Numéro 7 - Juillet 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2018

ETRANGER

1re Civ., 4 juillet 2018, n° 17-20.760, (P)

Cassation partielle sans renvoi

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Prolongation de la rétention – Ordonnance du juge des libertés et de la détention – Assignation à résidence – Conditions – Remise de l'original du passeport à un service de police ou de gendarmerie – Exclusion – Cas – Remise du passeport après la décision

Il résulte de l'article L. 552-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la décision d'assignation à résidence ne peut être prise qu'après la remise à un service de police ou de gendarmerie du passeport et de tout document justificatif de l'identité de l'étranger, ce qui exclut le recueil du passeport après la décision.

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Prolongation de la rétention – Ordonnance du juge des libertés et de la détention – Assignation à résidence – Obligations de l'étranger assigné à résidence – Obligation de se présenter quotidiennement aux services de police ou aux unités de gendarmerie territorialement compétents

Il résulte de l'article L. 552-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'étranger assigné à résidence doit se présenter quotidiennement aux services de police ou aux unités de gendarmerie territorialement compétents au regard du lieu d'assignation, en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement.

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que M. X..., de nationalité marocaine, a obtenu plusieurs titres de séjour en France depuis 2001, avant d'être condamné, le 13 octobre 2008, à une peine de huit années d'emprisonnement assortie d'une interdiction du territoire national pour une durée de dix ans ; qu'ayant bénéficié d'une libération conditionnelle, avec assignation à résidence, et d'une levée de l'interdiction du territoire national, il a fait l'objet, le 12 juillet 2013, d'un arrêté d'expulsion du territoire français puis de deux décisions de placement en rétention qu'il a contestées ; qu'après l'interpellation de l'intéressé, le 19 mai 2017, le préfet a pris un nouvel arrêté de placement en rétention administrative ; que, le lendemain, le juge des libertés et de la détention a été saisi, par M. X..., d'une contestation de l'arrêté du préfet et, par celui-ci, d'une demande de prolongation de cette mesure ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 552-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Attendu que la décision d'assignation à résidence ne peut être prise qu'après la remise à un service de police ou de gendarmerie du passeport et de tout document justificatif de l'identité de l'étranger ;

Attendu que l'ordonnance prononce l'assignation à résidence de M. X... en indiquant que son passeport devra être remis le jour-même aux services de la police aux frontières contre récépissé valant justification de son identité ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le prononcé de l'assignation à résidence de M. X... était subordonné à la constatation préalable de la remise de son passeport à un service de police ou à une unité de gendarmerie contre récépissé valant justification de son identité, ce qui excluait le recueil du passeport après la décision, le premier président a violé le texte susvisé ;

Et sur la troisième branche du moyen :

Vu l'article L. 552-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Attendu, selon ce texte, que l'étranger assigné à résidence doit se présenter quotidiennement aux services de police ou aux unités de gendarmerie territorialement compétents au regard du lieu d'assignation, en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement ;

Attendu que l'ordonnance impose à l'intéressé de se présenter deux fois par semaine aux services de gendarmerie compétents ;

Qu'en statuant ainsi, le premier président a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire, dont l'application est suggérée par le mémoire ampliatif ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare l'appel recevable, l'ordonnance rendue le 23 mai 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Montpellier ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Ortscheidt -

Textes visés :

Article L. 552-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; article L. 552-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 17 janvier 2006, pourvoi n° 05-10.875, Bull. 2006, I, n° 11 (4) (cassation sans renvoi). 1re Civ., 25 mars 2009, pourvoi n° 08-10.968, Bull. 2009, I, n° 69 (cassation partielle sans renvoi).

