Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

SUCCESSION

1re Civ., 9 juin 2022, n° 20-20.688, (B), FS

Cassation partielle

Partage – Demande – Demande relative à l'établissement de l'actif et du passif – Nature – Détermination – Portée

Aux termes de l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

En application de l'alinéa 2 de ce texte, l'irrecevabilité prévue par l'alinéa 1 ne s'applique pas aux prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses.

Tel est le cas en matière de partage où, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 mai 2020), [G] [J] et [K] [D] sont décédés respectivement les 2 juin 2014 et 6 juin 2016, en laissant pour leur succéder leurs trois enfants, [K], [P] et [T].

2. Des difficultés se sont élevées au cours des opérations de comptes, liquidation et partage des successions.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et les deuxième, troisième et quatrième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

4. Mme [P] [L] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les prétentions formées dans les conclusions déposées postérieurement au 20 février 2019, alors « que sont en tout état de cause recevables les prétentions destinées à répliquer aux conclusions ou pièces adverses ; qu'en ne recherchant pas si l'augmentation du quantum des demandes de rapport ne constituait pas une réplique aux pièces et conclusions adverses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 910-4 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 910-4 du code de procédure civile :

5. En application de l'alinéa 2 de ce texte, l'irrecevabilité prévue par son alinéa 1er ne s'applique pas aux prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses.

6. Tel est le cas en matière de partage où, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse.

7. Pour déclarer irrecevables les prétentions nouvelles formées par Mme [L] au titre des rapports dus par Mme [T] [D] et M. [K] [D] dans ses conclusions déposées postérieurement au 20 février 2019, l'arrêt retient qu'en l'absence de survenance ou de révélation d'un fait postérieur à leurs écritures déposées dans les délais des articles 908, 909 et 910 du code de procédure civile, ne sont recevables que les prétentions formées par Mme [L] dans ses conclusions du 26 novembre 2018 formant appel incident et que les prétentions contenues dans les conclusions postérieures se heurtent à l'irrecevabilité édictée par l'article 910-4 du même code.

8. En statuant ainsi, alors que les prétentions formées par Mme [L] dans ses dernières conclusions portaient sur de nouvelles demandes de rapports dus par Mme [T] [D] et M. [K] [D] et avaient donc trait au partage de l'indivision successorale, de sorte qu'elles devaient s'analyser en une défense aux prétentions adverses, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les prétentions nouvelles formées par Mme [L] au titre des rapports dus par Mme [T] [D] et M. [K] [D] dans les conclusions déposées postérieurement au 20 février 2019,prétentions nouvelles formées par de Mme [L], l'arrêt rendu le 19 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Poinseaux - Avocat général : Mme Caron-Déglise - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Bénabent -

Textes visés :

Articles 910-4, 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 25 septembre 2013, pourvoi n° 12-21.280, Bull. 2013, I, n° 187 (cassation partielle).

1re Civ., 22 juin 2022, n° 21-10.570, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Rapport – Modalités – Rapport en valeur – Indemnité de rapport – Eléments constitutifs – Evaluation – Critères – Détermination – Appréciation – Portée

Aux termes de l'article 924-2 du code civil, le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet.

En l'absence d'indivision entre le bénéficiaire de la libéralité et l'héritier réservataire et, par conséquent, en l'absence de partage, le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque de sa liquidation ou de leur aliénation par le gratifié.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 octobre 2020), [B] [P] est décédé le 15 septembre 2013 en laissant pour lui succéder ses deux fils, [U] et [D], en l'état d'un testament olographe daté du 8 avril 2010 et instituant son fils [D] légataire universel.

2. Des difficultés sont survenues lors du règlement de la succession.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. M. [U] [I] fait grief à l'arrêt de dire, aux fins de détermination du montant de l'indemnité de réduction due par M. [D] [I], que l'expert désigné à cette fin aura mission de déterminer la consistance et la valeur de tous les biens existant au décès de [B] [I] et d'y réunir les biens dont il a été disposé en déterminant leur consistance et leur valeur dans les conditions prévues à l'article 922 du code civil et de rejeter sa demande tendant à la valorisation des biens légués à la date la plus proche du paiement de l'indemnité de réduction en vertu de l'article 924-2 du code civil, alors « qu'il résulte de la combinaison des articles 924, 924-1 et 924-2 du code civil que si le montant de l'indemnité de réduction due à l'héritier réservataire par le bénéficiaire d'une libéralité excédant la quotité disponible doit être calculé d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet, le montant de cette indemnité destinée à reconstituer la réserve doit être évalué, faute de partage, le jour où elle est liquidée en vue de son paiement ; qu'en retenant « qu'en l'absence d'indivision, aucun partage ne pouvait avoir lieu », que « le légataire universel détenant la propriété léguée à la date du décès, qui était donc la date de la jouissance divise des biens, c'était à cette date que l'indemnité est due au réservataire et doit donc être liquidée » et que M. [U] [I] ne pouvait dès lors reprocher au tribunal de ne pas avoir prévu, dans la mission de l'expert commis, la valorisation des biens donnés ou légués à leur valeur actuelle, lorsqu'en l'absence d'indivision, ces biens, faute de partage, devaient être valorisés, pour le calcul de l'indemnité de réduction, à la date de la liquidation de cette indemnité en vue de son paiement, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 924-2 du code civil :

4. Aux termes de ce texte, le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet.

5. En l'absence d'indivision entre le bénéficiaire de la libéralité et l'héritier réservataire et, par conséquent, en l'absence de partage, le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque de sa liquidation ou de leur aliénation par le gratifié.

6. Pour rejeter la demande de M. [U] [I] tendant à voir incluse, dans la mission de l'expert désigné, la détermination de la valeur des biens donnés ou légués à la date la plus proche du paiement de l'indemnité de réduction en application de l'article 924-2 du code civil, l'arrêt retient qu'en l'absence d'indivision et donc de partage, le légataire universel détient la propriété des biens légués à la date du décès, qui est celle de la jouissance divise, de sorte que c'est à cette date que l'indemnité de réduction est due au réservataire et doit donc être liquidée.

7. En statuant ainsi, alors que l'indemnité de réduction devait être calculée conformément à l'article 924-2 du code civil, la cour d'appel l'a violé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement rendu le 21 février 2019 en ce qu'il n'inclut pas, dans la mission de Mme [Y] [V], expert désigné, la détermination de la valeur des biens donnés ou légués à la date la plus proche du paiement de l'indemnité de réduction en application de l'article 924-2 du code civil, l'arrêt rendu le 27 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que Mme [Y] [V], expert désigné, aura mission de déterminer la valeur des biens donnés ou légués à la date la plus proche du paiement de l'indemnité de réduction en application de l'article 924-2 du code civil.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Poinseaux - Avocat général : Mme Marilly - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SAS Buk Lament-Robillot -

Textes visés :

Article 924-2 du code civil.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 11 mai 2016, pourvoi n° 14-16.967, Bull. 2016, I, n° 104 (rejet) ; 1re Civ., 4 novembre 2020, pourvoi n° 19-10.179, Bull., (cassation), et l'arrêt cité.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.