Numéro 6 - Juin 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2023

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

3e Civ., 22 juin 2023, n° 23-40.006, (B), FS

QPC - Irrecevabilité

Code de l'environnement – Article L. 322-9 – Violation alléguée de dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales – Question imprécise – Irrecevabilité

Faits et procédure

1. M. [O] occupe depuis 1995, sur le territoire de la commune des [Localité 4], des parcelles dénommées [Adresse 1], qui ont été acquises par le Conservatoire de l'Espace littoral et des rivages lacustres (le Conservatoire du littoral) le 31 mars 2005.

2. Par une délibération du 21 novembre 2013, le conseil d'administration du Conservatoire du littoral a classé ces parcelles dans son domaine propre.

3. Par jugement irrévocable du 15 mai 2019, le tribunal paritaire des baux ruraux a dit que M. [O] bénéficiait d'un bail rural depuis 1995.

4. Le 18 août 2020, le Conservatoire du littoral lui a notifié un congé portant refus de renouvellement du bail à effet au 31 mars 2022, que le preneur a contesté devant le tribunal paritaire des baux ruraux.

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

5. Les questions posées par M. [O] dans son mémoire distinct, déposé devant le tribunal paritaire des baux ruraux, sont ainsi rédigées :

« - Le principe du statut d'ordre public du fermage agricole est-il un principe fondamental reconnu par les lois de la République ?

 - Le cas échéant, les dispositions de l'article L. 322-9 du code de l'environnement sont-elles conformes à ce principe ?

 - Les dispositions de l'article L. 322-9 du code de l'environnement sont-elles conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit, spécifiquement les articles 4, 13 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'article premier du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 6, 8 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ? »

6. Toutefois, par jugement du 29 mars 2023, sans pour autant refuser de transmettre une partie de ces questions pour l'un des motifs prévus par les articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, le tribunal paritaire des baux ruraux a transmis des questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

« Le principe du statut d'ordre public du fermage agricole est-il un principe fondamental reconnu par les lois de la République ? Le cas échéant, les dispositions de l'article L. 322-9 du code de l'environnement sont-elles conformes à ce principe fondamental reconnu par les lois de la République compte tenu des valeurs qu'il protège ? »

7. Si les questions posées peuvent être reformulées par le juge à l'effet de les rendre plus claires ou de leur restituer leur exacte qualification, il n'appartient pas au juge d'en modifier l'objet ou la portée. Dans une telle hypothèse, il y a lieu de considérer que la Cour de cassation est régulièrement saisie et se prononce sur le renvoi des questions prioritaires de constitutionnalité telles qu'elles ont été soulevées dans le mémoire distinct produit devant la juridiction qui les lui a transmises.

Recevabilité des questions prioritaires de constitutionnalité

8. Par arrêt du 8 septembre 2022 (3e Civ., 8 septembre 2022, QPC n° 22-40.011), la Cour de cassation a déclaré irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité invoquant une atteinte portée par l'article L. 322-9 du code de l'environnement aux droits et libertés garantis par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, transmise par la même juridiction dans la même instance opposant les mêmes parties, aux motifs, d'une part, que la partie n'avait pas formulé de question dans son écrit distinct, d'autre part, que l'affaire n'avait pas été communiquée au ministère public qui n'est pas partie à l'instance.

9. Ces causes d'irrecevabilité ayant disparu, la Cour de cassation peut être, de nouveau, saisie de cette question prioritaire de constitutionnalité.

10. Cependant, en premier lieu, les questions prioritaires de constitutionnalité ne sont pas recevables en ce qu'elles allèguent la violation des articles 6, 8 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Protocole additionnel n° 1 à cette Convention.

11. En second lieu, les autres questions, dès lors qu'elles n'explicitent pas ce que recouvrirait le « principe du statut d'ordre public du fermage agricole », ni ne précisent les droits conférés par le statut du fermage, tel qu'institué par le titre Ier du livre IV du code rural et de la pêche maritime, dont le fermier entend se prévaloir, et dès lors qu'elles ne précisent pas en quoi la disposition législative critiquée porterait atteinte aux principes constitutionnels garantis par les articles 4, 13 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ne permettent pas à la Cour de cassation d'en vérifier le sens et la portée.

