Numéro 6 - Juin 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 6 - Juin 2022

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 29 juin 2022, n° 21-11.077, (B), FS

Cassation sans renvoi

Comité social et économique – Attributions – Attributions consultatives – Organisation, gestion et marche générale de l'entreprise – Avis du comité – Formulation – Délais – Fixation – Modalités – Détermination – Portée

Aux termes de l'article L. 2312-16 du code du travail, sauf dispositions législatives spéciales, l'accord défini à l'article L. 2312-19 et à l'article L. 2312-55 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique ou, le cas échéant, le comité social et économique central, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité social et économique ou, le cas échéant, du comité social et économique central sont rendus dans le cadre des consultations prévues au présent code. Ces délais permettent au comité social et économique ou, le cas échéant, au comité central d'exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l'importance des questions qui lui sont soumises. A l'expiration de ces délais ou du délai mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 2312-15, le comité ou, le cas échéant, le comité central, est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif.

Selon l'article L. 2315-91 du même code, le comité social et économique peut décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi mentionnée au 3° de l'article L.2312-17.

Selon l'article R. 2312-6 du code du travail, à défaut d'accord, le comité social et économique dispose d'un délai d'un mois, porté à deux mois en cas d'intervention d'un expert, pour donner un avis motivé dans le cadre d'une consultation faite par l'employeur.

Aux termes de l'article R. 2315-47 du code du travail, l'expert remet son rapport au plus tard quinze jours avant l'expiration des délais de consultation du comité social et économique mentionnés aux second et troisième alinéas de l'article R. 2312-6.

Il en résulte que les dispositions de l'article R. 2312-6 n'ont vocation à s'appliquer qu'en l'absence d'accord collectif de droit commun ou d'un accord entre le comité social et économique et l'employeur fixant d'autres délais que ceux prévus à cet article.

Comité social et économique – Attributions – Attributions consultatives – Organisation, gestion et marche générale de l'entreprise – Avis du comité – Formulation – Délais – Expiration – Portée

Comité social et économique – Fonctionnement – Recours à un expert – Expert – Mission – Consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi – Possibilité

Comité social et économique – Attributions – Attributions consultatives – Organisation, gestion et marche générale de l'entreprise – Avis du comité – Formulation – Délais – Fixation – Absence d'accord – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Meaux, 13 janvier 2021), statuant selon la procédure accélérée au fond, le comité social et économique central de Kuehne+Nagel (le comité) s'est réuni le 30 septembre 2020 dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et d'emploi.

La société Kuehne+Nagel (la société) a communiqué à cette occasion le bilan de données économiques et sociales, le bilan sur l'emploi des travailleurs handicapés pour l'année 2019, le bilan intermédiaire de formation pour l'année 2020, la présentation du rapport sur l'égalité professionnelle pour l'année 2019 et la présentation commentée du bilan social pour l'année 2019.

2. Le comité s'est à nouveau réuni le 30 octobre 2020 mais son avis sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi n'a pu être recueilli.

Le 12 novembre 2020, après convocation du 2 novembre, une nouvelle réunion du comité s'est tenue lors de laquelle son avis devait être recueilli. S'estimant insuffisamment informé, le comité a voté la désignation d'un expert.

3. La société a fait assigner devant le président du tribunal judiciaire le comité aux fins d'annuler la délibération du 12 novembre 2020 portant désignation d'un expert.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. La société fait grief au jugement de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 2323-3 du code du travail alors applicable, sauf dispositions législatives spéciales, l'accord défini à l'article L. 2323-7 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité sont rendus dans le cadre des consultations prévues aux articles L. 2323-10, L. 2323-12, L. 2323-15 et L. 3121-28 à L. 3121-39, ainsi qu'aux consultations ponctuelles prévues à la présente section ; qu'en cas d'accord fixant le délai dans lequel le CSE doit rendre son avis, ce dernier est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif s'il n'a pas émis d'avis avant l'expiration du délai ; que le délai préfix ainsi déterminé par accord ne saurait être repoussé unilatéralement par la décision tardive du CSE de désigner un expert ; qu'en déboutant pourtant la société Kuehne+Nagel de sa demande d'annulation de la délibération du 12 novembre 2020 portant désignation d'un expert, aux motifs inopérants que, du fait de la décision du CSE de recourir à un expert prise le 12 novembre 2020, soit le dernier jour du délai préfix de consultation fixé par accord, « la durée de consultation a été portée à deux mois avec effet rétroactif à compter du point de départ », quand il avait constaté que le CSEC et l'employeur avaient conjointement fixé au 12 novembre 2020 le délai, initialement fixé au 30 octobre 2020, à l'expiration duquel le CSEC était réputé avoir rendu son avis, de sorte que la décision du CSE ne pouvait rétroactivement rendre applicable le délai règlementaire de deux mois applicable à défaut de délai fixé par accord et que le délai de consultation expirait ainsi le 12 novembre 2020, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2323-3, R. 2323-1-1, L. 2312-16, R. 2312-6 et L. 2315-91 du code du travail ;

