Numéro 6 - Juin 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2023

CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES

1re Civ., 14 juin 2023, n° 22-16.198, (B), FRH

Cassation sans renvoi

Article 5, § 1 – Droit à la liberté et à la sûreté – Privation – Cas – Arrestation – Pratique déloyale d'arrestation d'un étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 13 décembre 2021) et les pièces de la procédure, le 8 décembre 2021, M. [O], de nationalité russe, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative, en exécution d'une obligation de quitter le territoire français.

2. Le juge des libertés et de la détention a été saisi, le 10 décembre 2021, par M. [O] d'une contestation de la décision de placement en rétention sur le fondement de l'article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et, le 11 décembre 2021, par le préfet d'une demande de prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 742-1 du même code.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [O] fait grief à l'ordonnance de prolonger sa rétention administrative, alors « que constitue une interpellation déloyale le fait d'inviter l'étranger à se présenter à un rendez-vous pour examiner sa situation sans l'informer du risque d'un placement en rétention ; que le délégué du premier président a constaté que M. [O] s'était présenté à la préfecture après un courriel adressé à son avocat, puis que sa situation avait été vérifiée et qu'il avait été placé en rétention ; qu'en estimant cette procédure régulière, au motif inopérant que M. [O] n'avait pas reçu de convocation en bonne et due forme, et sans relever qu'il avait été averti du risque de vérification de sa situation et de placement en rétention, le délégué du premier président a violé les articles 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 552-1 du CESEDA. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 5, § 1, f), de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 741-10 du CESEDA :

4. Il résulte de ces textes qu'est irrégulier le placement en rétention administrative d'un étranger lorsqu'il a été procédé, dans les locaux de la préfecture, à son interpellation de manière déloyale au regard de l'objet de sa convocation.

5. Pour rejeter la contestation du placement en rétention de M. [O], fondée sur le caractère déloyal de son interpellation, l'ordonnance relève que celui-ci a été convoqué par l'intermédiaire de son avocat à la préfecture pour procéder au renouvellement de son attestation de demandeur d'asile, qu'à cette occasion les services préfectoraux ont vérifié sa situation administrative et constaté qu'il faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, notifiée le 26 juillet 2021, et que les services de police, informés de cette situation, l'ont interpellé.

6. En se déterminant ainsi, par un motif impropre à écarter le caractère déloyal de l'interpellation invoqué au regard de l'objet de la convocation, le premier président n'a pas légalement justifié sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

7. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 13 décembre 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Duval-Arnould (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Mornet - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : Me Occhipinti -

Textes visés :

Article 5, § 1, f), de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

Rapprochement(s) :

1re Civ., 6 février 2007, pourvoi n° 05-10.880, Bull. 2007, I, n° 53 (rejet), et les arrêts cités ; 1re Civ., 11 mars 2009, pourvoi n° 07-21.961, Bull. 2009, I, n° 51 (rejet), et les arrêts cités.

Com., 21 juin 2023, n° 21-21.875, (B), FRH

Cassation partielle

Article 6, § 1 – Violation – Cas – Révocation d'un dirigeant de société ayant introduit une action en justice contre la société – Action déclarée non fondée – Absence d'influence

Il résulte de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le droit d'agir en justice constitue une liberté fondamentale.

Il s'ensuit que la révocation pour faute du dirigeant ou de l'administrateur d'une société ne saurait, sauf à porter atteinte à cette liberté fondamentale, être fondée sur la circonstance que ce dirigeant ou cet administrateur a introduit une action en justice à l'encontre de la société. Il importe peu, à cet égard, que cette action ait été déclarée non fondée.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 1er juin 2021), M. [Y] a créé la société 2P et la société Holding 2P (la société H2P), à laquelle il a apporté l'intégralité des titres qu'il détenait dans le capital social de la société 2P.

2. MM. [Y], [P], [G] et [E] ont créé la société par actions simplifiée Financière Kartesis. Ils en étaient les administrateurs, M. [E] en étant le président et M. [Y] le directeur général.

3. La société H2P a apporté l'intégralité des titres de la société 2P qu'elle détenait à la société Financière Kartesis et a reçu, en contrepartie, des actions de cette société au prix nominal de un euro ainsi que des bons de souscription d'actions.

4. Le 17 décembre 2013, la société H2P a consenti à M. [P], à la société Induspo, dirigée par M. [E] et à la société Blumeca, dirigée par M. [G], une promesse unilatérale de vente par laquelle elle s'engageait à leur céder l'ensemble des titres qu'elle détenait dans le capital de la société Financière Kartesis en cas de révocation de M. [Y] des fonctions qu'il occupait au sein de cette société.

5. Le 18 août 2016, soutenant avoir été victime d'un dol, M. [Y] a assigné la société Financière Kartesis en nullité du traité d'apport et de la promesse de vente qu'il avait conclus.

