Numéro 7 - Juillet 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2018

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES

3e Civ., 5 juillet 2018, n° 17-20.121, (P)

Cassation partielle

Consentement – Dol – Manoeuvres d'une partie – Vente d'immeuble – Cas – Représentant du vendeur – Architecte chargé de la réalisation des travaux

Les manoeuvres dolosives du représentant du vendeur d'un immeuble, qui n'est pas un tiers au contrat, engagent la responsabilité de celui-ci.

Dès lors, doit être cassé l'arrêt qui, pour rejeter les demandes formées contre le vendeur d'un immeuble, retient que rien n'indique qu'il avait connaissance des informations fallacieuses données par son représentant.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mars 2017), qu'aux termes d'une promesse de vente du 20 décembre 2010, puis d'un acte authentique de vente du 8 mars 2011 rédigés et reçus par M. A..., notaire associé, la société civile immobilière Aman (la SCI Aman) a vendu, par l'entremise de la société Q... immobilier, un chalet à M. X..., auquel s'est substituée la société civile immobilière Mandalla (la SCI Mandalla) ; que M. B..., architecte chargé de la réalisation de travaux ayant fait l'objet d'un permis de construire du 26 août 2007 et d'un permis modificatif du 19 janvier 2010, interrogé par le notaire, a remis à l'acquéreur des plans et documents administratifs et attesté que le chalet, dans sa version existante, était conforme au dernier permis de construire obtenu le 19 janvier 2010 ; que, soutenant qu'il leur avait été dissimulé que l'aménagement du sous-sol du chalet en espace d'habitation avait été réalisé sans autorisation d'urbanisme, M. X... et la SCI Mandala ont assigné leur vendeur, sur le fondement du dol, et le notaire, pour manquement à son devoir de conseil, en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que M. X... et la SCI Mandalla font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes à l'encontre de la société civile professionnelle A... & associés et de M. A... pour faute professionnelle ;

Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que le notaire est tenu de vérifier les déclarations faites par le vendeur qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte qu'il dresse, avec les moyens juridiques et techniques d'investigation dont il dispose, et relevé que le notaire avait demandé à l'architecte de lui transmettre tous dossiers de permis de construire principal et modificatif, en ce compris toutes pièces écrites et graphiques et tous plans, que ce dernier, par lettre du 14 février 2011 avait indiqué qu'une visite des locaux par le service d'urbanisme lui avait permis d'obtenir le 12 mars 2010 une attestation de non-contestation de conformité des travaux, en omettant toutefois d'en préciser les limites, et mentionné que le chalet était, dans sa version existante, conforme au dernier permis de construire, la cour d'appel, qui a souverainement retenu qu'il n'était pas établi que le notaire aurait pu, au vu des documents transmis, s'apercevoir de l'irrégularité des travaux pratiqués au sous-sol du chalet, a pu déduire de ces seuls motifs, sans être tenue de procéder à une recherche sur l'existence d'un cas de force majeure que ses constatations rendaient inopérante, que, s'agissant de la régularité administrative des aménagements intérieurs d'une construction régulièrement édifiée, il ne pouvait être reproché au notaire, en présence de l'attestation précise et circonstanciée remise par l'homme de l'art, d'avoir manqué à son devoir d'information au préjudice de l'acquéreur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour rejeter les demandes formées contre la SCI Aman, l'arrêt retient que rien n'indique que celle-ci avait connaissance des informations fallacieuses données par M. B... ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que M. B... avait la qualité de représentant de la SCI Aman et que les manoeuvres dolosives du représentant du vendeur, qui n'est pas un tiers au contrat, engagent la responsabilité de celui-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette la demande de mise hors de cause de M. B... et de la MAF ;

Met hors de cause la société Q... Immobilier, M. Jérôme A... et la société A... et associés ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. X... et de la SCI Mandalla formées contre la SCI Aman, l'arrêt rendu le 31 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Farrenq-Nési - Avocat général : M. Kapella - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Boulloche ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 1116 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Rapprochement(s) :

Sur la responsabilité du vendeur du fait des manoeuvres dolosives commises par son représentant, à rapprocher : Com., 13 juin 1995, pourvoi n° 93-17.409, Bull. 1995, IV, n° 175 (rejet).

Com., 4 juillet 2018, n° 17-15.597, (P)

Rejet

Interdépendance – Contrats interdépendants – Caducité – Conditions – Prononcé ou constatation de l'anéantissement préalable et de la caducité au cours d'une même instance (non)

Si, lorsque des contrats incluant une location financière sont interdépendants, l'anéantissement de l'un quelconque d'entre eux est un préalable nécessaire à la caducité, par voie de conséquence, des autres, il n'est toutefois pas exigé que l'anéantissement préalable et la caducité soient prononcés, ou constatés, au cours d'une seule et même instance.