2°/ qu'aux termes de l'article L. 2323-3 du code du travail alors applicable, sauf dispositions législatives spéciales, l'accord défini à l'article L. 2323-7 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité sont rendus dans le cadre des consultations prévues aux articles L. 2323-10, L. 2323-12, L. 2323-15 et L. 3121-28 à L. 3121-39, ainsi qu'aux consultations ponctuelles prévues à la présente section ; qu'en cas d'accord fixant le délai dans lequel le CSE doit rendre son avis, ce dernier est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif s'il n'a pas émis d'avis avant l'expiration du délai ; que le délai de consultation court à compter de la date à laquelle le comité d'entreprise a reçu une information le mettant en mesure d'apprécier l'importance de l'opération envisagée et de saisir le président du tribunal de grande instance s'il estime que l'information communiquée est insuffisante ; que pour débouter la société Kuehne+Nagel de sa demande d'annulation de la délibération du 12 novembre 2020 portant désignation d'un expert, le tribunal judiciaire a retenu que « il ne peut, toutefois, être reproché au CSEC de n'avoir pas voté l'expertise ou émis de réserves lors de la réunion précédente puisque les parties ont ensemble reconnu avoir été empêchées d'aborder la politique sociale de l'entreprise inscrite à l'ordre du jour faute de temps » et que la présentation de la politique sociale détaillée par la société lors de la réunion du 12 novembre 2020 « doit être analysée comme constitutive d'une information complémentaire de nature à justifier d'une nécessité nouvelle de s'adjoindre l'assistance d'un expert » ; qu'en statuant par de tels motifs, inopérants, tandis qu'il résultait de ses propres constatations, d'une part, que le CSEC et l'employeur avaient par accord fixé le délai préfix de consultation au 12 novembre 2020 et d'autre part, que les informations communiquées par l'employeur le 30 septembre 2020 étaient suffisantes et avaient valablement déclenché le délai de consultation, sans que le CSEC n'entende recourir à l'assistance d'un expert sur la base de ces informations, ni n'excipe de leur insuffisance pour pouvoir utilement exprimer son avis, le tribunal judiciaire a violé les articles L. 2323-3, R. 2323-1-1, L. 2312-16, R. 2312-6 et L. 2315-91 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2312-16, L. 2315-91, R. 2312-6 et R. 2315-47 du code du travail :

5. Aux termes de l'article L. 2312-16 du code du travail, sauf dispositions législatives spéciales, l'accord défini à l'article L. 2312-19 et à l'article L. 2312-55 ou, en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique ou, le cas échéant, le comité social et économique central, adopté à la majorité des membres titulaires de la délégation du personnel du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité social et économique ou, le cas échéant, du comité social et économique central sont rendus dans le cadre des consultations prévues au présent code. Ces délais permettent au comité social et économique ou, le cas échéant, au comité central d'exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l'importance des questions qui lui sont soumises. A l'expiration de ces délais ou du délai mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 2312-15, le comité ou, le cas échéant, le comité central, est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif.

6. Selon l'article L. 2315-91 du même code, le comité social et économique peut décider de recourir à un expert-comptable dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi mentionnée au 3° de l'article L. 2312-17.

7. Selon l'article R. 2312-6 du code du travail, à défaut d'accord, le comité social et économique dispose d'un délai d'un mois, porté à deux mois en cas d'intervention d'un expert, pour donner un avis motivé dans le cadre d'une consultation faite par l'employeur.

8. Aux termes de l'article R. 2315-47 du code du travail, l'expert remet son rapport au plus tard quinze jours avant l'expiration des délais de consultation du comité social et économique mentionnés aux second et troisième alinéas de l'article R. 2312-6.

9. Il en résulte que les dispositions de l'article R. 2312-6 n'ont vocation à s'appliquer qu'en l'absence d'accord collectif de droit commun ou d'un accord entre le comité social et économique et l'employeur fixant d'autres délais que ceux prévus à cet article.

