Numéro 6 - Juin 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2023

SEPARATION DES POUVOIRS

Soc., 1 juin 2023, n° 21-22.890, n° 21-22.903, n° 21-22.909, n° 21-22.910, n° 21-22.857, n° 21-22.860, n° 21-22.861, n° 21-22.867, n° 21-22.873, n° 21-22.874 et suivants, (B), FS

Cassation partielle

Compétence judiciaire – Domaine d'application – Licenciement économique – Plan de sauvegarde de l'emploi – Annulation par le juge administratif de la décision de validation ou d'homologation du plan – Effets – Salarié protégé – Illégalité des autorisations administratives de licenciement – Office du juge judiciaire – Etendue – Détermination – Portée

Si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal.

Selon une jurisprudence constante du Conseil d'État, l'annulation, pour excès de pouvoir, d'une décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi entraîne, par voie de conséquence, l'illégalité des autorisations de licenciement accordées, à la suite de cette validation ou de cette homologation, pour l'opération concernée.

Dès lors, doit-être approuvée la cour d'appel qui, après avoir constaté que la décision de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'homologation du document unilatéral arrêtant le plan de sauvegarde de l'emploi avait été annulée par arrêt devenu définitif, ce dont il ressortait que les autorisations de licenciement des salariés protégés accordées par l'inspecteur du travail étaient illégales, en a exactement déduit qu'elle pouvait se prononcer sur la cause réelle et sérieuse de leur licenciement.

Acte administratif – Appréciation de la légalité, de la régularité ou de la validité – Question préjudicielle – Nécessité – Exclusion – Cas – Existence d'une jurisprudence administrative établie – Portée

Compétence judiciaire – Domaine d'application – Licenciement économique – Plan de sauvegarde de l'emploi – Annulation par le juge administratif de la décision de validation ou d'homologation du plan – Effets – Salarié protégé – Illégalité des autorisations administratives de licenciement – Office du juge judiciaire – Etendue – Détermination – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-22.857, 21-22.860, 21-22.861, 21-22.867, 21-22.873, 21-22.874, 21-22.877, 21-22.878, 21-22.882, 21-22.883, 21-22.887, 21-22.890, 21-22.903, 21-22.909 et 21-22.910, sont joints.

Déchéance partielle des pourvois

2. Il résulte de l'article 978 du code de procédure civile qu'à peine de déchéance du pourvoi, le mémoire en demande doit être signifié au défendeur n'ayant pas constitué avocat au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai de quatre mois à compter du pourvoi.

3. Les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV se sont pourvues en cassation le 22 septembre 2021 contre des décisions rendues le 7 juillet 2021 par la cour d'appel de Reims, lesquelles ont condamné l'une des parties au remboursement de sommes à Pôle emploi.

Les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV n'ont pas signifié à Pôle emploi, qui n'a pas constitué avocat, le mémoire ampliatif.

4. Il y a lieu, dès lors, de constater la déchéance des pourvois en tant qu'ils sont dirigés contre Pôle emploi.

Faits et procédure

5. Selon les arrêts attaqués (Reims, 7 juillet 2021), la société Bosal le Rapide, filiale de la société Bosal holding France, appartenait au groupe Bosal dont la société tête de groupe est la société Bosal Nederland BV.

6. Par jugement du 24 septembre 2013, un tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Bosal le Rapide, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 25 février 2014.

7. Par décision du 7 mars 2014, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a homologué le document unilatéral arrêtant le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) qui lui était soumis par les mandataires judiciaires. Ces derniers ont notifié aux salariés protégés leur licenciement pour motif économique, le 8 avril 2014, après autorisation de l'inspection du travail.

8. Par arrêt du 9 décembre 2014, une cour administrative d'appel a annulé le jugement du tribunal administratif du 8 juillet 2014 et la décision de la DIRECCTE du 7 mars 2014.

Les recours formés à l'encontre de cette décision ont été rejetés par arrêt du Conseil d'Etat du 15 mars 2017.

9. M. [Z] et quatorze autres salariés, ayant exercé des mandats représentatifs au sein de la société Bosal le Rapide, ont saisi la juridiction prud'homale en contestation du bien-fondé de leur licenciement, puis en reconnaissance de la qualité de coemployeurs des sociétés Bosal Nederland BV et Bosal holding France (les sociétés) et, subsidiairement, en responsabilité extracontractuelle.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches

10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, qui est préalable

Enoncé du moyen

11. Les sociétés font grief aux arrêts de les condamner in solidum, avec la société Bosal le Rapide, à payer aux salariés des dommages-intérêts pour perte injustifiée de leur emploi, alors « que le principe de séparation des pouvoirs interdit au juge judiciaire de se prononcer sur la légalité d'une autorisation administrative de licenciement et sur le caractère réel et sérieux du motif du licenciement fondé sur une telle autorisation ; qu'en l'espèce, il est constant que les salariés, qui avaient la qualité de salariés protégés, n'ont pas contesté l'autorisation de licenciement sur laquelle leur licenciement était fondé ; qu'en jugeant néanmoins qu'ils devaient bénéficier d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison de l'insuffisance des recherches de reclassement des liquidateurs judiciaires de la société Bosal le Rapide, ainsi que d'une indemnité d'éviction, au motif erroné que l'annulation de la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi emporte annulation de l'autorisation de licenciement, la cour d'appel a méconnu le principe de séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790. »

Réponse de la Cour

12. Si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal (Tribunal des conflits, 17 octobre 2011, pourvoi n° 11-03.828, Bull. 2011, T. conflits, n° 24).

