Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

VENTE

3e Civ., 15 juin 2022, n° 21-13.286, (B), FS

Cassation

Garantie – Vices cachés – Définition

Viole l'article 1641 du code civil en ajoutant à la loi une restriction qu'elle ne comporte pas la cour d'appel qui, pour rejeter l'action en garantie des vices cachés engagée par l'acquéreur d'une maison en raison de nuisances provenant de l'échouage saisonnier d'algues sargasses, retient qu'un phénomène extérieur, naturel, dont la survenue était imprévisible ne constitue pas un vice caché.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 24 novembre 2020), par acte authentique du 14 novembre 2016, Mme [L] (la venderesse) a vendu une maison d'habitation, située près de l'océan à Mme [W] (l'acquéreure).

2. Invoquant un défaut d'information sur les nuisances liées à l'échouage saisonnier d'algues sargasses, l'acquéreure a assigné la venderesse en annulation de la vente sur le fondement du dol et, subsidiairement, en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Mme [W] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la vente sur le fondement du dol, alors « que le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges ; qu'il suppose seulement que soient établis le caractère intentionnel du comportement de l'un des contractant et le caractère déterminant, pour l'autre, du dol allégué ; que dès lors, la cour d'appel, qui a constaté que Mme [L] épouse [D] avait intentionnellement apporté des réponses mensongères aux demandes répétées de Mme [W] relatives à la présence de sargasses et que cette présence était un élément déterminant du consentement de l'acheteuse, ne pouvait, pour rejeter la demande, relever qu'il n'était pas établi que Mme [L] épouse [D] aurait eu conscience de ce caractère déterminant ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 1137 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1137 du code civil :

4. Selon ce texte, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manoeuvres ou des mensonges.

5. Pour rejeter la demande de nullité de la vente pour dol, l'arrêt retient que si la venderesse avait volontairement omis d'informer l'acquéreur sur le phénomène des échouages des algues sargasses qui affectait le bien vendu, il n'était pas établi qu'elle savait que ce mensonge portait sur un élément déterminant pour son contractant et avait été informée de sa santé fragile et de celle de son fils.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la venderesse avait apporté des réponses mensongères aux demandes répétées de l'acquéreure relatives à la présence des algues sargasses, avec la volonté de tromper, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ces constatations, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. Mme [W] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, alors « que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ; que le vice de la chose peut se manifester de manière intermittente et trouver sa cause à l'extérieur de celle-ci, dès lors qu'il en affecte l'usage ; que dès lors, la cour d'appel ne pouvait rejeter la demande au motif que les émanations dues aux sargasses avaient leur cause dans un phénomène extérieur, naturel, dont la survenue est imprévisible ; qu'elle a ainsi violé l'article 1141 du code civil ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 1641 du code civil :

8. Aux termes de ce texte, le vendeur est tenu de la garantie à raison des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

9. Pour rejeter la demande en résolution de la vente, l'arrêt retient qu'un phénomène extérieur, naturel, dont la survenue était imprévisible, ne constitue pas un vice caché.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une restriction qu'elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Greff-Bohnert - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article 1641 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 6 octobre 2004, pourvoi n° 03-12.497, Bull., 2004, III, n° 167 (cassation).

3e Civ., 29 juin 2022, n° 21-17.502, (B), FS

Rejet

Garantie – Vices cachés – Délai de forclusion – Point de départ – Connaissance du vice par l'acquéreur – Conditions – Détermination

La connaissance du vice par l'acquéreur, point de départ du délai de forclusion de l'action en garantie des vices cachés, n'est pas conditionnée par la connaissance du coût des travaux nécessaires pour y remédier.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 avril 2021), la société SH2, devenue SH2 HEM, propriétaire d'un groupe d'immeubles, a vendu le fonds de commerce de fabrication de peintures et de savons industriels qu'elle exploitait sur le site, l'activité, qui relevait de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, étant transférée dans l'usine de l'acquéreur située sur un autre site.

2. Le 17 juillet 2008, la société SH2 HEM a fait l'objet d'un arrêté préfectoral de mise en demeure lui enjoignant de transmettre la copie de la proposition de l'usage futur du site conformément à l'article R. 512-75 du code de l'environnement, ainsi qu'un échéancier pour sa mise en sécurité conformément à l'article R. 51274 du même code.

3. Elle a obtenu un permis de construire le 5 octobre 2009, et a chargé la société Socotec environnement (la société Socotec) d'effectuer une évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) qui lui a été remise en 2010, le plan d'occupation des sols alors en vigueur affectant la zone à l'activité industrielle et commerciale.

4. Le 28 février 2011, la société SH2 HEM a vendu les immeubles aux sociétés JML, Matt et Lorel.

5. Postérieurement à l'adoption d'un nouveau plan d'urbanisme rendant possible l'usage exclusif de la zone en logements, ces sociétés, par acte authentique du 4 août 2011, ont revendu les biens à la société civile immobilière [Adresse 4] (la SCI).

