Numéro 6 - Juin 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2023

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS

1re Civ., 7 juin 2023, n° 21-50.036, (B), FS

Cassation partielle

Notaire – Discipline – Sanction – Sanction amnistiée – Rappel d'une condamnation amnistiée – Interdiction – Effet

Aux termes de l'article 114, alinéa 1, du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

Il résulte des articles 133-9 du code pénal, 14, 17 et 23 de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie et 11 et 15 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie que les lois d'amnistie qui interdisent le rappel d'une condamnation amnistiée ne prévoient pas la nullité de l'acte contenant la mention prohibée et que seule la décision prenant en considération la condamnation amnistiée pour l'appréciation de la nouvelle peine encourt une telle nullité.

Viole ces textes la cour d'appel qui, pour annuler une assignation, retient que celle-ci évoque une sanction disciplinaire effacée par deux lois d'amnistie et que la prise en considération de la sanction effacée a influé sur la nouvelle sanction prononcée.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 23 mars 2021), un procureur de la République a engagé des poursuites disciplinaires à l'encontre de M. [C], notaire (le notaire), devant un tribunal judiciaire.

2. La cour d'appel a annulé l'assignation et le jugement déféré.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

4. Le procureur général près la cour d'appel de Poitiers fait grief à l'arrêt d'annuler le jugement déféré, alors « que, lorsque les décisions ont pu être annulées quand elles faisaient mention d'une sanction amnistiée, ce n'était pas sur l'appréciation de la culpabilité mais sur le constat qu'il résultait des motifs de la décision que la prise en considération de la décision amnistiée avait influé sur l'appréciation de la peine sanctionnant la nouvelle infraction poursuivie ; que lorsque la nullité est prononcée, c'est dans les situations où la sanction amnistiée a été déterminante dans l'appréciation de la nouvelle sanction ; qu'au contraire, la nullité n'est pas encourue lorsque la mention erronée n'a pas été déterminante ; que la cour a dénaturé le jugement prononcé le 1er septembre 2020 par le tribunal judiciaire des Sables d'Olonne ; que ce jugement n'évoque aucunement les faits de 1994 prétendument amnistiés dans son appréciation de la culpabilité du notaire sur les faits objets de la nouvelle poursuite ; que le jugement de première instance évoque les faits de 1994 uniquement dans le chapitre « sur la sanction » [...] ; que la cour a bien dénaturé les termes précis et clairs du jugement de première instance en prononçant son annulation par les motifs rappelés, le jugement n'ayant jamais évoqué les faits de 1994 avant la motivation sur la sanction et la motivation de la sanction n'a pas considéré comme déterminants la sanction de 1994 mais bien les nouveaux faits et la sanction de 2015 ; qu'en particulier la phrase partiellement citée dans l'arrêt montre dans la lecture in extenso du jugement que lorsque celui-ci écrit « dès fin 2016 il réitère des faits », cela se réfère aux faits sanctionnés en 2015 et non aux faits de 1994 ; que le grief formulé au moyen porte bien sur une dénaturation et non sur une remise en question de l'appréciation souveraine des juges du fond ; que la cour a violé les dispositions de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a constaté que la sanction disciplinaire prononcée le 15 septembre 1994 contre le notaire avait été effacée par les lois portant amnistie n° 95-884 du 3 août 1995 et n° 2002-1062 du 6 août 2002.

6. Elle a souverainement estimé, hors toute dénaturation, que le jugement déféré, en retenant que le notaire, sanctionné par la chambre des notaires en 1994 et en 2015, n'en avait pas tiré les conséquences, avait pris en considération la sanction effacée qui avait influé sur la nouvelle sanction prononcée.

