Numéro 6 - Juin 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2023

COPROPRIETE

3e Civ., 8 juin 2023, n° 21-15.692, (B), FS

Rejet

Action en justice – Action individuelle des copropriétaires – Action concernant la propriété ou la jouissance des lots – Atteinte aux parties communes – Atteinte du fait d'un tiers à la copropriété – Action tendant à la remise en état des parties communes – Action en paiement – Recevabilité

Un copropriétaire n'a pas qualité à agir en paiement du coût de travaux de remise en état de parties communes rendus nécessaires par une atteinte portée à celles-ci par un tiers à la copropriété.

Faits et procédure

1.Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 février 2021), la société Euro Crédim ingénierie a conclu avec la société Ker Ar Mor un contrat de promotion immobilière portant sur la construction d'un immeuble livrable au quatrième trimestre 2010, destiné à être exploité comme résidence-services, qui a été vendu en l'état futur d'achèvement et soumis au statut de la copropriété.

2. Se plaignant d'un retard de livraison, de non-conformités et de malfaçons, MM. [J], [PE], [X], [M], [W], [L], [V], [F], [DE], Mmes [E], [JE], [GE], M. et Mme [WE], M. et Mme [AJ], M. et Mme [WV], M. et Mme [CN], la société Colmat, la société DP2L, la société HM, la société MPFD, la société Netene et la société Occelli Invest, propriétaires de lots (les copropriétaires) et la société Euro Crédim ingénierie ont assigné en indemnisation de leurs préjudices la société Ker Ar Mor, la société AXA France IARD, assureur de responsabilité du constructeur non-réalisateur et dommages-ouvrage, la société Imagine architecture, chargée d'une mission de maîtrise d'oeuvre de conception, la société TPF ingénierie, venue aux droits de la société Ouest coordination, chargée d'une mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution, la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) et la société Zurich Insurance Public Limited Company, ses assureurs, la société Celt'étanch, pour le lot étanchéité, la société Maugin, pour le lot menuiseries extérieures, la société Plassart menuiserie, pour le lot menuiseries intérieures, la société Laurent Garin, pour le lot électricité, et la société Bat ingénierie, pour le lot piscine.

Examen des moyens

Sur le second moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. Les copropriétaires font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes d'indemnisation au titre des travaux de reprise des désordres et non-conformités affectant l'immeuble, alors « que le copropriétaire subissant un préjudice personnel résultant de l'action, sur une partie commune d'un tiers à la copropriété a qualité et intérêt à agir en réparation des désordres et non-conformités imputables à ce dernier ; que, dans leurs conclusions d'appel, les copropriétaires ont soutenu que leurs demandes dirigées contre les constructeurs étaient recevables, en ce qu'ils s'étaient engagés dans une opération globale de construction et d'exploitation de la résidence et avaient, à cet effet, conclu des baux commerciaux concomitamment à la conclusion des actes d'acquisition des biens immobiliers, baux par lesquels ils avaient donné jouissance non seulement de leurs lots respectifs mais également des quotes-parts des parties communes qui s'y rattachent et ce afin que l'exploitant puisse jouir de l'ensemble de la résidence, ce dont ils ont déduit que les non-conformités et désordres, empêchent l'exploitation pleine et entière de la résidence par le preneur, et qu'ainsi ils justifient d'un préjudice personnel distinct de la communauté ; que, pour déclarer irrecevables les demandes des copropriétaires dirigées contre les constructeurs, la cour d'appel a énoncé que les sommes allouées au titre des travaux de reprise visent à réparer des désordres constructifs et non conformités à la réglementation personnes à mobilité réduite (PMR) qui affectent les parties communes (toitures terrasses accessibles, pompe à chaleur, spa, circulations intérieures, coffrets électriques en pied de colonne) et une partie des parties privatives (non conformités à la réglementation des escaliers intérieurs des duplex et des poignées des fenêtres des appartements) et que les copropriétaires concernés par la seconde catégorie ne forment aucune demande subsidiaire ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la répercussion des désordres et non-conformités affectant les parties communes sur l'exploitation commerciale des lots de copropriété ne rendait pas recevables les demandes formulées individuellement par les copropriétaires à l'encontre des constructeurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 14, alinéa 4, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, le syndicat a pour objet la conservation et l'amélioration de l'immeuble ainsi que l'administration des parties communes.

6. Aux termes de l'article 15, alinéa 1, de la même loi, le syndicat a qualité pour agir en justice, tant en demandant qu'en défendant, même contre certains des copropriétaires ; il peut notamment agir, conjointement ou non avec un ou plusieurs de ces derniers, en vue de la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble.

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que si un copropriétaire peut, lorsque l'atteinte portée aux parties communes, par un tiers à la copropriété, lui cause un préjudice propre, agir seul pour la faire cesser, il n'a pas qualité à agir en paiement du coût des travaux de remise en état rendus nécessaires par cette atteinte, qu'il revient au seul syndicat des copropriétaires de percevoir et d'affecter à la réalisation de ces travaux.

8. Ayant relevé que les sommes réclamées visaient à réparer des désordres constructifs et des non-conformités à la réglementation relative à l'accessibilité des personnes à mobilité réduite affectant les parties communes, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a pu en déduire que les demandes des copropriétaires contre les constructeurs au titre des travaux de reprise étaient irrecevables.