Par un jugement irrévocable du 19 avril 2018, ses demandes ont été déclarées irrecevables.

6. Le 30 août 2016, l'assemblée générale de la société Financière Kartesis a décidé la révocation pour faute grave de M. [Y] de ses fonctions de directeur général et d'administrateur.

7. M. [Y] et la société H2P ont assigné la société Financière Kartesis en annulation de cette décision.

La société Induspo et M. [P] sont intervenus volontairement à l'instance et ont sollicité, à titre reconventionnel, la mise en oeuvre de la promesse unilatérale de vente que leur avait consentie la société H2P.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal et le quatrième moyen, pris en ses première et troisième branches, de ce pourvoi, et le premier moyen du pourvoi incident

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. M. [Y] et la société H2P font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir écarter l'article 4, b) et c), de la promesse de vente du 17 décembre 2013, de dire que la mise en oeuvre de la promesse de vente portera sur l'intégralité des titres de la société Financière Kartesis détenus par la société H2P, lesquels seront cédés à un prix par titre égal au prix unitaire de souscription avec une décote de 1 %, de les condamner in solidum à signer les ordres de mouvement des 2 825 000 actions et des 716 667 bons de souscription d'actions détenus par la société H2P dans la société Financière Kartesis dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, contre remise du prix de cession, et de dire qu'à défaut d'exécution de l'arrêt par eux, l'arrêt vaudra cession des bons de souscription d'actions et des actions détenus par la société H2P au bénéfice de M. [P] et de la société Induspo dans les termes de leur courrier de levée d'option, alors « que constitue une clause léonine, réputée non écrite, la clause d'une promesse de vente prévoyant l'obligation de vendre des actions à un prix maximum, quelle que soit leur valeur réelle, et sans limitation de temps, de sorte que le promettant est seulement soumis au risque de disparition ou de dépréciation des actions sans pouvoir jamais bénéficier de leur augmentation éventuelle, qu'en jugeant le contraire, au motif que, jusqu'à leur départ, les dirigeants concernés ont bien été soumis au risque de disparition ou de dépréciation des titres, cependant que l'atteinte au pacte social résultait de ce qu'ils étaient privés de toute possibilité de profiter de leur augmentation, la cour d'appel a violé l'article 1844-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

10. Selon l'article 1844-1 du code civil, la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l'exonérant de la totalité des pertes, ou celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes, sont réputées non écrites.

11. Seule est prohibée par ce texte la clause qui porte atteinte au pacte social dans les termes qu'il prévoit.

12. Il en résulte qu'une convention dont l'objet est, sauf fraude, d'assurer, moyennant un prix librement convenu, la transmission de droits sociaux, est étrangère au pacte social et est, par suite, sans incidence sur la participation aux bénéfices et la contribution aux dettes dans les rapports sociaux.

13. Ayant retenu que la clause litigieuse stipulée dans la promesse unilatérale de vente avait pour objet la cession d'actions à un prix déterminé en cas de départ du promettant de la société Financière Kartesis dans des hypothèses que cette clause énonçait, la cour d'appel en a exactement déduit, peu important que le prix de cession soit égal au prix de souscription des actions, que cette clause ne constituait pas un moyen de fixer une répartition des bénéfices et des pertes et qu'elle n'était pas léonine.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi incident, en tant qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes des sociétés Financière Kartesis et Induspo et de M. [P] autres que celles relatives à la cession des titres de la société Financière Kartesis détenus par la société H2P

Enoncé du moyen

15. Les sociétés Financière Kartesis et Induspo et M. [P] font grief à l'arrêt de rejeter leurs autres demandes, alors :

« 1°/ que pour modérer le montant d'une clause pénale, le juge doit se fonder sur la disproportion manifeste entre la peine stipulée et le préjudice effectivement subi, qu'en se bornant néanmoins, pour retenir le caractère manifestement excessif de la décote de 20 % prévue par la clause pénale stipulée à l'article 4, c), de la promesse de cession des titres de la société Financière Kartesis détenus par la société H2P, à relever le caractère défavorable des conditions financières fixées par l'article 4 de ladite promesse pour M. [Y], tenant notamment à la fixation d'un prix de cession maximum, et à la perte subie par celui-ci liée à la différence entre le prix de souscription des actions et leur valeur réelle supérieure, sans se fonder sur la disproportion manifeste entre la peine prévue et l'importance du préjudice effectivement subi par les créanciers bénéficiaires de la promesse, M. [P] et la société Induspo, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause ;

