Numéro 6 - Juin 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2023

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 28 juin 2023, n° 22-10.586, (B), FRH

Rejet

Comité social et économique – Attributions – Attributions dans les entreprises d'au moins cinquante salariés – Droits d'alerte – Droit d'alerte économique – Exercice – Modalités – Demande d'explications à l'employeur – Inscription de la demande à l'ordre du jour de la prochaine séance du comité – Respect d'un délai minimum – Domaine d'application – Détermination – Portée

Aux termes de l'article L. 2312-63, alinéas 1 et 2, du code du travail, lorsque le comité social et économique (CSE) a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut demander à l'employeur de lui fournir des explications. Cette demande est inscrite de droit à l'ordre du jour de la prochaine séance du comité.

Il résulte, par ailleurs, de l'article L. 2315-30 du même code, selon lequel l'ordre du jour des réunions du comité social et économique est communiqué par le président aux membres du comité trois jours au moins avant la réunion, que seuls les membres de la délégation du personnel au comité social et économique peuvent se prévaloir de cette prescription instaurée dans leur intérêt.

Pareillement, seuls les membres de la délégation du personnel peuvent se prévaloir du non-respect du délai prévu à cet effet par un accord collectif.

Dès lors, une cour d'appel qui constate que le secrétaire du comité a demandé au président de lui fournir des explications au vu de la réorganisation envisagée affectant de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise et d'inscrire le déclenchement de la procédure de droit d'alerte à l'ordre du jour de la prochaine réunion du comité, retient exactement que c'est à tort que le président du comité, arguant du non-respect du délai de cinq jours prévu par l'accord collectif relatif à la mise en place du comité social et économique pour l'inscription d'un point à l'ordre du jour, a refusé cette inscription à l'ordre du jour, de sorte que l'absence de mention à l'ordre du jour du déclenchement de la procédure de droit d'alerte n'était pas un motif d'irrégularité de la délibération du comité.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 décembre 2021), statuant en matière de référé, l'association de moyens Klésia, aux droits de laquelle vient le groupement d'intérêt économique Klésia Adp (le GIE), afin d'anticiper d'éventuelles modifications dans les régimes de retraite complémentaires, a envisagé une évolution de son organisation et la création d'autres activités de retraite complémentaire et d'assurance aux personnes en mettant en place trois structures juridiques distinctes.

Le 9 octobre 2020, son comité social et économique (le comité) a été convoqué à une première réunion d'information sur le projet fixée au 16 octobre 2020.

Les documents d'informations afférents au projet et à ses conséquences ont été joints à la convocation et à l'ordre du jour.

2. Le 5 novembre 2020, le secrétaire du comité a sollicité l'inscription à l'ordre du jour d'un vote d'une résolution sur un droit d'alerte économique. Arguant du non-respect du délai de cinq jours prévu par l'accord collectif du 5 juillet 2019 relatif à la mise en place du comité social et économique pour l'inscription d'un point à l'ordre du jour, le président du comité a refusé l'inscription d'un vote sur le droit d'alerte. Lors de la réunion du comité du 9 novembre 2020, les élus ont, cependant, voté un droit d'alerte économique.

3. Par assignation du 23 novembre 2020, le GIE a saisi la formation des référés du tribunal judiciaire en contestation de la procédure d'alerte votée par le comité et en annulation de la délibération prise par celui-ci le 9 novembre 2020 relative au déclenchement de son droit d'alerte économique.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, et le second moyen

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

5. Le GIE fait grief à l'arrêt de dire que la demande de mise en oeuvre du droit d'alerte par le comité avait été formée régulièrement, que sa demande d'explications formulée suivant délibération du 9 novembre 2020 était exempte d'abus, qu'aucun trouble manifestement illicite n'était caractérisé dans la mise en oeuvre du droit d'alerte et de le débouter en conséquence de l'intégralité de ses demandes, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 2262-1 du code du travail, les conventions et accords de travail lient tous les signataires ou membres des organisations ou groupements signataires de ceux-ci, lesquels ont dès lors tous la possibilité de s'en prévaloir ; qu'en retenant, pour considérer que le GIE Klesia ADP ne pouvait refuser d'inscrire à l'ordre du jour de la réunion une demande soumise moins de cinq jours ouvrables avant qu'elle ne se tienne, que les membres du CSE étaient les seuls à pouvoir de se prévaloir de la méconnaissance de ce délai quand celui-ci, qui résultait de l'article 4.2 d'un accord collectif d'entreprise en date du 5 juillet 2019, était applicable à tous les signataires de l'accord, de sorte que l'employeur pouvait s'en prévaloir, la cour d'appel a violé l'article L. 2262-1 du code du travail, ensemble l'article 4.2 de l'accord collectif du 5 juillet 2019 ;

2°/ qu'en statuant de la sorte quand il ne résulte ni des articles L. 2315-2 et L. 2315-30 du code du travail, ni de l'article 4.2 du chapitre II de l'accord collectif du 5 juillet 2019 que le délai de convocation et de communication des documents et de l'ordre du jour n'aurait été formulé que dans l'intérêt des membres du CSE qui pourraient dès lors seuls [s'en] (se) prévaloir de sa violation, la cour d'appel a violé ensemble lesdits articles ;

3°/ qu'en retenant, pour considérer que le GIE Klesia ne pouvait se prévaloir du non-respect du délai conventionnel, que le déclenchement du droit d'alerte économique relevait d'un régime d'inscription de droit, quand l'article L. 2312-63, alinéa 2, du code du travail excluait uniquement que l'employeur puisse refuser d'inscrire ce point à l'ordre du jour de la prochaine réunion, sans modifier les modalités d'organisation prévues par les articles L. 2315-2 et L. 2315-30, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 2312-63 alinéa 2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. Aux termes de l'article L. 2312-63, alinéas 1 et 2, du code du travail, lorsque le comité social et économique a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, il peut demander à l'employeur de lui fournir des explications. Cette demande est inscrite de droit à l'ordre du jour de la prochaine séance du comité.

7. Selon l'article L. 2315-30 du même code, l'ordre du jour des réunions du comité social et économique est communiqué par le président aux membres du comité trois jours au moins avant la réunion.

8. Il résulte de ce dernier texte que seuls les membres de la délégation du personnel au comité social et économique peuvent se prévaloir de cette prescription instaurée dans leur intérêt.

9. L'arrêt relève que, selon l'article 4.2, alinéa 3, de l'accord collectif du 5 juillet 2019 relatif à la mise en place du comité social et économique, « l'ordre du jour ainsi que les documents afférents sont communiqués aux membres du CSE au moins cinq jours ouvrables avant la réunion ».

10. Dès lors, la cour d'appel, qui a constaté que, par courriel du 5 novembre 2020, le secrétaire du comité avait demandé au président de lui fournir des explications au vu de la réorganisation envisagée affectant de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise et d'inscrire le déclenchement de la procédure de droit d'alerte à l'ordre du jour de la réunion du 9 novembre 2020, a retenu exactement que c'est à tort que le président du comité avait refusé cette inscription à l'ordre du jour, seuls les membres de la délégation du personnel pouvant se prévaloir du non-respect du délai conventionnel, de sorte que l'absence de mention à l'ordre du jour du 9 novembre 2020 du déclenchement de la procédure de droit d'alerte n'était pas un motif d'irrégularité de la délibération du comité.