10. Pour rejeter la demande en annulation de l'expertise décidée par le comité le 12 novembre 2020, après avoir constaté que, le 30 octobre 2020, l'avis du comité n'avait pu être recueilli en raison des circonstances du déroulement de la réunion et qu'une réunion extraordinaire du comité social et économique avait été convoquée le 2 novembre 2020 et s'était tenue le 12 novembre 2020 lors de laquelle devait être recueilli l'avis du comité et retenu que, dès lors, le délai de consultation avait été prorogé au 12 novembre 2020 d'un commun accord, le jugement retient que l'expert a été désigné lors de la dernière réunion, le 12 novembre 2020, et non postérieurement de sorte qu'il ne saurait valablement être soutenu que le silence du comité vaut avis négatif, que l'employeur fait abstraction de l'extension du délai de consultation résultant de la désignation de l'expert, la durée de la consultation étant en effet portée à deux mois avec effet rétroactif à compter du point de départ.

11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que les informations communiquées ou mises à disposition du comité le 30 septembre 2020 ont marqué le point de départ de la consultation et, d'autre part, que l'employeur et le comité social et économique central étaient convenus par un commun accord de reporter le terme du délai de consultation au 12 novembre 2020, ce dont il aurait dû déduire que cet accord excluait l'application des délais réglementaires fixés, à défaut d'accord, par l'article R. 2312-6 du code du travail et qu'au jour où il statuait, le délai étant échu, le comité était réputé avoir émis un avis négatif de sorte que l'expertise ne pouvait qu'être annulée, le président du tribunal a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 13 janvier 2021, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Meaux ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ANNULE la délibération du comité social et économique central de la société Kuehne+ Nagel du 12 novembre 2020 portant désignation d'un expert.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Ott - Avocat général : M. Gambert - Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Zribi et Texier -

Textes visés :

Articles L. 2312-15, L. 2312-16, L. 2312-19, L. 2312-55, L. 2315-91, R. 2312-6 et R. 2315-47 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les modalités de fixation des délais de consultation du comité d'entreprise, à rapprocher : Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 19-10.987, Bull., (rejet).

Soc., 15 juin 2022, n° 21-13.312, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Comité social et économique – Comité social et économique central – Attributions – Droit d'alerte économique – Exercice – Exercice exclusif – Portée

Dans les entreprises divisées en établissements distincts, l'exercice du droit d'alerte prévu à l'article L. 2312-63 du code du travail étant subordonné à l'existence de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, les comités sociaux et économiques d'établissement ne sont pas investis de cette prérogative qui appartient au seul comité social et économique central.

Viole dès lors les articles L. 2316-1, L. 2312-63, L. 2312-64 et L. 2315-92, I, 2°, du code du travail le tribunal judiciaire qui retient que lorsque le comité social et économique central n'a pas mis en oeuvre la procédure d'alerte économique, un comité social et économique d'établissement peut exercer la procédure d'alerte économique s'il justifie de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise.

Comité social et économique – Comité social et économique d'établissement – Attributions – Exclusion – Cas – Droit d'alerte économique

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (président du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier, 3 mars 2021), statuant selon la procédure accélérée au fond, la société Kohler France (la société) est constituée d'un siège social, de trois sites de production dont un à [Localité 4], d'un site de montage et de recherche et développement à Reims et d'un centre de distribution.

2. Envisageant, suite à des difficultés économiques, la réorganisation de l'activité conduisant notamment à l'arrêt de l'activité sur les sites de [Localité 4] et [Localité 5], la société a engagé la consultation des comités sociaux et économiques au niveau central et au niveau des établissements.

3. Lors de la réunion du comité social et économique central, qui s'est tenue le 2 décembre 2020, ce dernier a désigné un expert en application des dispositions de l'article L. 1233-34 du code du travail.

4. Lors d'une réunion extraordinaire qui s'est tenue le 21 décembre 2020, le comité social et économique de l'établissement de [Localité 4] a désigné le cabinet SECAFI en qualité d'expert sur le fondement de l'article L. 2315-92, I, 2°, dans le cadre du droit d'alerte économique.

