Numéro 7 - Juillet 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2018

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)

Com., 4 juillet 2018, n° 17-15.597, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Contrats en cours – Contrats interdépendants – Contrat de location financière – Caducité – Mise en cause du liquidateur du prestataire de services – Nécessité (non) – Conséquences – Résiliation préalable du contrat de maintenance prononcée par un juge-commissaire

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 janvier 2017), que la société Chocolaterie Segonzac (la Chocolaterie Segonzac) a souscrit auprès de la société Innovatys deux contrats, l'un portant sur la location financière de matériels de télésurveillance, l'autre sur la maintenance desdits matériels, d'une durée de soixante mois, moyennant un loyer mensuel global de 300 euros pour les deux contrats ; que les matériels objets de ces contrats ont été cédés à la société Parfip France (la société Parfip) ; que le 13 février 2012, la société Innovatys a été mise en liquidation judiciaire, sans poursuite d'activité ; que la Chocolaterie Segonzac ayant notifié à la société Parfip la résiliation du contrat le 17 septembre 2012, la seconde a assigné la première aux fins de constatation de la résiliation du contrat de location financière, par application d'une clause résolutoire, et de paiement d'une indemnité de résiliation contractuelle ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Attendu que la Chocolaterie Segonzac soutient que le pourvoi formé par la société Parfip, sans son liquidateur, est irrecevable, cette société ayant fait l'objet d'un jugement lui étendant la liquidation judiciaire prononcée contre une société tierce le 29 novembre 2016, soit antérieurement à sa déclaration de pourvoi ;

Mais attendu que l'infirmation du jugement étendant la procédure de liquidation judiciaire d'une société à une autre implique la remise des parties en leur état antérieur ; qu'il résulte d'une production devant la Cour qu'un arrêt du 21 septembre 2017 a infirmé le jugement du 29 novembre 2016, de sorte que, la société Parfip étant redevenue, rétroactivement, maîtresse de ses biens à compter de cette même date, les actes de procédure par elle accomplis avant cet arrêt infirmatif sont réguliers ; que le pourvoi est recevable ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que la société Parfip fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du contrat de prestation à la date à laquelle la société Innovatys a cessé d'exécuter ses obligations, soit au 13 février 2012, de prononcer la résiliation du contrat de location financière la liant à la Chocolaterie Segonzac à cette même date, de rejeter toutes ses demandes, et de la condamner à payer une indemnité de procédure et les dépens et à rembourser les loyers payés par la Chocolaterie Segonzac alors, selon le moyen :

1°/ qu'en présence de contrats interdépendants comprenant une location financière, la résiliation du contrat prestation est un préalable nécessaire à la caducité, par voie de conséquence, du contrat de location et suppose nécessairement que le prestataire ait été partie à la procédure ; qu'en prononçant « la résiliation du contrat de prestation à la date à laquelle la société Innovatys a cessé d'exécuter ses obligations, soit à la date du 13 février 2012 », sans que cette dernière n'ait été entendue ni même appelée en la cause, la cour d'appel a violé les articles 1218 et 1184 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, pris ensemble l'article 14 du code de procédure civile ;

2°/ que les ordonnances du juge commissaire sont revêtues de l'autorité de la chose jugée ; qu'en l'espèce, par une ordonnance du 30 juin 2014, le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la société Safetic, dont la société Innovatys est une filiale, a prononcé sans rétroactivité « la résiliation du contrat de maintenance liant la SA Safetic aux contractants, détaillés dans la présente requête », dont la société Chocolaterie Segonzac ; qu'en prononçant « la résiliation du contrat de prestation à la date à laquelle la société Innovatys a cessé d'exécuter ses obligations, soit à la date du 13 février 2012 », ce que l'ordonnance précitée n'avait pas retenu, pour en déduire la résiliation par voie de conséquence à cette même date du contrat de location, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Mais attendu, d'une part, que si, lorsque des contrats incluant une location financière sont interdépendants, l'anéantissement de l'un quelconque d'entre eux est un préalable nécessaire à la caducité, par voie de conséquence, des autres, il n'est toutefois pas exigé que l'anéantissement préalable et la caducité soient prononcés ou constatés au cours d'une seule et même instance ; qu'ayant retenu, par des motifs non critiqués, que les contrats de location et de maintenance étaient interdépendants, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Innovatys, prononcée sans continuation d'activité le 13 février 2012, le juge-commissaire a constaté l'absence de maintenance par ladite société, ce dont il a tiré les conséquences en prononçant la résiliation du contrat de maintenance ; que par ces constatations, desquelles il résulte que la résiliation du contrat de prestation avait été préalablement prononcée, de sorte qu'il n'était pas nécessaire de mettre en cause le liquidateur judiciaire de la société Innovatys, la cour d'appel en a déduit à bon droit que le contrat de location conclu avec la société Parfip était caduc ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant fait valoir, dans ses conclusions devant la cour d'appel, que l'ordonnance du juge-commissaire rendue le 30 juin 2014 était sans incidence à son égard, la société Parfip n'est pas recevable à présenter, devant la Cour de cassation, un moyen qui est incompatible avec cette position, en ce qu'il soutient que la cour d'appel aurait méconnu l'autorité de chose jugée attachée à cette ordonnance ;