11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rinuy - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Articles L. 2312-63 et L. 2315-30 du code du travail.

Soc., 1 juin 2023, n° 22-13.303, (B), FS

Cassation partielle

Comité social et économique – Mise en place – Représentants de proximité – Désignation – Modalités – Accord d'entreprise conclu dans les conditions de l'article L. 2232-12 du code du travail – Nécessité – Cas – Portée

Il résulte de l'article L. 2313-7 du code du travail et des articles L. 2313-2 et L. 2232-12 du même code auxquels ce texte renvoie que les représentants de proximité ne peuvent être mis en place que par l'accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12, qui détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts.

Toutefois, dans le cas où le nombre et le périmètre des établissements distincts ont été déterminés par décision unilatérale de l'employeur conformément à l'article L. 2313-4 du code du travail ou sur recours contre celle-ci par application de l'article L. 2313-5 du même code, un accord d'entreprise conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 de ce code peut prévoir pour l'ensemble de l'entreprise la mise en place de représentants de proximité rattachés aux différents comités sociaux et économiques d'établissement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 janvier 2022), le Groupe public ferroviaire, créé par la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, était initialement constitué de trois établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), dont l'EPIC SNCF mobilités en charge des missions d'exploitation des services de transport ferroviaire, lequel comprenait en son sein l'entité « Gares et connexions » chargée de la gestion, de la modernisation et du développement des 3 000 gares ferroviaires sur le réseau et employant environ 3 100 salariés.

2. Dans la perspective de la mise en place des comités sociaux et économiques (CSE) instaurés par l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, des négociations se sont engagées au plan national avec les organisations syndicales représentatives, ces négociations portant à la fois sur la détermination des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques et sur la mise en place de représentants de proximité.

3. Faute d'accord, la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts pour la mise en place des comités sociaux et économiques a été faite par décision unilatérale et le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), sur recours, a validé cette décision et la reconnaissance de trente-trois établissements distincts.

Par jugement du 11 octobre 2018, le tribunal d'instance de Saint-Denis, saisi d'un recours contre cette décision, a fixé le nombre d'établissements distincts à trente-trois comités sociaux et économiques, dont un établissement « Gares et connexions ».

Par arrêt du 19 décembre 2018 (Soc., 19 décembre 2018, pourvoi n° 18-23.655, Bull.), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre ce jugement.

4. A la suite des élections professionnelles s'étant déroulées le 22 novembre 2018, un accord d'établissement, prévoyant en son chapitre 4 la désignation de vingt-cinq représentants de proximité, a été signé le 25 janvier 2019 au sein de l'établissement « Gares et connexions » par l'Union nationale des syndicats autonomes ferroviaire (l'UNSA ferroviaire), l'une des deux organisations syndicales représentatives au niveau de cet établissement.

5. Lors de la première réunion du comité social et économique d'établissement de la SNCF gares et connexions, le 29 janvier 2019, l'UNSA ferroviaire a désigné vingt-et-un représentants de proximité, la CGT cheminot désignant quatre représentants de proximité lors de la réunion suivante du 28 février 2019.

6. Contestant la validité des dispositions de l'accord du 25 janvier 2019 et du règlement intérieur adopté par le comité social et économique d'établissement relatives à la mise en place des représentants de proximité, la fédération des syndicats de travailleurs solidaires unitaires démocratiques (la fédération Sud Rail), autorisée par ordonnance du 14 mars 2019 à procéder à jour fixe, a fait assigner devant le tribunal de grande instance l'EPIC SNCF mobilités, le comité social et économique gares et connexions, la fédération nationale des travailleurs cadres et techniciens des chemins de fer français CGT et l'UNSA ferroviaire en demandant au tribunal, notamment, de juger illicites les dispositions contenues au chapitre 4 de « l'accord relatif à la mise en place du comité social économique de SNCF gares et connexions en date du 25 janvier 2019 » et en conséquence en prononcer l'annulation, juger illicites les dispositions contenues aux termes de l'article 7.3.4.3 du règlement intérieur adopté le 25 janvier 2019 par le comité social et économique de l'établissement gares et connexions et en conséquence en prononcer l'annulation, et annuler les désignations des représentants de proximité.

7. En application de la loi n° 2018-515 pour un nouveau pacte ferroviaire du 27 juin 2018 et de son ordonnance d'application n° 2019-552 du 3 juin 2019, les trois EPIC constituant le groupe public ferroviaire ont été remplacés, le 1er janvier 2020, par cinq sociétés, composant le nouveau Groupe public unifié, parmi lesquelles la société SNCF gares et connexions, en charge des activités de prestations et services en gares, l'établissement « gares et connexions » déterminé pour la mise en place d'un des trente-trois comités sociaux et économiques d'établissement relevant de cette dernière société.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. La fédération Sud Rail fait grief à l'arrêt de la débouter de l'ensemble de ses demandes - dont celle tendant à voir juger illicites les dispositions contenues au chapitre 4 de l'accord relatif à la mise en place du comité social et économique de la SNCF gares et connexions en date du 25 janvier 2019 ainsi que celles contenues à l'article 7.3.4.3 du règlement intérieur adopté par le comité social et économique d'établissement gares et connexions et à l'annulation de ces dispositions, alors :

« 1°/ qu'afin d'assurer la cohérence et l'homogénéité de la désignation des représentants de proximité entre les différents établissements d'une entreprise ainsi que l'égalité entre ses salariés, notamment au regard du principe constitutionnel de participation, seul l'accord d'entreprise déterminant le nombre et le périmètre des établissements distincts visé par l'article L. 2313-2 du code du travail peut mettre en place des représentants de proximité et définir leur nombre, leurs attributions, notamment en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail, les modalités de leur désignation ainsi que leurs modalités de fonctionnement ; qu'en l'espèce, la fédération Sud Rail faisait valoir que l'accord d'établissement conclu le 25 janvier 2019 entre l'employeur et l'UNSA ferroviaire, pour la mise en place de représentants de proximité au sein de l'établissement gares et connexions, en lieu et place de l'accord d'entreprise prévu par l'article L. 2313-2 du code du travail, était, partant, illicite et encourait donc l'annulation, et qu'il en allait de même, par suite, des dispositions du règlement intérieur adopté par le CSE d'établissement ; que pour écarter la contestation de la fédération, les juges d'appel ont toutefois jugé, après voir relevé qu'il n'était pas fait de distinction, par la loi, sur les conditions de validité qui sont identiques qu'il s'agisse d'un accord d'entreprise ou d'un accord d'établissement, que la signature de cet accord d'établissement était régulière et portait sur des prérogatives relevant du domaine de la négociation ; qu'ils ont également retenu que, contrairement à ce que soutenait la fédération Sud Rail, aucune disposition légale ou conventionnelle ne s'opposait à la mise en place de représentants de proximité au niveau de l'établissement gares et connexions, au seul motif que cette instance de représentation n'avait pas été prévue par l'accord d'entreprise déterminant le nombre et le périmètre des établissements de la SNCF mobilités ; qu'en statuant ainsi, quand la loi prévoit expressément que seul l'accord d'entreprise déterminant le nombre et le périmètre des établissements distincts peut mettre en place des représentants de proximité, la cour d'appel a violé l'article L. 2313-7 du code du travail, ensemble les articles L. 2313-2 et L. 2232-12 du même code, le principe d'égalité et le principe constitutionnel de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, consacré par le 8e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ;