1re Civ., 11 juillet 2018, n° 18-10.062, (P)

Rejet

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Prolongation de la rétention – Salle d'audience – Proximité immédiate du lieu de rétention – Détermination – Portée

Une salle d'audience n'est pas installée dans l'enceinte de la zone d'attente, mais à proximité de celle-ci, lorsque l'accès au bâtiment judiciaire ne peut se faire, pour le public, que par la porte principale au dessus de laquelle figure en lettres majuscule la mention « TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBIGNY ANNEXE », et, pour les personnes maintenues en zone d'attente, par un passage extérieur situé en territoire français, conduisant à une porte signalée par l'inscription « TRIBUNAL » dans les six langues officielles de l'Organisation des Nations unies.

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Prolongation de la rétention – Salle d'audience – Proximité immédiate du lieu de rétention – Indépendance à l'égard du ministère de l'intérieur – Atteinte – Exclusion – Cas – Salle placée sous l'autorité fonctionnelle du ministère de la justice et des chefs de juridiction

Justifie légalement sa décision sur l'indépendance à l'égard du ministre de l'intérieur, le premier président qui constate que la salle d'audience est placée sous l'autorité fonctionnelle du ministère de la justice et, localement, des chefs de juridiction, seuls à décider des modalités du contrôle des entrées confié à des agents des compagnies républicaines de sécurité.

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Prolongation de la rétention – Salle d'audience – Salle située dans une zone ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire – Conditions – Détermination – Portée

La localisation d'une salle d'audience dans la zone aéroportuaire étant prévue par la loi qui a été validée par la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 sous la réserve d'aménagement de la salle devant garantir la clarté, la sécurité, la sincérité et la publicité des débats, le premier président retient exactement que, dans ces conditions, l'installation de la salle d'audience à proximité de la zone d'attente de l'aéroport de Roissy répond aux exigences légales de l'article L. 222-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Prolongation de la rétention – Salle d'audience – Salle située dans une zone ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire – Droit de la défense – Exercice effectif – Caractérisation – Accès au dossier et confidentialité des entretiens

Le constat de l'exercice effectif des droits de la défense résulte de celui que les avocats et les parties ont accès au dossier pour préparer la défense des personnes en zone d'attente dès l'ouverture de la salle, disposent de locaux garantissant la confidentialité des entretiens.

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 30 octobre 2017), et les pièces de la procédure, que M. X..., ressortissant vénézuélien, est arrivé le 22 octobre 2017 à l'aéroport de Roissy, sans être autorisé à entrer sur le territoire national et a reçu notification, d'une part, d'un refus d'admission sur le territoire français, d'autre part, d'une décision de maintien en zone d'attente, prise sur le fondement des articles L. 221-3 et R. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ; que le juge des libertés et de la détention, statuant dans une salle d'audience attribuée au ministère de la justice, a ordonné le maintien de M. X... en zone d'attente pour une durée de huit jours, après avoir reçu les interventions volontaires présentées par le Syndicat des avocats de France, l'association Groupe d'information et de soutien des immigrés, l'association la Cimade, l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers, le Syndicat de la magistrature et l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers (les parties intervenantes) ;

Sur les premier et deuxième moyens réunis :

Attendu que M. X... et les parties intervenantes font grief à l'ordonnance de confirmer son maintien en zone d'attente, alors, selon le moyen :

1°/ que le droit pour tout justiciable d'être jugé par un tribunal indépendant et impartial implique que la localisation d'une salle d'audience délocalisée du palais de justice garantisse son indépendance et son impartialité ou, à tout le moins, donne l'apparence d'une justice indépendante et impartiale ; que la localisation d'une salle d'audience sur une emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire où se situe également la zone d'attente dans l'enceinte de laquelle sont maintenus les ressortissants étrangers susceptibles d'être jugés dans cette salle d'audience délocalisée ne donne pas l'apparence d'une justice indépendante et impartiale ; qu'en considérant toutefois en l'espèce que l'audience délocalisée avait été tenue dans des conditions régulières et ordonné le maintien de M. X... en zone d'attente, le premier président de la cour d'appel a violé l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble les articles 5 et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 14, § 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

