Numéro 6 - Juin 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2023

ETRANGER

1re Civ., 14 juin 2023, n° 22-16.198, (B), FRH

Cassation sans renvoi

Mesures d'éloignement – Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire – Procédure – Nullité – Cas – Interpellation déloyale de l'étranger au regard de l'objet de sa convocation

Il résulte des articles 5, § 1, f), de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qu'est irrégulier le placement en rétention administrative d'un étranger lorsqu'il a été procédé, dans les locaux de la préfecture, à son interpellation de manière déloyale au regard de l'objet de sa convocation.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 13 décembre 2021) et les pièces de la procédure, le 8 décembre 2021, M. [O], de nationalité russe, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative, en exécution d'une obligation de quitter le territoire français.

2. Le juge des libertés et de la détention a été saisi, le 10 décembre 2021, par M. [O] d'une contestation de la décision de placement en rétention sur le fondement de l'article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et, le 11 décembre 2021, par le préfet d'une demande de prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 742-1 du même code.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [O] fait grief à l'ordonnance de prolonger sa rétention administrative, alors « que constitue une interpellation déloyale le fait d'inviter l'étranger à se présenter à un rendez-vous pour examiner sa situation sans l'informer du risque d'un placement en rétention ; que le délégué du premier président a constaté que M. [O] s'était présenté à la préfecture après un courriel adressé à son avocat, puis que sa situation avait été vérifiée et qu'il avait été placé en rétention ; qu'en estimant cette procédure régulière, au motif inopérant que M. [O] n'avait pas reçu de convocation en bonne et due forme, et sans relever qu'il avait été averti du risque de vérification de sa situation et de placement en rétention, le délégué du premier président a violé les articles 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 552-1 du CESEDA. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 5, § 1, f), de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 741-10 du CESEDA :

4. Il résulte de ces textes qu'est irrégulier le placement en rétention administrative d'un étranger lorsqu'il a été procédé, dans les locaux de la préfecture, à son interpellation de manière déloyale au regard de l'objet de sa convocation.

5. Pour rejeter la contestation du placement en rétention de M. [O], fondée sur le caractère déloyal de son interpellation, l'ordonnance relève que celui-ci a été convoqué par l'intermédiaire de son avocat à la préfecture pour procéder au renouvellement de son attestation de demandeur d'asile, qu'à cette occasion les services préfectoraux ont vérifié sa situation administrative et constaté qu'il faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, notifiée le 26 juillet 2021, et que les services de police, informés de cette situation, l'ont interpellé.

6. En se déterminant ainsi, par un motif impropre à écarter le caractère déloyal de l'interpellation invoqué au regard de l'objet de la convocation, le premier président n'a pas légalement justifié sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

7. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 13 décembre 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Duval-Arnould (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Mornet - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : Me Occhipinti -

Textes visés :

Article 5, § 1, f), de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

Rapprochement(s) :

1re Civ., 6 février 2007, pourvoi n° 05-10.880, Bull. 2007, I, n° 53 (rejet), et les arrêts cités ; 1re Civ., 11 mars 2009, pourvoi n° 07-21.961, Bull. 2009, I, n° 51 (rejet), et les arrêts cités.

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