6. Cette dernière a assigné la société SH2 HEM en paiement de dommages-intérêts pour refus de dépolluer le site, ainsi que les sociétés venderesses JML, Matt et Lorel sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme et de la garantie des vices cachés, et la société Socotec au titre de sa responsabilité délictuelle pour erreur manifeste d'appréciation des risques sanitaires.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen et sur le quatrième moyen, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées contre la société SH2 HEM, alors :

« 1°/ que la délégation de pouvoirs conférée par l'exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) à un tiers, à l'effet de se substituer à lui pour réaliser les travaux de réhabilitation du site, confère à ce tiers une simple faculté ; qu'une telle convention ne fait pas obstacle à la responsabilité contractuelle encourue par l'exploitant au titre de son engagement contractuel de prise en charge partielle des coûts afférents ; qu'en retenant, pour dire que la société SH2 HEM n'avait pas manqué à son obligation contractuelle de remise en état, que la décision de la SCI du [Adresse 4] de ne pas exercer sa faculté de substitution prévue par la délégation de pouvoirs concomitante à l'acte de vente, était « purement potestative », et que la SCI ne pouvait, en conséquence, se prévaloir de sa « carence » déclarative à cet égard, quand cette circonstance était indifférente à l'application de la clause de garantie de l'acte de vente du 28 février 2011 prévoyant la prise en charge, par la société SH2 HEM, des travaux de dépollution excédant un certain coût, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 ;

2°/ que lorsqu'une partie à laquelle un rapport d'expertise est opposé n'a pas été appelée ou représentée au cours des opérations d'expertise, le juge ne peut refuser d'examiner ce rapport, dès lors que celui-ci a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties ; qu'il lui appartient alors de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve ; qu'en retenant que les rapports produits par la SCI du [Adresse 4] « pour démontrer que le budget de gestion de la dépollution du projet de 2009 était de même importance que celui de son projet de 2012 », établis « unilatéralement » et bien que « contradictoirement discutés », ne voyaient « leurs conclusions (...) corroborées par aucune autre preuve de sorte que ces rapports [étaient] dénués de valeur probante », sans rechercher comme elle y était invitée, si ces rapports étaient concordants entre eux et ainsi, se corroboraient l'un l'autre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code de procédure civile ;

3°/ que le rapport de l'inspection des installations classées du 24 août 2011, loin de valider les conclusions de l'évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) du 19 mai 2010, soulignait que cette évaluation « ne constitua[ait] pas un mémoire tel que prévu à l'article R. 512-39-3 I » du code de l'environnement et qu'elle « ne prenait pas en compte d'opérations de dépollution, alors qu'une zone polluée [était] clairement identifiable au droit de l'implantation des cuves » ; qu'en se bornant à retenir que selon ledit rapport de l'inspection des installations classées, l'EQRS n'envisageait pas de mesures de réhabilitation particulières, considérant que le risque était acceptable eu égard à l'usage futur du site, sans rechercher comme l'y invitait la SCI du [Adresse 4] si compte tenu des réserves émises par ce rapport de l'administration sur l'EQRS, et de la mise en demeure subséquente adressée par l'autorité préfectorale à la société SH2 HEM, cette dernière avait manqué à son obligation de dépollution du site au regard de l'usage tertiaire initialement prévu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code civil, dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016, ensemble l'article L. 511-1 du code de l'environnement. »

Réponse de la Cour

9. Selon les premier et deuxième alinéas de l'article L. 512-17 du code de l'environnement, en vigueur à la date des faits et visé dans l'arrêté préfectoral du 17 juillet 2008, notifié à la société SH2 HEM, le dernier exploitant d'une installation classée mise à l'arrêt définitif doit placer son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code et qu'il permette un usage futur du site déterminé conformément aux dispositions réglementaires en vigueur.

10. L'article R. 512-39-4 de ce code dispose, en son deuxième alinéa, qu'en cas de modification ultérieure de l'usage du site, l'exploitant ne peut se voir imposer de mesures complémentaires induites par ce nouvel usage, sauf s'il est lui-même à l'initiative de ce changement d'usage.

11. Il en résulte que, si le dernier exploitant a rempli l'obligation de remise en état qui lui incombe, au regard à la fois de l'article L. 511-1 du code de l'environnement et de l'usage futur du site défini conformément à la réglementation en vigueur, en l'espèce un usage déterminé avec le maire de la commune, le coût de dépollution supplémentaire résultant d'un changement d'usage par l'acquéreur est à la charge de ce dernier.

12. En premier lieu, la cour d'appel a retenu que le nouvel usage du site voulu par la SCI dans son opération immobilière consistant en la démolition de l'existant et la construction d'un immeuble de quatre-vingt-quatre logements, seize locaux à usage d'habitation et quatre bureaux sur deux niveaux de sous-sols, pour laquelle elle avait déposé une demande de permis de construire en juin 2011, était différent de celui prévu par le permis de construire du 5 octobre 2009 relatif à la seule réhabilitation des bâtiments existants pour des activités essentiellement de bureaux, ateliers et stockage.

