Numéro 7 - Juillet 2018

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 7 - Juillet 2018

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION

Soc., 4 juillet 2018, n° 17-14.587, (P)

Cassation

Employeur – Modification dans la situation juridique de l'employeur – Cession de l'entreprise dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire – Plan de cession – Résolution du plan de cession – Effets – Obligations du cessionnaire à l'égard des salariés repris – Etendue – Détermination – Portée

En cas de résolution d'un plan de cession, les obligations du cessionnaire à l'égard des salariés passés à son service demeurent à sa charge jusqu'au jour de la résolution du plan et la modification dans la situation juridique de l'employeur étant intervenue dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, le cédant ne peut être tenu des obligations qui incombaient au cessionnaire, à l'égard du personnel repris, avant la résolution du plan.

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 642-11 du code de commerce et les articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... épouse Y... a été engagée le 1er août 2004 par la société Tancarville qui a été placée en redressement judiciaire le 29 mars 2005, un plan de cession étant arrêté le 5 octobre 2005 au profit de la Société nouvelle Tancarville ; que la salariée a été licenciée pour faute lourde le 30 mai 2007 et que, par arrêt du 22 avril 2008, la cour d'appel de Dijon a prononcé la résolution du plan de cession, la liquidation judiciaire de la Société nouvelle Tancarville intervenant le 6 mai 2008 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien-fondé de la rupture ;

Attendu que pour déclarer nul le licenciement de la salariée, l'arrêt retient qu'il a été prononcé par le gérant de la Société nouvelle Tancarville que, dans la mesure où le plan de cession de la société Tancarville à la Société nouvelle Tancarville a été annulé par arrêt du 22 avril 2008, sans qu'aient été limités les effets de cette annulation, le licenciement est atteint de nullité ;

Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que les obligations du cessionnaire à l'égard des salariés passés à son service demeuraient à sa charge jusqu'au jour de la résolution du plan et, d'autre part, que la modification dans la situation juridique de l'employeur étant intervenue dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire, le cédant ne pouvait être tenu des obligations qui incombaient au cessionnaire, à l'égard du personnel repris, avant la résolution du plan de cession, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : M. Chauvet - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 642-11 du code de commerce ; articles L. 1224-1 et L. 1224-2 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le maintien, entre l'adoption et la résolution du plan de cession, des obligations du cessionnaire à l'égard des salariés passés à son service, à rapprocher : Soc., 26 novembre 1996, pourvoi n° 95-42.006, Bull. 1996, V, n° 402 (cassation) ; Soc., 8 juin 1999, pourvoi n° 96-43.933, Bull. 1999, V, n° 264 (1) (rejet).

Soc., 4 juillet 2018, n° 17-18.241, (P)

Cassation partielle

Employeur – Pouvoir disciplinaire – Sanction – Conditions – Avis du conseil de discipline – Niveau de sanction – Détermination – Portée

Selon le référentiel RH00144 interne à la SNCF, lorsqu'une majorité absolue de voix converge vers un niveau de sanction, ce niveau constitue l'avis du comité de discipline, il y a alors un seul niveau, le directeur ne peut prononcer une sanction plus sévère ; lorsqu'aucun niveau de sanction ne recueille la majorité des voix, le conseil a émis plusieurs avis. Dans ce cas, il y a lieu de tenir compte des avis émis par le conseil pour déterminer une majorité, ou tout au moins le partage des avis en deux parties ; pour ce faire, les voix qui se sont portées sur la plus sévère des sanctions s'ajoutent à l'avis ou aux avis du degré inférieur qui se sont exprimés, jusqu'à avoir trois voix. Le directeur peut prononcer une sanction correspondant à l'avis le plus élevé ainsi déterminé. Viole ces dispositions la cour d'appel qui dit le licenciement du salarié justifié alors qu'il résultait de ses constatations que le conseil de discipline s'était prononcé à égalité pour le licenciement et pour une sanction inférieure de sorte qu'en l'absence de majorité absolue de voix, le directeur ne pouvait prononcer la plus sévère des sanctions.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 1er mars 2007 en qualité d'acheteur expert bâtiment par la SNCF mobilités ; que, les 4 et 5 février 2013, le salarié et Mme Z... ont saisi la direction éthique de la SNCF ; que, se fondant sur le rapport de la direction de l'éthique, l'employeur a notifié au salarié le 18 septembre 2013 une mesure de suspension et l'a convoqué devant le conseil de discipline ; qu'il a été licencié le 25 septembre 2013 ;

