Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

TRANSPORTS EN COMMUN

Soc., 8 juin 2022, n° 20-22.564, (B), FS

Cassation partielle

Régie autonome des transports parisiens (RATP) – Personnel – Statut du personnel – Agents déclarés inaptes à leur emploi – Reclassement du salarié – Obligation de l'employeur – Modalités – Invitation de l'agent à présenter une demande – Portée

Il résulte de la combinaison des articles L. 1211-1, L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, 97 à 99 du chapitre VII du statut du personnel de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) prévu par l'article 31 de la loi n° 48-506 du 21 mars 1948 que lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, la rupture du contrat de travail. Les dispositions de l'article 99 du statut de la RATP, en subordonnant le reclassement à la présentation d'une demande par l'intéressé, ont pour objet d'interdire à l'employeur d'imposer un tel reclassement, mais ne le dispensent pas d'inviter l'intéressé à formuler une telle demande, lorsque le médecin du travail l'a déclaré définitivement inapte à son emploi statutaire, en application de l'article 97 du même statut, et ce avant que la commission médicale ne se prononce, en application des articles 94 et 98, sur l'inaptitude à tout emploi dans la RATP.

Régie autonome des transports parisiens (RATP) – Personnel – Réforme – Inaptitude définitive à tout emploi – Condition

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 octobre 2020), M. [L], engagé en qualité d'agent de sécurité à compter du 1er août 2005 par la Régie autonome des transports parisiens (RATP), a été en arrêt de travail à compter du 14 mars 2015 à la suite d'un accident du travail.

2. Selon avis du médecin du travail du 16 mars 2016, il a été déclaré inapte à son emploi statutaire.

3. L'agent a demandé le 16 mars 2016 sa réforme médicale en application de l'article 50 du statut du personnel et après avis favorable de la commission médicale du 12 mai 2016, la RATP lui a notifié sa mise à la retraite par réforme à compter de cette date.

4. Il a saisi la juridiction prud'homale pour voir déclarer nulle la rupture de son contrat de travail par mise à la retraite par réforme médicale à titre principal et s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, et aux fins d'obtenir paiement de diverses sommes à ce titre.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. M. [L] fait grief à l'arrêt de le débouter de toutes ses demandes hormis celle d'annulation de la sanction disciplinaire du 18 novembre 2009, alors « que lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié, agent de la RATP, se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, la rupture du contrat de travail par la réforme de l'agent ; que les dispositions de l'article 99 du statut de la RATP, en subordonnant le reclassement à la présentation d'une demande par l'intéressé ont pour objet d'interdire à l'employeur d'imposer un tel reclassement, mais ne le dispensent pas d'inviter l'intéressé à formuler une telle demande ; que l'exposant avait fait valoir que le 16 mars 2016, il avait été déclaré inapte définitif à l'emploi statutaire (au poste d'agent de sécurité) par le médecin du travail et que le 30 mai 2016, la RATP lui avait notifié sa mise à la retraite par réforme à compter de cette date, sans qu'aucune recherche ni proposition de reclassement n'ait été préalablement effectuée par la RATP ; qu'en retenant pour débouter l'exposant de toutes ses demandes liées à la rupture de son contrat de travail, que M. [L] a expressément demandé une réforme médicale en application de l'article 50 du statut de la SNCF, que l'employeur explique qu'il s'agit d'un mode de rupture spécifique aux agents RATP qui entraîne la liquidation d'une pension immédiate quelle que soit la durée de services accomplis par l'intéressé au moment de la cessation de ses fonctions à la régie, que l'employeur rappelle qu'en application de l'article 98 du statut « l'inaptitude à tout emploi à la Régie relève de la seule compétence de la Commission médicale et entraîne obligatoirement la réforme de l'agent concerné » et en ajoutant que « ce mode de cessation des fonctions ne relève pas d'une décision de rompre le contrat de travail suite à une impossibilité de reclassement », la cour d'appel qui a ainsi, à tort, écarté toute obligation de reclassement à la charge de la RATP, employeur préalablement à la mise à la retraite par réforme de l'agent atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi médicalement constatée a violé les articles L. 1211-1, L. 1226-10 du code du travail et 50 du chapitre IV et 97, 98 et 99 du chapitre VII du statut du personnel de la RATP prévu par l'article 31 de la loi n° 48-506 du 21 mars 1948. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1211-1, L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, 97, 98 et 99 du chapitre VII du statut du personnel de la RATP prévu par l'article 31 de la loi n° 48-506 du 21 mars 1948 :

7. Il résulte de la combinaison de ces textes que lorsqu'il a été médicalement constaté qu'un salarié se trouve de manière définitive atteint d'une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l'employeur de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d'impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l'intéressé, la rupture du contrat de travail.

Les dispositions de l'article 99 du statut de la RATP, en subordonnant le reclassement à la présentation d'une demande par l'intéressé, ont pour objet d'interdire à l'employeur d'imposer un tel reclassement, mais ne le dispensent pas d'inviter l'intéressé à formuler une telle demande, lorsque le médecin du travail l'a déclaré définitivement inapte à son emploi statutaire, en application de l'article 97 du même statut, et ce avant que la commission médicale ne se prononce, en application des articles 94 et 98, sur l'inaptitude à tout emploi dans la RATP.

8. Pour débouter l'agent de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient qu'aucune des dispositions légales ou statutaires applicables ne prévoit la mention de la procédure de reclassement et des voies de recours dans la lettre de réforme, que l'agent a expressément demandé une réforme médicale en application de l'article 50 du statut de la RATP et que ce mode de cessation des fonctions ne relève pas d'une décision de rompre le contrat de travail suite à une impossibilité de reclassement.

9. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'agent n'avait pas été invité à présenter une demande de reclassement avant que soit mise en oeuvre la procédure de réforme, ce dont il résultait que la décision de réforme n'avait pas été régulièrement prise, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquence de la cassation

10. Le second moyen ne formulant que des critiques contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de débouter M. [L] de ses demandes d'indemnité pour nullité de la rupture du contrat de travail à titre principal et licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, à titre d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, la cassation sera limitée à ces dispositions et ne peut s'étendre aux autres dispositions de l'arrêt qui ne sont pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [L] de ses demandes d'indemnité pour nullité de la rupture du contrat de travail à titre principal et licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire, à titre d'indemnité légale de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, l'arrêt rendu le 7 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Capitaine - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 1211-1 et L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 ; articles 97, 98 et 99 du chapitre VII du statut du personnel de la RATP prévu par l'article 31 de la loi n° 48-506 du 21 mars 1948 relative à la réorganisation et à la coordination des transports de voyageurs dans la région parisienne.

Rapprochement(s) :

Sur l'articulation entre les dispositions du code du travail et celles du statut du personnel de la Régie autonome des transports parisiens (RATP) en cas d'inaptitude du salarié, à rapprocher : Soc., 16 septembre 2015, pourvoi n° 14-14.530, Bull. 2015, V, n° 167 (cassation partielle).

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