13. En second lieu, elle a constaté, par motifs propres et adoptés, que, le 16 novembre 2009, la préfecture avait notifié à la société SH2 HEM qu'après instruction par ses services techniques, le site était considéré comme mis en sécurité et retenu, procédant à la recherche prétendument omise, que c'était au regard du nouveau projet envisagé par la société Novaxia, gérante de la SCI, que l'EQRS, établie par la Socotec en mai 2010, ne pouvait constituer un mémoire de réhabilitation au sens de l'article R. 512-39-3, I, du code de l'environnement.

14. En troisième lieu, elle a relevé que la clause figurant dans l'acte de vente du 28 février 2011, selon laquelle la société SH2 HEM s'engageait, si une dépollution était nécessaire, à supporter les coûts qui seraient supérieurs à 200 000 euros, s'appliquait au titre du permis de construire du 5 octobre 2009.

15. Elle en a exactement déduit, abstraction faite de motifs surabondants relatifs à la délégation de pouvoir et aux budgets de gestion de la dépollution, qu'il n'était pas démontré que la société SH2 HEM avait manqué à ses obligations légales de remise en état du site conformément à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et à son usage futur validé par la mairie en 2009 et que la réhabilitation du site avait été rendue nécessaire par le changement d'usage opéré par la SCI, de sorte que sa demande de dommages-intérêts devait être rejetée.

16. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

17. La SCI fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes formées contre les sociétés JML, Matt et Lorel sur le fondement de la garantie des vices cachés, alors « que le délai de deux ans dans lequel l'action en garantie des vices cachés doit être intentée court à compter de la découverte du vice dans son ampleur réelle ; qu'en faisant courir de délai de prescription de l'action en garantie des vices cachés de la SCI [Adresse 4] contre les sociétés JML, Matt et Lorel, venderesses, à compter du 31 mai 2011, date du rapport établi par la société Novaxia, tout en constatant pourtant que ledit rapport ne permettait pas d'évaluer le coût des travaux de dépollution nécessaires à la réhabilitation des terrains litigieux, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1648 du code civil. »

Réponse de la Cour

18. La cour d'appel a souverainement retenu que le diagnostic approfondi de pollution, établi le 31 mai 2011, avant la vente, par la société Géotechnique appliquée Ile-de-France à la demande de la gérante de la SCI avait révélé l'ampleur de la pollution au regard du nouvel usage que le candidat acquéreur voulait donner au lieu, et qu'il avait été corroboré par un rapport du 12 septembre 2011 de la société HPC Envirotec, également missionnée par la SCI.

19. Elle en a exactement déduit que, les vices invoqués par la SCI étant connus d'elle dès ces rapports, l'action engagée le 22 septembre 2014 contre les venderesses était irrecevable, dès lors que la connaissance du vice n'est pas conditionnée par la connaissance du coût des travaux nécessaires pour y remédier.

20. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Farrenq-Nési - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SCP Ohl et Vexliard ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle -

Textes visés :

Articles L. 511-1, L. 512-17 et R. 512-39-4 du code de l'environnement ; article 1648 du code civil.

Com., 29 juin 2022, n° 19-20.647, (B), FRH

Cassation partielle

Garantie – Vices cachés – Domaine d'application – Action exercée par le maître de l'ouvrage contre l'entrepreneur (non)

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Viole ce texte la cour d'appel qui, pour condamner une partie au paiement d'une certaine somme au titre du préjudice matériel, retient qu'elle est redevable à l'égard de son cocontractant de la garantie des vices cachés, peu important qu'ils soient liés par un contrat de louage d'ouvrage, alors que, dans leurs rapports directs, l'action en garantie des vices cachés n'est pas ouverte au maître de l'ouvrage contre l'entrepreneur.

Garantie – Vices cachés – Action en garantie – Exercice – Délai – Point de départ – Détermination – Assignation délivrée contre l'entrepreneur

En application de l'article 1648 du code civil, le délai dont dispose l'entrepreneur pour former un recours en garantie contre le fabricant en application de l'article 1648 du code civil court à compter de la date de l'assignation délivrée contre lui.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société SMAC du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Tyco Electronics France.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 mai 2019), la société GDF Suez, devenue la société Engie, a confié la réalisation d'une centrale de production d'électricité à la société SMAC, qui a acheté les panneaux photovoltaïques à la société Tenesol, laquelle, pour les construire, a assemblé des connecteurs fabriqués par la société suisse Tyco Electronics Logistics, devenue la société TE Connectivity Solutions Gmbh (la société TEC).