D'où il suit qu'irrecevable en sa deuxième branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa troisième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles 1184 et 1218 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 14 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur les effets de la résiliation d'un contrat en cas d'interdépendance entre plusieurs contrats, à rapprocher : Com., 12 juillet 2017, pourvoi n° 15-23.552, Bull. 2017, IV, n° 104 (cassation), et l'arrêt cité.

Com., 4 juillet 2018, n° 17-16.056, (P)

Rejet

Liquidation judiciaire – Ouverture – Qualité – Professionnel – Professionnel radié du registre du commerce – Etat de cessation des paiements – Antériorité de la radiation du registre du commerce et des sociétés – Nécessité (non)

Selon les articles L. 631-3, alinéa 1, ou L. 640-3, alinéa 1, du code de commerce, l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires à l'égard d'un commerçant radié du registre du commerce n'est plus soumise, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, à la condition que soit établi un état de cessation des paiements antérieur à la radiation, dès lors qu'existe, lors de l'examen de la demande d'ouverture de la procédure, un passif résiduel exigible à caractère professionnel auquel l'ancien commerçant est dans l'impossibilité de faire face avec son actif disponible.

Redressement judiciaire – Ouverture – Qualité – Professionnel – Professionnel radié du registre du commerce – Etat de cessation des paiements – Antériorité de la radiation du registre du commerce et des sociétés – Nécessité (non)

Liquidation judiciaire – Ouverture – Qualité – Professionnel – Professionnel radié du registre du commerce – Date de l'examen de la demande d'ouverture de la procédure – Passif exigible à caractère professionnel auquel le débiteur ne peut faire face avec son actif disponible – Existence – Nécessité

Redressement judiciaire – Ouverture – Qualité – Professionnel – Professionnel radié du registre du commerce – Date de l'examen de la demande d'ouverture de la procédure – Passif exigible à caractère professionnel auquel le débiteur ne peut faire face avec son actif disponible – Existence – Nécessité

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 25 octobre 2016), que Mme Y..., commerçante, a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 14 avril 2014 ; qu'assignée ultérieurement par le comptable des finances publiques du pôle de recouvrement spécialisé de la Sarthe pour non-paiement d'une dette de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2013, elle a été mise en liquidation judiciaire le 28 avril 2015, la cessation des paiements étant fixée au 31 mars précédent ;

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de confirmer l'ouverture de sa liquidation judiciaire alors, selon le moyen, que la liquidation judiciaire ne peut être prononcée qu'à l'égard d'un débiteur en cessation des paiements ; que, lorsque cette procédure est ouverte après la cessation de l'activité professionnelle, le passif doit en outre provenir de cette activité ; que dès lors, la liquidation ne peut être ouverte après la cessation de l'activité qu'à la condition que la cessation des paiements soit antérieure ; qu'en ouvrant néanmoins une procédure de liquidation à l'encontre de Mme Y..., qui avait été radiée du registre du commerce le 14 avril 2014, après avoir fixé la date de cessation de ses paiements au 31 mars 2015, la cour d'appel a violé les articles L. 640-1, L. 640-2, L. 640-3 et L. 640-5 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt retient exactement que, selon les articles L. 631-3, alinéa 1, ou L. 640-3, alinéa 1, du code de commerce, l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires à l'égard d'un commerçant radié du registre du commerce n'est plus soumise, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, à la condition que soit établi un état de cessation des paiements antérieur à la radiation, dès lors qu'existe, lors de l'examen de la demande d'ouverture de la procédure, un passif résiduel exigible à caractère professionnel auquel l'ancien commerçant est dans l'impossibilité de faire face avec son actif disponible ; que le moyen qui postule le contraire n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Foussard et Froger ; SCP Zribi et Texier -

Textes visés :

Articles L. 631-3, alinéa 1, et L. 640-3, alinéa 1, du code de commerce.