7. Elle en a exactement déduit que le jugement devait être annulé.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. Le procureur général près la cour d'appel de Poitiers fait grief à l'arrêt d'annuler l'assignation délivrée au notaire, alors « que les nullités prévues par l'article 114 du code de procédure civile sont des nullités découlant de l'inobservation de formalités substantielles ou d'ordre public ; que le prononcé de la nullité de l'assignation au motif que celle-ci évoquerait des faits couverts par la loi d'amnistie n'entre pas dans les prévisions de l'article 114 du code de procédure civile, les articles 133-9 et 133-11 du code pénal, à supposer que les faits puissent être considérés comme amnistiés, ne permettent pas d'annuler l'assignation du procureur de la République ; que si l'article 133-9 du code pénal pose le principe de l'effacement des faits amnistiés, l'article 133-11 du code pénal fixe les conditions dans lesquelles s'applique l'interdiction d'évoquer des faits amnistiés sans pour autant que cette évocation entraîne la nullité de l'acte, sauf quand il résulte des motifs de la décision que la prise en considération de la condamnation amnistiée a influé sur l'appréciation de la peine sanctionnant la nouvelle poursuite ; que le ministère public ne peut se voir interdire de viser dans son assignation une décision de condamnation de la chambre de discipline régionale du 20 mai 2015 et le rapport annexé, relatifs à une poursuite disciplinaire pour des faits de 2014 et 2015, même si celle-ci évoque des faits de 1994 ; que telle est bien la portée de l'arrêt de la cour dès lors que celui-ci en tire pour conséquence la nullité de l'assignation du ministère public ; qu'en considérant que l'assignation du ministère public devait être annulée, la cour a violé par fausse application les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile et les articles 133-9 et 133-1 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 114, alinéa 1, du code de procédure civile, 133-9 du code pénal, 14, 17 et 23 de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie, 11 et 15 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie :

10. Aux termes du premier de ces textes, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

11. Il résulte des suivants que les dispositions des lois d'amnistie qui interdisent le rappel d'une condamnation amnistiée ne prévoient pas la nullité de l'acte contenant la mention prohibée et que seule la décision prenant en considération la condamnation amnistiée pour l'appréciation de la nouvelle peine encourt une telle nullité.

12. Pour annuler l'assignation, l'arrêt retient que celle-ci évoque une sanction disciplinaire effacée par deux lois d'amnistie et que la prise en considération de la sanction effacée a influé sur la nouvelle sanction prononcée.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

14. Le procureur général près la cour d'appel de Poitiers fait grief à l'arrêt d'annuler le jugement déféré et de constater que l'effet dévolutif ne s'applique pas, alors « que dès lors qu'il a été conclu sur le fond, fût-ce à titre subsidiaire, la dévolution s'opère pour le tout, même si l'appel tend à la nullité du jugement ; que lorsque la cour estime devoir prononcer la nullité du jugement de première instance pour mention prohibée d'amnistie, elle se doit par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur le fond de la poursuite dès lors qu'il a été conclu au fond et de déterminer la sanction, sans se déterminer au regard des faits de 1994 si elle les estime couverts par l'amnistie ; qu'en considérant que l'effet dévolutif de l'appel ne pouvait opérer, la cour a violé par fausse application les dispositions de l'article 562 du code de procédure civile et les articles 133-9 et 133-11 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

15. La cassation prononcée sur le deuxième moyen emporte, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif constatant que l'effet dévolutif ne s'opère pas en raison de l'annulation de l'assignation, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule le jugement déféré prononcé le 1er septembre 2020 par le tribunal judiciaire des Sables d'Olonne, l'arrêt rendu le 23 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Bruyère - Avocat général : Mme Cazaux-Charles - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 114, alinéa 1, du code de procédure civile ; article 133-9 du code pénal ; articles 14, 17 et 23 de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ; articles 11 et 15 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie.

1re Civ., 28 juin 2023, n° 21-24.067, (B), FS

Rejet

Notaire – Formation professionnelle – Institut national des formations notariales – Certificat de fin de stage – Délivrance – Refus – Justification – Applications diverses

Il résulte des articles 36 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2022-1298 du 7 octobre 2022, et 40 du même décret, que, si la délivrance du certificat de fin de stage n'est pas subordonnée à l'attribution par le jury d'une note de soutenance minimale, en revanche, un refus peut être justifié par la note et l'avis circonstancié donnés par le jury.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 septembre 2021), M. [B] a accompli un stage de formation professionnelle en vue d'obtenir le diplôme de notaire, puis a établi et soutenu son rapport de stage.