Sur le premier moyen et les première et deuxième branches du deuxième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens ci-après annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen pris en sa troisième branche :

Vu l'article 6, §§ 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes ;

Attendu que pour dire que la procédure de licenciement est régulière et le licenciement justifié, la cour d'appel, après avoir retenu que l'atteinte aux droits de la défense fondée sur le caractère anonyme des témoignages recueillis par la direction de l'éthique n'est pas justifiée dans la mesure où le salarié a eu la possibilité d'en prendre connaissance et de présenter ses observations, s'est fondée de manière déterminante sur le rapport de la direction de l'éthique ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu le référentiel RH00144 interne à la SNCF ;

Attendu, selon ce texte, que lorsqu'une majorité absolue de voix converge vers un niveau de sanction, ce niveau constitue l'avis du comité de discipline, il y a alors un seul avis, le directeur ne peut prononcer une sanction plus sévère ; que lorsqu'aucun niveau de sanction ne recueille la majorité des voix, le conseil a émis plusieurs avis. Dans ce cas, il y a lieu de tenir compte des avis émis par le conseil pour déterminer une majorité, ou tout au moins le partage des avis en 2 parties ; que pour ce faire, les voix qui se sont portées sur la plus sévère des sanctions s'ajoutent à l'avis ou aux avis du degré inférieur qui se sont exprimés, jusqu'à avoir 3 voix ; que le directeur peut prononcer une sanction correspondant à l'avis le plus élevé ainsi déterminé ;

Attendu que pour dire le licenciement du salarié justifié, l'arrêt retient que le conseil de discipline s'est prononcé à égalité pour et contre le licenciement, soit trois voix pour et trois voix contre, et dans les mêmes conditions pour un dernier avertissement avec une mise à pied de douze jours et un déplacement, que compte tenu des avis exprimés par le conseil de discipline, le directeur pouvait donc prononcer la sanction correspondant à l'avis le plus élevé, à savoir le licenciement ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le directeur ne pouvait prononcer un licenciement, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 17 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Salomon - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Monod, Colin et Stoclet -

Textes visés :

Articles 6, §§ 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; référentiel RH00144 interne à la SNCF.

Soc., 11 juillet 2018, n° 17-12.747, (P)

Cassation

Modification – Modification imposée par l'employeur – Modification du contrat de travail – Refus du salarié – Portée

Le seul refus par un salarié d'une modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail, proposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique.

Viole dès lors les articles 1134 du code civil et L. 1233-3 du code du travail dans leur rédaction applicable en la cause, la cour d'appel qui dit le licenciement du salarié consécutif à son refus d'une modification de son contrat de travail proposée par l'employeur fondé sur une cause réelle et sérieuse, alors qu'il résultait de ses constatations que le motif de la modification résidait dans la volonté de l'employeur de réorganiser le service financier de l'entreprise et qu'il n'était pas allégué que cette réorganisation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu'elle fût indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.

Modification – Modification imposée par l'employeur – Modification du contrat de travail – Modification pour un motif non inhérent à la personne du salarié – Refus du salarié – Effets – Licenciement économique – Cause réelle et sérieuse – Motif économique – Caractérisation – Nécessité – Portée

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1134 du code civil et l'article L. 1233-3 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagé le 15 juin 1983 en qualité d'aide-comptable par la société Soft, puis promu au poste de trésorier comptable, M. X... exerçait ses fonctions à Rillieux-la-Pape (69) ; qu'il a été informé, le 31 octobre 2012 du transfert de son contrat de travail à la société IEC Events, après adoption d'un plan de cession par jugement du tribunal de commerce du 31 juillet 2012 ; que le nouvel employeur lui a indiqué que le lieu d'exécution de son contrat de travail était transféré à Rennes, à la suite de la démission du directeur administratif et financier de Rillieux-la-Pape ; qu'ayant refusé le 20 novembre 2012 la modification de son contrat de travail qui lui était proposée par l'employeur, le salarié a été licencié pour cause réelle et sérieuse, le 31 janvier 2013 ;

Attendu que pour dire le licenciement du salarié fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la modification du contrat de travail proposée le 31 octobre 2012 au salarié est consécutive à la réorganisation du service financier de la société, que cette réorganisation relève exclusivement du pouvoir de direction de l'employeur, que le refus de cette modification du contrat de travail est dès lors incompatible avec la poursuite de sa collaboration et justifie la rupture du contrat de travail, qu'ainsi le salarié a fait l'objet d'un licenciement pour un motif inhérent à sa personne et qu'il n'est pas fondé à soutenir avoir fait l'objet d'un licenciement pour motif économique ;

Attendu, cependant, d'une part, que le seul refus par un salarié d'une modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Attendu, d'autre part, que la rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail, proposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique ;

Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que le motif de la modification du contrat de travail refusée par le salarié résidait dans la volonté de l'employeur de réorganiser le service financier de l'entreprise et qu'il n'était pas allégué que cette réorganisation résultait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu'elle fût indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, en sorte que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 décembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Salomon - Avocat général : M. Lemaire - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer -

Textes visés :

Article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ; article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause.