2°/ qu'afin d'assurer la cohérence et l'homogénéité de la désignation des représentants de proximité entre les différents établissements d'une entreprise ainsi que l'égalité entre ses salariés, notamment au regard du principe constitutionnel de participation, seul un accord d'entreprise peut prévoir la mise en place de représentants de proximité et définir leur nombre, leurs attributions, leurs modalités de désignation et leurs modalités de fonctionnement ; que pour écarter la contestation de la fédération Sud Rail portant sur la signature de l'accord d'établissement gares et connexions du 25 janvier 2019, les juges d'appel ont retenu qu'aucune disposition légale ou conventionnelle ne s'opposait à la mise en place de représentants de proximité au niveau de l'établissement gares et connexions, en raison de l'échec de la négociation au niveau de l'entreprise de l'accord relatif au fonctionnement des CSE en décembre 2018, qui s'est soldée par la signature, le 8 février 2019, d'un accord technique ne reprenant pas les dispositions proposées par la direction du groupe ferroviaire, sur les représentants de proximité ; qu'en statuant ainsi, quand les articles L. 2313-2, L. 2313-7 et L. 2232-12 du code du travail, qui doivent être interprétés en conformité avec le principe constitutionnel d'égalité et le principe constitutionnel de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail consacré par le 8e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, impose que l'accord mettant en place les représentants de proximité soit, en toute hypothèse, un accord d'entreprise et non un accord d'établissement, la cour d'appel a violé les articles L. 2313-2, L. 2313-7 et L. 2232-12 du code du travail, ensemble les principes susvisés. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2313-7, L. 2313-2 et L. 2232-12 du code du travail :

9. Aux termes de l'article L. 2313-7 du code du travail, l'accord d'entreprise défini à l'article L. 2313-2 peut mettre en place des représentants de proximité.

L'accord définit également :1° Le nombre de représentants de proximité ; 2° Les attributions des représentants de proximité, notamment en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail ; 3° Les modalités de leur désignation ; 4° Leurs modalités de fonctionnement, notamment le nombre d'heures de délégation dont bénéficient les représentants de proximité pour l'exercice de leurs attributions.

Les représentants de proximité sont membres du comité social et économique ou désignés par lui pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité.

10. Aux termes de l'article L. 2313-2 du même code, un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12, détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts.

11. Le premier alinéa de l'article L. 2232-12 du code du travail dispose que la validité d'un accord d'entreprise ou d'établissement est subordonnée à sa signature par, d'une part, l'employeur ou son représentant et, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants.

12. Il résulte des textes susvisés que les représentants de proximité ne peuvent être mis en place que par l'accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12, qui détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts.

13. Toutefois, dans le cas où le nombre et le périmètre des établissements distincts ont été déterminés par décision unilatérale de l'employeur conformément à l'article L. 2313-4 du code du travail ou sur recours contre celle-ci par application de l'article L. 2313-5 du même code, un accord d'entreprise conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12 de ce code peut prévoir pour l'ensemble de l'entreprise la mise en place de représentants de proximité rattachés aux différents comités sociaux et économiques d'établissement.

14. Pour rejeter les demandes en annulation, l'arrêt retient que, selon l'article L. 2232-12 du code du travail, il n'est pas fait de distinction par la loi sur les conditions de validité qui sont identiques qu'il s'agisse d'un accord d'entreprise ou d'un accord d'établissement, que la signature d'un accord le 25 janvier 2019 par l'UNSA ferroviaire, ayant obtenu 59 % des voix lors des élections professionnelles au comité social et économique d'établissement, est par suite régulière au sein de cet établissement sur des prérogatives qui relèvent du domaine de la négociation, dont celle de mettre en place des représentants de proximité en application de l'article L. 2313-7 du code du travail, lequel précise que l'accord définit également leur nombre, leurs attributions, les modalités de leur désignation et de leur fonctionnement.

15. L'arrêt ajoute qu'aucune disposition légale ou conventionnelle ne s'oppose à la mise en place de représentants de proximité au niveau de l'établissement gares et connexions au seul motif que cette instance de représentation n'avait pas été prévue par l'accord d'entreprise qui a déterminé le nombre et le périmètre des établissements de la SNCF mobilités ou en raison de l'échec de la négociation au niveau de l'entreprise de l'accord relatif au fonctionnement des comités sociaux et économiques en décembre 2018 qui s'est soldée par la signature le 8 février 2019 d'un accord technique ne reprenant pas les dispositions sur les représentants de proximité proposées par la direction du groupe ferroviaire.

16. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les représentants de proximité avaient été instaurés par un accord d'établissement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

17. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt rejetant les demandes en annulation du chapitre 4 de « l'accord relatif à la mise en place du comité social et économique SNCF gares et connexions » en date du 25 janvier 2019 et des dispositions de l'article 7.3.4.3 du règlement intérieur adopté le 25 janvier 2019 par le comité social et économique de l'établissement gares et connexions entraîne la cassation du chef de dispositif, visé par le second moyen, rejetant la demande de déclarer sans effet les désignations des représentants de proximité effectuées dans l'établissement dès lors que la nullité du chapitre 4 de l'accord d'établissement précité emporte la caducité des mandats de représentants de proximité.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit recevable l'action de la fédération des syndicats des travailleurs du rail solidaires unitaires et démocratiques Sud Rail, l'arrêt rendu le 13 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Ott - Avocat général : Mme Berriat (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Sevaux et Mathonnet -

Textes visés :

Articles L. 2232-12, L. 2313-2 et L. 2313-7 du code du travail.

Soc., 28 juin 2023, n° 22-16.020, (B), FS

Non-lieu à statuer

Comité social et économique – Représentant syndical au comité social et économique – Désignation – Contestation – Personne habilitée à contester – Exclusion – Cas – Syndicat désaffilié d'une confédération – Conditions – Détermination – Portée

Un syndicat, qui s'est désaffilié de la confédération sous le sigle de laquelle il avait présenté des candidats lors des dernières élections professionnelles, est irrecevable à contester la désignation de représentants syndicaux par la fédération ou par un syndicat affilié à la fédération appartenant à cette même confédération.

Délégué syndical – Désignation – Contestation – Personne habilitée à contester – Exclusion – Cas – Syndicat désaffilié d'une confédération – Conditions – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Versailles, 28 avril 2022), le syndicat CGT Stellantis [Localité 10], implanté au sein de l'établissement de [Localité 10] de la société PSA automobiles, a été affilié à l'union départementale des syndicats CGT des Yvelines par délibération du 11 janvier 2022 et à la fédération des travailleurs de la métallurgie CGT par délibération des 12-13 janvier de la même année.

2. À la suite de ces délibérations, ont été désignés, par le syndicat CGT Stellantis [Localité 10], en qualité de délégués syndicaux, Mme [E] et M. [T] et, en qualité de représentant syndical au comité social et économique d'établissement, M. [F].

3. Par requête du 9 mars 2022, le syndicat Site CGT PCA [Localité 10], antérieurement affilié auxdites union et fédération, ainsi que MM. [C], [U] et [A] ont sollicité l'annulation de ces désignations en contestant toute exclusion de ce syndicat par l'union et la fédération.