2. Après avoir sollicité auprès de l'Institut national des formations notariales (INFN) la délivrance d'un certificat de fin de stage, il a saisi une cour d'appel aux fins d'annulation de la décision implicite de rejet, d'injonction à l'INFN de lui délivrer ce certificat et, à tout le moins, de prolonger son stage.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.

Sur le moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

4. M. [B] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que la délivrance du certificat de fin de stage de l'impétrant notaire est seulement subordonnée à la réalisation effective d'un stage d'une durée de trente mois, à la rédaction d'un rapport de stage et à sa soutenance, à l'exclusion de toute autre condition ; que la cour d'appel a débouté cependant M. [B], élève notaire dont il n'était pas discuté qu'il avait réalisé un stage professionnel d'une durée de trente mois et avait rédigé et soutenu un rapport de stage, de sa demande tendant à la délivrance d'un certificat de fin de stage, aux motifs qu'il avait obtenu la note de 8/20 lors de la soutenance de son rapport de stage, ce qui ne traduisait pas « de manière chiffrée que ses capacités professionnelles ont acquis un niveau suffisant » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a donc subordonné la délivrance du certificat de fin de stage à des conditions de note minimale que ne prévoyaient pas les articles 36 et 40 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973, ensemble l'article 11 de l'arrêté du 8 août 2013, violant ainsi ces dispositions ;

2°/ que, pour écarter son raisonnement faisant valoir qu'aucune note minimale n'était requise pour obtenir le certificat de fin de stage, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que « le raisonnement de M. [B] sur l'indifférence de la note attribuée reviendrait à délivrer un certificat même à l'étudiant ayant obtenu la note de zéro à la soutenance de son rapport de stage, ce qui serait absurde » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il lui était pourtant demandé, si l'absence de nécessité d'une note minimale pour la soutenance du rapport de stage résultait de la comparaison des dispositions de l'article 11 de l'arrêté du 8 août 2013, ne précisant pas qu'une note minimale était nécessaire pour la délivrance du certificat de fin de stage, avec celles de l'article 7 du même arrêté, imposant quant à lui expressément une note minimale pour la validation des modules théoriques dispensés par l'INFN, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 36 et 40 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973, ensemble l'article 11 de l'arrêté du 8 août 2013 ;

3°/ que, pour rejeter sa demande tendant à l'obtention du certificat de fin de stage, la cour d'appel s'est également fondée sur la circonstance que « M. [B] ne relève aucune irrégularité procédurale et n'invoque ni a fortiori ne justifie d'aucune erreur manifeste d'appréciation du jury » ayant décidé de sa note, ce dont elle a déduit qu'il était « mal fondé à solliciter l'annulation de la décision implicite de refus de délivrance du certificat de stage et sa demande sera rejetée de ce chef » ; qu'en se fondant ainsi sur des considérations inopérantes relatives à l'absence de contestation, par M. [B], des notes obtenues lors de ses soutenances de rapport de stage, tandis que, précisément, M. [B] faisait valoir que l'obtention d'une note minimale lors la soutenance n'était pas nécessaire pour obtenir le certificat de fin de stage, ce qui privait de tout intérêt une action en contestation de ces notes, la cour d'appel a violé les articles 36 et 40 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973, ensemble l'article 11 de l'arrêté du 8 août 2013. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 36 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2022-1298 du 7 octobre 2022, pour l'obtention du diplôme de notaire, les travaux de pratique professionnelle du notaire stagiaire sont complétés par la rédaction d'un rapport de stage soutenu devant un jury qui, aux termes de l'article 10 de l'arrêté du 8 août 2013, lui attribue une note de 0 à 20.

6. Selon l'article 40 du même décret, le certificat de fin de stage peut être refusé par le conseil d'administration du centre de formation au notaire stagiaire qui n'a pas satisfait à ses obligations.

7. Si la délivrance de ce certificat n'est pas subordonnée à l'attribution par le jury d'une note de soutenance minimale, en revanche, un refus peut être justifié par la note et l'avis circonstancié donnés par le jury.