3. Invoquant des interruptions de la production d'électricité dues à des défaillances des connecteurs, la société Engie a assigné en réparation de ses préjudices matériel et immatériel les sociétés SMAC, Tenesol, devenue la société Sunpower Energy Solutions France, et TEC, qui ont formé des appels en garantie.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal, le troisième moyen, pris en sa première branche, du même pourvoi, et les moyens des pourvois incident et provoqué, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. La société SMAC fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il condamne la société Tenesol à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, alors « en toute hypothèse, que faute d'avoir motivé sa décision sur ce point, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte des motifs de l'arrêt qu'en dépit de la formule générale du dispositif qui « rejette toutes les autres demandes », la cour d'appel n'a pas statué sur le chef de demande relatif à l'appel en garantie formé par la société SMAC contre la société Tenesol, dès lors qu'il ne résulte pas des motifs de la décision qu'elle l'ait examinée.

7. L'omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, le moyen n'est pas recevable.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La société SMAC fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Engie une certaine somme en réparation de son préjudice matériel, outre intérêts, alors « que la garantie des vices cachés, qui n'est due que par le vendeur, est inapplicable au contrat de louage d'ouvrage, quand bien même l'entrepreneur fournirait la matière ; qu'en énonçant qu'en sa qualité de fournisseur final des connecteurs, la société SMAC est bien redevable à l'encontre de la societe Engie de la garantie des vices cachés, peu important le fait que le contrat qui les lie soit un contrat de louage d'ouvrage, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1641 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1641 du code civil :

9. Aux termes de ce texte, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

10. Pour condamner la société SMAC au paiement d'une certaine somme au titre du préjudice matériel, l'arrêt retient qu'elle est redevable à l'égard de la société Engie de la garantie des vices cachés, peu important qu'elles soient liées par un contrat de louage d'ouvrage.

11. En statuant ainsi, alors que, dans leurs rapports directs, l'action en garantie des vices cachés n'est pas ouverte au maître de l'ouvrage contre l'entrepreneur, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

12. La société SMAC fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir la société TEC la garantir des condamnations prononcées à son encontre, alors « que le délai dont dispose l'entrepreneur pour agir en garantie des vices cachés à l'encontre du fabricant en application de l'article 1648 du code civil court à compter de la date de l'assignation délivrée contre lui ; qu'en prenant comme point de départ la date de découverte du vice affectant les connecteurs, quand il lui appartenait de rechercher à quelle date la société SMAC avait été assignée par la société Engie, la cour d'appel a violé l'article 1648 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1648 du code civil :

13. En application de ce texte, le délai dont dispose l'entrepreneur pour former un recours en garantie contre le fabricant en application de l'article 1648 du code civil court à compter de la date de l'assignation délivrée contre lui.

14. Pour rejeter son appel en garantie, l'arrêt retient que la société SMAC ne justifie d'aucune action à l'encontre de la société TEC entre le mois de septembre 2012, date de la découverte du vice, et l'assignation introductive d'instance et en déduit que cette demande est prescrite.

15. En statuant ainsi, alors que la société SMAC n'avait été assignée en paiement par la société Engie que le 28 avril 2015 et que, dans ses conclusions d'appel, la société TEC soutenait elle-même que les premières demandes formées contre elle par la société SMAC figuraient dans des conclusions n° 4 du 18 janvier 2017, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société SMAC à payer à la société Engie la somme de 184 750,18 euros HT de son préjudice matériel, outre intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2013, rejette le recours en garantie formé par la société SMAC contre la société TE Connectivity Solutions Gmbh et condamne la société SMAC aux dépens et en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 28 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Vaissette (conseiller le plus ancien faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Fontaine - Avocat général : Mme Guinamant - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Boullez ; SCP Foussard et Froger ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Article 1641 du code civil ; article 1648 du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la prescription de l'action en garantie des vices cachés, à rapprocher : Com., 16 janvier 2019, pourvoi n° 17-21.477, Bull., (cassation partielle).

Com., 15 juin 2022, n° 21-10.802, n° 21-12.358, (B), FRH

Cassation partielle

Nullité – Effets – Restitutions – Restitution du prix – Préjudice indemnisable – Conditions – Restitution impossible – Insolvabilité du vendeur – Liquidation judiciaire – Condition suffisante (non)

Si la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente, ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, tel n'est pas le cas lorsque cette restitution est devenue impossible du fait de l'insolvabilité démontrée du vendeur. Cette insolvabilité du vendeur ne peut cependant se déduire du seul fait que celui-ci a été mis en liquidation judiciaire.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-10.802 et n° 21-12.358 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 novembre 2020), suivant un acte authentique dressé le 8 décembre 2006 par [U] [H], notaire, M. et Mme [V] ont acquis de la SCI Les Gaudinelles un bien en l'état futur d'achèvement, dont le prix d'acquisition était financé au moyen d'un prêt consenti par la société Caisse méditerranéenne de financement (la société Camefi).

