Numéro 6 - Juin 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2023

EXPERT JUDICIAIRE

2e Civ., 15 juin 2023, n° 23-60.065, (B), FRH

Annulation partielle

Liste de la cour d'appel – Inscription – Assemblée générale des magistrats du siège – Décision – Motivation – Etendue – Détermination

La décision de refus d'inscription d'un expert sur la liste dressée par une cour d'appel doit être motivée.

Le procès-verbal d'assemblée générale rejetant la demande d'inscription d'un candidat, en ce qu'il se réfère à un motif formulé sous la forme d'un code, sans autre indication, ne comporte aucune motivation, et les mentions figurant sur la lettre de notification de la décision ne peuvent suppléer cette absence de motivation.

Liste de la cour d'appel – Inscription – Assemblée générale de la cour – Procès-verbal – Mentions – Obligation de motivation – Motivation référencée sous forme d'un code – Insuffisance

Faits et procédure

1. M. [F] a sollicité son inscription sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Bordeaux dans la rubrique « interprétariat en italien » (H-01.05.05).

2. Par décision du 18 novembre 2022, contre laquelle M. [F] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande en indiquant sur son procès-verbal « rejet R1 ».

Examen du grief

Exposé du grief

3. M. [F] soutient que le refus de sa candidature tiré d'une absence de besoin viole le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Réponse de la Cour

Vu l'article 2, IV, de la loi du 29 juin 1971, telle que modifiée par la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 :

4. Il résulte de ce texte que la décision de refus d'inscription d'un expert sur la liste dressée par une cour d'appel doit être motivée.

5. Le procès-verbal de l'assemblée générale ayant refusé la demande d'inscription de M. [F], en ce qu'il se réfère à un « rejet R1 » sans autre indication, ne comporte aucune motivation, et les mentions figurant sur la lettre de notification de la décision ne peuvent suppléer cette absence de motivation.

6. La décision de cette assemblée générale doit, dès lors, être annulée en ce qui concerne M. [F].

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE la décision de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Bordeaux du 18 novembre 2022, en ce qu'elle a refusé l'inscription de M. [F].

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Brouzes - Avocat général : M. Grignon Dumoulin -

Rapprochement(s) :

2e Civ., 16 mai 2013, pourvoi n° 13-60.047, Bull. 2013, II, n° 92 (annulation partielle).

2e Civ., 15 juin 2023, n° 23-60.031, (B), FRH

Rejet

Liste de la cour d'appel – Inscription – Assemblée générale des magistrats du siège – Décision – Office de l'assemblée générale – Besoins des juridictions – Rejet des candidatures excédentaires dans une spécialité

En application de l'article 8 du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires, l'assemblée générale des magistrats du siège d'une cour d'appel, appréciant tant les qualités professionnelles des différents candidats que les besoins des juridictions du ressort, peut, après avoir constaté que ces besoins étaient satisfaits par sa décision d'inscrire un ou plusieurs candidats dans une spécialité, décider de rejeter les autres candidatures présentées sous cette rubrique.

Faits et procédure

1. M. [J] a sollicité son inscription sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Lyon dans les rubriques « interprétariat dari/afghan » (H-01.02.33), « traduction dari/afghan » (H-02.02.33) et « traduction pachto » (H-02.02.34).

2. Par décision du 12 décembre 2022, contre laquelle M. [J] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande au motif que les besoins de la juridiction de Lyon dans les spécialités demandées ont été satisfaits par des candidatures plus pertinentes et mieux adaptées.

Examen du grief

Exposé du grief

3. M. [J] fait valoir que la décision ne s'appuie pas sur une base légale et que l'absence d'étude de son dossier est évidente.

Réponse de la Cour

4. Appréciant tant les qualités professionnelles des différents candidats que les besoins des juridictions du ressort dans les spécialités sollicitées, c'est par des motifs exempts d'erreur manifeste d'appréciation que l'assemblée générale, après avoir constaté que ces besoins étaient satisfaits par sa décision d'inscrire certains candidats sous ces rubriques, a décidé de ne pas inscrire M. [J].

5. Le grief ne peut, dès lors, être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le recours.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Philippart - Avocat général : M. Grignon Dumoulin -

Textes visés :

Article 8 du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004.