8. La cour d'appel a retenu à bon droit qu'il ne suffisait pas, pour satisfaire aux obligations prévues à l'article 36 du décret précité, que le notaire stagiaire ait effectué un stage professionnel, rédigé un rapport de stage et soutenu ce rapport devant un jury, mais qu'il fallait encore que cette soutenance démontrât l'aptitude professionnelle de l'intéressé.

9. Elle a relevé que le troisième jury avait attribué à M. [B] une note de 8/20 en indiquant que le rapport était purement descriptif, qu'il manquait d'analyse de fond, que son plan était trop peu développé et ses annexes pour partie inexploitables et pour partie inutiles, que les qualités de la présentation orale ne suffisaient pas à pallier les carences trop importantes de forme et de fond du rapport de stage, qui dénotaient, outre un manque de prise en considération des conseils dispensés lors des deux premières soutenances, un manque d'investissement, de travail et de sérieux dans l'élaboration d'un rapport de fin d'études, enfin, que la note attribuée ne permettait pas l'obtention du diplôme de notaire.

10. Elle a pu en déduire, abstraction faite du motif erroné mais surabondant relatif à l'obtention d'une note au moins égale à 10 sur une échelle de 20, que l'insuffisance du niveau de M. [B], lequel n'avait invoqué aucune irrégularité procédurale ou erreur manifeste d'appréciation du jury, justifiait le refus de délivrance du certificat de fin de stage par le conseil d'administration de l'INFN.

11. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Bruyère - Avocat général : Mme Cazaux-Charles - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Articles 36 et 40 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2022-1298 du 7 octobre 2022.

1re Civ., 7 juin 2023, n° 21-16.833, (B), FS

Rejet

Office – Création d'un office en zone d'installation libre – Droit de présentation – Contrat de cession – Illicéité – Contrariété aux dispositions d'ordre public – Cas

Est illicite, en ce qu'il a pour effet de contrevenir aux dispositions d'ordre public ayant pour objet de prévoir des modalités de départage entre des demandeurs disposant d'un égal droit à être nommé, le contrat par lequel un notaire, nommé pour la création d'un office dans une zone dite « d'installation libre » à la suite d'un tirage au sort, use, peu de temps après sa nomination, de son droit de présentation en faveur d'un notaire qui n'a pas obtenu un rang suffisant au tirage au sort, alors qu'il n'a reçu aucun client ni instrumenté aucun acte, n'a pas ouvert de compte auprès de la Caisse des dépôts et consignations, n'a pas demandé de clé dite Real et a indiqué à la chambre des notaires qu'en cas de refus de la cession de son office, il demanderait sa suppression pure et simple.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 11 mai 2021), rendu en dernier ressort, M. [F] a été nommé notaire en résidence à [Localité 3] par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 14 décembre 2017.

2. Par un contrat conclu le 10 octobre 2018, M. [M], notaire nommé en résidence à [Localité 4], a cédé à M. [F], pour une somme d'un euro, son droit de présentation afin que celui-ci puisse postuler à la reprise de son office.

3. La direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice n'a pas répondu à la demande formée le 13 octobre 2018 par M. [F] et tendant à la suppression de son office à [Localité 3] et à sa nomination pour occuper l'office de M. [M].

4. Par requête du 23 janvier 2019, M. [F] a saisi le tribunal administratif de Paris aux fins d'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande et d'injonction sous astreinte au garde des sceaux de le nommer sans délai à [Localité 4] et de supprimer l'office de [Localité 3].

5. Par jugement du 26 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a sursis à statuer sur la requête de M. [F] jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Paris se soit prononcé sur la licéité du contrat et lui a transmis la question de savoir si la cession du droit de présentation pour un prix symbolique en vue d'accéder à la titularité d'un office à [Localité 4] ne réalisant aucune activité contrevenait ou non aux dispositions des articles 1128 et 1169 du code civil, ou à toute autre disposition de ce code.