Com., 4 juillet 2018, n° 17-15.347, (P)

Cassation

Procédure (dispositions générales) – Frais de procédure – Rémunération de l'administrateur judiciaire – Recours devant le premier président – Convocation des parties quinze jours au moins à l'avance et audition contradictoire – Premier président – Obligations

Il résulte des articles R. 663-39 du code de commerce et 716 du code de procédure civile que le premier président statuant sur une contestation d'émoluments de mandataires de justice doit faire convoquer les parties par le greffier quinze jours au moins à l'avance et les entendre contradictoirement.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article R. 663-39 du code de commerce et l'article 716 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que le premier président, statuant sur une contestation d'émoluments de mandataires de justice, doit faire convoquer les parties par le greffier quinze jours au moins à l'avance et les entendre contradictoirement ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 12 juillet 2016, pourvoi n° 15-50.008) que la Société industrielle de reliure et de cartonnage (la société) a été mise en redressement judiciaire le 27 octobre 2009, la société Y... Z... étant nommée administrateur judiciaire (l'administrateur) ; qu'après que la procédure eut été convertie en liquidation judiciaire, le 26 avril 2011, et l'administrateur maintenu dans ses fonctions, le tribunal a arrêté le plan de cession, pour le prix de 50 000 euros, des actifs de la société au profit de Mme C..., celle-ci s'engageant, en outre, à prendre en charge une créance nantie de 50 000 euros ainsi que le montant des congés payés et du treizième mois des salariés repris représentant la somme de 360 000 euros ; qu'à l'issue des opérations de cession, l'administrateur a déposé une requête afin de voir fixer ses honoraires à un montant de 230 000 euros ;

Qu'en rejetant la requête de l'administrateur, alors qu'il ne résulte pas de son ordonnance ou du dossier de la procédure que les parties aient été convoquées au moins quinze jours à l'avance ni qu'il les ait entendues contradictoirement, le premier président a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 26 janvier 2017, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ladite ordonnance et, pour être fait droit, les renvoie devant le premier président de la cour d'appel de Besançon.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Ortscheidt -

Textes visés :

Article R. 663-39 du code de commerce ; article 716 du code de procédure civile.

Soc., 4 juillet 2018, n° 16-27.922, (P)

Cassation partielle

Redressement judiciaire – Période d'observation – Salariés – Licenciement économique – Autorisation du juge-commissaire – Ordonnance devenue définitive – Contestation du caractère économique du licenciement – Possibilité – Conditions – Détermination – Portée

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que MM. Daniel et Julien Y... et M. A..., ainsi que feu Jean-François Z..., étaient salariés de la société Pierre Houchard menuisier agenceur, dirigée par M. M..., et dont l'objet social était l'agencement de magasins, cuisines, salles de bains ; que la société a été reprise par la société Holding Financière Lévesque, créée par M. M..., laquelle a également pour filiale la société nouvelle Atelier 41 ; que le 8 octobre 2007, M. M... a déclaré l'état de cessation des paiements de la société Pierre Houchard menuisier agenceur ; qu'un plan de redressement a été déposé et homologué et M. B... a été nommé commissaire à son exécution ; que, le 1er décembre 2009, le tribunal de commerce en a prononcé la résolution ; que, par ordonnance du 18 décembre 2009, le juge-commissaire a autorisé le licenciement pour motif économique des vingt salariés de la société Pierre Houchard menuisier agenceur ; que, le 4 juillet 2011, M. M... a été déclaré coupable notamment du délit de banqueroute au motif notamment qu'il avait pris délibérément la décision de ne plus poursuivre l'activité de la société Pierre Houchard menuisier agenceur dont il avait provoqué la mise en liquidation judiciaire en en transférant la clientèle et 2 200 000 euros de chiffre d'affaires à la société nouvelle Atelier 41 ; que les salariés précités, ainsi que Mmes X... et Z..., en leur qualité d'ayants droit de feu Jean-François Z..., ont alors, les 7 juin et 24 juillet 2012, saisi la juridiction prud'homale pour contester leur licenciement et obtenir des dommages-intérêts pour licenciements sans cause réelle et sérieuse et exécution déloyale de leur contrat de travail ;

Sur le second moyen : Publication sans intérêt

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1233-2, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, dans leur version applicable au litige ;