9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Jariel - Avocat général : Mme Morel-Coujard - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SCP Boutet et Hourdeaux ; SARL Delvolvé et Trichet ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles 14, alinéa 4, et 15, alinéa 1, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

3e Civ., 29 juin 2023, n° 21-21.708, (B), FS

Rejet

Syndicat des copropriétaires – Décision – Action en contestation – Délai – Point de départ – Notification – Présentation de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception – Caractère suffisant – Contrôle de conventionnalité – Proportionnalité

En application de l'article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, la notification d'un procès-verbal d'assemblée générale par lettre recommandée avec demande d'avis de réception fait, quand bien même ne parviendrait-elle pas effectivement à son destinataire, courir le délai pour agir.

Une cour d'appel qui, procédant au contrôle de conventionnalité qui lui était demandé, relève que cette disposition a pour objectif légitime de sécuriser le fonctionnement des copropriétés en évitant qu'un copropriétaire puisse, en s'abstenant de retirer un courrier recommandé, empêcher le délai de recours de courir et ainsi fragiliser l'exécution des décisions d'assemblée générale, en déduit exactement qu'en l'absence de disproportion avec le droit d'un copropriétaire de pouvoir contester les décisions prises par l'assemblée générale, elle ne porte pas une atteinte injustifiée au droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 1er juillet 2021), le 5 janvier 2017, la société DESS (la société), propriétaire de lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaires de cet immeuble en annulation de l'assemblée générale du 30 mars 2015, et subsidiairement, de diverses décisions prises lors de cette assemblée.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, alors :

« 1°/ que le délai de contestation d'une assemblée de copropriétaires commence à courir le lendemain du jour de la première présentation au domicile du destinataire de la lettre recommandée contenant le procès-verbal de cette assemblée ; que, toutefois, ce délai ne court pas lorsque le pli n'a jamais été retiré, le syndic de copropriété devant, dans cette hypothèse, notifier le procès-verbal d'assemblée générale par voie de signification ; qu'en jugeant que le délai de contestation d'une assemblée générale courait automatiquement le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire, peu important que le pli ait ou non effectivement été réceptionné, la cour d'appel a violé l'article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, ensemble l'article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi n° 65- 557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;

2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans provoquer les explications des parties, le moyen tiré de ce que l'article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, dans sa rédaction issue du décret n° 2000-293 du 4 avril 2000, avait pour objectif de sécuriser la gestion des copropriétés, en évitant qu'un copropriétaire puisse, en s'abstenant de retirer un courrier recommandé, empêcher le délai de recours de courir et ainsi fragiliser l'exécution des décisions de l'assemblée générale, de sorte que ce texte ne portait pas d'atteinte disproportionnée au droit du copropriétaire à un recours effectif et à un procès équitable, la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en tout état de cause, un délai d'action ou de recours ne peut courir si l'intéressé n'est pas en mesure d'agir ; qu'en jugeant que le délai de contestation d'une assemblée générale courait automatiquement le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire, peu important que le pli ait ou non effectivement été réceptionné, et donc même si l'intéressé n'était pas effectivement en mesure d'agir, la cour d'appel a violé l'article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, l'article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, ainsi que l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ qu'à tout le moins, tout jugement doit être motivé, et ne peut reposer sur une simple supposition du juge ; que la cour d'appel a elle-même relevé que la date de première présentation de la lettre de notification n'était, en l'espèce, pas renseignée ; qu'en énonçant pourtant qu'au vu de la date d'envoi du courrier, la première présentation était nécessairement antérieure de plus de deux mois à l'assignation délivrée le 5 janvier 2017, la cour d'appel, qui s'est, ce faisant, livrée à une supposition gratuite, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. En premier lieu, la cour d'appel a énoncé, à bon droit, qu'en application de l'article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967, la notification d'un procès-verbal d'assemblée générale par lettre recommandée avec demande d'avis de réception fait, quand bien même ne parviendrait-elle pas effectivement à son destinataire, courir le délai pour agir, dès lors que l'article 670-1 du code de procédure civile, qui invite les parties à procéder par voie de signification, concerne la seule notification des décisions de justice.

4. En deuxième lieu, procédant au contrôle de conventionnalité qui lui était demandé, elle a relevé que cette disposition avait pour objectif légitime de sécuriser le fonctionnement des copropriétés en évitant qu'un copropriétaire puisse, en s'abstenant de retirer un courrier recommandé, empêcher le délai de recours de courir et ainsi fragiliser l'exécution des décisions d'assemblée générale.

5. En troisième lieu, elle en a exactement déduit que cette disposition, en l'absence de disproportion avec le droit d'un copropriétaire de pouvoir contester les décisions prises par l'assemblée générale, ne portait pas une atteinte injustifiée au droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En quatrième lieu, ayant constaté que le procès-verbal de l'assemblée générale du 30 mars 2015 avait été adressé à la société par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 avril 2015, cachet de la poste faisant foi, et que cette lettre avait été retournée à l'expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé », la cour d'appel, motivant sa décision, a souverainement retenu que, bien que la date n'en soit pas renseignée, la première présentation était nécessairement antérieure de plus de deux mois à l'assignation délivrée le 5 janvier 2017.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Schmitt - Avocat général : M. Sturlèse - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Article 64 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 ; article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

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