6. Devant le tribunal judiciaire, le garde des sceaux, ministre de la justice, a conclu sans ministère d'avocat.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, et le second moyen, pris en sa première branche

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a lieu de statuer par une décision spécialement motivée ni sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, qui est irrecevable, ni sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, ni le second moyen, pris en sa première branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches,

délibéré par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, après débats à l'audience publique du 4 octobre 2022, où étaient présents : M. Pireyre président, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Kermina, conseiller, et Mme Thomas, greffier de chambre.

Enoncé du moyen

8. M. [F] fait grief au jugement de déclarer recevables les conclusions signifiées par le ministre de la justice le 2 mars 2021, déclarer que la cession litigieuse du droit de présentation pour un prix symbolique en vue d'accéder à la titularité d'un office notarial à [Localité 4] nouvellement créé et n'ayant eu aucune activité contrevient à l'article 1162 du code civil, dire n'y avoir lieu de déclarer nul le traité de cession conclu le 10 octobre 2018 entre M. [F] et M. [M], réserver les dépens, rejeter la demande des parties fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, et déclarer que le dossier de l'affaire sera transmis par le greffe au tribunal administratif de Paris, accompagné d'une copie de sa décision, alors :

« 1° / que selon l'article 760 du code de procédure civile, « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire », les actes de procédure devant être remis à la juridiction par voie électronique à peine d'irrecevabilité relevée d'office, selon l'article 850 du même code ; que, selon l'article 761 du même code : « Les parties sont dispensées de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement et dans les cas suivants : 1° Dans les matières relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection ; 2° Dans les matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 211-3-16, R. 211-3-18 à R. 211-3-21, R. 211-3-23 du code de l'organisation judiciaire et dans les matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l'organisation judiciaire ; 3° A l'exclusion des matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 10 000 euros [...]. Dans les matières relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire qui ne sont pas dispensées du ministère d'avocat, les parties sont tenues de constituer avocat quel que soit le montant sur lequel porte la demande.

L'Etat, les départements, les régions, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration » ; que ce dernier texte, issu du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, a été pris pour la mise en oeuvre, notamment, de l'article 5 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, selon lequel : « I.- Le I de l'article 2 de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit est ainsi rédigé : I. -Par dérogation au premier alinéa de l'article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans certaines matières, en raison de leur nature, ou en considération de la valeur du litige, les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou se faire assister ou représenter devant le tribunal de grande instance, outre par un avocat, par : 1° Leur conjoint ; 2° Leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ; 3° Leurs parents ou alliés en ligne directe ; 4° Leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus ; 5° Les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise. Sous réserve des dispositions particulières, l'Etat, les régions, les départements, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration. Un décret en Conseil d'Etat précise les critères mentionnés au premier alinéa qui dispensent de la représentation obligatoire par ministère d'avocat.

Le représentant, s'il n'est pas avocat, doit justifier d'un pouvoir spécial. » ; qu'en l'espèce, pour déclarer recevables les écritures du ministre, qui n'avait pas constitué avocat, ni n'avait donc transmis ses conclusions par voie électronique, le tribunal judiciaire a relevé que « Si l'objectif poursuivi par la réforme opérée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, tel qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi, a été d'étendre le principe de la représentation obligatoire par avocat, il n'a pas été envisagé de limiter la faculté pour l'État, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics de se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration aux seuls cas où la représentation par avocat n'est pas obligatoire, cette situation étant au demeurant régie par l'article 762 du code de procédure civile qui ne comprend pas le texte litigieux » ; qu'en se déterminant ainsi, le tribunal judiciaire a violé l'article 5 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, relatif à l'extension de la représentation obligatoire par avocat, et les articles 760, 761 et 762 du code de procédure civile, issus du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 ;