Attendu que pour débouter les salariés ou leurs ayants droit de leurs demandes de dommages-intérêts pour licenciements sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que pour soutenir qu'ils sont recevables et bien-fondés à faire déclarer leurs licenciement injustifiés, les salariés font valoir que les autorisations de licencier ont été obtenues par fraude du fait des agissements du dirigeant de l'entreprise ayant provoqué la liquidation judiciaire de la société et pénalement réprimés postérieurement à l'ouverture de la procédure collective ; qu'en présence d'une autorisation de licenciements économiques définitivement donnée par le juge-commissaire au liquidateur pendant la période de maintien de l'activité de l'entreprise, le contrôle de la cause économique des licenciements et de son caractère réel et sérieux relève de la compétence du juge de la procédure collective, en sorte que sous couvert d'invoquer une irrégularité de fond dont serait entachée l'ordonnance en raison d'une présentation inexacte faite par le dirigeant au juge-commissaire de l'origine des difficultés économiques, les salariés tentent en réalité de discuter devant le juge prud'homal le bien-fondé de la cause économique de leurs licenciements, ce qu'ils sont irrecevables à faire ;

Attendu cependant, que le salarié licencié en vertu d'une autorisation par ordonnance du juge-commissaire, est recevable à contester la cause économique de son licenciement lorsqu'il prouve que cette autorisation résulte d'une fraude ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute les salariés ou leurs ayants droit de leur demande tendant à voir déclarer leurs licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse et de leurs demandes de dommages-intérêts de ce chef, l'arrêt rendu le 18 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : M. Maron - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles L. 1233-2, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, dans leur version applicable au litige.

Rapprochement(s) :

Sur la possibilité, pour un salarié licencié en vertu d'une autorisation du juge-commissaire, de contester la cause économique de son licenciement devant le juge prud'homal lorsqu'il prouve que cette autorisation résulte d'une fraude, à rapprocher : Soc., 27 octobre 1998, pourvoi n° 95-42.220, Bull. 1998, V, n° 452 (2) (irrecevabilité et rejet).

Soc., 4 juillet 2018, n° 17-14.587, (P)

Cassation

Redressement judiciaire – Plan – Plan de cession – Résolution – Jugements la prononçant – Effets – Obligations du cessionnaire à l'égard des salariés repris – Etendue – Détermination – Portée

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 642-11 du code de commerce et les articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... épouse Y... a été engagée le 1er août 2004 par la société Tancarville qui a été placée en redressement judiciaire le 29 mars 2005, un plan de cession étant arrêté le 5 octobre 2005 au profit de la Société nouvelle Tancarville ; que la salariée a été licenciée pour faute lourde le 30 mai 2007 et que, par arrêt du 22 avril 2008, la cour d'appel de Dijon a prononcé la résolution du plan de cession, la liquidation judiciaire de la Société nouvelle Tancarville intervenant le 6 mai 2008 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien-fondé de la rupture ;

Attendu que pour déclarer nul le licenciement de la salariée, l'arrêt retient qu'il a été prononcé par le gérant de la Société nouvelle Tancarville que, dans la mesure où le plan de cession de la société Tancarville à la Société nouvelle Tancarville a été annulé par arrêt du 22 avril 2008, sans qu'aient été limités les effets de cette annulation, le licenciement est atteint de nullité ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que les obligations du cessionnaire à l'égard des salariés passés à son service demeuraient à sa charge jusqu'au jour de la résolution du plan et, d'autre part, que la modification dans la situation juridique de l'employeur étant intervenue dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, le cédant ne pouvait être tenu des obligations qui incombaient au cessionnaire, à l'égard du personnel repris, avant la résolution du plan de cession, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : M. Chauvet - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 642-11 du code de commerce ; articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le maintien, entre l'adoption et la résolution du plan de cession, des obligations du cessionnaire à l'égard des salariés passés à son service, à rapprocher : Soc., 26 novembre 1996, pourvoi n° 95-42.006, Bull. 1996, V, n° 402 (cassation) ; Soc., 8 juin 1999, pourvoi n° 96-43.933, Bull. 1999, V, n° 264 (1) (rejet).