Rapprochement(s) :

Sur le principe que le seul refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail ne constitue pas une cause réelle et sérieuse de licenciement, à rapprocher : Soc., 28 janvier 2005, pourvoi n° 03-40.639, Bull. 2005, V, n° 35 (cassation partielle) ; Soc., 7 juin 2005, pourvoi n° 03-42.080, Bull. 2005, V, n° 189 (cassation sans renvoi), et les arrêts cités. Sur le principe que la rupture résultant du refus par le salarié d'une modification de son contrat de travail, proposée par l'employeur pour un motif non inhérent à sa personne, constitue un licenciement pour motif économique, dans le même sens que : Soc., 11 décembre 2001, pourvoi n° 99-42.906, Bull. 2001, V, n° 376 (1) (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 11 juillet 2018, n° 16-20.029, (P)

Cassation

Prévoyance collective – Couverture de prévoyance complémentaire – Affiliation du personnel cadre à un régime de retraite complémentaire – Cotisations – Règlement – Prescription – Prescription de droit commun – Portée

L'obligation pour l'employeur d'affilier son personnel cadre à un régime de retraite complémentaire et de régler les cotisations qui en découlent est soumise à la prescription de droit commun (arrêt n° 1, pourvoi n° 17-12.605 et arrêt n° 2, pourvoi n° 16-20.029).

Une cour d'appel, qui constate que la demande d'un salarié, tendant à ce que l'employeur régularise sa situation auprès d'un organisme de retraite complémentaire, ne concerne pas des cotisations afférentes à des salaires non versés mais porte sur la contestation de l'assiette des cotisations retenue par l'employeur sur les salaires versés, en déduit exactement que cette demande était, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, soumise à la prescription trentenaire (arrêt n° 1, pourvoi n° 17-12.605).

Une cour d'appel retient à tort que l'action est soumise au délai de prescription applicable aux salaires, alors qu'elle a procédé aux mêmes constatations (arrêt n° 2, pourvoi n° 16-20.029).

La créance dépendant d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui résultent de déclarations que le débiteur est tenu de faire, la prescription ne courait qu'à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite (arrêt n° 1, pourvoi n° 17-12.605 et arrêt n° 2, pourvoi n° 16-20.029).

Prévoyance collective – Couverture de prévoyance complémentaire – Affiliation du personnel cadre à un régime de retraite complémentaire – Cotisations – Cotisations sur les salaires versés – Assiette – Contestation – Action en justice – Prescription – Prescription de droit commun – Portée

Prévoyance collective – Couverture de prévoyance complémentaire – Affiliation du personnel cadre à un régime de retraite complémentaire – Cotisations – Cotisations sur les salaires versés – Assiette – Contestation – Action en justice – Prescription – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l'article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, et l'article 26-II de la même loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 4 août 1978 par la société UAP, aux droits de laquelle vient la société Axa France IARD (la société Axa) ; que, de 1981 à 1996, il a exercé des fonctions au sein de filiales étrangères de la société ; qu'il a fait valoir ses droits à la retraite le 1er décembre 2011 ; que, le 16 janvier 2013, il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la condamnation de la société Axa à régulariser sa situation auprès des organismes de retraite ARRCO et AGIRC en tenant compte de l'ensemble des éléments de sa rémunération, et, subsidiairement, de la voir condamnée à lui payer une certaine somme en réparation de son préjudice ;