2°/ que, s'il devait exister un doute sur l'interprétation de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux, il appartiendrait à la Cour de cassation, conformément à l'article 267 du TFUE, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « l'article 47, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, aux termes duquel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial, doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'une disposition de droit national autorise la localisation d'une salle d'audience sur une emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire où se situe également la zone d'attente dans l'enceinte de laquelle sont maintenus les ressortissants étrangers susceptibles d'être jugés dans cette salle d'audience délocalisée ? » ;

3°/ que si une salle d'audience attribuée au ministère de la justice peut être spécialement aménagée sur une emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire, elle ne peut être située dans l'enceinte de la zone d'hébergement d'une zone d'attente ; que le premier président a relevé qu'une partie des locaux d'hébergement de la zone d'attente était située à l'aplomb de l'annexe judiciaire ; qu'en outre, il résulte des pièces de la procédure et de la décision n° 2017-211 du 6 octobre 2017 du défenseur des droits que l'annexe judiciaire dans laquelle se situe la salle d'audience est accolée et pour partie imbriquée au centre d'hébergement sis sur la zone d'attente ; qu'en énonçant toutefois, pour considérer que l'audience délocalisée avait été tenue dans des conditions légales et régulières, que l'annexe judiciaire du tribunal de grande instance de Bobigny était située à proximité des locaux de la zone d'attente et non pas dans leur enceinte, lors même qu'il résultait des énonciations de la décision attaquée, de la décision du 6 octobre 2017 du défenseur des droits et des pièces de la procédure qu'elle était située dans leur enceinte, le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 222-4 du CESEDA lu à la lumière de la décision du 20 novembre 2003 du Conseil constitutionnel ;

4°/ que si une salle d'audience attribuée au ministère de la justice peut être spécialement aménagée sur une emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire, elle ne peut être située dans l'enceinte de la zone d'hébergement d'une zone d'attente ; que le premier président a relevé qu'une partie des locaux d'hébergement de la zone d'attente est située à l'aplomb de l'annexe judiciaire ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, pour se déterminer sur la question de savoir si l'annexe dans laquelle se situe la salle d'audience est dans l'enceinte du centre d'hébergement sis sur la zone d'attente, si elle n'est pas imbriquée à ce dernier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 222-4 du CESEDA lu à la lumière de la décision du 20 novembre 2003 du Conseil constitutionnel ;

5°/ que si une salle d'audience attribuée au ministère de la justice peut être spécialement aménagée sur une emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire, à proximité immédiate d'une zone d'attente, elle ne peut être située dans l'enceinte d'une zone d'attente, sauf à violer le droit pour tout justiciable d'être jugé par un tribunal indépendant et impartial ; qu'une salle d'audience est située dans l'enceinte d'une zone d'attente dès lors qu'elle est située dans le même bâtiment qu'une partie des locaux d'hébergement d'une zone d'attente ou dans un bâtiment accolé, imbriqué à ceux-ci, de sorte que l'étranger ne peut prendre conscience qu'il quitte un lieu de privation de liberté pour entrer dans un tribunal, peu important qu'il n'existe pas de voie de communication directe entre le centre d'hébergement et les salles d'audience et le parcours permettant d'accéder de l'un à l'autre ; qu'en retenant que l'absence de communication possible entre l'annexe judiciaire du tribunal de grande instance de Bobigny située sur l'emprise aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle et les locaux de la zone d'attente et le parcours pour y accéder caractérisent une proximité immédiate exclusive d'une installation dans l'enceinte de la zone d'hébergement de la zone d'attente, le premier président de la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et a ainsi violé l'article L. 222-4 du CESEDA lu à la lumière de la décision du 20 novembre 2003 du Conseil constitutionnel ;