Non-lieu à statuer sur le pourvoi

Après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile ;

4. Il résulte d'une jurisprudence établie de la Cour de cassation (Soc., 18 mai 2011, pourvoi n° 10-60.069, Bull. 2011, V, n° 125) que l'affiliation confédérale sous laquelle un syndicat a présenté des candidats au premier tour des élections des membres titulaires du comité d'entreprise constitue un élément essentiel du vote des électeurs et qu'il s'ensuit qu'en cas de désaffiliation après ces élections le syndicat ne peut continuer à se prévaloir des suffrages ainsi recueillis pour se prétendre représentatif.

5. La Cour de cassation en a déduit que, en cas de désaffiliation d'un syndicat ayant recueilli au moins 10 % des suffrages au premier tour des dernières élections professionnelles, la confédération ou l'une de ses fédérations ou unions à laquelle ce syndicat était auparavant affilié peut désigner un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'établissement. Cette désignation met fin au mandat du salarié désigné par ce syndicat avant sa désaffiliation (Soc., 6 mars 2019, pourvoi n° 18-15.238, publié au Bulletin ; Soc., 18 mai 2011, pourvoi n° 10-60.300, Bull. 2011, V, n° 121). De même, en cas de désaffiliation de l'organisation syndicale ayant procédé à la désignation d'un délégué syndical, le mandat de ce délégué peut être révoqué par la confédération syndicale, la fédération ou l'union à laquelle le syndicat désignataire était affilié (Soc., 16 octobre 2013, pourvoi n° 12-60.281, Bull. 2013, V, n° 241).

6. Il en résulte qu'un syndicat, qui s'est désaffilié de la confédération sous le sigle de laquelle il avait présenté des candidats lors des dernières élections professionnelles, est irrecevable à contester la désignation de représentants syndicaux par la fédération ou par un syndicat affilié à la fédération appartenant à cette même confédération.

7. Il résulte des pièces communiquées par la fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et l'union départementale des syndicats CGT des Yvelines par mémoire complémentaire du 20 décembre 2022 que le syndicat Site CGT PCA [Localité 10] a voté, lors de son congrès extraordinaire du 11 décembre 2022, son affiliation à l'union fédérale SUD Industrie.

8. Dès lors, la demande d'annulation des désignations opérées par le syndicat CGT Stellantis [Localité 10] au regard des statuts de la confédération CGT étant devenue sans objet, il n'y a pas lieu de statuer sur le pourvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU A STATUER.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Rapprochement(s) :

Sur les conséquences de la désaffiliation d'un syndicat après les élections, à rapprocher : Soc., 6 mars 2019, pourvoi n° 18-15.238, Bull., (cassation partielle), et les arrêts cités.

Soc., 1 juin 2023, n° 21-22.890, n° 21-22.903, n° 21-22.909, n° 21-22.910, n° 21-22.857, n° 21-22.860, n° 21-22.861, n° 21-22.867, n° 21-22.873, n° 21-22.874 et suivants, (B), FS

Cassation partielle

Règles communes – Contrat de travail – Licenciement – Mesures spéciales – Autorisation administrative – Annulation – Préjudice – Réparation – Indemnités – Domaine d'application – Exclusion – Illégalité de l'autorisation administrative de licenciement – Portée

Selon l'article L. 2422-4 du code du travail, lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. Ces dispositions ne sont pas applicables quand la décision administrative autorisant le licenciement, sur renvoi préjudiciel du juge judiciaire, est déclarée illégale par le juge administratif ou lorsque le juge judiciaire accueille, au vu d'une jurisprudence établie, la contestation du salarié portant sur la légalité de l'autorisation de licenciement. Doivent en conséquence être censurés les arrêts qui, pour chaque salarié, fixent au passif de la liquidation judiciaire une somme à titre d'indemnité d'éviction pour la période s'étendant du licenciement jusqu'à l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, alors que l'autorisation administrative de licenciement définitive n'avait pas été annulée mais était illégale ensuite de l'annulation, par arrêt d'une cour administrative d'appel de la décision de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi de la société.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-22.857, 21-22.860, 21-22.861, 21-22.867, 21-22.873, 21-22.874, 21-22.877, 21-22.878, 21-22.882, 21-22.883, 21-22.887, 21-22.890, 21-22.903, 21-22.909 et 21-22.910, sont joints.

Déchéance partielle des pourvois

2. Il résulte de l'article 978 du code de procédure civile qu'à peine de déchéance du pourvoi, le mémoire en demande doit être signifié au défendeur n'ayant pas constitué avocat au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai de quatre mois à compter du pourvoi.

3. Les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV se sont pourvues en cassation le 22 septembre 2021 contre des décisions rendues le 7 juillet 2021 par la cour d'appel de Reims, lesquelles ont condamné l'une des parties au remboursement de sommes à Pôle emploi.

Les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV n'ont pas signifié à Pôle emploi, qui n'a pas constitué avocat, le mémoire ampliatif.

4. Il y a lieu, dès lors, de constater la déchéance des pourvois en tant qu'ils sont dirigés contre Pôle emploi.

Faits et procédure

5. Selon les arrêts attaqués (Reims, 7 juillet 2021), la société Bosal le Rapide, filiale de la société Bosal holding France, appartenait au groupe Bosal dont la société tête de groupe est la société Bosal Nederland BV.

6. Par jugement du 24 septembre 2013, un tribunal de commerce a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Bosal le Rapide, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 25 février 2014.

7. Par décision du 7 mars 2014, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a homologué le document unilatéral arrêtant le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) qui lui était soumis par les mandataires judiciaires. Ces derniers ont notifié aux salariés protégés leur licenciement pour motif économique, le 8 avril 2014, après autorisation de l'inspection du travail.

8. Par arrêt du 9 décembre 2014, une cour administrative d'appel a annulé le jugement du tribunal administratif du 8 juillet 2014 et la décision de la DIRECCTE du 7 mars 2014.

Les recours formés à l'encontre de cette décision ont été rejetés par arrêt du Conseil d'Etat du 15 mars 2017.

9. M. [Z] et quatorze autres salariés, ayant exercé des mandats représentatifs au sein de la société Bosal le Rapide, ont saisi la juridiction prud'homale en contestation du bien-fondé de leur licenciement, puis en reconnaissance de la qualité de coemployeurs des sociétés Bosal Nederland BV et Bosal holding France (les sociétés) et, subsidiairement, en responsabilité extracontractuelle.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches

10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, qui est préalable

Enoncé du moyen

11. Les sociétés font grief aux arrêts de les condamner in solidum, avec la société Bosal le Rapide, à payer aux salariés des dommages-intérêts pour perte injustifiée de leur emploi, alors « que le principe de séparation des pouvoirs interdit au juge judiciaire de se prononcer sur la légalité d'une autorisation administrative de licenciement et sur le caractère réel et sérieux du motif du licenciement fondé sur une telle autorisation ; qu'en l'espèce, il est constant que les salariés, qui avaient la qualité de salariés protégés, n'ont pas contesté l'autorisation de licenciement sur laquelle leur licenciement était fondé ; qu'en jugeant néanmoins qu'ils devaient bénéficier d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison de l'insuffisance des recherches de reclassement des liquidateurs judiciaires de la société Bosal le Rapide, ainsi que d'une indemnité d'éviction, au motif erroné que l'annulation de la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi emporte annulation de l'autorisation de licenciement, la cour d'appel a méconnu le principe de séparation des pouvoirs, ensemble la loi des 16-24 août 1790. »

Réponse de la Cour

12. Si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal (Tribunal des conflits, 17 octobre 2011, pourvoi n° 11-03.828, Bull. 2011, T. conflits, n° 24).