En conséquence, une cour d'appel, ayant relevé, d'abord, que des contrats de maintenance et de location financière sont interdépendants, ensuite, que la résiliation du premier a été prononcée par un juge-commissaire dans le cadre de la liquidation judiciaire du prestataire, en déduit à bon droit que le contrat de location est caduc et que, compte tenu de cette résiliation préalable, la mise en cause du liquidateur est inutile.

Interdépendance – Contrats interdépendants – Contrat de location financière – Caducité – Mise en cause du liquidateur du prestataire de services – Nécessité (non) – Conséquences – Résiliation préalable du contrat de maintenance prononcée par un juge-commissaire

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 janvier 2017), que la société Chocolaterie Segonzac (la Chocolaterie Segonzac) a souscrit auprès de la société Innovatys deux contrats, l'un portant sur la location financière de matériels de télésurveillance, l'autre sur la maintenance desdits matériels, d'une durée de soixante mois, moyennant un loyer mensuel global de 300 euros pour les deux contrats ; que les matériels objets de ces contrats ont été cédés à la société Parfip France (la société Parfip) ; que le 13 février 2012, la société Innovatys a été mise en liquidation judiciaire, sans poursuite d'activité ; que la Chocolaterie Segonzac ayant notifié à la société Parfip la résiliation du contrat le 17 septembre 2012, la seconde a assigné la première aux fins de constatation de la résiliation du contrat de location financière, par application d'une clause résolutoire, et de paiement d'une indemnité de résiliation contractuelle ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Attendu que la Chocolaterie Segonzac soutient que le pourvoi formé par la société Parfip, sans son liquidateur, est irrecevable, cette société ayant fait l'objet d'un jugement lui étendant la liquidation judiciaire prononcée contre une société tierce le 29 novembre 2016, soit antérieurement à sa déclaration de pourvoi ;

Mais attendu que l'infirmation du jugement étendant la procédure de liquidation judiciaire d'une société à une autre implique la remise des parties en leur état antérieur ; qu'il résulte d'une production devant la Cour qu'un arrêt du 21 septembre 2017 a infirmé le jugement du 29 novembre 2016, de sorte que, la société Parfip étant redevenue, rétroactivement, maîtresse de ses biens à compter de cette même date, les actes de procédure par elle accomplis avant cet arrêt infirmatif sont réguliers ; que le pourvoi est recevable ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que la société Parfip fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du contrat de prestation à la date à laquelle la société Innovatys a cessé d'exécuter ses obligations, soit au 13 février 2012, de prononcer la résiliation du contrat de location financière la liant à la Chocolaterie Segonzac à cette même date, de rejeter toutes ses demandes, et de la condamner à payer une indemnité de procédure et les dépens et à rembourser les loyers payés par la Chocolaterie Segonzac alors, selon le moyen :

1°/ qu'en présence de contrats interdépendants comprenant une location financière, la résiliation du contrat prestation est un préalable nécessaire à la caducité, par voie de conséquence, du contrat de location et suppose nécessairement que le prestataire ait été partie à la procédure ; qu'en prononçant « la résiliation du contrat de prestation à la date à laquelle la société Innovatys a cessé d'exécuter ses obligations, soit à la date du 13 février 2012 », sans que cette dernière n'ait été entendue ni même appelée en la cause, la cour d'appel a violé les articles 1218 et 1184 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, pris ensemble l'article 14 du code de procédure civile ;

2°/ que les ordonnances du juge commissaire sont revêtues de l'autorité de la chose jugée ; qu'en l'espèce, par une ordonnance du 30 juin 2014, le juge-commissaire à la liquidation judiciaire de la société Safetic, dont la société Innovatys est une filiale, a prononcé sans rétroactivité « la résiliation du contrat de maintenance liant la SA Safetic aux contractants, détaillés dans la présente requête », dont la société Chocolaterie Segonzac ; qu'en prononçant « la résiliation du contrat de prestation à la date à laquelle la société Innovatys a cessé d'exécuter ses obligations, soit à la date du 13 février 2012 », ce que l'ordonnance précitée n'avait pas retenu, pour en déduire la résiliation par voie de conséquence à cette même date du contrat de location, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Mais attendu, d'une part, que si, lorsque des contrats incluant une location financière sont interdépendants, l'anéantissement de l'un quelconque d'entre eux est un préalable nécessaire à la caducité, par voie de conséquence, des autres, il n'est toutefois pas exigé que l'anéantissement préalable et la caducité soient prononcés ou constatés au cours d'une seule et même instance ; qu'ayant retenu, par des motifs non critiqués, que les contrats de location et de maintenance étaient interdépendants, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Innovatys, prononcée sans continuation d'activité le 13 février 2012, le juge-commissaire a constaté l'absence de maintenance par ladite société, ce dont il a tiré les conséquences en prononçant la résiliation du contrat de maintenance ; que par ces constatations, desquelles il résulte que la résiliation du contrat de prestation avait été préalablement prononcée, de sorte qu'il n'était pas nécessaire de mettre en cause le liquidateur judiciaire de la société Innovatys, la cour d'appel en a déduit à bon droit que le contrat de location conclu avec la société Parfip était caduc ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant fait valoir, dans ses conclusions devant la cour d'appel, que l'ordonnance du juge-commissaire rendue le 30 juin 2014 était sans incidence à son égard, la société Parfip n'est pas recevable à présenter, devant la Cour de cassation, un moyen qui est incompatible avec cette position, en ce qu'il soutient que la cour d'appel aurait méconnu l'autorité de chose jugée attachée à cette ordonnance ;