13. Selon une jurisprudence constante du Conseil d'État (CE, 19 juillet 2017, n° 291849, publié au recueil Lebon) lorsque le licenciement pour motif économique d'un salarié protégé est inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'inspecteur du travail saisi de la demande d'autorisation de ce licenciement, ou au ministre chargé du travail statuant sur recours hiérarchique, de s'assurer de l'existence, à la date à laquelle il statue sur cette demande, d'une décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée. Il en résulte que l'annulation, pour excès de pouvoir, d'une décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi entraîne, par voie de conséquence, l'illégalité des autorisations de licenciement accordées, à la suite de cette validation ou de cette homologation, pour l'opération concernée.

14. La cour d'appel, qui a constaté que la décision de la DIRECCTE du 7 mars 2014 d'homologation du document unilatéral arrêtant le plan de sauvegarde de l'emploi avait été annulée par arrêt devenu définitif du 9 décembre 2014, ce dont il ressortait que les autorisations de licenciement des salariés protégés accordées par l'inspecteur du travail étaient illégales, en a exactement déduit qu'elle pouvait se prononcer sur la cause réelle et sérieuse de leur licenciement.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en ses troisième à septième branches

Enoncé du moyen

16. Les sociétés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes tendant à écarter leur responsabilité extracontractuelle respective, de les condamner in solidum, avec la société Bosal le Rapide, à payer aux salariés des dommages-intérêts pour perte injustifiée de leur emploi, de les condamner in solidum à payer à chaque salarié une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à l'AGS CGEA d'[Localité 21] des dommages-intérêts représentant le montant des avances consenties aux salariés, et le montant de l'indemnité d'éviction, alors :

« 3°/ que le juge doit caractériser le lien entre la méconnaissance de l'engagement de la société mère à l'égard de sa filiale et la déconfiture de cette dernière, pour pouvoir lui imputer les conséquences préjudiciables de cette déconfiture ; qu'en l'espèce, il est constant que l'ensemble des coûts générés par le PSE mis en oeuvre en 2011 et 2012 par la société Bosal le Rapide a été couvert par les sommes avancées par le groupe et qu'aucune société du groupe n'avait jamais demandé le remboursement de ces sommes à la société Bosal le Rapide ; que, lorsque la société Bosal le Rapide s'est retrouvée en état de cessation des paiements, elle a simplement inscrit à son passif la créance des sociétés du groupe ; qu'en se bornant à affirmer, à la suite du conseil de prud'hommes, que la société Bosal holding France a « porté l'estocade à sa filiale, la conduisant à sa déconfiture, puis à sa liquidation judiciaire » « en procédant à l'inscription d'une créance de 4 800 991 euros au passif exigible déclaré de la société Bosal le Rapide, contrairement à son précédent engagement », sans faire ressortir le lien entre l'inscription d'une créance, existant dans les comptes de la société Bosal le Rapide, au passif de cette dernière et la déconfiture puis la liquidation judiciaire de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

4°/ que l'état de cessation des paiements résulte de l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; qu'en l'espèce, il ressort de la déclaration de cessation des paiements établie le 20 septembre 2013 par la société Bosal le Rapide que sa trésorerie s'élevait à seulement 130 539 euros, tandis que son passif exigible s'élevait, hors dettes à l'égard du groupe, à la somme de 1 179 795 euros ; qu'en conséquence, l'inscription de la créance du groupe au titre du passif exigible avait été sans incidence sur l'état de cessation des paiements de la société Bosal le Rapide et, partant, sur l'engagement d'une procédure de redressement judiciaire, puis sur la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide ; qu'en se fondant par motifs adoptés, sur le bilan économique, social et environnemental établi par l'administrateur qui comparait la totalité de « l'actif déclaré », et non seulement l'actif disponible, au passif exigible, hors créance à l'égard du groupe, pour conclure que l'inscription de la créance du groupe avait eu une incidence sur l'ouverture d'une procédure collective, la cour d'appel s'est fondée sur un motif impropre à caractériser le lien entre le prétendu reniement de l'engagement allégué de la société Bosal holding France de financer le PSE de 2011/2012 avec l'ouverture de la procédure collective de la société Bosal le Rapide ; qu'elle a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce et des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 ;

5°/ que le juge doit caractériser le lien entre la méconnaissance de l'engagement de la société mère à l'égard de sa filiale et la déconfiture de cette dernière, pour pouvoir lui imputer les conséquences préjudiciables de cette déconfiture ; qu'en l'espèce, les sociétés exposantes soulignaient qu'il ressort du bilan économique, social et environnemental établi par les administrateurs judiciaires de la société Bosal le Rapide, comme du jugement du tribunal de commerce de Reims du 24 février 2014, que la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide a été prononcée en raison d'une part, de l'insuffisance du chiffre d'affaires entraînant des pertes de plus de 900 000 euros au titre des neuf premiers mois de l'exercice 2013 et de l'absence de perspective de retournement qui plaçaient la société Bosal Le Rapide dans l'incapacité de présenter un plan de redressement, et, d'autre part, de l'absence d'offre de reprise satisfaisante ; que le tribunal correctionnel avait ainsi retenu, pour écarter les délits de banqueroute et de complicité de banqueroute dont la société mère du groupe et ses dirigeants étaient prévenus, que « la situation de Bosal le Rapide s'est dégradée au cours de l'année 2013 du fait de la situation du marché de l'automobile et de la perte de deux contrats avec les groupes Renault et Peugeot », et non des agissements prêtés aux dirigeants du groupe ; que la dette de la société Bosal le Rapide à l'égard du groupe Bosal n'a en conséquence eu aucune incidence sur la décision du tribunal de prononcer sa liquidation judiciaire ; qu'en se bornant cependant à reprendre l'affirmation péremptoire du premier juge selon laquelle l'inscription d'une créance de 4,8 millions d'euros au passif exigible déclaré de la société Bosal le rapide avait « provoqué » non seulement l'état de cessation des paiement de la société Bosal le Rapide, mais aussi « la déconfiture et la liquidation judiciaire » de cette dernière, sans expliquer en quoi l'inscription au passif exigible de la société Bosal le Rapide de cette créance, dont aucune des sociétés du groupe n'a jamais demandé le remboursement, avait pu provoquer ou même concourir à provoquer la liquidation judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