2°/ que le juge qui réduit le montant d'une clause pénale manifestement excessive est tenu de vérifier et justifier que la révision opérée permet de réparer le préjudice réellement subi par le créancier, qu'en l'espèce, la cour d'appel a opéré une réduction de la décote prévue de 20 % à 1 % du prix de cession, sans vérifier ni justifier que cette réduction permettait de réparer le préjudice réellement subi par les créanciers bénéficiaires de la promesse, M. [P] et la société Induspo, qu'en ne le faisant pas, elle a privé sa décision de base légale au regard du même texte. »

Réponse de la Cour

16. Les motifs critiqués ne fondent pas le chef de dispositif attaqué.

Le moyen est donc inopérant.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

17. M. [Y] et la société H2P font grief à l'arrêt de dire que M. [Y] a été révoqué pour faute grave, de dire que la mise en oeuvre de la promesse de vente portera sur l'intégralité des titres de la société Financière Kartesis détenus par la société H2P, lesquels seront cédés à un prix par titre égal au prix unitaire de souscription avec une décote de 1 %, de les condamner in solidum à signer les ordres de mouvement des 2 825 000 actions et des 716 667 bons de souscription d'actions détenus par la société H2P dans la société Financière Kartesis dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, contre remise du prix de cession, de dire qu'à défaut d'exécution de l'arrêt par eux, l'arrêt vaudra cession des bons de souscription d'actions et des actions détenus par la société H2P au bénéfice de M. [P] et de la société Induspo dans les termes de leur courrier de levée d'option et de rejeter la demande de M. [Y] en dommages et intérêts pour révocation dans des circonstances abusives et frauduleuses, alors « que la promesse de vente qualifie de « faute grave », pour les seuls besoins de la détermination du prix de cession des titres, la révocation de M. [Y] pour « faute créant ou susceptible de créer un préjudice grave à la société ou à une filiale », qu'en retenant que la révocation de M. [Y] est bien intervenue pour faute grave, au motif essentiellement que l'assignation délivrée par M. [Y] en annulation des actes constitutifs de la société Financière Kartesis, fondée sur des allégations de dol et rejetée par le tribunal de commerce, était bien susceptible de créer un préjudice grave à la société ou une filiale, sans caractériser en quoi le fait pour M. [Y], en sa qualité d'associé de la société H2P, de faire délivrer cette assignation serait constitutif d'une faute, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

18. Il résulte du premier de ces textes que le droit d'agir en justice constitue une liberté fondamentale.

19. Il s'ensuit que la révocation pour faute du dirigeant ou de l'administrateur d'une société ne saurait, sauf à porter atteinte à cette liberté fondamentale, être fondée sur la circonstance que ce dirigeant ou cet administrateur a introduit une action en justice à l'encontre de la société. Il importe peu, à cet égard, que cette action ait été déclarée non fondée.

20. Pour dire que la révocation pour faute grave de M. [Y] était fondée, qu'il y avait lieu, en conséquence, de mettre en oeuvre la promesse unilatérale de vente des titres de la société Financière Kartesis à un prix par titre égal au prix unitaire de souscription, auquel est appliqué une décote, et rejeter la demande de M. [Y] en dommages et intérêts pour révocation abusive, l'arrêt, après avoir relevé, d'une part, que la promesse de vente en litige prévoit que l'intégralité des titres de la société Financière Kartesis détenus par la société H2P seront, en cas de révocation de M. [Y], cédés à un prix par titre égal au prix unitaire de souscription et que ce prix sera réduit de 20 % si la révocation est décidée pour faute grave, et définit la faute grave comme une faute créant ou susceptible de créer un préjudice grave à la société, d'autre part, que le procès-verbal de l'assemblée générale de la société Financière Kartesis du 30 août 2016, révoquant pour faute grave M. [Y], mentionne que l'assignation qu'il a délivrée est constitutive d'une faute grave de la part d'un mandataire, retient que l'assignation délivrée par M. [Y] en annulation des actes constitutifs de la société Financière Kartesis, fondée sur des allégations de dol et rejetée par le tribunal de commerce, est susceptible de créer un préjudice grave à la société.

21. En statuant ainsi, alors que la circonstance que M. [Y] ait assigné en justice la société dont il était le dirigeant ne saurait justifier sa révocation pour faute, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident, en tant qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes des sociétés Financière Kartesis et Induspo et de M. [P] relatives à la cession des titres de la société Financière Kartesis détenus par la société H2P