5. Par acte d'huissier du 29 décembre 2020, la société a assigné le comité social et économique de l'établissement de [Localité 4] aux fins d'annulation de la délibération du 21 décembre 2020.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. La société fait grief au jugement de mettre hors de cause M. [R] pris en sa qualité de secrétaire du comité social et économique de l'établissement de [Localité 4], et de la débouter de l'ensemble de ses demandes, alors « qu'au sein des entreprises divisées en établissements distincts, le comité social et économique central exerce les attributions qui concernent la marche générale de l'entreprise et qui excèdent les limites des pouvoirs des chefs d'établissement ; que l'exercice du droit d'alerte économique prévu à l'article L. 2312-63 du code du travail étant subordonné à l'existence de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, les comités sociaux et économiques d'établissements ne sont pas investis de cette prérogative qui appartient au seul comité social et économique central ; qu'au cas présent, après avoir constaté que la procédure d'alerte économique litigieuse avait été mise en oeuvre par le CSE d'établissement de [Localité 4], lequel n'est pas investi de cette prérogative, le tribunal a néanmoins refusé d'annuler la délibération du 21 décembre 2020 par laquelle le CSE d'établissement de [Localité 4] a décidé de recourir à une expertise-comptable dans le cadre d'une procédure de droit d'alerte économique aux motifs inopérants que « le comité central d'entreprise n'a pas mis en oeuvre la procédure d'alerte économique », que la restructuration de la société Kohler France « aura des conséquences directes sur l'établissement de [Localité 4]", ce dont il a déduit « le caractère préoccupant de la situation économique de l'entreprise, condition nécessaire et suffisante de la mise en oeuvre du droit d'alerte » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il avait constaté que la procédure d'alerte économique litigieuse avait été mise en oeuvre par le CSE d'établissement de [Localité 4], lequel n'est pas investi de cette prérogative, le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé les articles L. 2316-1, L. 2312-63, L. 2312-64 et L. 2315-92 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2316-1, L. 2312-63, L. 2312-64, L. 2315-92, I, 2°, du code du travail.

7. Dans les entreprises divisées en établissements distincts, l'exercice du droit d'alerte prévu à l'article L. 2312-63 du code du travail étant subordonné à l'existence de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, les comités sociaux et économiques d'établissement ne sont pas investis de cette prérogative qui appartient au seul comité social et économique central.

8. Pour débouter la société de ses demandes, le jugement retient que lorsque le comité social et économique central n'a pas mis en oeuvre la procédure d'alerte économique, un comité social et économique d'établissement peut exercer la procédure d'alerte économique s'il justifie de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l'entreprise, ce qui est le cas en l'espèce, la société invoquant la nécessité d'une restructuration ayant des conséquences directes sur le site de l'établissement de [Localité 4] dont le principe de la fermeture a été arrêté et la recherche d'un repreneur mise en oeuvre dans le cadre du plan d'ajustement des effectifs compris comme un plan de licenciement collectif.

9. En statuant ainsi, le président du tribunal judiciaire a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il met hors de cause M. [R], pris en sa qualité de secrétaire du comité social et économique de l'établissement de [Localité 4], le jugement rendu le 3 mars 2021, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier, statuant selon la procédure accélérée au fond ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ANNULE la délibération du comité social et économique de l'établissement de [Localité 4] de la société Kohler France en date du 21 décembre 2020 portant sur le recours à une expertise dans le cadre de l'exercice d'une procédure d'alerte économique au sein du comité social et économique de l'établissement de [Localité 4] de la société Kohler France ;

Déclare la présente décision opposable à la société SECAFI.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Lanoue - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles L. 2312-63, L. 2312-64, L. 2315-92, I, 2°, et L.2316-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'impossibilité pour le comité d'établissement, avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, d'exercer le droit d'alerte, à rapprocher : Soc., 6 avril 2005, pourvoi n° 02-31.130, Bull. 2005, V, n° 126 (cassation sans renvoi) ; Soc., 12 octobre 2005, pourvoi n° 04-15.794, Bull. 2005, V, n° 287 (cassation sans renvoi), et l'arrêt cité.

Soc., 29 juin 2022, n° 21-11.935, (B), FRH

Rejet

Comité social et économique – Comité social et économique d'établissement – Attributions – Attributions consultatives – Organisation, gestion et marche générale de l'entreprise – Conditions de santé et de sécurité ou conditions de travail – Mesures d'aménagement ou d'adaptation – Obligation d'information et de consultation – Nécessité – Conditions – Détermination

Aux termes de l'article L. 2316-20 du code du travail, le comité social et économique d'établissement a les mêmes attributions que le comité social et économique d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement. Il est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement.

Selon l'article L. 2312-8, 4°, de ce code, dans sa rédaction alors applicable, le comité social et économique d'entreprise est informé et consulté sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

Selon l'article L. 2316-1, alinéa 2, 4°, du même code, dans sa rédaction alors applicable, le comité social et économique central d'entreprise est seul consulté sur les mesures d'adaptation communes à plusieurs établissements des projets prévus au 4° de l'article L. 2312-8.

Il en résulte que le comité social et économique d'établissement est informé et consulté sur toute mesure d'adaptation, relevant de la compétence de ce chef d'établissement et spécifique à cet établissement, des aménagements importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail arrêtés au niveau de l'entreprise, dès lors que cette mesure d'adaptation n'est pas commune à plusieurs établissements.