12. Ces questions prioritaires de constitutionnalité sont donc irrecevables.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE IRRECEVABLES les questions prioritaires de constitutionnalité.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Davoine - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SARL Delvolvé et Trichet -

Soc., 7 juin 2023, n° 22-22.920, (B), FS

QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Contrat de travail, exécution – Employeur – Discrimination entre salariés – Nationalité – Action en justice – Prescription – Principe de non-discrimination – Droit à un recours juridictionnel effectif – Caractères nouveau et sérieux – Défaut – Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Faits et procédure

1. M. [V], de nationalité marocaine, a été engagé, par la Société nationale des chemins de fer français (SNCF), en qualité de cheminot, le 11 octobre 1974. Il a été soumis à un régime statutaire particulier résultant du règlement PS 21, puis de l'annexe A1 du règlement PS 25, devenu RH 0254.

La relation contractuelle a cessé le 10 octobre 2000 et M. [V] a liquidé ses droits à la retraite le 1er janvier 2008.

La loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire a créé un groupe public ferroviaire comprenant notamment l'EPIC SNCF Mobilités, anciennement dénommé SNCF.

2. Estimant avoir été victime d'une discrimination en raison de sa nationalité, caractérisée notamment par une différence de traitement par rapport aux agents du cadre permanent relevant du statut de la SNCF, tant en ce qui a trait au déroulement de carrière qu'au régime de retraite qui lui a été appliqué, le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 22 décembre 2017, d'une action en indemnisation des préjudices résultant de la discrimination alléguée dirigée contre les sociétés SNCF, SNCF Voyageurs venant aux droits de SNCF Mobilités et SNCF Réseau.

3. Par jugement du 23 octobre 2020, le conseil de prud'hommes a déclaré son action irrecevable comme étant prescrite.

En appel, le salarié a dirigé ses demandes uniquement à l'encontre de la société SNCF Voyageurs.

Le Défenseur des droits a présenté des observations.

Par arrêt du 13 juillet 2022, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement.

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

4. A l'occasion du pourvoi qu'il a formé contre cet arrêt, M. [V] a, par trois mémoires distincts et motivés, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel trois questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

Première question

« L'article L. 1134-5, alinéa 1, du code du travail méconnaît-il le droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'il prévoit un délai de prescription de l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination relativement bref de cinq ans, sans prévoir de garanties suffisantes entourant le droit au recours, qui permettraient de le rendre effectif ?

L'article L. 1134-5, alinéa 1, du code du travail, méconnaît-il le principe de non-discrimination dans le travail, garanti par l'alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946, qui implique que les règles relatives à la prescription de l'action d'un salarié en réparation du préjudice résultant d'une discrimination soient entourées des garanties nécessaires afin qu'il soit effectivement protégé et indemnisé, en ce qu'il prévoit un délai de prescription de l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination relativement bref de cinq ans, sans prévoir de garanties suffisantes entourant le droit au recours, qui permettraient de rendre effective la protection des salariés contre le principe de non discrimination ? »

Deuxième question

« L'article L. 1134-5, alinéa 1, du code du travail, tel qu'il est interprété par la jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation, méconnaît-il le droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'il a pour conséquence de fixer le point de départ du délai de prescription de l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination continue tout au long de la carrière, à la rupture du contrat de travail et en ce qu'il exclut ainsi toute effectivité du recours en réparation de la discrimination subie en cas de révélation de celle-ci dans toute son étendue postérieurement au délai de cinq ans à compter de la rupture du contrat de travail ?

L'article L. 1134-5, alinéa 1, du code du travail, tel qu'il est interprété par la jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation méconnaît-il le principe de non-discrimination dans le travail, garanti par l'alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946, qui implique que les règles relatives à la prescription de l'action d'un salarié en réparation d'une discrimination soient entourées des garanties nécessaires afin qu'il soit effectivement protégé et indemnisé, en ce qu'il a pour conséquence de fixer le point de départ du délai de prescription de l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination continue tout au long de la carrière, à la rupture du contrat de travail, dès lors que le salarié a eu antérieurement connaissance d'une différence de statut, et en ce qu'il exclut ainsi toute réparation effective de la discrimination subie en cas de révélation de celle-ci dans son existence et toute son étendue postérieurement au délai de cinq ans à compter de la rupture du contrat de travail ? »

Troisième question

« L'article L. 1134-5, alinéa 1, du code du travail, tel qu'il est interprété par la jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation, méconnait-il le droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'il a pour conséquence de fixer le point de départ du délai de prescription de l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination continue dans les droits à la retraite au moment où le salarié se trouve en droit de prétendre à la liquidation de ses droits à pension et en ce qu'il exclut ainsi toute effectivité du recours en réparation de la discrimination subie en cas de révélation de celle-ci dans toute son étendue postérieurement au délai de cinq ans à compter du moment où il s'est trouvé en droit de prétendre à la liquidation de ses droits à pension ?