Enoncé du moyen

22. Les sociétés Financière Kartesis et Induspo et M. [P] font grief à l'arrêt de dire que l'article 4, c), de la promesse de vente, en ce qu'il prévoit une réfaction de 20 % sur le prix de souscription des titres, constitue une clause pénale manifestement excessive qui sera réduite à 1 %, que la mise en oeuvre de la promesse de vente portera sur l'intégralité des titres de la société Financière Kartesis détenus par la société H2P, lesquels seront cédés à un prix par titre égal au prix unitaire de souscription avec une décote de 1 %, de condamner en conséquence M. [P] et la société Induspo à remettre à la société H2P un ou plusieurs chèques de banque d'un montant total de 2 833 049,90 euros, à l'ordre de la société H2P, au plus tard le jour de la signature des ordres de mouvement par celle-ci, de condamner in solidum la société H2P et M. [Y] à signer les ordres de mouvement des 2 825 000 actions et des 716 667 bons de souscription d'actions détenus par la société H2P dans la société Financière Kartesis, dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt, contre remise du prix de cession, alors « que pour modérer le montant d'une clause pénale, le juge doit se fonder sur la disproportion manifeste entre la peine stipulée et le préjudice effectivement subi, qu'en se bornant néanmoins, pour retenir le caractère manifestement excessif de la décote de 20 % prévue par la clause pénale stipulée à l'article 4, c), de la promesse de cession des titres de la société Financière Kartesis détenus par la société H2P, à relever le caractère défavorable des conditions financières fixées par l'article 4 de ladite promesse pour M. [Y], tenant notamment à la fixation d'un prix de cession maximum, et à la perte subie par celui-ci liée à la différence entre le prix de souscription des actions et leur valeur réelle supérieure, sans se fonder sur la disproportion manifeste entre la peine prévue et l'importance du préjudice effectivement subi par les créanciers bénéficiaires de la promesse, M. [P] et la société Induspo, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

23. Selon ce texte, le juge peut, même d'office, modérer une clause pénale contractuelle si elle est manifestement excessive.

24. Pour réduire à 1 % la décote appliquée au prix de cession des titres de la société Financière Kartesis et fixer, en conséquence, le prix de cession de ces titres, l'arrêt retient que cette décote est une clause pénale qui est manifestement excessive compte tenu des conditions déjà très avantageuses consenties par le promettant.

25. En se déterminant ainsi, sans rechercher si la peine prévue était manifestement excessive en considération du préjudice réellement subi par M. [P] et la société Induspo, bénéficiaires de la clause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

26. La cassation prononcée sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal entraîne la cassation, par voie de conséquence, du chef de dispositif rejetant la demande de la société H2P et de M. [Y] tendant à voir écarter l'article 4, b) et c), de la promesse de vente du 17 décembre 2013, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts présentée par les intimés ainsi que leur demande d'application d'une amende civile, rejette les autres moyens d'irrecevabilité des parties et déclare recevables les autres demandes des appelants et des intimés, dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte et déboute les intimés de leurs autres demandes, l'arrêt rendu le 1er juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Ducloz - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SARL Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

1re Civ., 7 juin 2023, n° 22-14.709, (B), FRH

Cassation partielle

Article 8 – Respect de la vie privée et familiale – Atteinte – Caractérisation – Cas – Rejet d'une demande d'enregistrement d'une déclaration acquisitive de nationalité française – Réclamation à raison de la filiation adoptive – Proportionnalité – Recherche nécessaire

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 février 2022), Mme [C] et M. [E] (les époux [E]), agissant en qualité de représentants légaux de leur fille adoptive mineure [R] [Z], ont assigné le ministère public en contestation du refus d'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité souscrite sur le fondement de l'article 21-12 du code civil.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

3. Les époux [E], en tant que représentants légaux de leur fille adoptive mineure, font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à l'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité souscrite par celle-ci, sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, alors « qu'il appartient au juge d'apprécier, lorsque cela lui est demandé, si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre des dispositions légales applicables ne porte pas aux droits fondamentaux de l'intéressé une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi ; qu'en se bornant à confirmer le jugement entrepris ayant débouté les époux [E], agissant en leur qualité de représentants légaux de leur fille adoptive mineure, de l'ensemble de leurs demandes tendant à l'annulation de la décision de refus d'enregistrement de la déclaration de nationalité souscrite par celle-ci sur le fondement de l'article 21-12 du code civil, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si ce refus ne portait pas une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux de leur fille adoptive mineure à la vie privée et familiale, dès lors qu'il affectait un élément de son identité personnelle et qu'il la privait de la possibilité de circuler librement avec ses parents adoptifs français avec lesquels elle avait toujours vécu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. D'après ce texte « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

5. Pour rejeter la demande de contestation du refus d'enregistrement de déclaration acquisitive de nationalité sur le fondement de l'établissement de la filiation adoptive, l'arrêt retient que l'intéressée ne dispose pas d'un état civil fiable et certain.

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si ce refus n'entravait pas de façon disproportionnée la jouissance du droit au respect de la vie privé et familiale garanti par la Convention alors que la détermination de la nationalité de l'intéressée dépend directement de sa filiation adoptive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, l'arrêt rendu le 15 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Guihal (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Hascher - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 21-12 du code civil.

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