13. Selon une jurisprudence constante du Conseil d'État (CE, 19 juillet 2017, n° 291849, publié au recueil Lebon) lorsque le licenciement pour motif économique d'un salarié protégé est inclus dans un licenciement collectif qui requiert l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'inspecteur du travail saisi de la demande d'autorisation de ce licenciement, ou au ministre chargé du travail statuant sur recours hiérarchique, de s'assurer de l'existence, à la date à laquelle il statue sur cette demande, d'une décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, à défaut de laquelle l'autorisation de licenciement ne peut légalement être accordée. Il en résulte que l'annulation, pour excès de pouvoir, d'une décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi entraîne, par voie de conséquence, l'illégalité des autorisations de licenciement accordées, à la suite de cette validation ou de cette homologation, pour l'opération concernée.

14. La cour d'appel, qui a constaté que la décision de la DIRECCTE du 7 mars 2014 d'homologation du document unilatéral arrêtant le plan de sauvegarde de l'emploi avait été annulée par arrêt devenu définitif du 9 décembre 2014, ce dont il ressortait que les autorisations de licenciement des salariés protégés accordées par l'inspecteur du travail étaient illégales, en a exactement déduit qu'elle pouvait se prononcer sur la cause réelle et sérieuse de leur licenciement.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en ses troisième à septième branches

Enoncé du moyen

16. Les sociétés font grief aux arrêts de les débouter de leurs demandes tendant à écarter leur responsabilité extracontractuelle respective, de les condamner in solidum, avec la société Bosal le Rapide, à payer aux salariés des dommages-intérêts pour perte injustifiée de leur emploi, de les condamner in solidum à payer à chaque salarié une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à l'AGS CGEA d'[Localité 21] des dommages-intérêts représentant le montant des avances consenties aux salariés, et le montant de l'indemnité d'éviction, alors :

« 3°/ que le juge doit caractériser le lien entre la méconnaissance de l'engagement de la société mère à l'égard de sa filiale et la déconfiture de cette dernière, pour pouvoir lui imputer les conséquences préjudiciables de cette déconfiture ; qu'en l'espèce, il est constant que l'ensemble des coûts générés par le PSE mis en oeuvre en 2011 et 2012 par la société Bosal le Rapide a été couvert par les sommes avancées par le groupe et qu'aucune société du groupe n'avait jamais demandé le remboursement de ces sommes à la société Bosal le Rapide ; que, lorsque la société Bosal le Rapide s'est retrouvée en état de cessation des paiements, elle a simplement inscrit à son passif la créance des sociétés du groupe ; qu'en se bornant à affirmer, à la suite du conseil de prud'hommes, que la société Bosal holding France a « porté l'estocade à sa filiale, la conduisant à sa déconfiture, puis à sa liquidation judiciaire » « en procédant à l'inscription d'une créance de 4 800 991 euros au passif exigible déclaré de la société Bosal le Rapide, contrairement à son précédent engagement », sans faire ressortir le lien entre l'inscription d'une créance, existant dans les comptes de la société Bosal le Rapide, au passif de cette dernière et la déconfiture puis la liquidation judiciaire de cette dernière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

4°/ que l'état de cessation des paiements résulte de l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ; qu'en l'espèce, il ressort de la déclaration de cessation des paiements établie le 20 septembre 2013 par la société Bosal le Rapide que sa trésorerie s'élevait à seulement 130 539 euros, tandis que son passif exigible s'élevait, hors dettes à l'égard du groupe, à la somme de 1 179 795 euros ; qu'en conséquence, l'inscription de la créance du groupe au titre du passif exigible avait été sans incidence sur l'état de cessation des paiements de la société Bosal le Rapide et, partant, sur l'engagement d'une procédure de redressement judiciaire, puis sur la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide ; qu'en se fondant par motifs adoptés, sur le bilan économique, social et environnemental établi par l'administrateur qui comparait la totalité de « l'actif déclaré », et non seulement l'actif disponible, au passif exigible, hors créance à l'égard du groupe, pour conclure que l'inscription de la créance du groupe avait eu une incidence sur l'ouverture d'une procédure collective, la cour d'appel s'est fondée sur un motif impropre à caractériser le lien entre le prétendu reniement de l'engagement allégué de la société Bosal holding France de financer le PSE de 2011/2012 avec l'ouverture de la procédure collective de la société Bosal le Rapide ; qu'elle a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-1 du code de commerce et des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 ;

5°/ que le juge doit caractériser le lien entre la méconnaissance de l'engagement de la société mère à l'égard de sa filiale et la déconfiture de cette dernière, pour pouvoir lui imputer les conséquences préjudiciables de cette déconfiture ; qu'en l'espèce, les sociétés exposantes soulignaient qu'il ressort du bilan économique, social et environnemental établi par les administrateurs judiciaires de la société Bosal le Rapide, comme du jugement du tribunal de commerce de Reims du 24 février 2014, que la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide a été prononcée en raison d'une part, de l'insuffisance du chiffre d'affaires entraînant des pertes de plus de 900 000 euros au titre des neuf premiers mois de l'exercice 2013 et de l'absence de perspective de retournement qui plaçaient la société Bosal Le Rapide dans l'incapacité de présenter un plan de redressement, et, d'autre part, de l'absence d'offre de reprise satisfaisante ; que le tribunal correctionnel avait ainsi retenu, pour écarter les délits de banqueroute et de complicité de banqueroute dont la société mère du groupe et ses dirigeants étaient prévenus, que « la situation de Bosal le Rapide s'est dégradée au cours de l'année 2013 du fait de la situation du marché de l'automobile et de la perte de deux contrats avec les groupes Renault et Peugeot », et non des agissements prêtés aux dirigeants du groupe ; que la dette de la société Bosal le Rapide à l'égard du groupe Bosal n'a en conséquence eu aucune incidence sur la décision du tribunal de prononcer sa liquidation judiciaire ; qu'en se bornant cependant à reprendre l'affirmation péremptoire du premier juge selon laquelle l'inscription d'une créance de 4,8 millions d'euros au passif exigible déclaré de la société Bosal le rapide avait « provoqué » non seulement l'état de cessation des paiement de la société Bosal le Rapide, mais aussi « la déconfiture et la liquidation judiciaire » de cette dernière, sans expliquer en quoi l'inscription au passif exigible de la société Bosal le Rapide de cette créance, dont aucune des sociétés du groupe n'a jamais demandé le remboursement, avait pu provoquer ou même concourir à provoquer la liquidation judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