6°/ que le juge doit caractériser le caractère fautif des agissements de la société mère à l'égard de sa filiale, la seule affirmation que des décisions sont prises dans le seul intérêt de la société mère étant insuffisant à l'établir ; qu'en l'espèce, les sociétés exposantes soutenaient, en s'appuyant notamment sur les pièces de la procédure pénale et le jugement du tribunal correctionnel de Reims du 8 septembre 2017, que la cession intervenue en décembre 2012 d'une partie de l'outil de production de la société Bosal le Rapide, puis la location d'une partie de ces machines à cette dernière, avaient été décidées dans l'intérêt exclusif de la société Bosal le Rapide, pour lui fournir des liquidités ; qu'elles soulignaient que le prix de rachat des machines (400 000 euros) était bien supérieur à la valeur du matériel cédé, qui avait été évalué moins d'un an plus tard par le commissaire-priseur désigné à l'ouverture de la procédure collective à 105 500 euros et que les loyers fixés, qui constituaient une charge déductible pour la société Bosal le rapide, n'étaient pas déraisonnables ; qu'en se bornant cependant à relever, pour affirmer que « les sociétés Bosal Nederland BV et Bosal holding France ont, dans leur seul intérêt respectif d'actionnaire, préjudiciable à la société Bosal le Rapide, concouru à la déconfiture de leur filiale », qu'elles ont « racheté à la société Bosal le Rapide l'ensemble de ses machines, le 22 décembre 2012, pour la somme de 400 000 euros pour établir quelques jours plus tard un bail à son profit, portant sur le même matériel de production, à raison de 6 000 euros mensuels », sans expliquer en quoi ces mesures auraient été prises dans leur seul intérêt et auraient été préjudiciables à leur filiale, ce qui aurait supposé de mettre en évidence le caractère vil du prix de cession ou le montant excessif du loyer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

7°/ qu'en relevant encore, pour affirmer que « les sociétés Bosal Nederland BV et Bosal holding France ont, dans leur seul intérêt respectif d'actionnaire, préjudiciable à la société Bosal le Rapide, concouru à la déconfiture de leur filiale », qu'au loyer des machines louées à la société Bosal le Rapide s'ajoutaient « les créances du groupe liées notamment aux fournitures de matières premières, honoraires de prestations de services, prêts de trésorerie et intérêts », sans faire ressortir le caractère injustifié ou excessif de ces facturations, ni leur incidence sur la situation économique de la société Bosal le Rapide, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

17. Selon l'article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

18. La cour d'appel a, d'abord, constaté que lors de l'établissement du précédent plan de sauvegarde de l'emploi de 2012 au sein de la société Bosal le Rapide, établi à l'occasion de la restructuration de son activité, la société Bosal holding France s'était engagée, par courrier du 16 novembre 2011, auprès du commissaire aux comptes, à compléter la trésorerie de sa filiale, afin de couvrir les coûts du PSE pour un maximum de 5 000 000 euros. Elle a, ensuite, relevé qu'en procédant à l'inscription d'une créance de 4 800 991 euros au passif exigible déclaré de la société Bosal le Rapide, contrairement à ce précédent engagement, la société Bosal Nederland BV via la société Bosal holding France avait porté l'estocade à sa filiale, la conduisant à sa déconfiture, puis à sa liquidation judiciaire.

19. De ces constatations et appréciations, elle a pu déduire, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les sixième et septième branches, que ces deux sociétés avaient ainsi commis une faute ayant concouru à la liquidation judiciaire de leur filiale et à la disparition des emplois qui en était résultée, et qui ouvrait droit à indemnisation.

20. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

21. Les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV font grief aux arrêts de les condamner in solidum, avec la société Bosal le Rapide, à payer aux salariés des dommages-intérêts pour perte injustifiée de leur emploi, alors « que le principe de la réparation intégrale interdit de mettre à la charge de l'auteur d'une faute délictuelle l'indemnisation d'un préjudice sans lien de causalité avec cette faute ; que le tiers qui, par sa faute, concourt à la déconfiture d'une société ne peut avoir à réparer l'ensemble des conséquences préjudiciables de cette liquidation, mais uniquement celles qui découlent de sa faute ; que s'il est tenu de réparer la perte de chance, pour les salariés, de conserver un emploi, il ne peut être tenu de réparer la perte injustifiée de leur emploi résultant des irrégularités de la procédure suivie par le liquidateur judiciaire ou d'un manquement du liquidateur à l'obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations des arrêts attaqués que les licenciements des salariés étaient entachés d'une double irrégularité, en raison, d'une part, de l'annulation de la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi fondée sur une irrégularité de la procédure de consultation du comité d'entreprise menée par les liquidateurs de la société Bosal le Rapide et, d'autre part, du manque de précision des recherches de reclassement effectuées par ces mêmes liquidateurs judiciaires ; qu'en condamnant cependant les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV, qui n'avaient pas la qualité de coemployeur, avec la société Bosal le Rapide, à payer aux salariés des dommages-intérêts pour perte injustifiée de leur emploi, quand la faute qui leur était reprochée était d'avoir « concouru » à la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide, de sorte qu'elles ne pouvaient tout au plus avoir à réparer qu'une perte de chance pour les salariés de conserver leur emploi, et non la perte injustifiée de leur emploi résultant des fautes commises par les liquidateurs, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

22. Il résulte des articles 1147, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1382, devenu 1240, du code civil, que chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité, peu important que leurs responsabilités résultent d'obligations distinctes et sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il peut être procédé entre eux, qui n'affecte pas l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée.

