le [...], avant le début des opérations expertales ; que, par acte du 20 août 2009, Mme Cécilia Y... et M. Anthony Y... ont, en qualité d'héritiers du défunt (les héritiers), cédé les parts sociales détenues par ce dernier à un associé de la SCP, avec effet au 1er août ; que M. X... a assigné en responsabilité et indemnisation les héritiers, l'assureur et la SCP et mis en cause la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Hérault (la caisse) qui a demandé le remboursement de ses débours ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 17-17.441, pris en sa première branche, et le premier moyen du pourvoi n° 17-19.581 qui, étant de pur droit, sont recevables :

Vu les articles 16 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 et R. 4381-25 du code de la santé publique ;

Attendu, qu'aux termes du premier de ces textes, chaque associé répond, sur l'ensemble de son patrimoine, des actes professionnels qu'il accomplit et la société civile professionnelle est solidairement responsable avec lui des conséquences dommageables de ces actes ; que, selon le second, sans préjudice de l'application du premier, la responsabilité de chaque associé à l'égard de la personne qui se confie à lui demeure personnelle et entière ; qu'il en résulte que la cession par un associé de ses parts sociales est dépourvue d'effet sur sa responsabilité qui demeure, comme celle de la société, engagée au titre des conséquences dommageables des soins qu'il a prodigués dans le cadre de son exercice au sein de la société ;

Attendu que, pour juger que les héritiers ne peuvent plus être mis en cause, depuis le 1er août 2009, au titre de la responsabilité des actes professionnels accomplis par J.. Y... dans la société et rejeter la demande formée à leur encontre par M. X..., l'arrêt se fonde sur la cession des parts sociales qu'ils ont consentie à un associé de la SCP ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le deuxième moyen du pourvoi n° 17-17.441, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que, si un rapport d'expertise judiciaire n'est opposable à une partie que lorsqu'elle a été appelée ou représentée au cours des opérations d'expertise, le juge ne peut cependant refuser de prendre en considération ce rapport, dès lors qu'il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties ; qu'il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve ;

Attendu que, pour rejeter la demande de M. X... à l'encontre de la SCP, après avoir relevé que cette dernière contestait la responsabilité de J.. Y..., l'arrêt retient que les constatations du rapport d'expertise n'étant pas opposables à la SCP, il ne peut être statué sur sa responsabilité au regard de ce rapport ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il donne acte à la société Le Sou médical de son intervention volontaire aux lieu et place de la Mutuelle d'assurances du corps de santé français en sa qualité d'assureur de responsabilité civile professionnelle de J.. Y..., l'arrêt rendu le 28 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Duval-Arnould - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Richard -

Textes visés :

Article 16 de la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ; article R. 4381-25 du code de la santé publique ; article 16 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 7 septembre 2017, pourvoi n° 16-15.531, Bull. 2017, II, n° 168 (cassation partielle), et les arrêts cités.

Soc., 4 juillet 2018, n° 17-18.241, (P)

Cassation partielle

Droits de la défense – Violation – Décision se fondant uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 1er mars 2007 en qualité d'acheteur expert bâtiment par la SNCF mobilités ; que, les 4 et 5 février 2013, le salarié et Mme Z... ont saisi la direction éthique de la SNCF ; que, se fondant sur le rapport de la direction de l'éthique, l'employeur a notifié au salarié le 18 septembre 2013 une mesure de suspension et l'a convoqué devant le conseil de discipline ; qu'il a été licencié le 25 septembre 2013 ;

Sur le premier moyen et les première et deuxième branches du deuxième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen pris en sa troisième branche :

Vu l'article 6, §§ 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes ;

Attendu que pour dire que la procédure de licenciement est régulière et le licenciement justifié, la cour d'appel, après avoir retenu que l'atteinte aux droits de la défense fondée sur le caractère anonyme des témoignages recueillis par la direction de l'éthique n'est pas justifiée dans la mesure où le salarié a eu la possibilité d'en prendre connaissance et de présenter ses observations, s'est fondée de manière déterminante sur le rapport de la direction de l'éthique ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu le référentiel RH00144 interne à la SNCF ;