2°/ que, subsidiairement, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif réglementaire, les juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non répressive sursoient à statuer jusqu'à ce que la question de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, sauf lorsqu'il apparaît manifeste, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge judiciaire ; qu'en l'espèce, l'exposant soutenait devant le tribunal judiciaire que le ministre de la justice devait constituer avocat en vertu de l'application combinée des articles 760 et 761 du code de procédure civile, ces dispositions, dans leur rédaction leur issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, constituant des mesure d'application réglementaires de l'article 5 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, la légalité de l'article 761 précité n'étant donc pas contestée ; qu'en l'espèce, pour déclarer recevable les écritures du ministre, le tribunal judiciaire a relevé que « Si l'objectif poursuivi par la réforme opérée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, tel qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi, a été d'étendre le principe de la représentation obligatoire par avocat, il n'a pas été envisagé de limiter la faculté pour l'État, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics de se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration aux seuls cas où la représentation par avocat n'est pas obligatoire, cette situation étant au demeurant régie par l'article 762 du code de procédure civile qui ne comprend pas le texte litigieux » ; qu'il appartiendra dès lors à la Cour de cassation, en cas de rejet de la première branche du premier moyen de cassation, de demander à titre préjudiciel au Conseil d'État d'apprécier la légalité du dernier alinéa de l'article 761 du code de procédure civile, issu du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, au regard de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, notamment de son article 5, relatif à l'extension de la représentation obligatoire par avocat, conformément principe de séparation des pouvoirs, ensemble les lois des 16-24 août 1790 et du 16 fructidor an III et l'article 49 du code de procédure civile.»

Réponse de la Cour

9. D'une part, selon l'article 2, I, de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, dans sa rédaction issue de l'article 5, I, de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et de l'article 35 de l'ordonnance n° 2019-964 du 18 septembre 2019, par dérogation au premier alinéa de l'article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, dans certaines matières, en raison de leur nature, ou en considération de la valeur du litige, les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou se faire assister ou représenter devant le tribunal judiciaire, outre par un avocat, par l'une des personnes énumérées aux numéros 1° à 5° de ce texte. Ce texte prévoit, en outre, que, sous réserve des dispositions particulières, l'Etat, les régions, les départements, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.

10. Si l'objectif poursuivi par la réforme opérée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, tel qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi, a été d'étendre le principe de la représentation obligatoire par avocat, il n'a pas été envisagé de limiter la faculté pour l'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics de se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration aux seuls cas où la représentation par avocat n'est pas obligatoire.

11. Ainsi l'article 2, I, de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 doit être interprété en ce sens que la faculté pour l'Etat, les régions, les départements, les communes et les établissements publics de se faire représenter ou assister devant le tribunal judiciaire par un fonctionnaire ou un agent de leur administration, autonome dans sa mise en oeuvre, n'est pas restreinte aux seules matières dans lesquelles les parties sont dispensées de constituer avocat, de sorte qu'elle s'applique également lorsque la représentation par avocat est, en principe, obligatoire, sauf disposition particulière présentant alors un caractère dérogatoire.

12. D'autre part, ne présente pas de caractère sérieux la contestation de la légalité du dernier alinéa de l'article 761 du code de procédure civile, dont le libellé reprend les termes de la loi organisant le mécanisme de représentation de l'Etat et des entités publiques devant le juge judiciaire, et qui ne tend en conséquence qu'à remettre en discussion l'interprétation de la loi telle qu'elle résulte des §§ 8 à 10 et qui ne démontre pas en quoi le texte serait contraire à une norme de nature législative.

13. Ayant retenu que, si l'objectif poursuivi par la réforme opérée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, tel qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi, a été d'étendre le principe de la représentation obligatoire par avocat, il n'a pas été envisagé de limiter la faculté pour l'État, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics de se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration aux seuls cas où la représentation par avocat n'est pas obligatoire, cette situation étant au demeurant régie par l'article 762 du code de procédure civile qui ne comprend pas le texte litigieux, et qu'il résulte du dernier alinéa de l'article 761, qui énonce les cas de dispense à l'obligation de constituer avocat prévue par l'article 760, que l'État bénéficie d'une dispense générale et peut dès lors se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de son administration lorsque la représentation par avocat est obligatoire, le tribunal, statuant en matière de procédure avec représentation obligatoire, hors cas dérogatoire, en a exactement déduit que les conclusions du ministre de la justice, dispensé de l'obligation d'être représenté par un avocat, étaient recevables.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