L'article L. 1134-5, alinéa 1, du code du travail, tel qu'il est interprété par la jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de cassation méconnait-il le principe de non-discrimination dans le travail, garanti par l'alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946, qui implique que les règles relatives à la prescription de l'action d'un salarié en réparation d'une discrimination soient entourées des garanties nécessaires afin qu'il soit effectivement protégé et indemnisé, en ce qu'il a pour conséquence de fixer le point de départ du délai de prescription de l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination continue dans les droits à la retraite au moment où le salarié se trouve en droit de prétendre à la liquidation de ses droits à pension, dès lors que le salarié a eu antérieurement connaissance d'une différence de régime de retraite, et en ce qu'il exclut ainsi toute réparation effective de la discrimination subie en cas de révélation de celle-ci dans son existence et toute son étendue postérieurement au délai de cinq ans à compter du moment où il s'est trouvé en droit de prétendre à la liquidation de ses droits à pension ? »

Examen de la recevabilité des deuxième et troisième questions prioritaires de constitutionnalité

5. Tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative, sous la réserve que cette jurisprudence ait été soumise à la juridiction suprême compétente.

6. Cependant, il n'existe pas, en l'état, de jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle l'article L. 1134-5, alinéa 1, du code du travail, serait interprété en ce qu'il aurait pour conséquence de fixer, dans tous les cas, le point de départ du délai de prescription de l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination continue tout au long de la carrière à date de la rupture du contrat de travail et celui du délai de prescription de l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination continue dans les droits à la retraite au moment où le salarié se trouve en droit de prétendre à la liquidation de ses droits à pension, les décisions invoquées (Soc. 29 mai 2019, pourvoi n° 18-20.018 ; Soc. 29 mai 2019, n° 18-14.491) s'étant bornées à approuver les motifs par lesquels la cour d'appel a, aux cas d'espèce, retenu ces deux dates comme constituant la date de la révélation de la discrimination au sens de l'article L. 1134-5, alinéa 1, du code du travail.

7. En conséquence, les deuxième et troisième questions prioritaires de constitutionnalité ne sont pas recevables.

Examen de la première question prioritaire de constitutionnalité

8. La disposition contestée est applicable au litige, qui concerne des demandes de réparation au titre d'une discrimination en raison de la nationalité en matière de déroulement de carrière et de retraite.

9. Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

10. Cependant, d'une part, la question posée, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

11. D'autre part, la question posée ne présente pas un caractère sérieux.

En effet, l'article L. 1134-5, alinéa 1, du code du travail, en établissant un délai de prescription de cinq ans en matière de discrimination, ne déroge pas au délai de prescription de droit commun fixé à la même durée par l'article 2224 du code civil et il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc., 31 mars 2021, pourvoi n° 19-22.557, publié au Bulletin ; Soc., 18 mai 2022, pourvoi n° 21-11.870 ; Soc., 19 octobre 2022, pourvoi n° 21-21.309) que, quand bien même le salarié fait état d'une discrimination ayant commencé lors d'une période atteinte par la prescription, l'action n'est pas prescrite dès lors que cette discrimination s'est poursuivie tout au long de la carrière en termes d'évolution professionnelle, tant salariale que personnelle, ce dont il résulte que le salarié se fonde sur des faits qui n'ont pas cessé de produire leurs effets avant la période non atteinte par la prescription, de sorte que le principe de non-discrimination à raison de la nationalité découlant de l'alinéa 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et le droit à un recours juridictionnel effectif garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ne sont pas méconnus.

12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT que les deuxième et troisième questions prioritaires de constitutionnalité sont irrecevables ;

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la première question prioritaire de constitutionnalité.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Lanoue - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Préambule de la Constitution, alinéa 5, du 27 octobre 1946 ; article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; article L. 1134-5, alinea 1, du code du travail.

Soc., 21 juin 2023, n° 23-40.007, (B), FS

QPC - Irrecevabilité

Travail réglementation, durée du travail – Travail de nuit – Recours par les entreprises du secteur de la distribution et du commerce alimentaire s'agissant de l'ouverture au public de nuit – Accord collectif – Article L. 3122-1 du code du travail – Liberté d'entreprendre – Caractère nouveau – Défaut – Irrecevabilité

L'article L. 3122-32 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, devenu l'article L. 3122-1 du même code après cette loi, a été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2014-373 QPC du 4 avril 2014 rendue par le Conseil constitutionnel.