6°/ que si une salle d'audience attribuée au ministère de la justice peut être spécialement aménagée sur une emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire, c'est à la condition qu'elle soit sise à proximité, fut-elle immédiate, du centre d'hébergement de la zone d'attente, ce qui exclut qu'elle forme avec lui un ensemble commun ; qu'ainsi, la salle d'audience ne peut être imbriquée et accolée au centre d'hébergement sis sur la zone d'attente ; qu'il résulte des pièces de la procédure et de la décision n° 2017-211 du 6 octobre 2017 du Défenseur des droits que l'annexe judiciaire dans laquelle se trouve la salle d'audience est accolée et pour partie imbriquée au centre d'hébergement sis sur la zone d'attente et que ce dernier se situe à l'aplomb de l'annexe judiciaire ; qu'en jugeant toutefois que l'annexe judiciaire du tribunal de grande instance de Bobigny est située à proximité immédiate des locaux de la zone d'attente, le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 222-4 du CESEDA lu à la lumière de la décision du 20 novembre 2003 du Conseil constitutionnel ;

7°/ que le droit pour tout justiciable d'être jugé par un tribunal indépendant et impartial implique que la localisation d'une salle d'audience délocalisée du palais de justice garantisse son indépendance et son impartialité ou, à tout le moins, donne l'apparence d'une justice indépendante et impartiale ; que la localisation sur une emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire d'une salle d'audience, accolée et imbriquée au centre d'hébergement, sis sur la zone d'attente, dans lequel sont maintenus les ressortissants étrangers susceptibles d'être jugés dans cette salle d'audience délocalisée ne donne pas l'apparence d'une justice indépendante et impartiale ; qu'il résulte des pièces de la procédure et de la décision n° 2017-211 du 6 octobre 2017 du Défenseur des droits que l'annexe judiciaire dans laquelle se trouve la salle d'audience est accolée et pour partie imbriquée au centre d'hébergement sis sur la zone d'attente et que ce dernier se situe à l'aplomb de l'annexe judiciaire ; qu'en considérant toutefois que l'audience délocalisée avait été tenue dans des conditions régulières, le premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 222-4 du CESEDA, ensemble les articles 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 5 et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 14, § 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

8°/ que, s'il devait exister un doute sur l'interprétation de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux, il appartiendrait à la Cour de cassation, conformément à l'article 267 du TFUE, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : « l'article 47, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, aux termes duquel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial, doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'une salle d'audience délocalisée sur une emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire soit accolée et imbriquée au centre d'hébergement d'une zone d'attente, situé en aplomb de celle-ci, dans lequel les ressortissants étrangers susceptibles d'être jugés dans cette salle d'audience délocalisée sont privés de liberté ? » ;

9°/ que le droit pour tout justiciable d'être jugé par un tribunal indépendant et impartial implique que les conditions d'accès à une salle d'audience délocalisée du palais de justice garantissent son indépendance et son impartialité ou, à tout le moins, donnent l'apparence d'une justice indépendante et impartiale ; qu'en se bornant à relever, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance du droit pour tout justiciable d'être jugé par un tribunal indépendant et impartial, que l'entrée dans l'annexe du tribunal de grande instance de Bobigny située sur l'emprise aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle se fait, pour les personnes maintenues en zone d'attente, par une sortie obligatoire de cette zone internationale par un portail et un accès à la salle d'audience par un passage extérieur désigné par l'apposition de panneaux « Tribunal » traduit dans les six langues de l'ONU, sans rechercher, comme il y était invité, si ce parcours d'à peine cinq mètres permet aux maintenus de prendre conscience qu'ils pénètrent dans une enceinte judiciaire et confère ainsi au tribunal une apparence d'indépendance et d'impartialité, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 5 et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 14, § 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

10°/ que le droit pour tout justiciable d'être jugé par un tribunal indépendant et impartial implique que les conditions d'accès à une salle d'audience délocalisée du palais de justice garantissent son indépendance et son impartialité ou, à tout le moins, donnent l'apparence d'une justice indépendante et impartiale ; qu'en se bornant à relever, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance du droit pour tout justiciable d'être jugé par un tribunal indépendant et impartial, que la sécurité et la sûreté des audiences sont assurées par des compagnies républicaines de sécurité et, passé une certaine heure, par des effectifs de police ne dépendant pas organiquement de la police aux frontières, sans rechercher, comme il y était invité, si des agents de la police aux frontières n'étaient pas également présents pour surveiller l'accès à l'annexe judiciaire, conformément aux dispositions de l'article 5 du décret n° 2003-734 du 1er août 2003 mais en violation des exigences d'indépendance et d'impartialité de la justice, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 5 et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 14, § 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