6°/ que le juge doit caractériser le caractère fautif des agissements de la société mère à l'égard de sa filiale, la seule affirmation que des décisions sont prises dans le seul intérêt de la société mère étant insuffisant à l'établir ; qu'en l'espèce, les sociétés exposantes soutenaient, en s'appuyant notamment sur les pièces de la procédure pénale et le jugement du tribunal correctionnel de Reims du 8 septembre 2017, que la cession intervenue en décembre 2012 d'une partie de l'outil de production de la société Bosal le Rapide, puis la location d'une partie de ces machines à cette dernière, avaient été décidées dans l'intérêt exclusif de la société Bosal le Rapide, pour lui fournir des liquidités ; qu'elles soulignaient que le prix de rachat des machines (400 000 euros) était bien supérieur à la valeur du matériel cédé, qui avait été évalué moins d'un an plus tard par le commissaire-priseur désigné à l'ouverture de la procédure collective à 105 500 euros et que les loyers fixés, qui constituaient une charge déductible pour la société Bosal le rapide, n'étaient pas déraisonnables ; qu'en se bornant cependant à relever, pour affirmer que « les sociétés Bosal Nederland BV et Bosal holding France ont, dans leur seul intérêt respectif d'actionnaire, préjudiciable à la société Bosal le Rapide, concouru à la déconfiture de leur filiale », qu'elles ont « racheté à la société Bosal le Rapide l'ensemble de ses machines, le 22 décembre 2012, pour la somme de 400 000 euros pour établir quelques jours plus tard un bail à son profit, portant sur le même matériel de production, à raison de 6 000 euros mensuels », sans expliquer en quoi ces mesures auraient été prises dans leur seul intérêt et auraient été préjudiciables à leur filiale, ce qui aurait supposé de mettre en évidence le caractère vil du prix de cession ou le montant excessif du loyer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

7°/ qu'en relevant encore, pour affirmer que « les sociétés Bosal Nederland BV et Bosal holding France ont, dans leur seul intérêt respectif d'actionnaire, préjudiciable à la société Bosal le Rapide, concouru à la déconfiture de leur filiale », qu'au loyer des machines louées à la société Bosal le Rapide s'ajoutaient « les créances du groupe liées notamment aux fournitures de matières premières, honoraires de prestations de services, prêts de trésorerie et intérêts », sans faire ressortir le caractère injustifié ou excessif de ces facturations, ni leur incidence sur la situation économique de la société Bosal le Rapide, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

17. Selon l'article 1382, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

18. La cour d'appel a, d'abord, constaté que lors de l'établissement du précédent plan de sauvegarde de l'emploi de 2012 au sein de la société Bosal le Rapide, établi à l'occasion de la restructuration de son activité, la société Bosal holding France s'était engagée, par courrier du 16 novembre 2011, auprès du commissaire aux comptes, à compléter la trésorerie de sa filiale, afin de couvrir les coûts du PSE pour un maximum de 5 000 000 euros. Elle a, ensuite, relevé qu'en procédant à l'inscription d'une créance de 4 800 991 euros au passif exigible déclaré de la société Bosal le Rapide, contrairement à ce précédent engagement, la société Bosal Nederland BV via la société Bosal holding France avait porté l'estocade à sa filiale, la conduisant à sa déconfiture, puis à sa liquidation judiciaire.

19. De ces constatations et appréciations, elle a pu déduire, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les sixième et septième branches, que ces deux sociétés avaient ainsi commis une faute ayant concouru à la liquidation judiciaire de leur filiale et à la disparition des emplois qui en était résultée, et qui ouvrait droit à indemnisation.

20. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

21. Les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV font grief aux arrêts de les condamner in solidum, avec la société Bosal le Rapide, à payer aux salariés des dommages-intérêts pour perte injustifiée de leur emploi, alors « que le principe de la réparation intégrale interdit de mettre à la charge de l'auteur d'une faute délictuelle l'indemnisation d'un préjudice sans lien de causalité avec cette faute ; que le tiers qui, par sa faute, concourt à la déconfiture d'une société ne peut avoir à réparer l'ensemble des conséquences préjudiciables de cette liquidation, mais uniquement celles qui découlent de sa faute ; que s'il est tenu de réparer la perte de chance, pour les salariés, de conserver un emploi, il ne peut être tenu de réparer la perte injustifiée de leur emploi résultant des irrégularités de la procédure suivie par le liquidateur judiciaire ou d'un manquement du liquidateur à l'obligation de reclassement ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations des arrêts attaqués que les licenciements des salariés étaient entachés d'une double irrégularité, en raison, d'une part, de l'annulation de la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi fondée sur une irrégularité de la procédure de consultation du comité d'entreprise menée par les liquidateurs de la société Bosal le Rapide et, d'autre part, du manque de précision des recherches de reclassement effectuées par ces mêmes liquidateurs judiciaires ; qu'en condamnant cependant les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV, qui n'avaient pas la qualité de coemployeur, avec la société Bosal le Rapide, à payer aux salariés des dommages-intérêts pour perte injustifiée de leur emploi, quand la faute qui leur était reprochée était d'avoir « concouru » à la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide, de sorte qu'elles ne pouvaient tout au plus avoir à réparer qu'une perte de chance pour les salariés de conserver leur emploi, et non la perte injustifiée de leur emploi résultant des fautes commises par les liquidateurs, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

22. Il résulte des articles 1147, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1382, devenu 1240, du code civil, que chacun des responsables d'un même dommage doit être condamné à le réparer en totalité, peu important que leurs responsabilités résultent d'obligations distinctes et sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il peut être procédé entre eux, qui n'affecte pas l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée.

23. La cour d'appel, qui a relevé que la faute commise par les sociétés Bosal Nederland BV et Bosal holding France en inscrivant une créance au passif exigible de la société Bosal le Rapide avait concouru à la liquidation judiciaire de leur filiale et à la disparition des emplois qui en était résultée, en a exactement déduit que la responsabilité extracontractuelle des sociétés Bosal Nederland BV et Bosal holding France étant établie, celles-ci étaient redevables à l'endroit des salariés de dommages-intérêts, en réparation du préjudice fondé sur la perte injustifiée de leur emploi, quand bien même cette demande reposerait sur un fondement juridique différent de ceux retenus à l'endroit de l'employeur.

24. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen relevé d'office

25. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 2422-4 du code du travail :

26. Aux termes de ce texte, lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration.

27. Il en résulte que ces dispositions ne sont pas applicables quand la décision administrative autorisant le licenciement, sur renvoi préjudiciel du juge judiciaire, est déclarée illégale par le juge administratif ou lorsque le juge judiciaire accueille, au vu d'une jurisprudence établie, la contestation du salarié portant sur la légalité de l'autorisation de licenciement. Il appartient dans ce cas au juge judiciaire, après avoir statué sur la cause réelle et sérieuse de licenciement, de réparer le préjudice subi par le salarié, si l'illégalité de la décision d'autorisation est la conséquence d'une faute de l'employeur.

28. Après avoir retenu que les salariés avaient été licenciés en vertu d'une autorisation administrative illégale ensuite de l'annulation, par arrêt d'une cour administrative d'appel du 9 décembre 2014, de la décision de la DIRECCTE du 7 mars 2014 d'homologation du PSE, les arrêts fixent, pour chacun d'eux, au passif de la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide une somme à titre d'indemnité d'éviction pour la période s'étendant du licenciement jusqu'à l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt du 9 décembre 2014 et condamnent in solidum les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV à payer à l'AGS CGEA d'[Localité 21], des dommages-intérêts représentant le montant de l'indemnité d'éviction.