Depuis cette décision, aucun changement de circonstances de droit n'est intervenu dans la mesure où les arrêts de la Cour de cassation (Crim., 2 septembre 2014, pourvoi n° 13-83.304 ; Soc., 24 septembre 2014, pourvoi n° 13-24.851, Bull. 2014, V, n° 205 ; Crim., 4 septembre 2018, pourvoi n° 17-83.674 ; Crim., 7 janvier 2020, pourvoi n° 18-83.074, Bull. ; Crim., 10 mars 2020, pourvoi n° 18-85.832 ; Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 18-24.130) n'ont fait que tirer les conséquences s'inférant des limitations encadrant le recours au travail de nuit.

Sous le couvert de critiquer l'interprétation de l'article L. 3122-1, anciennement L. 3122-32, du code du travail, la question posée se borne à contester ces arrêts.

Il s'ensuit que la question prioritaire de constitutionnalité est irrecevable.

Faits et procédure

1. Le 11 décembre 2019, un accord relatif au travail de nuit entre 21 heures et 22 heures 30 a été signé entre les syndicats CFDT et CFE-CGC et certains établissements de l'UES Monoprix, composée des sociétés LRMD, nouvellement dénommée Monoprix Holding, Monoprix,

Aux Galeries de la Croisette, Monoprix exploitation, et SMC et compagnie (les sociétés de l'UES Monoprix).

2. Le 7 février 2020, les syndicats Fédération CGT commerce distribution services et Fédération des employés et cadres force ouvrière ont fait assigner les signataires de l'accord devant la juridiction civile à l'effet d'obtenir son annulation et l'interdiction, sous astreinte, aux sociétés de l'UES Monoprix d'employer des salariés après 21 heures au sein des magasins situés hors zones touristiques internationales (ZTI) qu'elles exploitent.

3. Par jugement du 9 février 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a annulé l'accord litigieux et fait interdiction aux sociétés composant l'UES Monoprix d'employer, en application de cet accord, des salariés après 21 heures au sein des magasins qu'elles exploitent, situés hors ZTI, sous astreinte provisoire.

4. Le 10 mars 2021, les sociétés de l'UES Monoprix ont interjeté appel.

Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité

5. Par ordonnance du 30 mars 2023, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles a déclaré la question prioritaire de constitutionnalité recevable et a ordonné la transmission de la question suivante :

« La jurisprudence constante depuis 2014 de la chambre criminelle et de la chambre sociale de la Cour de cassation, retenant une interprétation de l'article L. 3122-1 (ancien article L. 3122-32) du code du travail, qui interdit de facto le recours au travail de nuit aux entreprises du secteur de la distribution et du commerce alimentaire s'agissant de l'ouverture au public de nuit, est-elle conforme à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? »

Examen de la question prioritaire de constitutionnalité

6. L'article L. 3122-1 du code du travail est applicable au litige, qui concerne la validité d'un accord collectif relatif au travail de nuit dans des sociétés exerçant l'activité de commerce alimentaire souhaitant ouvrir au public la nuit.

7. L'article L. 3122-32 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, devenu l'article L. 3122-1 du même code après cette loi, a été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2014-373 QPC du 4 avril 2014 rendue par le Conseil constitutionnel.

8. Depuis cette décision, aucun changement de circonstances de droit n'est intervenu dans la mesure où les arrêts de la Cour de cassation (Crim., 2 septembre 2014, pourvoi n° 13-83.304 ; Soc., 24 septembre 2014, pourvoi n° 13-24.851, Bull. 2014, V, n° 205 ; Crim., 4 septembre 2018, pourvoi n° 17-83.674 ; Crim., 7 janvier 2020, pourvoi n° 18-83.074, Bull. ; Crim., 10 mars 2020, pourvoi n° 18-85.832 ; Soc., 30 septembre 2020, pourvoi n° 18-24.130) n'ont fait que tirer les conséquences s'inférant des limitations encadrant le recours au travail de nuit.

9. Sous le couvert de critiquer l'interprétation de l'article L. 3122-1 (ancien article L. 3122-32) donnée par la Cour, la question posée se borne à contester ces arrêts.

10. Il s'ensuit que la question prioritaire de constitutionnalité est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DÉCLARE irrecevable la question prioritaire de constitutionnalité.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Techer - Avocat général : Mme Molina - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; article L. 3122-1 du code du travail.

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