15. La demande subsidiaire de renvoi préjudiciel devant le Conseil d'Etat sera rejetée.

Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

16. M. [F] fait grief au jugement de déclarer que la cession litigieuse du droit de présentation pour un prix symbolique en vue d'accéder à la titularité d'un office notarial à [Localité 4] nouvellement créé et n'ayant eu aucune activité contrevient à l'article 1162 du code civil et de dire n'y avoir lieu de déclarer nul le traité de cession conclu le 10 octobre 2018 entre lui-même et M. [M], alors :

« 2°/ que, tant qu'il n'a pas été destitué, le notaire est titulaire du droit patrimonial de présentation qu'il exerce librement, en contrepartie d'un prix de cession représentatif des produits de l'office et de sa clientèle ; qu'en l'espèce, le tribunal judiciaire a constaté que le notaire cédant avait régulièrement prêté serment, qu'il n'avait pas été déclaré démissionnaire d'office, qu'il était donc régulièrement investi du droit de présentation, que la convention de cession n'était pas dépourvue de tout contenu, qu'elle prévoyait un prix dont il n'était pas établi qu'il était dérisoire, le cessionnaire exerçant quant à lui régulièrement en sa qualité de notaire ; que pour retenir néanmoins que la convention de cession du 10 octobre 2018 était illicite, le tribunal a relevé que la cession était intervenue très peu de temps après la nomination du cédant, que le cédant n'avait reçu aucun client ni instrumenté aucun acte depuis sa prestation de serment, qu'il n'avait ouvert aucun compte auprès de la Caisse des dépôts et consignation, ni demandé de clé Real, et retenu qu'il n'avait jamais cherché à développer et exercer son activité, en dépit de son obligation d'instrumenter ; qu'en se déterminant par de tels motifs inopérants, le tribunal judiciaire n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 91 de la loi du 28 avril 1816, de l'article 45 de l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945, de l'article 55-1 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 et de l'article 3 de la loi du 25 ventôse an XI ;

3°/ que la fraude ne se présume pas, ne peut se déduire des conventions licites qui sont passées et qu'elle doit résulter d'actes clairs et non équivoques par lesquels est manifestée la volonté d'éluder l'application de la loi normalement applicable ; qu'un notaire en exercice, dont les qualités personnelles et l'activité régulière sont incontestées, peut valablement être cessionnaire d'un office nouvellement créé, peu important qu'il n'avait pas lui-même été tiré au sort en rang utile au titre de l'article 53 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973, une telle circonstance ne caractérisant par elle-même aucune fraude ; qu'en l'espèce, le ministre, tout en excluant sa réalisation au cas d'espèce, se bornait à s'inquiéter d'un risque général et hypothétique de « volatilité des prix » ; que le tribunal judiciaire, qui a considéré, en dépit de l'analyse contraire du ministre, que la convention de cession du 10 octobre 2018 n'était pas dépourvue d'objet et que son prix n'était pas dérisoire, a toutefois retenu qu'elle était illicite en relevant qu'elle avait eu « pour effet de contrevenir aux dispositions d'ordre public de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 et du décret [précité] n° 73-609 en permettant à un notaire évincé par le tirage au sort, M. [F], de disposer d'un office dépourvu de toute consistance et nouvellement créé à [Localité 4]" ; qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser la fraude, le tribunal judiciaire a violé le principe et les textes précités, ensemble l'article 1162 du code civil. »

Réponse de la Cour

17. Aux termes de l'article 1162 du code civil, le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties.

18. Selon l'article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dans les zones dites « d'installation libre », où l'implantation d'offices apparaît utile pour renforcer la proximité ou l'offre de services, les candidats remplissant les conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises pour être nommés notaires ont vocation à pouvoir librement s'installer, dans la limite d'un rythme de création recommandé, et qui doit être compatible avec une augmentation progressive du nombre de professionnels dans la zone concernée, afin de ne pas bouleverser les conditions d'activité des offices existants.