23. La cour d'appel, qui a relevé que la faute commise par les sociétés Bosal Nederland BV et Bosal holding France en inscrivant une créance au passif exigible de la société Bosal le Rapide avait concouru à la liquidation judiciaire de leur filiale et à la disparition des emplois qui en était résultée, en a exactement déduit que la responsabilité extracontractuelle des sociétés Bosal Nederland BV et Bosal holding France étant établie, celles-ci étaient redevables à l'endroit des salariés de dommages-intérêts, en réparation du préjudice fondé sur la perte injustifiée de leur emploi, quand bien même cette demande reposerait sur un fondement juridique différent de ceux retenus à l'endroit de l'employeur.

24. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen relevé d'office

25. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 2422-4 du code du travail :

26. Aux termes de ce texte, lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration.

27. Il en résulte que ces dispositions ne sont pas applicables quand la décision administrative autorisant le licenciement, sur renvoi préjudiciel du juge judiciaire, est déclarée illégale par le juge administratif ou lorsque le juge judiciaire accueille, au vu d'une jurisprudence établie, la contestation du salarié portant sur la légalité de l'autorisation de licenciement. Il appartient dans ce cas au juge judiciaire, après avoir statué sur la cause réelle et sérieuse de licenciement, de réparer le préjudice subi par le salarié, si l'illégalité de la décision d'autorisation est la conséquence d'une faute de l'employeur.

28. Après avoir retenu que les salariés avaient été licenciés en vertu d'une autorisation administrative illégale ensuite de l'annulation, par arrêt d'une cour administrative d'appel du 9 décembre 2014, de la décision de la DIRECCTE du 7 mars 2014 d'homologation du PSE, les arrêts fixent, pour chacun d'eux, au passif de la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide une somme à titre d'indemnité d'éviction pour la période s'étendant du licenciement jusqu'à l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt du 9 décembre 2014 et condamnent in solidum les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV à payer à l'AGS CGEA d'[Localité 21], des dommages-intérêts représentant le montant de l'indemnité d'éviction.

29. En statuant ainsi, alors que l'autorisation administrative de licenciement définitive n'avait pas été annulée mais était illégale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

30. Les sociétés font grief aux arrêts de les condamner in solidum à payer à l'AGS CGEA d'[Localité 21] des dommages-intérêts représentant le montant des avances consenties aux salariés, alors « qu'en condamnant les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV à réparer le préjudice subi par l'AGS CGEA, correspondant au montant des avances consenties aux salariés, après avoir pourtant écarté la demande des salariés tendant à voir attribuer la qualité de coemployeur à ces deux sociétés, la cour d'appel a ainsi fait peser sur les sociétés exposantes la réparation d'un préjudice sans lien de causalité direct avec les fautes qui leur étaient imputées, et a violé les articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

31. Les liquidateurs de la société Bosal le Rapide contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau.

32. Cependant le moyen fondé sur le lien de causalité entre la faute imputée aux sociétés et le préjudice invoqué par l'AGS CGEA était inclus dans le débat devant la cour d'appel.

33. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

34. Après avoir relevé que la société Bosal Nederland BV, par l'entremise de la société Bosal holding France, avait manqué à son engagement de financer le plan social de l'emploi de 2012 de la société Bosal le Rapide, et par cette faute contribué à la déconfiture de l'employeur et à la perte des emplois, les arrêts retiennent que les créances fixées au profit de chaque salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide doivent être garanties par l'AGS CGEA. Ils ajoutent que les avances consenties à chaque salarié par l'AGS CGEA constituent le montant des dommages-intérêts au paiement desquels elles sont condamnées in solidum avec l'employeur, en indemnisation du préjudice effectivement subi par l'AGS CGEA, de sorte que, in fine, les sociétés Bosal Nederland BV et Bosal holding France prendront, in solidum entre elles, en charge l'intégralité de la contribution à la dette.

35. En statuant ainsi, en se fondant sur la responsabilité extracontractuelle des sociétés sans caractériser ni le préjudice subi par l'AGS CGEA ni, à le supposer établi, le lien de causalité entre ce préjudice et la faute retenue à l'encontre des sociétés, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

36. La cassation du chef de dispositif des arrêts condamnant in solidum les sociétés à payer à l'AGS CGEA des dommages-intérêts représentant le montant de l'indemnité d'éviction et des avances consenties aux salariés, emporte la cassation du chef de dispositif fixant au passif de la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide, pour chacun des salariés, une somme au titre de l'indemnité d'éviction, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

37. En revanche, elle n'emporte pas cassation des chefs de dispositif des arrêts condamnant les sociétés aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à leur l'encontre et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CONSTATE la déchéance des pourvois en tant qu'ils sont dirigés contre Pôle emploi ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils fixent au passif de la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide, pour chacun des salariés, une somme au titre de l'indemnité d'éviction et condamne in solidum les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV à payer à l'AGS CGEA d'[Localité 21] des dommages-intérêts représentant le montant de l'indemnité d'éviction allouée à chacun des salariés et des dommages-intérêts représentant le montant des avances consenties à chacun d'eux, les arrêts rendus le 7 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Grandemange - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 2422-4 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'exclusion de l'application des dispositions de l'article L. 2422-4 du code du travail lorsque la décision administrative autorisant le licenciement est déclarée illégale, à rapprocher : Soc., 26 septembre 2007, pourvoi n° 05-45.665, Bull. 2007, V, n° 137 (cassation partielle) ; Soc., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-12.471, Bull., (2) (cassation partielle sans renvoi). Sur l'illégalité des autorisations de licenciement en cas d'annulation, pour excès de pouvoir, d'une décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, cf : CE, 19 juillet 2017, n° 391849, publié au Recueil Lebon. Sur la possibilité pour le juge judiciaire de ne pas saisir le juge administratif par voie de question préjudicielle en cas de contestation de la légalité d'un acte administratif : Soc., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-12.471, Bull., (1) (cassation partielle sans renvoi), et l'arrêt cité.