Com., 4 juillet 2018, n° 17-15.038, (P)

Rejet

Sauvegarde – Période d'observation – Poursuite de l'activité – Continuation des contrats en cours – Option – Continuation du contrat – Inexécution – Résiliation de plein droit – Conditions – Constatation de la résiliation par le juge-commissaire – Nécessité – Portée

Il résulte de l'article L. 622-13, III, 2°, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, et de l'article R. 622-13 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-160 du 12 février 2009, que, lorsque ne sont pas payées à leur échéance, au cours de la période d'observation, des sommes dues en vertu d'un contrat dont la continuation a été décidée, et à défaut d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles, la résiliation de plein droit de ce contrat doit, à la demande de tout intéressé, être constatée par le juge-commissaire qui, après avoir vérifié que l'absence de paiement est justifiée par la constatation que l'administrateur ne dispose plus des fonds nécessaires pour remplir les obligations nées du contrat, en fixe la date.

Ayant relevé qu'un débiteur mis en sauvegarde avait cessé de régler les échéances du contrat dont il avait décidé, après avis conforme du mandataire judiciaire, de continuer l'exécution, une cour d'appel en a exactement déduit que, faute pour ce dernier d'avoir saisi le juge-commissaire en constatation de la résiliation du contrat, il ne pouvait pas se prévaloir de la résiliation de plein droit du contrat lorsque le plan de sauvegarde a été arrêté.

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2016), que, le 13 décembre 2012, la société Etablissements Eric X... (la société X...) a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde sans désignation d'un administrateur, la société A... étant nommée mandataire judiciaire ; que sur mise en demeure de la société Ophiliam services et santé (la société Ophiliam), la société X... et son mandataire judiciaire ont fait connaître leur volonté de poursuivre le contrat de location de biens d'équipement qui les liait, les échéances étant réglées jusqu'au 21 novembre 2013 ; que, le 3 avril 2014, le tribunal a arrêté le plan de sauvegarde de la société X... ; qu'après avoir adressé un commandement de payer visant la clause résolutoire le 22 avril suivant, la société Ophiliam a assigné la société X... en paiement des loyers impayés et de l'indemnité de résiliation et a demandé la restitution du matériel loué ; que la société X... a opposé la résiliation de plein droit du contrat au 21 novembre 2013 et l'absence de déclaration de la créance d'indemnité ;

Attendu que la société X... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Ophiliam la somme de 73 634,73 euros alors, selon le moyen, que le contrat en cours est résilié de plein droit à défaut d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles lorsque la prestation promise à ce dernier n'est pas fournie à échéance ; que cette résiliation de plein droit n'est pas soumise à sa constatation par le juge-commissaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a pourtant retenu que faute de saisine du juge-commissaire par la société Etablissements Eric X... ou d'information de la société Ophiliam deson incapacité à régler les échéances de la location financière, « c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé la date de la résiliation au 26 avril 2014, date de la réception par l'appelante de la lettre recommandée avec avis de réception que lui a adressée la société Ophiliam le 22 avril 2014 pour lui notifier la mise en jeu de la clause de résiliation de plein droit » ; qu'en statuant de la sorte, quand la saisine du juge-commissaire n'était pas nécessaire pour constater la résiliation, laquelle était intervenue, de plein droit, à la date de la première échéance impayée, la cour d'appel a violé les articles L. 622-13, dans sa rédaction applicable en la cause, et R. 622-13 du code de commerce ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 622-13, III, 2°, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008, applicable en la cause, et de l'article R. 622-13 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 12 février 2009, que, lorsque ne sont pas payées à leur échéance, au cours de la période d'observation, des sommes dues en vertu d'un contrat dont la continuation a été décidée, et à défaut d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles, la résiliation de plein droit de ce contrat doit, à la demande de tout intéressé, être constatée par le juge-commissaire qui, après avoir vérifié que l'absence de paiement est justifiée par la constatation que l'administrateur ne dispose plus des fonds nécessaires pour remplir les obligations nées du contrat, en fixe la date ; qu'ayant relevé que la société débitrice avait cessé de régler les échéances du contrat dont elle avait décidé, après avis conforme du mandataire judiciaire, de continuer l'exécution, la cour d'appel en a exactement déduit que, faute pour cette dernière d'avoir saisi le juge-commissaire en constatation de la résiliation du contrat, la société X... ne pouvait se prévaloir de la résiliation de plein droit du contrat lorsque le plan de sauvegarde a été arrêté ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Vallansan - Avocat général : Mme Henry - Avocat(s) : SCP Thouin-Palat et Boucard ; SCP François-Henri Briard -

Textes visés :

Article L. 622-13, III, 2°, du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 ; article R. 622-13 du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-160 du 12 février 2009.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité de saisir le juge-commissaire pour constater la résiliation d'un contrat en cours, à rapprocher : Com., 20 septembre 2017, pourvoi n° 16-14.065, Bull. 2017, IV, n° 122 (rejet).

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