Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

SECURITE SOCIALE, ASSURANCES SOCIALES

2e Civ., 2 juin 2022, n° 20-21.881, (B), FRH

Cassation partielle

Couverture maladie universelle – Protection complémentaire en matière de santé – Contribution – Assiette – cotisations d'assurance maladie complémentaire – Exclusion – Personnes non affiliées à un régime obligatoire d'assurance maladie

Selon l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, applicable au litige, la taxe de solidarité additionnelle est assise sur les cotisations d'assurance maladie complémentaire. Il en résulte que les sommes se rapportant à la couverture santé des personnes non affiliées à un régime obligatoire d'assurance maladie sont exclues du champ d'application de cette taxe.

Prive de base légale sa décision, la cour d'appel qui, pour annuler un redressement opéré pour le recouvrement de cette taxe, se fonde sur les mentions figurant sur les « contrats complémentaires frais de soins », sans vérifier si les bénéficiaires de ces contrats étaient effectivement des personnes non assujetties à un régime obligatoire d'assurance maladie.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 septembre 2020), à l'issue d'un contrôle de l'application de la législation de la sécurité sociale portant sur les années 2011 et 2012, l'URSSAF d'Île-de-France (l'URSSAF) a notifié à la société [5] (la société) un redressement résultant de la réintégration dans l'assiette de la contribution au financement de la couverture maladie universelle complémentaire - CMU - C, devenue taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d'assurance (TSA), des primes d'assurances afférentes aux contrats « complémentaires frais de soins » des assurés travaillant à Monaco (chef de redressement n° 1), aux « contrats frais de santé » des assurés travaillant en Suisse (chef de redressement n° 2) et aux « contrats bénéficiant aux personnes non assujetties à un régime obligatoire » (chef de redressement n° 3).

2. Une mise en demeure lui ayant été notifiée le 26 décembre 2014, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 1, alors « que l'URSSAF ne recourt à la méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation que si, limitant la vérification détaillée à un échantillon représentatif de la population concernée, elle procède à la constitution d'une base de sondage, au tirage d'un échantillon, à la vérification exhaustive de l'échantillon puis à l'extrapolation à l'ensemble de la population ayant servi de base à l'échantillon ; que tel n'est pas le cas lorsque l'URSSAF, vérifiant l'assujettissement à la taxe de solidarité additionnelle des contrats de couverture complémentaire, ne procède à l'analyse que d'une partie seulement des contrats conclus par la société contrôlée, puis, ayant constaté que deux de ces contrats devaient être assujettis à la taxe, décide néanmoins d'assujettir l'ensemble des contrats conclus ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs propres et adoptés, que l'inspecteur du recouvrement n'avait pas examiné de manière exhaustive l'ensemble des contrats conclus par la société avec ses assurés mais uniquement quelques-uns, que parmi ces contrats examinés, il avait trouvé deux contrats signés par des clients résidant en France, et donc assujettis à la taxe de solidarité additionnelle, et qu'il avait pourtant soumis à cotisations l'ensemble des primes encaissées au titre de l'ensemble des contrats ; qu'en considérant qu'en procédant de la sorte, l'URSSAF avait eu recours irrégulièrement à une méthode de contrôle par échantillonnage et extrapolation de sorte que le chef de redressement n° 1 devait être annulé, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007 applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 243-59-2 du code de la sécurité sociale :

4. Selon ce texte, les inspecteurs du recouvrement peuvent proposer à l'employeur d'utiliser les méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation, comportant la constitution d'une base de sondage, le tirage d'un échantillon, la vérification exhaustive de l'échantillon et l'extrapolation à la population ayant servi de base à l'échantillon.

5. Pour annuler le chef de redressement litigieux, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que rien n'autorisait l'organisme de contrôle, à partir de deux exceptions et sans autre vérification, à considérer que la totalité des contrats en cause concernaient des résidents en France et que la méthode ainsi employée s'apparente à un contrôle par échantillonnage et extrapolation. Il ajoute que s'il est possible de procéder par échantillonnage, encore cette procédure doit-elle obéir à des règles et être expliquée dans la lettre d'observations, ce qui n'est pas le cas. Il relève enfin qu'il ne peut qu'être constaté que les dispositions de l'article R. 243-59-2 précité n'ont pas été respectées dans la mesure où elles exigent de se conformer à différentes étapes au cours desquelles la procédure contradictoire est renforcée.

6. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que l'inspecteur du recouvrement n'avait pas recouru à une méthode de vérification par échantillonnage et extrapolation au sens du texte susvisé, la cour d'appel a violé ce dernier par fausse application.

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 2, alors « que l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, qui institue une taxe de solidarité additionnelle assise sur les cotisations d'assurances afférentes aux garanties de protection complémentaire en matière de frais de soins de santé souscrites au bénéfice de personnes physiques résidentes en France, n'opère aucune distinction selon que les personnes résidentes en France sont ou non à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français ; que les cotisations d'assurance entrent dans l'assiette de la taxe dès lors qu'elles sont afférentes à une protection « complémentaire » c'est-à-dire qu'elles garantissant la prise en charge de dépense de santé en complément des prestations versées par un régime obligatoire de sécurité sociale, peu important que ce régime obligatoire de sécurité sociale ne soit pas français mais suisse ; qu'en jugeant que les cotisations des contrats de protection complémentaire « frais de santé » souscrits au bénéfice de résidents français travaillant en Suisse, et soumis de ce fait au régime de sécurité sociale suisse, étaient exclues de la taxe de solidarité additionnelle au prétexte que ces personnes n'étaient pas à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français, la cour d'appel qui a opéré une distinction non prévue par la loi, a violé l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n°2010-1657 du 29 décembre 2010 applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, applicable au litige :

8. Aux termes de ce texte, il est perçu une taxe de solidarité additionnelle aux cotisations d'assurance maladie complémentaire versées pour les personnes physiques résidentes en France, à l'exclusion des réassurances.

9. Pour annuler le chef de redressement relatif aux primes afférentes aux contrats souscrits par des assurés résidant en France mais travaillant en Suisse, l'arrêt retient essentiellement que sont exclues de la taxe les sommes se rapportant à la couverture santé pour les personnes qui ne sont pas à la charge d'un régime obligatoire d'assurance maladie français et que les personnes qui travaillent en Suisse sont soumises, de ce seul fait, à la législation de sécurité sociale suisse.

10. En statuant ainsi alors que l'article L. 862-4 n'opère aucune distinction en fonction du lieu de travail de la personne signataire du contrat ou du régime d'assurance maladie obligatoire dont elle relève, qu'il soit français ou étranger, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

11. La société fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 3, alors « que ne sont exclues du champ d'application de la taxe additionnelle que les primes qui se rapportent à la couverture santé de personnes qui ne sont pas assujetties à un régime obligatoire d'assurance maladie, ce que la société cotisante doit démontrer et le juge constater ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que seulement « un des contrats » soumis par la société portait la mention « pour une personne non assujettie (illisible) régime obligatoire » et que les conditions générales du contrat « complémentaire frais de soins » mentionnait « non assujettis à un régime obligatoire » ; qu'en jugeant que les primes afférentes à tous ces contrats « complémentaire frais de soins » devaient être exonérées de la taxe additionnelle puis en annulant l'entier chef de redressement n° 3, sans avoir examiné tous les contrats litigieux ni constaté que les bénéficiaires de l'ensemble de ces contrats n'étaient pas assujettis à un régime obligatoire d'assurance maladie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010, applicable au litige :

12. Selon ce texte, la taxe de solidarité additionnelle est assise sur les cotisations d'assurance maladie complémentaire. Il en résulte que les sommes se rapportant à la couverture santé des personnes non affiliées à un régime obligatoire d'assurance maladie sont exclues du champ d'application de cette taxe.

13. Pour annuler le redressement, l'arrêt relève que l'un des contrats soumis par la société porte la mention « pour personne non assujettie (illisible) à un régime obligatoire » et que le document présentant les conditions générales du contrat « Complémentaire frais de soins » porte, juste en dessous de ce titre, la mention « Non-assujettis à un régime obligatoire ». Il ajoute que la société n'est d'ailleurs en rien démentie lorsqu'elle indique que les garanties ne sont plus offertes dès lors que le signataire du contrat vient à relever du régime de base de la sécurité sociale française.

14. En se déterminant ainsi, sans vérifier si les bénéficiaires des contrats litigieux étaient effectivement des personnes non assujetties à un régime obligatoire d'assurance maladie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la jonction des procédures et déboute la société de sa demande en nullité de la décision du 26 décembre 2014, l'arrêt rendu le 10 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties, dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Leblanc - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 862-4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010.

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