3e Civ., 15 juin 2023, n° 21-22.816, (B), FS

Rejet

Compétence judiciaire – Exclusion – Cas – Bail emphytéotique administratif – Caractérisation

La mise à disposition, par l'effet d'un bail emphytéotique consenti par une commune à une société, d'une centrale hydroélectrique, en vue de la production et de la vente d'électricité à un fournisseur d'énergie, en ce qu'elle favorise la diversification des sources d'énergie et participe au développement des énergies renouvelables, constitue une opération d'intérêt général relevant de la compétence de la commune. En conséquence, c'est à bon droit qu'une cour d'appel retient qu'il s'agit d'un bail emphytéotique administratif au sens de l'article L. 1311-2, alinéa 1, du code général des collectivités territoriales et en déduit que le litige né de ce bail relève des juridictions de l'ordre administratif.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 21 juillet 2021), par acte du 18 mars 2013, la commune de [Localité 1] (la commune) a donné à bail emphytéotique à la société hydro-électrique du [Adresse 2] (la société) une centrale hydraulique installée sur un barrage.

2. Par arrêté du 30 janvier 2017, le préfet du Loir-et-Cher a mis en demeure la société de satisfaire aux prescriptions de l'article L. 214-18 du code de l'environnement par l'installation de dispositifs maintenant dans le lit du cours d'eau un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux et empêchant la pénétration du poisson dans le canal d'entrée.

3. Par arrêté du 27 février 2019, il a refusé d'accorder à la société l'autorisation d'exploiter la centrale hydroélectrique.

4. Le 28 février 2019, la société a assigné la commune en condamnation à réaliser les travaux de mise en conformité et en indemnisation.

La commune a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de dire que le contrat liant les parties est un bail emphytéotique administratif et que les juridictions de l'ordre administratif sont compétentes pour connaître du litige né de ce contrat, alors :

« 1°/ que pour qu'un bail emphytéotique soit qualifié d'administratif, l'activité du bailleur ou l'opération en vue de laquelle le bail est conclu doivent se rattacher à l'intérêt général par un lien direct et principal ; que sauf dans le cas où elle est assujettie à des obligations particulières de continuité ou de volume, la production d'électricité à des fins commerciales ne constitue pas une activité d'intérêt général ; qu'en se fondant, pour qualifier le contrat de bail emphytéotique administratif et se déclarer incompétente, sur la circonstance qu'il devait permettre la production d'électricité non carbonée, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que cette production était soumise à des sujétions particulières, a violé l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales ;

2°/ que le bail emphytéotique qui a essentiellement une finalité commerciale et ne remplit un objectif d'intérêt général que de façon accessoire et incidente ne peut être qualifié de bail emphytéotique administratif ; qu'en se fondant, pour qualifier le contrat de bail emphytéotique administratif et se déclarer incompétente, sur la circonstance que l'exploitation du barrage devait permettre non seulement la production d'électricité non carbonée mais également la conservation d'un plan d'eau utilisé à des fins touristiques, sportives et de loisirs, et que la société hydro-électrique du [Adresse 2] avait accepté de financer pour partie les travaux de mise en transparence nécessaire au maintien du barrage, la cour d'appel a violé l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 1311-2, alinéa 1, du code général des collectivités territoriales, dans sa version en vigueur au 18 mars 2013, un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural et de la pêche maritime en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence. Ce bail emphytéotique est dénommé bail emphytéotique administratif.

7. Selon l'article L. 1311-3, 4°, du même code, les litiges relatifs aux baux emphytéotiques administratifs sont de la compétence des tribunaux administratifs.

8. Selon les articles L. 100-1 et L. 100-2 du code de l'énergie, dans leur version en vigueur au 18 mars 2013, la politique énergétique vise notamment à préserver la santé humaine et l'environnement, en particulier en luttant contre l'aggravation de l'effet de serre. Pour atteindre cet objectif, l'Etat, en cohérence avec les collectivités territoriales, veille, en particulier, à diversifier les sources d'approvisionnement énergétique, réduire le recours aux énergies fossiles et augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie finale.

9. Selon l'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales, les communes concourent avec l'Etat à la protection de l'environnement et à la lutte contre l'effet de serre par la maîtrise et l'utilisation rationnelle de l'énergie.

10. Il en résulte que la mise à disposition, par l'effet d'un bail emphytéotique, d'une centrale hydroélectrique, en vue de la production et de la vente d'électricité à un fournisseur d'énergie, en ce qu'elle favorise la diversification des sources d'énergie et participe au développement des énergies renouvelables, constitue une opération d'intérêt général relevant de la compétence de la commune.

11. La cour d'appel a, dès lors, retenu, à bon droit, abstraction faite de motifs surabondants critiqués par la seconde branche du moyen, que la convention liant la commune et la société était un bail emphytéotique administratif.

12. Elle en a exactement déduit que le litige né de ce bail relevait des juridictions de l'ordre administratif.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Davoine - Avocat général : Mme Morel-Coujard - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP L. Poulet-Odent -

Textes visés :

Article L. 1311-2, alinéa 1, du code général des collectivités territoriales.