3. Le 11 février 2009, en réponse à un appel de fonds faisant état d'un niveau d'achèvement du bien de 93 %, M. et Mme [V] ont payé à la SCI Les Gaudinelles la somme de 68 502,54 euros.

4. La SCI Les Gaudinelles a été mise en liquidation judiciaire le 26 novembre 2012, sans que le bien ait été livré.

5. Reprochant aux différents intervenants d'avoir manqué à leurs obligations, M. et Mme [V] ont assigné, entre mai et juillet 2016, le liquidateur de la SCI Les Gaudinelles, le notaire et ses assureurs, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances (les sociétés MMA), le maître d'oeuvre, la société Atelier l'échelle, venant aux droits de la société Cabinet d'architecture Blevin et Pryen, et son assureur, la société Mutuelle des architectes français, ainsi que la société Camefi, en résolution de la vente et en indemnisation.

6. [U] [H] étant décédé, ses héritières, Mmes [Z], [L] et [K] [H] (les consorts [H]), sont intervenues volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi n° S 21-12.358 et les premier et second moyens du pourvoi principal n° A 21-10.802, ces derniers en ce qu'ils font grief à l'arrêt de déclarer recevables les actions de M. et Mme [V] contre la SCI Les Gaudinelles, la société Atelier l'échelle et les consorts [H] et l'action en résolution de la vente, de prononcer la résolution de cette vente et d'ordonner la publication de la décision, de condamner la SCI Les Gaudinelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros, de condamner les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts, de rejeter les demandes de M. et Mme [V] dirigées contre la société Atelier l'échelle et la société Mutuelle des architectes français et le surplus des demandes de M. et Mme [V] dirigées contre les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD, de condamner les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD à garantir la société Camefi à concurrence de 50 % des condamnations prononcées contre elle au profit de M. et Mme [V] et de rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile par la société Atelier l'échelle, la société Mutuelle des architectes français, les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen du pourvoi principal n° 21-12.358, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de M. et Mme [V] en résolution de la vente, de prononcer la résolution de cette vente et d'ordonner la publication de la décision au service de la publicité foncière

Enoncé du moyen

8. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de M. et Mme [V] en résolution de la vente, de prononcer la résolution de cette vente et d'ordonner la publication de la décision au service de la publicité foncière, alors :

« 1°/ que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tout créancier dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; qu'est soumise à cette interdiction des poursuites l'action tendant à la résolution d'un contrat pour manquement du vendeur à ses obligations ainsi qu'à la restitution subséquente du prix de vente ; qu'en retenant, pour déclarer recevable l'action en résolution de la vente du 8 décembre 2006 formée par M. et Mme [V] à l'encontre de la SCI Les Gaudinelles, représentée par son liquidateur judiciaire, que cette action, déclenchée après l'ouverture de la procédure collective de la SCI Les Gaudinelles, tendait à la résolution de cette vente pour manquement à l'obligation de livraison du bien, soit pour une cause autre que le non-paiement d'une somme d'argent, quand cette action tendait également à la restitution du prix de la vente, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 I et L. 641-3 du code de commerce ;

2°/ que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie par le débiteur pendant cette période sont payées à leur échéance ; à défaut d'être née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie par le débiteur, une créance postérieure au jugement d'ouverture doit faire l'objet d'une déclaration de créances ; qu'en retenant, pour déclarer recevable l'action en résolution de la vente du 8 décembre 2006 formée par M. et Mme [V] à l'encontre de la SCI Les Gaudinelles, représentée par son liquidateur judiciaire, et condamner cette dernière à restituer le prix de vente, que cette créance de restitution, dont le fait générateur est la décision prononçant la résolution, est une créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective et, par conséquent, n'est pas soumise à déclaration au passif de la procédure, sans constater que ladite créance était née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, la cour d'appel a violé les articles L. 622-17 et L. 641-13 du code de commerce ;

3°/ qu'en l'absence d'instance en cours à la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, le créancier, après avoir déclaré sa créance, ne peut en faire constater le principe et fixer le montant qu'en suivant la procédure de vérification du passif, laquelle relève de la compétence exclusive du juge-commissaire ; qu'en l'espèce, M. et Mme [V] avaient procédé à la déclaration de leurs créances de restitution du prix le 16 février 2016, antérieurement à l'introduction de l'instance en résolution du contrat de vente du 8 décembre 2006 et en restitution du prix de vente ; qu'en jugeant cette action recevable alors que le juge-commissaire avait compétence exclusive pour se prononcer sur l'admission de cette créance, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21, L. 622-22, L. 624-2, L. 641-3 et L. 641-14 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte des articles L. 622-21, I, et L. 641-3 du code de commerce que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

10. Il s'ensuit que l'action en résolution d'un contrat pour inexécution d'une obligation autre qu'une obligation de payer une somme d'argent n'est ni interrompue ni interdite par le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire.