2e Civ., 15 juin 2023, n° 23-60.009, (B), FRH

Annulation partielle

Liste de la cour d'appel – Inscription – Conditions – Exercice de l'activité professionnelle ou résidence dans le ressort de la cour d'appel – Modalités – Télétravail

Pour l'application de l'article 2, 8°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 relatif aux experts judiciaires, la condition relative à l'exercice de l'activité professionnelle principale dans le ressort de la cour d'appel peut être remplie lorsque le candidat à l'inscription sur la liste des experts exerce cette activité selon les modalités du télétravail dans le ressort de cette cour d'appel.

Faits et procédure

1. Mme [W] a sollicité son inscription sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Nîmes dans la rubrique « gestion d'immeuble - copropriété » (C-02.03).

2. Par décision du 21 novembre 2022, contre laquelle Mme [W] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande au motif que son activité principale est exercée hors du ressort de la cour d'appel de Nîmes.

Examen du grief

Exposé du grief

3. Mme [W] fait valoir que son dossier de candidature faisait déjà mention de ce qu'elle serait domiciliée définitivement dans la région du Vaucluse à compter du 1er juillet 2022, où elle exercerait son activité professionnelle en télétravail à temps complet. Elle ajoute qu'elle a adressé au ministère public, le 24 mai 2022, une lettre l'informant de sa nouvelle adresse dans le ressort de la cour d'appel de Nîmes.

Réponse de la Cour

Vu l'article 2, 8°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 :

4. Selon ce texte, une personne physique ne peut être inscrite sur la liste des experts d'une cour d'appel que si elle exerce son activité professionnelle principale dans le ressort de cette cour.

5. Pour rejeter la demande de Mme [W], l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel retient que son activité professionnelle est exercée hors du ressort de la cour d'appel de Nîmes.

6. En statuant ainsi, alors que Mme [W] exerce son activité professionnelle en télétravail dans le ressort de la cour d'appel de Nîmes, l'assemblée générale des magistrats du siège a méconnu le texte susvisé.

7. La décision de cette assemblée générale doit, dès lors, être annulée en ce qui concerne Mme [W].

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE la décision de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Nîmes du 21 novembre 2022, en ce qu'elle a refusé l'inscription de Mme [W].

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Pradel - Avocat général : M. Grignon Dumoulin -

Textes visés :

Article 2, 8°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004.

2e Civ., 15 juin 2023, n° 23-60.021, (B), FRH

Annulation partielle

Liste de la cour d'appel – Inscription – Conditions – Indépendance nécessaire à l'exercice des missions judiciaires d'expertise – Activité incompatible – Administrateur de copropriété (non)

L'activité d'administrateur de copropriété ne constitue pas, en soi, l'exercice d'une activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise, au sens de l'article 2, 6°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004.

Faits et procédure

1. Mme [I] a sollicité son inscription sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel d'Aix-en-Provence dans les rubriques « estimations immobilières, loyers d'habitation » (C-02.02.01), « loyers commerciaux » (C-02.02.02) et « fonds de commerce, indemnités d'éviction » (C-02.02.03).

2. Par décision du 4 novembre 2022, contre laquelle Mme [I] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande.

Examen des griefs

Exposé des griefs

3. Mme [I] fait valoir qu'en rejetant sa demande d'inscription en visant les besoins des juridictions et un conflit d'intérêt en raison de son activité professionnelle d'administration des copropriétés alors qu'elle inscrivait d'autres experts dans ces rubriques et qu'elle n'exerce pas l'activité visée au conflit d'intérêt, l'assemblée générale a commis une double erreur manifeste d'appréciation.

Réponse de la Cour

Vu les articles 2, 6°, et 8, alinéa 1er, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 :

4. Selon le premier de ces textes, une personne ne peut être inscrite ou réinscrite sur une liste d'experts que si elle n'exerce aucune activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice des missions d'expertise.

5. Il résulte du second de ces textes qu'est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation le refus d'inscription d'un candidat sur la liste des experts judiciaires d'une cour d'appel motivé par l'absence de besoin en l'état de l'inscription concomitante d'autres candidats sous la même rubrique.

6. Pour rejeter les demandes de Mme [I], l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel s'est fondée sur les besoins des juridictions du ressort ainsi que sur le conflit d'intérêt en raison de son activité professionnelle d'administration des copropriétés.

7. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces de la procédure, d'une part, qu'avaient été inscrits trois autres candidats, à titre probatoire, sur la liste des experts dans les rubriques sollicitées par Mme [I], d'autre part, que l'activité d'administrateur de copropriété ne constitue pas, en soi, l'exercice d'une activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise, l'assemblée générale des magistrats du siège a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. La décision de cette assemblée générale doit, dès lors, être annulée en ce qui concerne Mme [I].

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE la décision de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 4 novembre 2022, en ce qu'elle a refusé l'inscription de Mme [I].

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Chauve - Avocat général : M. Grignon Dumoulin -

Textes visés :

Article 2, 6°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 15 juin 2023, pourvoi n° 23-60.013, Bull. (annulation partielle).

2e Civ., 15 juin 2023, n° 23-60.013, (B), FRH

Annulation partielle

Liste de la cour d'appel – Inscription – Conditions – Indépendance nécessaire à l'exercice des missions judiciaires d'expertise – Activité incompatible – Mandataire judiciaire (non)

L'activité de mandataire judiciaire n'est pas, en soi, incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise, dans le respect des dispositions de l'article L. 812-8 du code de commerce.

Faits et procédure

1. M. [X] a sollicité son inscription sur la liste des experts judiciaires de la cour d'appel de Poitiers dans les rubriques « évaluation d'entreprise et de droits sociaux » (D-02), « analyse de gestion » (D-04.01), « stratégie et politique générale d'entreprise » (D-04.05) et « diagnostic d'entreprise » (D-07).

2. Par décision du 25 novembre 2022, contre laquelle M. [X] a formé un recours, l'assemblée générale des magistrats du siège de cette cour d'appel a rejeté sa demande, au motif qu'il exerce une activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice des missions d'expertise judiciaire.

Examen des griefs

Exposé des griefs

3. M. [X] fait valoir que le principe de la contradiction n'a pas été respecté, dès lors qu'il n'a été ni convoqué ni invité à faire valoir d'éventuelles observations. Il se prévaut de l'insuffisance de motivation du rejet, faute d'explicitation de l'incompatibilité alléguée. Il soutient encore que la décision de rejet est illégale car contraire à l'article L. 812-8 du code de commerce, selon lequel la qualité de mandataire judiciaire inscrit sur la liste ne fait pas obstacle à l'exercice d'une activité d'expert judiciaire.

4. Le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, intervenant volontaire à la procédure de recours, se prévaut également des dispositions de l'article L. 812-8 du code de commerce pour soutenir que la qualité de mandataire judiciaire ne fait pas obstacle à l'exercice d'une activité d'expert judiciaire, à condition que cette dernière soit exercée à titre accessoire et qu'une même personne ne soit pas mandataire judiciaire et expert judiciaire au cours d'une même procédure. Il ajoute que la Cour de cassation n'envisage pas l'indépendance nécessaire à la qualité d'expert judiciaire de façon absolue, mais considère que cette condition doit être appréciée au regard de la situation de chaque candidat. Il estime en conséquence que l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel ne pouvait se borner à affirmer que l'activité de M. [X] était incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise, sans rechercher, précisément, en quoi son activité mettait en cause son indépendance.

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 812-8 du code de commerce et 2, 6°, du décret n° 2004-1463 du 23 décembre 2004 :

5. Pour rejeter la demande de M. [X], l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel retient que celui-ci exerce une activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice des missions d'expertise judiciaire.

6. En statuant ainsi, alors que l'activité de mandataire judiciaire n'est pas, en soi, incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de missions judiciaires d'expertise dans le respect des dispositions de l'article L. 812-8 du code de commerce, l'assemblée générale des magistrats du siège a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. La décision de cette assemblée générale doit, dès lors, être annulée en ce qui concerne M. [X].

PAR CES MOTIFS, la Cour :

ANNULE la décision de l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel de Poitiers du 25 novembre 2022, en ce qu'elle a refusé l'inscription de M. [X].

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Brouzes - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Article L. 812-8 du code de commerce.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 22 mai 2008, pourvoi n° 08-10.840, Bull. 2008, II, n° 123.

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