Soc., 28 juin 2023, n° 21-19.784, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Compétence judiciaire – Exclusion – Personnes morales de droit privé exerçant une mission de service public – Décision relative à l'organisation du service public – Cas – Mobilité d'entreprise – Décisions unilatérales portant mesures d'accompagnement financier – Portée

Il résulte de l'article L. 2233-1 du code du travail, de l'article 47, alinéas 1 à 3, de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010, et de l'article 1er, alinéa 1, du statut national du personnel des industries électriques et gazières approuvé par le décret n° 46-1451 du 22 juin 1946 que les conditions d'emploi et de travail du personnel de l'industrie électrique et gazière ne sont pas déterminées par des conventions et accords collectifs de travail, sous réserve des dispositions des articles L. 161-1 et L. 161-4 du code de l'énergie, mais par un statut qui, constituant un élément de l'organisation du service public exploité, a le caractère d'un règlement administratif et que les décisions unilatérales portant mesures d'accompagnement financier de la mobilité d'entreprise, sont elles-mêmes, eu égard à l'article 28, § 1, du statut, des éléments de ce statut réglementaire.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 mai 2021), le 3 juillet 2020, la société Réseau de transport d'électricité (la société RTE), gestionnaire du réseau de transport national d'électricité, a dénoncé, avec effet au 1er janvier 2021, « toute note, engagement unilatéral, pratique ou usage ayant pour objet l'accompagnement financier de la mobilité des salariés de RTE, et notamment, sans que la liste soit nécessairement exhaustive, les dispositions des notes :

 - DP 20-159 : aides à la mobilité du 6 février 2003 et ses notes d'application,

 - DP 20-154 : dispositif d'aide aux célibataires géographiques du 6 mars 2002,

 - Na-Rh-Rhjag-Drh-2003-0003 : dispositif de mobilité encouragée à RTE du 30 juin 2003,

 - Rh-Dcrhrs-2015-0002 : décision relative aux mesures d'accompagnement en cas de réorganisation du 30 mars 2015, chapitre 5 et annexes. »

2. Le même jour, la société RTE a également pris, avec effet au 1er janvier 2021, une décision D-Rh-Drh-Dsds-2020-00003 définissant les différentes mesures d'accompagnement financier de la mobilité.

3. Par acte du 23 juillet 2020, le syndicat CFDT Energie chimie de l'Ile-de-France (le syndicat SECIF-CFDT) a saisi le tribunal judiciaire afin qu'il soit ordonné à la société RTE d'ouvrir une négociation portant sur le dispositif national d'accompagnement financier de la mobilité d'entreprise.

4. La Fédération nationale des syndicats et des salariés des mines et de l'énergie (la fédération FNME-CGT) est intervenue volontairement à l'instance afin que soit annulée la dénonciation formalisée par la société RTE et qu'il soit enjoint à celle-ci d'ouvrir une négociation collective avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives de l'entreprise.

Examen des moyens

Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident de la société RTE, qui est préalable

Enoncé du moyen

5. La société RTE fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception d'incompétence du juge judiciaire pour statuer sur la demande d'annulation de la décision du 3 juillet 2020, de la note D-Rh-Drh-Dsds-2020-00003 du 1er juin 2020 et de la dénonciation des dispositions antérieures relatives aux mesures d'accompagnement financier de la mobilité d'entreprise, alors « que les actes unilatéraux relatifs à l'organisation d'un service public industriel et commercial et au statut du personnel sont des actes administratifs dont l'appréciation de la légalité relève de la compétence de la juridiction administrative ; qu'en l'espèce, les décisions contestées, afférentes à l'accompagnement financier accordé aux salariés à l'occasion de mobilités géographiques, constituent un élément de l'organisation du service public exploité par la société RTE et présentent à ce titre le caractère d'actes administratifs ; qu'en se fondant, pour juger le contraire, sur la circonstance inopérante selon laquelle ces mesures avaient pour objet l'organisation interne des services et non l'organisation du service public de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport d'électricité, la cour d'appel de Versailles a violé les dispositions des lois des 16-24 août 1790 et du 28 pluviôse an VIII et du décret du 16 fructidor an III. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III, l'article L. 2233-1 du code du travail, l'article 47, alinéas 1 à 3, de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010, et l'article 1er, alinéa 1, du statut national du personnel des industries électriques et gazières approuvé par le décret n° 46-1451 du 22 juin 1946 :

6. D'abord, il résulte de l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III que l'appréciation de la légalité d'un acte administratif échappe à la compétence du juge judiciaire.

7. Ensuite, aux termes de l'article L. 2233-1 du code du travail, dans les entreprises publiques et les établissements publics à caractère industriel ou commercial et les établissements publics déterminés par décret assurant à la fois une mission de service public à caractère administratif et à caractère industriel et commercial, lorsqu'ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé, les conditions d'emploi et de travail ainsi que les garanties sociales peuvent être déterminées, en ce qui concerne les catégories de personnel qui ne sont pas soumises à un statut particulier, par des conventions et accords conclus conformément aux dispositions du présent titre. Ces dispositions s'appliquent aux entreprises privées lorsque certaines catégories de personnel sont régies par le même statut particulier que celles d'entreprises ou d'établissements publics.

8. Aux termes de l'article 47, alinéas 1 à 3, de la loi du 8 avril 1946, des décrets pris sur le rapport des ministres du travail et de la production industrielle, après avis des organisations syndicales les plus représentatives des personnels, déterminent le statut du personnel en activité et du personnel retraité et pensionné des entreprises ayant fait l'objet d'un transfert. Ce statut national, qui ne peut réduire les droits acquis des personnels en fonctions ou retraités à la date de la publication de la présente loi, mais qui peut les améliorer, se substituera de plein droit aux règles statutaires ou conventionnelles, ainsi qu'aux régimes de retraite ou de prévoyance antérieurement applicables à ces personnels. Ce statut s'applique à tout le personnel de l'industrie électrique et gazière en situation d'activité ou d'inactivité, en particulier celui des entreprises de production, de transport, de distribution, de commercialisation et de fourniture aux clients finals d'électricité ou de gaz naturel, sous réserve qu'une convention collective nationale du secteur de l'énergie, qu'un statut national ou qu'un régime conventionnel du secteur de l'énergie ne s'applique pas au sein de l'entreprise. Il s'applique au personnel des usines exclues de la nationalisation par l'article 8, à l'exception des ouvriers mineurs employés par les centrales et les cokeries des houillères et des employés de chemin de fer qui conservent, sauf demande de leur part, leur statut professionnel. Il ne s'appliquera ni au personnel des centrales autonomes visées aux paragraphes 4° et 5° du troisième alinéa de l'article 8 de la présente loi, ni à l'ensemble du personnel de l'une quelconque des installations visées au paragraphe 6° du troisième alinéa de l'article 8 ci-dessus, si la majorité de ce personnel a demandé à conserver son statut professionnel.