11°/ que le droit pour tout justiciable d'être jugé par un tribunal indépendant et impartial implique que les conditions administratives et financières de fonctionnement d'une salle d'audience délocalisée du palais de justice garantissent son indépendance et son impartialité ou, à tout le moins, donnent l'apparence d'une justice indépendante et impartiale ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'il y était invité, si l'administration et le financement par le ministère de l'intérieur de l'annexe judiciaire du tribunal de grande instance de Bobigny située sur l'emprise aéroportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle n'était pas de nature à créer un doute légitime sur son indépendance et son impartialité, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 5 et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 14, § 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'ordonnance constate que l'accès au bâtiment judiciaire ne peut se faire, pour le public, que par la porte principale au-dessus de laquelle figure en lettres majuscules la mention « TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBIGNY ANNEXE », et, pour les personnes maintenues en zone d'attente, par un passage extérieur situé en territoire français, conduisant à une porte signalée par l'inscription « TRIBUNAL » dans les six langues officielles de l'Organisation des Nations unies ; que le premier président en a exactement déduit que la proximité immédiate entre les locaux de la zone d'attente et la salle d'audience était exclusive d'une installation de celle-ci dans l'enceinte de la zone d'attente ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé que cette salle était placée sous l'autorité fonctionnelle du ministère de la justice et, localement, des chefs de juridiction, seuls à décider des modalités du contrôle des entrées confié à des agents des compagnies républicaines de sécurité, il a légalement justifié sa décision sur ce point ;

Attendu, en troisième lieu, que l'ordonnance énonce que la localisation de la salle d'audience dans la zone aéroportuaire est prévue par la loi qui a été validée par la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 sous la réserve d'aménagement de la salle devant garantir la clarté, la sécurité, la sincérité et la publicité des débats et retient exactement que, dans ces conditions, l'installation de cette salle à proximité de la zone d'attente de l'aéroport de Roissy répond aux exigences légales de l'article L. 222-4 du CESEDA ;

Attendu, en quatrième lieu, qu'après avoir précisé que les avocats et les parties ont accès au dossier pour préparer la défense des personnes en zone d'attente dès l'ouverture de la salle, disposent de locaux garantissant la confidentialité des entretiens, ainsi que d'une salle de travail équipée qui leur est réservée, l'ordonnance retient à bon droit que les droits de la défense peuvent s'exercer effectivement ;

Attendu, en dernier lieu, qu'ayant apprécié les conditions d'exercice de la justice au regard de la nature de ce contentieux soumis à de brefs délais imposés par la loi, et estimé que rien n'établissait que ces conditions étaient meilleures au siège du tribunal, le premier président, constatant l'existence d'un juste équilibre entre les objectifs poursuivis par l'État et les moyens utilisés par ce dernier pour les atteindre, a exactement retenu que le juge, qui avait tenu l'audience dans la salle située à proximité de la zone d'attente, avait statué publiquement et dans le respect des prescriptions légales et conventionnelles ;

Et attendu qu'en l'absence de doute raisonnable sur l'interprétation des dispositions relatives à l'exercice d'une justice indépendante et impartiale prévues à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur les troisième et quatrième moyens, ci-après annexés :

Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : Mme Gargoullaud - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Foussard et Froger ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Articles 5 et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'union européenne ; article L. 222-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 12 octobre 2011, pourvoi n° 10-24.205, Bull. 2011, I, n° 167 (rejet), et l'arrêt cité. Sur les conditions de la tenue d'une audience dans une salle située sur l'emprise ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire, cf. : Cons. const., 20 novembre 2003, décision n° 2003-484 DC, Loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

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