Numéro 6 - Juin 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2023

DIVORCE, SEPARATION DE CORPS

1re Civ., 21 juin 2023, n° 21-17.077, (B), FRH

Cassation

Règles spécifiques au divorce – Prestation compensatoire – Loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 – Application dans le temps – Détermination – Portée

Il résulte de la combinaison de l'article 33, VI, de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 et de l'article 276-3 du code civil, issu de cette loi, que la révision des rentes viagères attribuées à titre de prestation compensatoire avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000, qu'elles aient été fixées par le juge ou par une convention des époux, peut être demandée par le débiteur ou ses héritiers, soit lorsque leur maintien procure au créancier un avantage manifestement excessif au regard des critères définis à l'article 276 du code civil, soit en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties.

Selon l'article 33, X, de la loi précitée, les dispositions des articles 280 et 280-1 du code civil, issus de la même loi, sont applicables aux prestations compensatoires allouées avant son entrée en vigueur, le 1er janvier 2005, sauf lorsque la succession du débiteur a donné lieu à un partage définitif à cette date.

Selon l'article 280 du code civil, à la mort de l'époux débiteur, le paiement de la prestation compensatoire, quelle que soit sa forme, est prélevé sur la succession. Le paiement est supporté par tous les héritiers, qui n'y sont pas tenus personnellement, dans la limite de l'actif successoral. Lorsque la prestation compensatoire a été fixée sous forme de rente, il lui est substitué un capital immédiatement exigible.

Selon l'article 280-1 du même code, par dérogation à l'article 280, les héritiers peuvent décider ensemble de maintenir les formes et modalités de règlement de la prestation compensatoire qui incombaient à l'époux débiteur, en s'obligeant personnellement au paiement de cette prestation.

Il s'ensuit que, sauf lorsque la succession du débiteur a donné lieu à un partage définitif avant le 1er janvier 2005, l'action en révision des rentes viagères attribuées à titre de prestation compensatoire avant le 1er juillet 2000 n'est ouverte aux héritiers que si ceux-ci ont conclu un tel accord, dès lors qu'à défaut, la rente est capitalisée par le décès du débiteur.

Règles spécifiques au divorce – Prestation compensatoire – Versement – Rente – Rente viagère – Révision – Action en révision – Ouverture – Conditions – Détermination

Règles spécifiques au divorce – Prestation compensatoire – Versement – Rente – Rente viagère – Débiteur – Décès – Effets – Substitution d'un capital à la rente – Portée

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à M. [G] [W], devenu majeur, de sa reprise d'instance en son nom.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Montpellier, 8 février 2017 et 25 mars 2021), deux jugements des 7 février 1995 et 4 novembre 1996 ont, pour le premier, prononcé le divorce de Mme [K] et de [B] [W] et, pour le second, homologué leur accord prévoyant le paiement de la prestation compensatoire mise à la charge de l'époux sous la forme d'une rente mensuelle d'un certain montant.

3. Après le décès de celui-ci, survenu le 28 octobre 2012, Mme [J], agissant en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, [V] et [G] [W], issus de ses relations avec [B] [W], a assigné Mme [K], M. [A] [W] et Mme [M] [W], enfants issus du mariage, en suppression de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère, subsidiairement, en diminution de celle-ci ou, très subsidiairement, en sa conversion en capital.

4. M. [V] [W], devenu majeur, est intervenu volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

5. Mme [K] fait grief à l'arrêt du 25 mars 2021 de déclarer recevable la demande de M. [V] [W] et de Mme [J], en sa qualité d'administratrice légale sous contrôle judiciaire d'[G], aux fins de suppression ou de diminution du montant de la prestation compensatoire sous forme de rente viagère et, en conséquence, de supprimer celle-ci à compter du décès de [B] [W], alors « qu'en l'absence d'accord de l'ensemble des héritiers pour maintenir les modalités de règlement de la prestation compensatoire sous forme de rente, le décès de l'époux débiteur entraîne de plein droit sa conversion en un capital immédiatement exigible, si bien que l'action en révision ou en suppression de la rente n'est plus ouverte aux héritiers, faute d'objet, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'elle a été fixée avant ou après l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'action intentée par Mme [U] [J], agissant ès qualités et M. [V] [W], motif pris que la rente litigieuse aurait été fixée sous l'empire du droit antérieur à la loi du 30 juin 2000 et que resterait en ce cas ouverte aux héritiers l'action en révision ou en suppression de la rente fondée sur l'avantage manifestement excessif que procurerait son maintien, ce nonobstant l'absence de tout accord des héritiers pour maintenir le service de cette rente, la cour d'appel a violé les articles 280 et 280-1 du code civil, ensemble les articles 33, VI, et 33, X, de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 276-3, 280 et 280-1 du code civil et l'article 33 de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 :

6. Il résulte de la combinaison de l'article 33, VI, de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 et de l'article 276-3 du code civil, issu de cette loi, que la révision des rentes viagères attribuées à titre de prestation compensatoire avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000, qu'elles aient été fixées par le juge ou par convention des époux, peut être demandée par le débiteur ou ses héritiers, soit lorsque leur maintien procure au créancier un avantage manifestement excessif au regard des critères définis à l'article 276 du code civil, soit en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties.