9. Aux termes de l'article 1er, alinéa 1, du statut national du personnel des industries électriques et gazières, ce dernier s'applique à l'ensemble du personnel (ouvriers, employés, agents de maîtrise, cadres administratifs et techniques) en situation d'activité ou d'inactivité :

a) des services nationaux et des services de distribution créés par les articles 2 et 3 de la loi du 8 avril 1946 ;

b) des entreprises de production et de distribution exclues de la nationalisation ;

c) de la Caisse nationale de l'énergie.

10. Il en résulte que les conditions d'emploi et de travail du personnel de l'industrie électrique et gazière ne sont pas déterminées par des conventions et accords collectifs de travail, sous réserve des dispositions des articles L. 161-1 et L. 161-4 du code de l'énergie, mais par un statut qui, constituant un élément de l'organisation du service public exploité, a le caractère d'un règlement administratif et que les mesures d'accompagnement financier de la mobilité d'entreprise, dont les notes DP 20-159 du 6 février 2003, DP 20-154 du 6 mars 2002, Na-Rh-Rhjag-Drh-2003-0003 du 30 juin 2003, Rh-Dcrhrs-2015-0002 du 30 mars 2015 et D-Rh-Drh-Dsds-2020-00003 du 1er juin 2020, sont elles-mêmes, eu égard à l'article 28, § 1, du statut, des éléments de ce statut réglementaire.

11. Pour retenir la compétence du juge judiciaire pour connaître de la décision du 3 juillet 2020 de dénonciation des mesures d'accompagnement financier de la mobilité d'entreprise, dont les notes DP 20-159 du 6 février 2003, DP 20-154 du 6 mars 2002, Na-Rh-Rhjag-Drh-2003-0003 du 30 juin 2003, Rh-Dcrhrs-2015-0002 du 30 mars 2015 et de la décision d'adoption de la note D-Rh-Drh-Dsds-2020-00003 du 1er juin 2020, l'arrêt retient que ces mesures ont pour objet l'organisation interne des services et non l'organisation du service public de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport d'électricité.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

14. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi principal de la fédération FNME-CGT, sur le pourvoi incident du syndicat SECIF CFDT et sur la seconde branche du moyen du pourvoi incident de la société RTE, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT la juridiction judiciaire incompétente ;

RENVOIE les parties à mieux se pourvoir.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Piwnica et Molinié ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 13 de la loi des 16-24 août 1790 ; décret du 16 fructidor an III ; article L. 2233-1 du code du travail ; article 47, alinéas 1 à 3, de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 ; article 1er, alinéa 1, du statut national du personnel des industries électriques et gazières approuvé par le décret n° 46-1451 du 22 juin 1946.

Rapprochement(s) :

Sur la détermination de l'ordre juridictionnel compétent en matière de décision prise par EDF GDF relative à l'organisation du service public, à rapprocher : Soc., 16 mai 2007, pourvoi n° 06-13.044, Bull. 2007, V, n° 80 (cassation partiellement sans renvoi), et l'arrêt cité.

Soc., 1 juin 2023, n° 21-19.649, (B), FS

Rejet

Contrat de travail – Licenciement – Salarié protégé – Salarié licencié pour faute grave – Autorisation administrative – Compétence judiciaire – Etendue – Détermination – Portée

Dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par une faute grave, il appartient à l'administration du travail de vérifier, d'une part que les faits sont établis et sont fautifs, d'autre part l'absence de lien entre la demande de licenciement et les mandats exercés par l'intéressé. Il ne lui appartient pas, en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de porter une appréciation sur la validité des précédentes sanctions disciplinaires invoquées par l'employeur.

Ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'administration du travail ne fait obstacle, ni à ce que le salarié fasse valoir le caractère systématique ou injustifié de ces sanctions devant le juge judiciaire au titre d'éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, ni à ce que le juge judiciaire se prononce sur la validité de ces sanctions.

En conséquence, la cour d'appel a pu, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, prendre en compte les précédentes sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre du salarié qu'elle a estimées injustifiées, pour reconnaître l'existence d'un harcèlement moral, annuler ces sanctions et condamner l'employeur à payer au salarié certaines sommes au titre du salaire correspondant à la mise à pied annulée et des congés payés afférents.

Contrat de travail – Licenciement – Salarié protégé – Salarié licencié pour faute grave – Autorisation administrative – Compétence judiciaire – Validité de précédentes sanctions disciplinaires – Appréciation en lien avec un harcèlement moral – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mars 2021), M. [X] a été engagé en qualité de conseiller clientèle par la société Bluelink (la société) le 14 février 2005.

Le 29 mai 2009, il a été désigné représentant syndical.

Le 9 décembre 2009, il a été élu membre titulaire au comité d'entreprise et délégué du personnel suppléant.

2. Le salarié a fait l'objet de plusieurs procédures disciplinaires. Il a saisi la juridiction prud'homale, le 27 octobre 2010, de demandes à l'encontre de la société relatives à un harcèlement moral et à un traitement discriminatoire.

3. Le 7 décembre 2010, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Le 11 février 2011, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de le licencier.

Le ministre du travail ayant autorisé le licenciement le 11 juillet 2011, le salarié a été licencié pour faute grave le 15 juillet 2011.