D'où il suit qu'irrecevable en sa deuxième branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa troisième branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Barbot - Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles 1184 et 1218 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ; article 14 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur les effets de la résiliation d'un contrat en cas d'interdépendance entre plusieurs contrats, à rapprocher : Com., 12 juillet 2017, pourvoi n° 15-23.552, Bull. 2017, IV, n° 104 (cassation), et l'arrêt cité.

1re Civ., 11 juillet 2018, n° 17-10.458, (P)

Cassation

Validité – Conditions – Cas – Exigence d'un écrit – Domaine d'application – Message électronique

Il résulte de l'article 1108-1 du code civil, alors en vigueur, que, lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un acte juridique, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1316-1 et 1316-4 du même code. En conséquence, viole l'article L. 222-17 du code du sport et l'article 1108-1 du code civil la cour d'appel qui retient qu'un message électronique ne peut, par nature, constituer l'écrit, imposé par le premier de ces textes, concentrant les engagements respectifs des parties.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société AGT UNIT, dont le gérant, M. Z..., est titulaire d'une licence d'agent sportif, a assigné la société ASSE Loire en paiement d'une certaine somme représentant le montant d'une commission qu'elle estimait lui être due en vertu d'un mandat reçu de cette société aux fins de négocier avec le club allemand de football de Dortmund le transfert d'un joueur, ainsi qu'en allocation de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Attendu que la société AGT UNIT fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, qu'en retenant qu'un message électronique ne peut, par nature, pas constituer l'écrit concentrant les engagements respectifs des parties, exigé par l'article L. 222-17 du code du sport, la cour d'appel a relevé d'office un moyen sur lequel elle n'a pas invité les parties à présenter leurs observations ; qu'elle a ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la société AGT UNIT a fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la société ASSE Loire ne pouvait prétendre que le mandat litigieux ne respectait pas les règles énoncées par le code du sport au seul motif qu'il avait été conclu par un échange de courriels, dès lors que ceux-ci comportaient tous les éléments exigés par ces dispositions ; que le moyen, qui était dans le débat, n'a pas été relevé d'office par la cour d'appel ; que le grief ne peut être accueilli ;

Mais sur la première branche du moyen :

Vu l'article L. 222-17 du code du sport ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que le contrat en exécution duquel l'agent sportif exerce l'activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un des contrats mentionnés à l'article L. 222-7 du même code est écrit et que toute convention contraire est réputée nulle et non écrite ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de la société AGT UNIT, l'arrêt retient que les courriels échangés par les parties, qui ne regroupent pas dans un seul document les mentions obligatoires prévues par l'article L. 222-17, ne sont pas conformes aux dispositions de ce texte ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 222-17 du code du sport n'impose pas que le contrat dont il fixe le régime juridique soit établi sous la forme d'un acte écrit unique, la cour d'appel, en ajoutant à la loi une condition qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé ;

Et sur la troisième branche du moyen :

Vu l'article L. 222-17 du code du sport, ensemble l'article 1108-1 du code civil, alors en vigueur ;

Attendu qu'il résulte du dernier texte que, lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un acte juridique, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1316-1 et 1316-4 du code civil, alors en vigueur ;

Attendu que, pour statuer comme il le fait, l'arrêt retient qu'un message électronique ne peut, par nature, constituer l'écrit concentrant les engagements respectifs des parties ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

- Président : Mme Batut - Rapporteur : M. Truchot - Avocat général : Mme Legoherel - Avocat(s) : SCP Monod, Colin et Stoclet ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article L. 222-17 du code du sport ; articles 1108-1, 1316-1 et 1316-4 du code civil.

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