11. Ayant relevé que M. et Mme [V] demandaient la résolution du contrat de vente conclu avec la SCI Les Gaudinelles pour manquement de celle-ci à son obligation de livraison du bien, soit pour une cause autre que le non-paiement d'une somme d'argent, la cour d'appel en a exactement déduit que cette action, qui n'était pas interdite, était recevable, peu important que M. et Mme [V] aient demandé, en outre, à la cour d'appel de dire que la SCI Les Gaudinelles devait leur restituer les fonds déjà payés.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi n° 21-12.358, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la SCI Les Gaudinelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros au titre de la restitution du prix de vente

Enoncé du moyen

13. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de condamner la SCI Les Gaudinelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros au titre de la restitution du prix de vente, alors :

« 2°/ que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie par le débiteur pendant cette période sont payées à leur échéance ; qu'à défaut d'être née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie par le débiteur, une créance postérieure au jugement d'ouverture doit faire l'objet d'une déclaration de créances ; qu'en retenant, pour déclarer recevable l'action en résolution de la vente du 8 décembre 2006 formée par M. et Mme [V] à l'encontre de la SCI Les Gaudinelles représentée par son liquidateur judiciaire et condamner cette dernière à restituer le prix de vente, que cette créance de restitution, dont le fait générateur est la décision prononçant la résolution, est une créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective et, par conséquent, n'est pas soumise à déclaration au passif de la procédure, sans constater que ladite créance était née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, la cour d'appel a violé les articles L. 622-17 et L. 641-13 du code de commerce ;

3°/ qu'en l'absence d'instance en cours à la date du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, le créancier, après avoir déclaré sa créance, ne peut en faire constater le principe et fixer le montant qu'en suivant la procédure de vérification du passif, laquelle relève de la compétence exclusive du juge-commissaire ; qu'en l'espèce, M. et Mme [V] avaient procédé à la déclaration de leurs créances de restitution du prix le 16 février 2016, antérieurement à l'introduction de l'instance en résolution du contrat de vente du 8 décembre 2006 et en restitution du prix de vente ; qu'en jugeant cette action recevable alors que le juge-commissaire avait compétence exclusive pour se prononcer sur l'admission de cette créance, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21, L. 622-22, L. 624-2, L. 641-3 et L. 641-14 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

14. Vu les articles L. 622-17, L. 622-21, I, L. 624-2, L. 641-3, L. 641-13 et L. 641-14 du code de commerce :

15. Il résulte du premier, du deuxième, du quatrième et du cinquième de ces textes que lorsqu'un contrat conclu avant l'ouverture de la procédure collective est résolu, après l'ouverture de cette procédure, pour inexécution d'une obligation autre qu'une obligation de payer une somme d'argent, la créance de restitution, bien que née postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, ne peut bénéficier du traitement préférentiel prévu par ces dispositions, faute d'être née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période.

16. En conséquence, le débiteur ne peut être condamné à payer cette créance de restitution et, conformément aux dispositions du troisième et du sixième de ces textes, le créancier, après l'avoir déclarée, ne peut en faire constater le principe et fixer le montant qu'en suivant la procédure de vérification des créances devant le juge-commissaire.

17. Pour condamner la SCI Les Gaudinelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros, après avoir jugé que le manquement de cette société à son obligation de livrer le bien en cause justifiait la résolution du contrat, l'arrêt retient que la créance de restitution est une créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective et, par conséquent, n'est pas soumise à déclaration au passif de la procédure.

18. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal n° 21-10.802, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner la société Camefi à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts

Enoncé du moyen

19. La société Camefi fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec les consorts [H], la société Mutuelle du Mans assurances IARD et la société Camefi à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts, alors « qu'en condamnant la société Camefi, in solidum avec les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD, à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts sans se prononcer, dans ses motifs comme dans son dispositif, ainsi qu'elle y était invitée, sur la prescription de l'action engagée par Monsieur et Madame [V] contre la société Camefi, qui avait été retenue par le jugement entrepris, dont la société Camefi sollicitait la confirmation, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

20. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties.

21. Pour condamner la société Camefi, in solidum avec les consorts [H] et l'assureur du notaire, à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'elle a commis une faute qui est à l'origine du préjudice subi par M. et Mme [V].

22. En statuant ainsi, sans se prononcer sur la fin de non-recevoir, tirée de la prescription de cette demande d'indemnisation, qu'invoquait la société Camefi dans ses conclusions, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le moyen du pourvoi incident n° 21-10.802

Enoncé du moyen

23. Les consorts [H] font grief à l'arrêt de les condamner à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros correspondant à la créance de restitution de la partie du prix qu'ils ont réglée, alors « que la restitution du prix, par suite de l'annulation du contrat de vente, ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable et le notaire ne peut être condamné à en garantir le remboursement qu'en cas d'insolvabilité du vendeur ; qu'en se contentant de relever, pour condamner les consorts [H] et les MMA, que la société venderesse était en liquidation judiciaire sans pour autant rechercher, comme elle y était invitée, si cette seule circonstance la rendait insolvable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

24. M. et Mme [V] contestent la recevabilité du moyen, en raison de sa nouveauté.

25. Cependant, les sociétés MMA soutenaient dans leurs conclusions d'appel que seule la SCI Les Gaudinelles devait rembourser le prix de vente, en se référant à un jugement d'un tribunal ayant retenu que, dans le litige qui lui était soumis, aucune des parties n'alléguait que la procédure collective de cette société était impécunieuse, les demandeurs n'ayant pas versé le jugement clôturant cette procédure pour insuffisance d'actifs.