29. En statuant ainsi, alors que l'autorisation administrative de licenciement définitive n'avait pas été annulée mais était illégale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

30. Les sociétés font grief aux arrêts de les condamner in solidum à payer à l'AGS CGEA d'[Localité 21] des dommages-intérêts représentant le montant des avances consenties aux salariés, alors « qu'en condamnant les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV à réparer le préjudice subi par l'AGS CGEA, correspondant au montant des avances consenties aux salariés, après avoir pourtant écarté la demande des salariés tendant à voir attribuer la qualité de coemployeur à ces deux sociétés, la cour d'appel a ainsi fait peser sur les sociétés exposantes la réparation d'un préjudice sans lien de causalité direct avec les fautes qui leur étaient imputées, et a violé les articles 1382 et 1383 du code civil dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

31. Les liquidateurs de la société Bosal le Rapide contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est nouveau.

32. Cependant le moyen fondé sur le lien de causalité entre la faute imputée aux sociétés et le préjudice invoqué par l'AGS CGEA était inclus dans le débat devant la cour d'appel.

33. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

34. Après avoir relevé que la société Bosal Nederland BV, par l'entremise de la société Bosal holding France, avait manqué à son engagement de financer le plan social de l'emploi de 2012 de la société Bosal le Rapide, et par cette faute contribué à la déconfiture de l'employeur et à la perte des emplois, les arrêts retiennent que les créances fixées au profit de chaque salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide doivent être garanties par l'AGS CGEA. Ils ajoutent que les avances consenties à chaque salarié par l'AGS CGEA constituent le montant des dommages-intérêts au paiement desquels elles sont condamnées in solidum avec l'employeur, en indemnisation du préjudice effectivement subi par l'AGS CGEA, de sorte que, in fine, les sociétés Bosal Nederland BV et Bosal holding France prendront, in solidum entre elles, en charge l'intégralité de la contribution à la dette.

35. En statuant ainsi, en se fondant sur la responsabilité extracontractuelle des sociétés sans caractériser ni le préjudice subi par l'AGS CGEA ni, à le supposer établi, le lien de causalité entre ce préjudice et la faute retenue à l'encontre des sociétés, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

36. La cassation du chef de dispositif des arrêts condamnant in solidum les sociétés à payer à l'AGS CGEA des dommages-intérêts représentant le montant de l'indemnité d'éviction et des avances consenties aux salariés, emporte la cassation du chef de dispositif fixant au passif de la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide, pour chacun des salariés, une somme au titre de l'indemnité d'éviction, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

37. En revanche, elle n'emporte pas cassation des chefs de dispositif des arrêts condamnant les sociétés aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à leur l'encontre et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CONSTATE la déchéance des pourvois en tant qu'ils sont dirigés contre Pôle emploi ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils fixent au passif de la liquidation judiciaire de la société Bosal le Rapide, pour chacun des salariés, une somme au titre de l'indemnité d'éviction et condamne in solidum les sociétés Bosal holding France et Bosal Nederland BV à payer à l'AGS CGEA d'[Localité 21] des dommages-intérêts représentant le montant de l'indemnité d'éviction allouée à chacun des salariés et des dommages-intérêts représentant le montant des avances consenties à chacun d'eux, les arrêts rendus le 7 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Grandemange - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 2422-4 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'exclusion de l'application des dispositions de l'article L. 2422-4 du code du travail lorsque la décision administrative autorisant le licenciement est déclarée illégale, à rapprocher : Soc., 26 septembre 2007, pourvoi n° 05-45.665, Bull. 2007, V, n° 137 (cassation partielle) ; Soc., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-12.471, Bull., (2) (cassation partielle sans renvoi). Sur l'illégalité des autorisations de licenciement en cas d'annulation, pour excès de pouvoir, d'une décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, cf : CE, 19 juillet 2017, n° 391849, publié au Recueil Lebon. Sur la possibilité pour le juge judiciaire de ne pas saisir le juge administratif par voie de question préjudicielle en cas de contestation de la légalité d'un acte administratif : Soc., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-12.471, Bull., (1) (cassation partielle sans renvoi), et l'arrêt cité.

Soc., 1 juin 2023, n° 21-21.191, (B), FS

Cassation partielle

Règles communes – Contrat de travail – Licenciement – Mesures spéciales – Inobservation – Indemnisation – Montant – Cas – Arrêt de travail pour maladie pendant la période d'éviction – Calcul – Assiette – Salaire moyen des douze derniers mois perçu avant l'arrêt de travail

En application des articles L. 1132-1, L. 2411-1 et L. 2411-2 du code du travail, dans leur rédaction applicable, lorsque le salarié protégé licencié sans autorisation administrative de licenciement a été en arrêt de travail pour maladie pendant la période d'éviction, la rémunération à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur est le salaire moyen des douze derniers mois perçu avant l'arrêt de travail.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la Société de Distribution automobiles creusoise (SODAC) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 14 juin 2021), M. [C], engagé en qualité de vendeur automobile le 9 juin 1992 par la société Daraud, a été promu par la suite conseiller des ventes.

Le 15 avril 2015, la société Daraud a été reprise par la société Les grands garages de la Creuse, devenue la société Distribution automobile creusois (la société DAC).

Le 12 juin 2015, le salarié a été élu délégué du personnel suppléant.

3. Par acte du 9 mai 2017, la Société de Distribution automobiles creusoise (la société SODAC) a racheté le fonds de commerce de la société DAC. Celle-ci a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Châteauroux du 14 novembre 2018, qui a désigné la société Zanni, prise en la personne de M. Zanni, en qualité de mandataire liquidateur.

4. Placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 4 septembre 2017, le salarié a été déclaré inapte à son poste de travail lors d'une visite de reprise du 4 avril 2018, puis licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement le 27 avril 2018.

5. Invoquant la violation de son statut protecteur, le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 5 mars 2019, de demandes tendant à la nullité de son licenciement prononcé sans autorisation administrative préalable et au paiement de sommes subséquentes formées à l'encontre de la société SODAC, laquelle a appelé en la cause la société DAC, représentée par son mandataire liquidateur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris sa seconde branche

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société SODAC fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié certaines sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et au titre de la violation de son statut protecteur, alors « que prive le délégué du personnel licencié du bénéfice du statut protecteur le silence sciemment conservé sur l'existence d'un mandat que l'employeur peut légitimement ignorer ; qu'en l'espèce, la SODAC avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que M. [C] ne pouvait se prévaloir à l'appui de sa demande tendant à voir juger son licenciement nul, d'un mandat de délégué du personnel suppléant dont l'existence avait été occultée par l'entreprise cédante lors de son transfert et qu'il lui avait lui-même dissimulé en s'abstenant volontairement, tout au long de l'exécution de son contrat de travail, d'exercer les attributions que ce mandat lui avait confiées dans l'intérêt de la collectivité des salariés ; qu'en déclarant cependant le licenciement de M. [C] nul pour violation du statut protecteur au motif inopérant que "... son silence ou son abstention ne pouvant valoir renoncement à son statut protecteur », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1 et L. 2411-2° du code du travail. »

Réponse de la Cour

8. Aux termes de l'article L. 2314-28, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, telle que mentionnée à l'article L. 1224-1, le mandat des délégués du personnel de l'entreprise ayant fait l'objet de la modification subsiste lorsque cette entreprise conserve son autonomie juridique.