19. Aux termes de l'article 53 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d'accès aux fonctions de notaire, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-661 du 20 mai 2016 pris pour l'application de la loi précitée, dans les zones d'installation libre, le garde des sceaux, ministre de la justice, nomme les demandeurs au regard des recommandations dont est assortie la carte et suivant l'ordre d'enregistrement de leur demande. Toutefois, lorsque le nombre des demandes de création d'office enregistrées dans les vingt-quatre heures suivant la date d'ouverture du dépôt des demandes est supérieur, pour une même zone, aux recommandations, l'ordre de ces demandes est déterminé par tirage au sort, en présence d'un représentant du conseil supérieur du notariat, dans des conditions prévues par un arrêté du garde des sceaux.

20. Le tribunal a relevé, d'abord, que le notaire cessionnaire avait déposé une demande portant sur un office créé à [Localité 4] et obtenu, après tirage au sort, le rang n° 1677 pour un objectif de création de quatre-vingt-seize offices.

21. Il a constaté, ensuite, que le notaire cédant n'avait reçu aucun client ni instrumenté aucun acte depuis sa prestation de serment, qu'il n'avait pas ouvert de compte auprès de la Caisse des dépôts et consignations, ce qui lui interdisait tout fonctionnement de l'office puisqu'aucun flux financier ne pouvait être perçu ou attribué à un client, qu'il n'avait pas demandé de clé dite Real, condition indispensable à la réalisation de tout acte, qu'il avait indiqué à la chambre des notaires avoir renoncé à s'installer comme notaire, qu'il avait cédé son office et que, si cette cession était refusée, il demanderait sa suppression pure et simple.

22. Il a relevé, enfin, que la cession du droit de présentation était intervenue peu de temps après la nomination, par arrêté du 27 décembre 2017, du notaire cédant.

23. Le tribunal en a exactement déduit que le contrat, qui avait pour effet de contrevenir aux dispositions d'ordre public ayant pour objet de prévoir des modalités de départage entre des demandeurs disposant, en vertu de la loi, d'un égal droit à être nommé, était illicite.

24. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

25. M. [F] fait le même grief au jugement, alors « que la nullité d'une convention conclue en méconnaissance des dispositions de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 et du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973, modifié par le décret n° 2016-661 du 20 mai 2016, qui posent, sous certaines conditions, le principe de la libre installation des notaires et se bornent à assurer l'égalité de traitement entre candidats, est une nullité relative en ce que ces règles tendent à la sauvegarde d'intérêts privés ; qu'en l'espèce, le tribunal judiciaire pour déclarer que la cession litigieuse du droit de présentation contrevenait à l'article 1162 du code civil, a relevé que les règles précitées violées par le contrat ont indiscutablement pour objet la sauvegarde de l'intérêt général et non celle d'un intérêt privé, si bien qu'il s'agit d'une nullité absolue pouvant être demandée par toute personne justifiant d'un intérêt conformément aux articles 1179 et 1180 du code civil, et que la chancellerie disposait indéniablement d'un intérêt à soutenir l'annulation de ce contrat ; qu'en se déterminant ainsi, le tribunal judiciaire a violé les textes précités, et les articles 1179 et 1180 du code civil. »

Réponse de la Cour

26. Aux termes de l'article 1179, alinéa 1, du code civil, la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général.

27. Aux termes de l'article 1180, alinéa 1, du code civil, la nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d'un intérêt, ainsi que par le ministère public.

28. Le tribunal qui a retenu, à bon droit, que les règles violées par le contrat de cession du droit de présentation, lesquelles régissaient les conditions d'accès aux fonctions de notaire, avaient pour objet la sauvegarde de l'intérêt général, en a exactement déduit que l'acte était atteint d'une nullité absolue que le garde des sceaux, ministre de la justice, avait un intérêt à soutenir.

29. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Rejette la demande de question préjudicielle ;

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Kloda - Avocat général : Mme Cazaux-Charles - Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article 1162 du code civil ; article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ; article 53 du décret n° 73-609 du 5 juillet 1973, dans sa rédaction issue du décret n° 2016-661 du 20 mai 2016.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.