Attendu que pour dire la demande tendant à la régularisation des cotisations de retraite irrecevable, l'arrêt retient que la prescription quinquennale instaurée par l'article L. 143-14 de l'ancien code du travail s'applique à toute action engagée à raison des sommes afférentes aux salaires dus au titre du contrat de travail, que les cotisations de retraite patronales sont calculées et versées en principe en même temps que le salaire est payé au salarié, et que, dès lors, un salarié ne peut engager une action en paiement des cotisations de retraite assises sur ces salaires si l'action en paiement du salaire correspondant ne lui est pas ou plus ouverte ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'obligation pour l'employeur d'affilier son personnel cadre à un régime de retraite complémentaire et de régler les cotisations qui en découlent est soumise à la prescription de droit commun et qu'elle avait constaté que la demande ne concernait pas des cotisations afférentes à des salaires non versés mais portait sur la contestation de l'assiette des cotisations retenue par l'employeur sur les salaires versés, ce dont elle aurait dû déduire que cette demande était, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, soumise à la prescription trentenaire, et que la créance dépendant d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui résultent de déclarations que le débiteur est tenu de faire, la prescription ne courait qu'à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Farthouat-Danon - Avocat général : M. Liffran - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations ; article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ; article 26-II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

Rapprochement(s) :

Sur le point de départ du délai de prescription d'une action pour insuffisance de déclaration d'un employeur à un organisme de retraite, à rapprocher : Ass. plén., 7 juillet 1978, pourvoi n° 76-15.485, Bull. 1978, Ass. plén., n° 4 (cassation partielle) ; Soc., 26 avril 2006, pourvoi n° 03-47.525, Bull. 2006, V, n° 146 (2) (cassation partiellement sans renvoi), et l'arrêt cité.

Soc., 11 juillet 2018, n° 17-12.605, (P)

Rejet

Prévoyance collective – Couverture de prévoyance complémentaire – Affiliation du personnel cadre à un régime de retraite complémentaire – Cotisations – Règlement – Prescription – Prescription de droit commun – Portée

L'obligation pour l'employeur d'affilier son personnel cadre à un régime de retraite complémentaire et de régler les cotisations qui en découlent est soumise à la prescription de droit commun (arrêt n° 1, pourvoi n° 17-12.605 et arrêt n° 2, pourvoi n° 16-20.029).

Une cour d'appel, qui constate que la demande d'un salarié, tendant à ce que l'employeur régularise sa situation auprès d'un organisme de retraite complémentaire, ne concerne pas des cotisations afférentes à des salaires non versés mais porte sur la contestation de l'assiette des cotisations retenue par l'employeur sur les salaires versés, en déduit exactement que cette demande était, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, soumise à la prescription trentenaire (arrêt n° 1, pourvoi n° 17-12.605).

Une cour d'appel retient à tort que l'action est soumise au délai de prescription applicable aux salaires, alors qu'elle a procédé aux mêmes constatations (arrêt n° 2, pourvoi n° 16-20.029).

La créance dépendant d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui résultent de déclarations que le débiteur est tenu de faire, la prescription ne courait qu'à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite (arrêt n° 1, pourvoi n° 17-12.605 et arrêt n° 2, pourvoi n° 16-20.029).

Prévoyance collective – Couverture de prévoyance complémentaire – Affiliation du personnel cadre à un régime de retraite complémentaire – Cotisations – Cotisations sur les salaires versés – Assiette – Contestation – Action en justice – Prescription – Prescription de droit commun – Portée

Prévoyance collective – Couverture de prévoyance complémentaire – Affiliation du personnel cadre à un régime de retraite complémentaire – Cotisations – Cotisations sur les salaires versés – Assiette – Contestation – Action en justice – Prescription – Délai – Point de départ – Détermination – Portée

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 décembre 2016), que M. X..., engagé par la société AGF, aux droits de laquelle se trouve la société Allianz IARD, le 2 octobre 1978, a été expatrié en Côte d'Ivoire à compter du 1er juillet 1979 ; qu'il a démissionné le 26 décembre 1989 ; que, soutenant notamment que certains éléments de sa rémunération n'avaient pas été pris en compte dans l'assiette de ses cotisations au régime de retraite complémentaire AGIRC, il a saisi le 7 mai 2012 la juridiction prud'homale d'une demande tendant à ce que la société Allianz soit condamnée à régulariser sa situation auprès des organismes de retraite complémentaire en tenant compte de l'ensemble des éléments de sa rémunération, et, subsidiairement, à lui verser des dommages-intérêts ;

Attendu que la société Allianz IARD fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et de dire qu'elle doit effectuer le rattrapage des cotisations AGIRC sur la base de la somme de 666 540 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que la cour a analysé la demande en régularisation de cotisations comme une demande en révision de l'assiette servant de base au calcul des cotisations normalement dues et précisé que la demande de M. X... est une action qui tend à la rectification et au rétablissement de ces droits réels se trouvant minorés au moment de la liquidation de sa retraite auprès l'AGIRC du fait de l'employeur ; qu'ayant ainsi exactement qualifié la demande de révision de l'assiette comme une action tendant à mettre à la charge d'Allianz une obligation de faire, la cour a ensuite considéré qu'elle était saisie d'une action en responsabilité entrant dans le champ de la prescription trentenaire de l'article 2262 ancien du code civil ; qu'en jugeant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 2262 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et de l'article 2224 du code civil ;

