Numéro 6 - Juin 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2023

NATIONALITE

1re Civ., 7 juin 2023, n° 22-14.709, (B), FRH

Cassation partielle

Nationalité française – Acquisition – Modes – Déclaration – Réclamation à raison de la filiation adoptive – Etat civil fiable et certain – Nécessité – Exception – Atteinte au respect de la vie privée et familiale – Cas – Détermination de la nationalité dépendant de la filiation

Prive sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales la cour d'appel qui, pour rejeter une demande tendant à l'enregistrement d'une déclaration acquisitive de nationalité sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, retient que l'intéressée ne dispose pas d'un état civil fiable et certain, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si ce refus n'entravait pas de façon disproportionnée la jouissance du droit au respect de la vie privée et familiale, alors que la détermination de la nationalité de l'intéressée dépendait directement de sa filiation adoptive.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 février 2022), Mme [C] et M. [E] (les époux [E]), agissant en qualité de représentants légaux de leur fille adoptive mineure [R] [Z], ont assigné le ministère public en contestation du refus d'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité souscrite sur le fondement de l'article 21-12 du code civil.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

3. Les époux [E], en tant que représentants légaux de leur fille adoptive mineure, font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à l'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité souscrite par celle-ci, sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, alors « qu'il appartient au juge d'apprécier, lorsque cela lui est demandé, si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre des dispositions légales applicables ne porte pas aux droits fondamentaux de l'intéressé une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi ; qu'en se bornant à confirmer le jugement entrepris ayant débouté les époux [E], agissant en leur qualité de représentants légaux de leur fille adoptive mineure, de l'ensemble de leurs demandes tendant à l'annulation de la décision de refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite par celle-ci sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si ce refus ne portait pas une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux de leur fille adoptive mineure à la vie privée et familiale, dès lors qu'il affectait un élément de son identité personnelle et qu'il la privait de la possibilité de circuler librement avec ses parents adoptifs français avec lesquels elle avait toujours vécu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. D'après ce texte « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

5. Pour rejeter la demande de contestation du refus d'enregistrement de déclaration acquisitive de nationalité sur le fondement de l'établissement de la filiation adoptive, l'arrêt retient que l'intéressée ne dispose pas d'un état civil fiable et certain.

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si ce refus n'entravait pas de façon disproportionnée la jouissance du droit au respect de la vie privé et familiale garanti par la Convention alors que la détermination de la nationalité de l'intéressée dépend directement de sa filiation adoptive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, l'arrêt rendu le 15 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Guihal (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Hascher - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 21-12 du code civil.

1re Civ., 7 juin 2023, n° 22-50.004, (B), FRH

Cassation partielle

Nationalité française – Acquisition – Modes – Déclaration – Réclamation à raison du recueil en France – Article 21-12, alinéa 3, 2°, du code civil – Recueil – Définition

La souscription d'une déclaration de nationalité en application de l'article 21-12, alinéa 3, 2°, du code civil, requiert que l'enfant ait été recueilli en France et élevé par un organisme public ou un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 janvier 2022), M. [I], né le 15 août 2000 à Diego-Suarez (Madagascar), a été adopté le 7 juillet 2009 par Mme [T], de nationalité malgache, selon une déclaration auprès de l'officier d'état civil de la commune de Diego-Suarez, déclarée exécutoire en France par une ordonnance du 18 septembre 2014.

2. Mme [T] a acquis la nationalité française selon déclaration souscrite le 9 août 2011 et enregistrée le 20 juillet 2012, par suite de son mariage célébré le 2 juin 2006 avec M. [B], de nationalité française.

3. Ayant souscrit le 30 mai 2018 une déclaration de nationalité française sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, M. [I] s'est vu refuser son enregistrement le 19 septembre 2018.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le procureur général près la cour d'appel de Rennes fait grief à l'arrêt de confirmer l'enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite par M. [I] le 30 mai 2018 et dire qu'il est de nationalité française, alors « qu'en application de l'article 21-12, 2°, du code civil, peut, jusqu'à sa majorité, réclamer la nationalité française par déclaration, l'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins, une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'État ; que le texte subordonne l'acquisition de la nationalité française à la condition que l'enfant ait été recueilli en France et élevé par un organisme public ou par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'État ; qu'en considérant que l'article 21-12, 2°, du code civil imposait uniquement que l'enfant ait été recueilli en France et ait bénéficié d'une formation dispensée par des organismes français, la cour d'appel violé les dispositions de cet article. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 21-12 du code civil :

5. Il résulte de ce texte que peuvent réclamer la nationalité française, par déclaration souscrite dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants du code civil, jusqu'à sa majorité et à condition qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France, l'enfant qui a fait l'objet d'une adoption simple par une personne de nationalité française ; l'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ; ou encore l'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat.

6. Pour ordonner l'enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite par M. [I] le 30 mai 2018, l'arrêt retient d'une part, que l'article 21-12, alinéa 3, 2°, prévoit l'accès à la nationalité française à l'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir, pendant cinq années au moins, une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat et n'impose pas que l'enfant ait été recueilli par un organisme public autre que le service de l'aide sociale à l'enfance, mais seulement qu'il ait été recueilli en France, d'autre part, que M. [I] ayant été recueilli en France par Mme [T] et M. [B] depuis 2010, tous deux de nationalité française et justifiant avoir reçu, pendant cinq années au moins, une formation française dispensée par des organismes publics français, la condition posée par l'article 21-12, alinéa 3, 2°, visant à s'assurer que l'enfant a bénéficié, pendant une durée suffisante fixée à cinq ans, une formation dispensée par des organismes français de nature à s'assurer de l'intégration par l'enfant de la langue et des valeurs attachées à l'acquisition de la nationalité française est satisfaite.

7. En statuant ainsi, alors que la souscription d'une déclaration de nationalité en application de l'article 21-12, alinéa 3, 2°, requiert que l'enfant ait été recueilli en France et élevé par un organisme public ou un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Guihal (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Ancel - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article 21-12, alinéa 3, 2°, du code civil.

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