7. Selon l'article 33, X, de la loi précitée, les dispositions des articles 280 et 280-1 du code civil, issus de la même loi, sont applicables aux prestations compensatoires allouées avant son entrée en vigueur, le 1er janvier 2005, sauf lorsque la succession du débiteur a donné lieu à un partage définitif à cette date.

8. Selon l'article 280 du code civil, à la mort de l'époux débiteur, le paiement de la prestation compensatoire, quelle que soit sa forme, est prélevé sur la succession.

Le paiement est supporté par tous les héritiers, qui n'y sont pas tenus personnellement, dans la limite de l'actif successoral. Lorsque la prestation compensatoire a été fixée sous forme de rente, il lui est substitué un capital immédiatement exigible.

9. Selon l'article 280-1 du même code, par dérogation à l'article 280, les héritiers peuvent décider ensemble de maintenir les formes et modalités de règlement de la prestation compensatoire qui incombaient à l'époux débiteur, en s'obligeant personnellement au paiement de cette prestation. A peine de nullité, l'accord est constaté par un acte notarié. Il est opposable aux tiers à compter de sa notification à l'époux créancier lorsque celui-ci n'est pas intervenu à l'acte.

10. Pour supprimer la prestation compensatoire versée sous forme de rente à Mme [K], l'arrêt retient que les articles 280 à 280-2 du code civil sont applicables aux prestations compensatoires allouées avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004 en l'absence de partage définitif intervenu entre les différents héritiers, sauf en ce qui concerne la révision, suspension ou suppression des prestations compensatoires sous forme de rente viagère fixées par le juge ou par convention avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000.

11. En statuant ainsi, alors que les articles 280 et 280-1 du code civil étaient applicables à la prestation compensatoire allouée sous forme de rente avant le 1er juillet 2000, de sorte qu'en l'absence d'accord des héritiers de [B] [W] pour maintenir les modalités de règlement de la prestation compensatoire sous forme de rente, celle-ci était capitalisée en raison du décès du débiteur, ce dont il se déduisait que l'action en révision engagée par Mme [J], agissant en qualité de représentante légale de ses enfants alors mineurs, [G] et [V] [W], et reprise par ceux-ci, était irrecevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond du chef de la révision de la rente attribuée à titre de prestation compensatoire.

14. En application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt du 25 mars 2021 entraîne, par voie de conséquence, celle de l'arrêt du 8 février 2017, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 8 février 2017 et 25 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de la révision de la rente attribuée à titre de prestation compensatoire ;

DECLARE irrecevable l'action en révision de la rente attribuée à titre de prestation compensatoire servie à Mme [K] engagée par Mme [J], agissant en qualité de représentante légale de ses enfants alors mineurs, [V] et [G] [W], et reprise par ceux-ci ;

Renvoie la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée pour qu'elle statue sur leur demande subsidiaire de conversion de la rente en capital.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Auroy (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Agostini - Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand ; SCP Le Bret-Desaché -

Textes visés :

Article 33, VI, de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 ; articles 276, 276-3, 280 et 280-1 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 4 novembre 2015, pourvoi n° 14-20.383, Bull. 2015, I, n° 266 (rejet).

1re Civ., 1 juin 2023, n° 21-22.951, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Règles spécifiques au divorce – Prestation compensatoire – Versement – Capital – Modalités de paiement – Versements périodiques – Montant – Fixation – Office du juge

Selon l'article 275, alinéa 1, du code civil, lorsque le débiteur de la prestation compensatoire n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l'article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.

Il appartient au juge qui fait application de ce texte de fixer le montant des versements périodiques.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 juin 2021), un jugement du 25 mars 2019 a prononcé le divorce de Mme [B] et de M. [L].

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses sept premières branches

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa huitième branche

Enoncé du moyen

3. Mme [B] fait grief à l'arrêt de condamner M. [L] à lui payer une somme de 160 000 euros à titre de prestation compensatoire dont il pourra s'acquitter par versements mensuels sur une durée maximum de 4 ans, alors « que le juge qui autorise le débiteur d'une prestation compensatoire à s'acquitter de celle-ci par des versements périodiques dans la limite de huit années doit fixer tant la périodicité que le montant desdits versements qu'en autorisant M. [L] à s'acquitter du montant total de la prestation compensatoire par des versements mensuels sur une durée maximum de quatre ans, sans fixer le montant minimum desdits versements mensuels, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article 275 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 275, alinéa 1, du code civil :

4. Aux termes de ce texte, lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l'article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.

5. L'arrêt condamne M. [L] à payer à Mme [B] une somme de 160 000 euros à titre de prestation compensatoire, en prévoyant qu'il pourra s'acquitter par versements mensuels sur une durée maximum de quatre ans.

6. En statuant ainsi, sans fixer le montant des versements mensuels, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

7. La cassation partielle prononcée n'emporte pas celle du chef de dispositif relatifs aux dépens, justifié par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.

8. Tel que suggéré par le mémoire en défense, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, M. [L] ne s'opposant pas à un règlement en une seule fois de la somme de 160 000 euros mise à sa charge à titre de prestation compensatoire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il dit que M. [L] pourra s'acquitter de la prestation compensatoire mise à sa charge par versements mensuels sur une durée de maximum de quatre ans, l'arrêt rendu le 15 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Auroy (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Duval - Avocat(s) : SAS Buk Lament-Robillot ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre -

Textes visés :

Article 275, alinéa 1, du code civil.

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