2°/ que l'action tendant au paiement de cotisations de retraites par l'employeur, introduite par un salarié dûment averti de l'assiette des cotisations retenue par ce dernier, est, en raison du caractère périodique des cotisations, assimilée à une action en paiement des salaires qui se prescrit par cinq ans ; que la demande en révision de l'assiette de calcul des cotisations retraites déjà versées par l'employeur et en régularisation de la situation d'un salarié auprès d'organismes de retraite complémentaire suit le régime de l'action en paiement de salaires et se prescrit par cinq ans ; qu'en jugeant pourtant, par motifs propres et adoptés, que l'action en régularisation de cotisations retraites constituait une action en responsabilité régie par la prescription trentenaire et que le régime de l'action en paiement de cotisations retraite était indépendant de celui des salaires lorsque ces derniers avaient été payés, tout en condamnant Allianz au rattrapage de cotisations retraites complémentaires, la cour d'appel a violé l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et l'article 2277 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, devenu aujourd'hui l'article L. 3245-1 du code du travail ;

3°/ que l'obligation pour l'employeur de verser les cotisations d'assurance vieillesse et de retraites complémentaires ne nait pas au jour de la liquidation des droits à pension de retraite mais chaque mois au cours de la relation de travail lors du paiement du salaire mensuel ; que la prescription de l'action en rattrapage de cotisations retraites complémentaires commence à courir à la date où les cotisations auraient dû être acquittées, c'est-à-dire à chaque échéance de paiement des salaires ; qu'en jugeant pourtant que la prescription n'avait commencé à courir que le jour de la liquidation des droits à la retraite de M. X..., le 1er octobre 2015, la cour d'appel a violé l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et l'article 2277 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, devenu aujourd'hui l'article L. 3245-1 du code du travail ;

4°/ qu'en tout état de cause, la prescription d'une action en responsabilité contractuelle ne court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime que si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que lorsque le salarié était dûment averti de l'assiette retenue pour le paiement des cotisations de retraite, la prescription l'action en réparation du préjudice lié à l'absence de paiement par l'employeur des cotisations sur une assiette plus étendue commence à courir à la date où le salarié a eu connaissance de l'assiette retenue ; qu'en jugeant, par motifs propres et adoptés, que le dommage de M. X... n'avait pris naissance et n'était devenu certain qu'au jour de la liquidation de ses droits à la retraite, le 1er octobre 2015, de sorte que la prescription n'avait commencé à courir qu'à compter de cette date, après avoir pourtant constaté que le salarié avait été informé, dès le 26 juin 1979, de l'assiette retenue pour les cotisations au régime complémentaire, la cour d'appel a violé l'article 2262 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et l'article 2224 du code civil, ensemble le principe de sécurité juridique ;

Mais attendu, d'abord, que l'obligation pour l'employeur d'affilier son personnel cadre à un régime de retraite complémentaire et de régler les cotisations qui en découlent est soumise à la prescription de droit commun ; que la cour d'appel, qui a constaté que la demande ne concernait pas des cotisations afférentes à des salaires non versés mais portait sur la contestation de l'assiette des cotisations retenue par l'employeur sur les salaires versés, en a exactement déduit que cette demande était, pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, soumise à la prescription trentenaire ;

Attendu, ensuite, que la créance dépendant d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui résultent de déclarations que le débiteur est tenu de faire, il s'en déduit que la prescription ne courait qu'à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite ; que c'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a statué comme elle a fait ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Frouin - Rapporteur : Mme Farthouat-Danon - Avocat général : M. Liffran - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations ; article 2262 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ; article 26-II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.

Rapprochement(s) :

Sur le point de départ du délai de prescription d'une action pour insuffisance de déclaration d'un employeur à un organisme de retraite, à rapprocher : Ass. plén., 7 juillet 1978, pourvoi n° 76-15.485, Bull. 1978, Ass. plén., n° 4 (cassation partielle) ; Soc., 26 avril 2006, pourvoi n° 03-47.525, Bull. 2006, V, n° 146 (2) (cassation partiellement sans renvoi), et l'arrêt cité.

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