Attendu, selon ce texte, que lorsqu'une majorité absolue de voix converge vers un niveau de sanction, ce niveau constitue l'avis du comité de discipline, il y a alors un seul avis, le directeur ne peut prononcer une sanction plus sévère ; que lorsqu'aucun niveau de sanction ne recueille la majorité des voix, le conseil a émis plusieurs avis. Dans ce cas, il y a lieu de tenir compte des avis émis par le conseil pour déterminer une majorité, ou tout au moins le partage des avis en 2 parties ; que pour ce faire, les voix qui se sont portées sur la plus sévère des sanctions s'ajoutent à l'avis ou aux avis du degré inférieur qui se sont exprimés, jusqu'à avoir 3 voix ; que le directeur peut prononcer une sanction correspondant à l'avis le plus élevé ainsi déterminé ;

Attendu que pour dire le licenciement du salarié justifié, l'arrêt retient que le conseil de discipline s'est prononcé à égalité pour et contre le licenciement, soit trois voix pour et trois voix contre, et dans les mêmes conditions pour un dernier avertissement avec une mise à pied de douze jours et un déplacement, que compte tenu des avis exprimés par le conseil de discipline, le directeur pouvait donc prononcer la sanction correspondant à l'avis le plus élevé, à savoir le licenciement ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le directeur ne pouvait prononcer un licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 17 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Salomon - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Monod, Colin et Stoclet -

Textes visés :

Articles 6, §§ 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; référentiel RH00144 interne à la SNCF.

Com., 10 juillet 2018, n° 17-16.365, (P)

Cassation sans renvoi

Fin de non-recevoir – Fin de non-recevoir d'ordre public – Obligation pour le juge de la soulever d'office – Cas – Actions en réparation des préjudices nés de pratiques anticoncurrentielles – Pouvoir juridictionnel exclusif de la cour d'appel de Paris

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 125 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 420-7 et R. 420-5 du code de commerce ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes que les actions en réparation des préjudices nés de pratiques anticoncurrentielles sont portées devant les juridictions spécialisées désignées à l'article R. 420-3 du code de commerce et que seule la cour d'appel de Paris est investie du pouvoir juridictionnel de statuer sur l'appel formé contre les décisions rendues par ces juridictions ; que l'inobservation de ces règles d'ordre public est sanctionnée par une fin de non-recevoir ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Filmdis assure la distribution de films en Martinique et recourt, pour la distribution de films en Guadeloupe, à un sous-distributeur, la société Cinesogar ; que ces sociétés sont des filiales de la société Holding Mediagestion ; que, le 9 mars 2000, M. Y..., qui exploite une salle de cinéma sous l'enseigne Ciné théâtre, a saisi le Conseil de la concurrence (le Conseil) de pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution et de l'exploitation de films ; que par une décision n° 04-D-44 du 15 septembre 2004, le Conseil a dit que les sociétés Filmdis et Cinesogar avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce, leur a infligé une sanction pécuniaire et fait injonction de supprimer certaines clauses des contrats les liant aux exploitants de salles de cinéma indépendants et de cesser certains agissements ; que par un arrêt du 29 mars 2005, la cour d'appel de Paris a réformé cette décision, retenant, notamment, qu'il n'était pas établi que la société Cinesogar ait enfreint l'article L. 420-2 du code de commerce, et réduit la sanction infligée à la société Filmdis ; que par actes des 24 mars et 8 avril 2010, M. Y... a assigné les sociétés Filmdis, Cinesogar et Mediagestion en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de ces pratiques anticoncurrentielles ; que par un jugement du 30 juin 2015, le tribunal mixte de commerce de Fort de France a déclaré prescrite cette action ; que M. Y... a interjeté appel de cette décision devant la cour d'appel de Fort de France ;

Attendu que l'arrêt confirme ce jugement, rendu par une juridiction spécialement désignée par l'article R. 420-3 du code de commerce ;

Qu'en statuant ainsi, sans relever d'office la fin de non-recevoir tirée de son défaut de pouvoir juridictionnel pour statuer sur l'appel formé devant elle, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable l'appel formé devant la cour d'appel de Fort de France, par M. Y..., exerçant sous l'enseigne Ciné théâtre, contre le jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Fort de France le 30 juin 2015.

- Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Tréard - Avocat général : Mme Beaudonnet - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Article 125 du code de procédure civile ; articles L. 420-7 et R. 420-5 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

Sur le pouvoir juridictionnel exclusif de la cour d'appel de Paris pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues sur des litiges relatifs à des pratiques anticoncurrentielles, à rapprocher : Com., 21 février 2012, pourvoi n° 11-13.276, Bull. 2012, IV, n° 38 (rejet).