26. Le moyen, qui n'est dès lors pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

27. Si la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente, ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, tel n'est pas le cas lorsque cette restitution est devenue impossible du fait de l'insolvabilité démontrée du vendeur.

28. Pour condamner les consorts [H] et leurs assureurs à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros, l'arrêt retient que cette somme correspond à la créance de restitution de la partie du prix que ceux-ci ont réglée et qu'ils ont perdu toute possibilité de recouvrer en raison de l'insolvabilité de la SCI Les Gaudinelles, placée en redressement puis liquidation judiciaires.

29. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la société Les Gaudinelles était insolvable, ce qu'elle ne pouvait déduire du seul fait que cette société avait été mise en liquidation judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

30. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt condamnant la société Camefi et les consorts [H] et leurs assureurs à indemniser M. et Mme [V] entraîne la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant les consorts [H] et leurs assureurs à garantir la société Camefi à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à son encontre envers M. et Mme [V], condamnant la société Camefi à garantir les consorts [H] et leurs assureurs à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à leur encontre au profit de M. et Mme [V] et statuant sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile dans les rapports entre les consorts [H], leurs assureurs, la société Camefi et M. et Mme [V], qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Mise hors de cause

31. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, sur leur demande, les sociétés Atelier l'échelle et Mutuelle des architectes français, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'infirmant le jugement, il condamne la SCI Les Gaudinelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros au titre de la restitution du prix de vente, condamne in solidum les consorts [H], la société Mutuelle du Mans assurances IARD et la société Camefi à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros à titre de dommages-intérêts, condamne les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurance IARD à garantir la société Camefi à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à son encontre envers M. et Mme [V], condamne la société Camefi à garantir les consorts [H] et la société Mutuelle du Mans assurances IARD à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à leur encontre au profit de M. et Mme [V] et en ce qu'il statue, dans les rapports entre les consorts [H], la société Mutuelle du Mans assurances IARD, la société Camefi et M. et Mme [V], sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 20 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Met hors de cause les sociétés Atelier l'échelle et Mutuelle des architectes français.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Blanc - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Leduc et Vigand ; SARL Le Prado - Gilbert ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés -

Textes visés :

Articles L. 622-21, I, et L. 641-3 du code de commerce ; articles L. 622-17, L. 622-21, I, L. 624-2, L. 641-3, 641-13 et L. 641-14 du code de commerce ; article 1382, devenu 1240, du code civil.

Rapprochement(s) :

Com., 7 octobre 2020, pourvoi n° 19-14.422, Bull., (cassation). 3e civ. 18 février 2016, pourvoi n° 15-12.719, Bull. 2016, III, n° 30 (rejet).

Com., 22 juin 2022, n° 20-11.846, (B), FS

Cassation partielle

Nullité – Erreur – Erreur sur la substance – Erreur sur une qualité substantielle – Qualité substantielle – Eligibilité à un dispositif de défiscalisation – Conditions – Convention expresse ou tacite

Désistement partiel

2. Il est donné acte à la société Océa du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [W], la société [W] et associés et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles.

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 mai 2018), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 14 avril 2015, pourvoi n° 14-10.951), le 26 juin 1996, dans le cadre d'une opération de défiscalisation qui leur avait été présentée par la société Financière du cèdre, M. [N] [P] et [J] [P] ont acquis de la société Réalisations économiques et industrielles (la société REI) des quirats d'un navire construit par la société Océa.

4. L'administration fiscale leur ayant refusé le bénéfice de la réduction d'impôt qu'ils escomptaient de cette opération, au motif que le navire ne remplissait pas les conditions d'éligibilité au dispositif fiscal concerné, M. [N] [P] et [J] [P] ont assigné les sociétés Océa, REI et Financière du cèdre en annulation de la vente et en indemnisation.