9. L'article L. 2411-5 du même code, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, dispose que le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail.

10. Ayant retenu qu'à la suite du transfert de l'entité économique de la société DAC vers la société SODAC, l'entreprise avait conservé son autonomie juridique, ce qui emportait le maintien du mandat de délégué du personnel suppléant du salarié, lequel venait à échéance le 12 juin 2019, la cour d'appel, qui en a déduit que le statut protecteur du salarié imposait à la société SODAC de solliciter auprès de l'inspecteur du travail l'autorisation préalable de le licencier, peu important que l'acte de cession ne fasse pas mention de ce mandat et que le salarié n'en ait pas fait état auprès d'elle, a légalement justifié sa décision.

Sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

11. La société SODAC fait grief à l'arrêt de la renvoyer à mieux se pourvoir auprès du tribunal de commerce pour toutes les demandes formées à l'encontre de la société DAC représentée par son mandataire liquidateur, alors :

« 1°/ que le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient ; que saisi par un salarié protégé après transfert de son contrat de travail d'une demande de nullité de son licenciement dirigée contre l'employeur cessionnaire, le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître de la demande en garantie dirigée par ce dernier contre l'ancien employeur en raison des irrégularités de l'acte de cession ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1224-1, L. 1224-2 et L. 1411-1 du code du travail ;

2°/ subsidiairement, qu'un tiers peut être mis en cause par une partie qui y a intérêt afin de lui rendre le jugement commun ; que ni l'article L. 1411-1 du code de procédure civile, ni les articles 331 et 332 du code de procédure civile ne s'opposent à ce que l'employeur ayant cédé l'entité économique à laquelle était attaché le contrat de travail du salarié protégé transféré soit mis en cause devant le conseil de prud'hommes afin de lui rendre le jugement commun lorsque le cessionnaire excipe de l'absence de mention du mandat dans l'acte de cession ; qu'en se déclarant incompétente pour statuer sur la demande subsidiaire formée devant elle par la SOCAC aux fins de « déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à la SCP Olivier Zanni en qualité de liquidateur judiciaire de la société Distribution automobile creusois », la cour d'appel a violé par refus d'application les articles 331 et 332 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 1411-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

12. Aux termes de l'article 51 du code de procédure civile, le tribunal judiciaire connaît de toutes les demandes incidentes qui ne relèvent pas de la compétence exclusive d'une autre juridiction. Sauf disposition particulière, les autres juridictions ne connaissent que des demandes incidentes qui entrent dans leur compétence d'attribution.

13. L'article L. 1411-1, alinéa 1, du code du travail dispose que le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.

14. Il en résulte que, si le conseil de prud'hommes est seul compétent pour connaître du litige opposant un salarié protégé à la société cessionnaire à laquelle a été transféré le contrat de travail de ce dernier, sa compétence ne peut être étendue au différend opposant la société cessionnaire à la société cédante fondé sur l'absence alléguée de mention dans l'acte de cession de l'existence du mandat du salarié.

15. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

16. Le salarié fait grief à l'arrêt de condamner la société SODAC à lui verser une certaine somme au titre de la violation du statut protecteur de délégué du personnel suppléant, avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2019 pour la somme due à cette date et à compter de chaque échéance mensuelle pour celles dues postérieurement et capitalisables annuellement en application de l'article 1343-2 du code civil, alors « que le salarié, titulaire d'un mandat de représentant du personnel, licencié sans autorisation administrative et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, au titre de la violation de son statut protecteur, au paiement d'une indemnité égale à la rémunération qu'il aurait dû percevoir depuis la date de prise d'effet de la rupture jusqu'à l'expiration de la période de protection résultant du mandat en cours à la date de la rupture, dans la limite de trente mois ; que cette indemnité, qui est forfaitaire, est due au salarié peu important son préjudice réel et, sauf à créer une discrimination fondée sur l'état de santé, sans que puissent être pris en compte l'arrêt de travail ou l'inaptitude du salarié intervenus pendant la période d'éviction ; qu'il s'ensuit que lorsque le salarié était placé en arrêt de travail ou déclaré inapte pendant la période d'éviction, l'assiette de calcul de l'indemnité pour violation du statut protecteur est la rémunération moyenne, commissions comprises, perçue par ce salarié avant son arrêt de travail ; qu'en l'espèce, en retenant, pour calculer l'indemnité pour violation du statut protecteur due à M. [C], la moyenne des rémunérations perçue hors commissions sur les douze mois précédant la rupture du contrat de travail motif pris qu'il était placé en arrêt de travail et déclaré inapte dès avant la période d'éviction, alors qu'il lui appartenait de prendre en compte la rémunération moyenne, commissions comprises, perçue avant l'arrêt de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1235-3-1, ensemble l'article L. 1132-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, L. 2411-1 et L. 2411-2 du même code, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 :

17. En application du premier de ces textes, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de son état de santé.

18. Il résulte des articles L. 2411-1 et L. 2411-2, dans leur rédaction applicable, que le licenciement d'un délégué du personnel, sans autorisation administrative de licenciement ou malgré refus d'autorisation de licenciement, ouvre droit à ce dernier à une indemnité pour violation du statut protecteur.

19. La sanction de la méconnaissance par l'employeur du statut protecteur d'un représentant du personnel, illégalement licencié et qui ne demande pas sa réintégration, est la rémunération que le salarié aurait dû percevoir depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection résultant du mandat en cours à la date de la rupture, dans la limite de trente mois.

20. Lorsque le salarié protégé a été en arrêt de travail pour maladie pendant la période d'éviction, la rémunération à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur est le salaire moyen des douze derniers mois perçu avant l'arrêt de travail.

21. Pour allouer au salarié une certaine somme au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur, l'arrêt retient que le salarié est en droit de prétendre à la rémunération qu'il aurait perçue entre son licenciement jusqu'à l'issue de la période de protection, soit entre le 27 avril 2018 et le 12 décembre 2019, que durant cette période, selon avis du médecin du travail du 4 avril 2018, l'état de santé du salarié faisait obstacle à toute reprise du travail et à tout reclassement au sein de l'entreprise, qu'ainsi ce dernier ne peut prétendre qu'à une indemnisation égale à la moyenne des rémunérations qu'il a perçues, hors commissions, sur les douze mois précédant la rupture du contrat de travail et non à la moyenne des rémunérations qu'il a perçues sur les douze mois précédant son arrêt de travail.

22. En statuant ainsi, alors qu'elle devait prendre en considération la rémunération moyenne du salarié, incluant les commissions, perçue pendant les douze mois précédant son arrêt de travail pour maladie, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

23. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt condamnant la société SODAC au paiement d'une somme à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant cette société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la Société de Distribution automobiles creusoise (SODAC) à payer à M. [C] la somme brute de 70 073,29 euros au titre de la violation du statut protecteur, avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2019 pour la somme due à cette date et à compter de chaque échéance mensuelle pour celles dues postérieurement et capitalisables annuellement en application de l'article 1343-2 du code civil, l'arrêt rendu le 14 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SARL Le Prado - Gilbert ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles L. 1132-1, L. 2411-1 et L. 2411-2 du code du travail, dans leur rédaction applicable.

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