Le 11 octobre 2013, le tribunal administratif de Melun a rejeté le recours du salarié.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à verser au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, alors « que si le juge judiciaire ne peut, en l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, il reste compétent pour apprécier les fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement, sous réserve que les manquements invoqués n'aient pas été nécessairement contrôlés par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure de licenciement ; qu'au cas présent, le ministre du travail avait autorisé le licenciement du salarié, en considérant que les faits reprochés à la date du 27 novembre 2010 étaient établis et qu'ils étaient suffisamment graves pour justifier une mesure de licenciement, compte-tenu des antécédents, consistant en un rappel à l'ordre du 28 juin 2010 et en une mise à pied disciplinaire de cinq jours le 8 novembre 2010 ; que le tribunal administratif a rejeté le recours formé à l'encontre de cette décision en jugeant qu'il ressortait des pièces du dossier et des témoignages de salariés, que le 27 novembre 2010, le salarié avait refusé de retourner à son poste de travail et de traiter les dossiers comme le lui demandait sa supérieure hiérarchique et que les paroles qu'il avait prononcées à l'encontre de cette personne étaient irrespectueuses à son égard, alors même qu'il avait été antérieurement rappelé à l'ordre pour pareille attitude, puis sanctionné pour des faits d'insubordination et irrespect des consignes, par une mise à pied disciplinaire ; qu'en jugeant que l'autorité administrative ne s'était prononcée que sur les seuls faits des 27 novembre et 3 décembre 2010, sans se prononcer sur la réalité des faits et le bien-fondé des réactions de l'employeur quant à la mise en garde du 28 juin 2010 et la mise à pied du 8 novembre 2010 qui étaient seulement mentionnées par le ministre du travail, ce qui l'autorisait à apprécier du harcèlement allégué relativement à ces faits, quand le licenciement avait été autorisé en considération de la gravité du manquement du 27 novembre 2010, appréciée au regard des manquements antérieurs, et notamment du rappel à l'ordre et de la mise à pied disciplinaire, ce dont il résultait que ces faits avaient nécessairement été contrôlés par l'administration et que le juge judiciaire ne pouvait plus les apprécier, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble le principe de séparation des pouvoirs et les articles L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par une faute grave, il appartient à l'administration du travail de vérifier, d'une part que les faits sont établis et sont fautifs, d'autre part l'absence de lien entre la demande de licenciement et les mandats exercés par l'intéressé. Il ne lui appartient pas, en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de porter une appréciation sur la validité des précédentes sanctions disciplinaires invoquées par l'employeur. Ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'administration du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir le caractère systématique ou injustifié de ces sanctions devant le juge judiciaire au titre d'éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

6. En conséquence, la cour d'appel a pu, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, prendre en compte les précédentes sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre du salarié qu'elle a estimées injustifiées, pour reconnaître l'existence d'un harcèlement moral.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. La société fait grief à l'arrêt d'annuler la mise en garde du 28 juin 2010 ainsi que la mise à pied disciplinaire du 8 novembre 2010 et de la condamner à payer au salarié certaines sommes au titre du salaire correspondant à la mise à pied annulée et des congés payés afférents, alors « que si le juge judiciaire ne peut, en l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, il reste compétent pour apprécier les fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement, sous réserve que les manquements invoqués n'aient pas été nécessairement contrôlés par l'autorité administrative dans le cadre de la procédure de licenciement ; qu'au cas présent, le ministre du travail avait autorisé le licenciement de M. [X], en considérant que les faits reprochés à la date du 27 novembre 2010 étaient établis et qu'ils étaient suffisamment graves pour justifier une mesure de licenciement, compte-tenu des antécédents, consistant en un rappel à l'ordre du 28 juin 2010 et en une mise à pied disciplinaire de 5 jours le 8 novembre 2010 ; que le tribunal administratif a rejeté le recours formé à l'encontre de cette décision en jugeant qu'il ressortait des pièces du dossier et des témoignages de salariés, que le 27 novembre 2010, M. [X] avait refusé de retourner à son poste de travail et de traiter les dossiers comme le lui demandait sa supérieure hiérarchique et que les paroles qu'il avait prononcées à l'encontre de cette personne étaient irrespectueuses à son égard, alors même qu'il avait été antérieurement rappelé à l'ordre pour pareille attitude, puis sanctionné pour des faits d'insubordination et irrespect des consignes, par une mise à pied disciplinaire ; qu'en annulant la mise en garde du 28 juin 2010 et la mise à pied disciplinaire du 8 novembre 2010, faute par l'employeur de justifier des éléments retenus pour justifier ces sanctions, quand le licenciement avait été autorisé en considération de la gravité du manquement du 27 novembre 2010, appréciée au regard des manquements antérieurs, et notamment du rappel à l'ordre et de la mise à pied disciplinaire, ce dont il résultait que ces faits avaient nécessairement été contrôlés par l'administration et que le juge judiciaire ne pouvait plus les apprécier, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, ensemble le principe de séparation des pouvoirs et les articles L. 2411-5 et L. 2411-8 du code du travail. »

Réponse de la Cour

9. Dans le cas où une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé est motivée par une faute grave, il appartient à l'administration du travail de vérifier, d'une part que les faits sont établis et sont fautifs, d'autre part l'absence de lien entre la demande de licenciement et les mandats exercés par l'intéressé. Il ne lui appartient pas, en revanche, dans l'exercice de ce contrôle, de porter une appréciation sur la validité des précédentes sanctions disciplinaires invoquées par l'employeur. Ce faisant, l'autorisation de licenciement donnée par l'administration du travail ne fait pas obstacle à ce que le juge judiciaire se prononce sur la validité de ces sanctions.

10. En conséquence, la cour d'appel a pu, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, annuler la mise en garde du 28 juin 2010 et la mise à pied disciplinaire du 8 novembre 2010 et condamner la société à payer au salarié certaines sommes au titre du salaire correspondant à la mise à pied annulée et des congés payés afférents.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SAS Hannotin Avocats -

Textes visés :

Principe de la séparation des pouvoirs.

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