Examen des moyens

Sur les moyens du pourvoi principal, le premier moyen, pris en sa première branche, et les deuxième et troisième moyens du pourvoi incident, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi incident, en ce qu'il reproche à l'arrêt de rejeter la demande de M. et Mme [P] de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance

6. Les motifs critiqués par le moyen n'étant pas le soutien du chef de dispositif rejetant la demande de M. et Mme [P] de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance, le moyen est inopérant.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de M. et Mme [P] d'annulation de l'acte d'acquisition des quirats et de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer les sommes de 160 071,46 euros au titre de la restitution des sommes investies et de 21 215,44 euros au titre des frais de souscription du prêt bancaire et de son remboursement

Enoncé du moyen

7. Les consorts [P] font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de M. et Mme [P] d'annulation de l'acte d'acquisition des quirats et de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer les sommes de 160 071,46 euros au titre de la restitution des sommes investies et de 21 215,44 euros au titre des frais de souscription du prêt bancaire et de son remboursement, alors « que l'erreur est un vice du consentement entraînant la nullité du contrat ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé dans les conclusions d'appel de M. et Mme [P], si leur consentement n'avait pas été surpris par erreur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1109 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1108, 1109 et 1110 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

8. Il résulte de ces textes que l'erreur qui tombe sur la substance même de la chose qui est l'objet de la convention est une cause de nullité de celle-ci.

9. Les parties peuvent convenir, expressément ou tacitement, que le fait que le bien, objet d'une vente, remplisse les conditions d'éligibilité à un dispositif de défiscalisation constitue une qualité substantielle de ce bien.

10. Pour rejeter la demande d'annulation de la vente des quirats formée par M. et Mme [P], l'arrêt se borne à énoncer que les éléments relatifs à la déduction fiscale figurent sur la plaquette de présentation, dont il n'est pas établi qu'elle émane de la société REI et qui comporte uniquement le logo de la société Financière du cèdre, de sorte que l'existence de manoeuvres dolosives dont la société REI serait l'auteur ou auxquelles elle aurait participé n'est pas caractérisée.

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'éligibilité des quirats au dispositif de défiscalisation en cause ne constituait pas une qualité substantielle du bien vendu, convenue par les parties et en considération de laquelle elles avaient contracté, de sorte que, dès lors qu'il aurait été exclu, avant même la conclusion du contrat, que ce bien permît d'obtenir l'avantage fiscal escompté, le consentement de M. et Mme [P] aurait été donné par erreur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

12. En application de l'article 131-1 du code de procédure civile, il y a lieu d'ordonner une mesure de médiation judiciaire, à laquelle les parties représentées ont donné leur accord, et de surseoir à statuer, jusqu'à l'issue de cette mesure, sur la question du renvoi de l'affaire devant une cour d'appel pour qu'il soit statué sur les points restant à juger à la suite de la cassation partielle de l'arrêt attaqué.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief du pourvoi incident, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. et Mme [P] d'annulation de l'acte d'acquisition des quirats et de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer les sommes de 160 071,46 euros et de 21 215,44 euros au titre des frais de souscription du prêt bancaire et de son remboursement, l'arrêt rendu le 15 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Ordonne une médiation ;

Désigne en qualité de médiateur :

M. [X] [S]

Adresse : [Adresse 4]

Téléphone : [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 12]

Dit que le médiateur, connaissance prise du dossier, devra convoquer les parties et leurs conseils dans les meilleurs délais afin de les entendre et leur permettre de trouver une solution amiable au litige qui les oppose ;

Fixe la durée de la médiation à 3 mois à compter de la première réunion entre le médiateur et les parties et dit que la mission pourra être renouvelée une fois, pour la même durée, à la demande du médiateur ;

Rappelle qu'en application des articles 131-2, 131-9 et 131-10 du code de procédure civile, la médiation ne dessaisit pas le juge qui, dans le cadre du contrôle de la mesure, peut être saisi de toute difficulté et mettre fin à la mission du médiateur à l'initiative de ce dernier, sur demande d'une partie ou d'office lorsque le bon déroulement de la médiation apparaît compromis ou lorsqu'elle est devenue sans objet ;

Dit qu'à l'expiration de sa mission, le médiateur devra informer le juge de l'accord intervenu entre les parties ou de l'échec de la mesure et présenter une demande de taxation de ses honoraires ;

Dit qu'en cas d'accord, les parties pourront saisir le juge d'une demande d'homologation de cet accord par voie judiciaire ;

Fixe la provision à valoir sur la rémunération du médiateur à la somme de 3 000 euros HT, qui sera versée pour un tiers par les consorts [P], pour un tiers par la société Financière du cèdre et pour un tiers par la société Ocea, directement entre les mains du médiateur au plus tard le jour de la première réunion ;

Dit que, faute de versement de la provision dans ce délai, la désignation du médiateur sera caduque, sauf pour les parties à solliciter un relevé de caducité ;

Sursoit à statuer, dans l'attente de l'issue de la mesure de médiation, sur la question du renvoi de l'affaire devant une cour d'appel pour qu'il soit statué sur les points restant à juger à la suite de la cassation partielle de l'arrêt attaqué.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Mouillard - Rapporteur : M. Blanc - Avocat général : Mme Gueguen (premier avocat général) - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Articles 1108, 1109 et 1110 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

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