Soc., 4 juillet 2018, n° 16-29.051, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Intervention – Intervention forcée – Intervention en appel – Conditions – Evolution du litige – Définition

Intervention – Intervention forcée – Intervention en appel – Conditions – Evolution du litige – Exclusion – Cas – Ouverture d'une procédure collective à l'égard d'une partie visée par une demande en paiement postérieurement au jugement frappé d'appel

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme A... a été engagée, en qualité de chanteuse, à compter du 6 mars 2003, par contrats de travail à durée déterminée dits d'usage, pour des prestations dans le cabaret restaurant exploité par la société Pub Opéra dirigée par M. Y... ; qu'à compter de mars 2009, l'organisation des spectacles et l'engagement des intermittents ont été confiés à la société Dream Event ; qu'après avoir mis l'employeur en demeure de régulariser sa situation, la salariée a, le 12 octobre 2010, pris acte de la rupture de son contrat de travail puis a saisi la juridiction prud'homale pour demander, notamment, la requalification de ses contrats de travail en contrat à durée indéterminée ; qu'elle y a attrait les sociétés Pub Opéra et Dream Event ainsi que M. B... en qualité de liquidateur de la société New Pub ; que le conseil de prud'hommes a, par jugement du 15 mai 2012, notamment dit que la société Pub Opéra avait la qualité d'employeur de Mme A..., a requalifié les contrats en contrat à durée indéterminée et dit que la prise d'acte, par la salariée, de la rupture de son contrat de travail devait avoir les effets d'une rupture sans cause réelle et sérieuse ; que le 19 décembre 2013, une procédure collective a été ouverte à l'égard de la société Pub Opéra et, le 1er janvier 2015, un plan de continuation a été homologué, Mme C... étant désignée commissaire à l'exécution du plan ; que la société Pub Opéra, le mandataire judiciaire et la commissaire à l'exécution du plan ont interjeté appel de la décision du conseil de prud'hommes ; que Mme A... a appelé en intervention forcée M. Y... ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que toute demande dirigée à l'encontre de M. Y..., appelé en intervention forcée, est irrecevable, alors, selon le moyen, que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel est caractérisée par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige ; que tel est le cas de l'ouverture, postérieure au jugement, d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de l'employeur ; qu'en l'espèce, Mme A... faisait précisément valoir, dans ses écritures d'appel « soutenues oralement lors de l'audience », que « conformément à l'article 555 du code de procédure civile, l'évolution du litige implique la mise en cause de M. Y... du fait du redressement judiciaire de la SA Pub Opéra intervenu postérieurement au jugement » ; qu'en se bornant à retenir que « les circonstances qu'elle invoque pour mettre en cause sa responsabilité, à savoir qu'il était son seul interlocuteur, qu'il l'a délibérément embauchée suivant des contrats de travail à durée déterminée sans lui proposer d'écrits, qu'il la rémunérait avec retard, qu'il gérait son emploi du temps, planifiait les dates et les horaires de ses prestations, étaient connues d'elle lors de l'instance devant le conseil de prud'hommes », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si l'évolution du litige ne résultait pas de la procédure de redressement judiciaire de l'employeur ouverte postérieurement au jugement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieure à celui-ci modifiant les données juridiques du litige ; qu'ayant relevé que l'action de la salariée pour mettre en cause la responsabilité personnelle du dirigeant de la société employeur était fondée sur des circonstances connues de celle-ci lors de l'instance devant le conseil de prud'hommes, la cour d'appel, qui en a déduit que l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société Pub Opéra n'avait pas modifié les données juridiques du litige et ne constituait pas une évolution de celui-ci n'encourt pas le grief de cette branche ;

Mais sur la seconde branche du moyen : Publication sans intérêt

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit toute demande à l'encontre de M. Y..., intervenant forcé, irrecevable, l'arrêt rendu le 2 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit irrecevable l'appel en intervention forcée de M. Y...

- Président : M. Frouin - Rapporteur : M. Maron - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Capron -

Textes visés :

Article 555 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur la définition de la notion d'évolution du litige, dans le même sens que : 2e Civ., 11 avril 2013, pourvoi n° 12-14.476, Bull. 2013, II, n° 79 (rejet), et l'arrêt cité.

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