Comité social et économique – Comité social et économique d'établissement – Attributions – Attributions consultatives – Organisation, gestion et marche générale de l'entreprise – Conditions de santé et de sécurité ou conditions de travail – Mesures d'aménagement ou d'adaptation – Mesures propres à l'établissement – Avis du comité – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 10 décembre 2020), statuant en référé, la société Enedis (la société) a élaboré un plan de reprise d'activité, définissant les modalités de la sortie progressive du confinement à compter du 11 mai 2020.

2. Ce plan a été présenté, pour consultation, au comité social et économique central le 4 mai 2020.

3. La direction régionale Pyrénées et Landes a élaboré et transmis aux membres du comité social et économique de cet établissement trois documents intitulés « plan de reprise des activités DR Pyrénées Landes », « prévision du taux de présence sur site DR PYL », « volume prévisionnel d'activité » et douze « fiches réflexes ».

4. Par acte du 10 juin 2020, le comité social et économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes de la société Enedis a sollicité qu'il soit enjoint à la société, à peine d'astreinte, d'engager le processus d'information et de consultation de ce comité en le convoquant à une première réunion d'information et que celle-ci soit condamnée au paiement d'une certaine somme à titre de provision à valoir sur des dommages-intérêts pour entrave.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident et sur le moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi principal, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen du pourvoi incident qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur le moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi principal, qui est irrecevable.

Sur le moyen, pris en ses première à troisième branches, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

6. Le comité social et économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes de la société fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes tendant à dire et juger que le plan de reprise d'activités élaboré par cette direction est une mesure d'adaptation spécifique du cadrage national relevant de la compétence et du pouvoir du chef d'établissement de ladite direction et un aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail des agents, à constater que l'absence d'information et de consultation de ce comité social et économique d'établissement sur le plan de reprise d'activité et notamment sur la mise à jour du document unique d'évaluation des risques constitue un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser, à constater que la violation des dispositions légales du code du travail et des stipulations de l'accord relatif à l'organisation des consultations des institutions représentatives du personnel et au fonctionnement de la base de données économiques et sociales du 25 mars 2019, et ainsi aux prérogatives consultatives du comité social et économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes n'est pas sérieusement contestable et, en conséquence, à enjoindre sous astreinte à la société d'engager un processus d'information et de consultation de ce comité social et économique d'établissement et à condamner la société au paiement d'une certaine somme à titre de provision à valoir sur dommages- intérêts en raison de l'entrave portée au fonctionnement régulier du comité social et économique, alors :

« 1°/ que le comité social et économique d'établissement est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement ; qu'en l'espèce, pour considérer que la consultation du comité social et économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes n'était pas requise sur le plan de reprise d'activité élaboré par la direction régionale Pyrénées et Landes, la cour d'appel a relevé qu'il ne résultait pas des pièces produites que le PRA élaboré par l'entreprise comportait des mesures d'adaptation spécifiques à cet établissement et qui relevaient exclusivement de la compétence du chef de cet établissement ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 2316-1 et L. 2316-20 du Code du travail ensemble celles de l'article 3 de l'accord collectif d'entreprise relatif à l'organisation des institutions représentatives du personnel et au fonctionnement de la base de données économiques et sociales du 25 mars 2019 ;

2°/ que le comité social et économique d'établissement est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement ; qu'au cas présent, il ressort des constatations de la cour d'appel que le cadre national du plan de relance des activités défini par la société ENEDIS devait être ‘'décliné localement » et prévoyait notamment, pour les ressources humaines, un retour progressif des équipes à partir du 11 mai sur une période de 4 à 6 semaines avec en cible, le retour physique de la moitié du collectif de travail d'ici le mois de juillet « à adapter selon les contraintes d'environnement » et l'énonciation du principe d'un rythme de reprise ‘'adapté à chaque direction mais dans le séquencement du plan de relance national, d'une différenciation par territoires (rouge/vert) avec la prise en compte du contexte local de chaque direction » ; qu'il s'en déduisait qu'il appartenait à chaque direction régionale d'adapter les directives générales posées au niveau national en fonction des contraintes et particularités locales ; qu'en considérant néanmoins que la consultation du comité social et économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes n'était pas requise sur le plan de reprise d'activité élaboré par la direction régionale Pyrénées et Landes au motif qu'aucun élément ne permettait d'établir que le chef d'établissement disposait d'une quelconque marge de manoeuvre dans l'exercice de son pouvoir de décision quant aux modalités de la reprise d'activité au sein de son établissement telles qu'elles avaient été arrêtées au niveau de l'entreprise, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les dispositions des articles L. 2316-1 et L. 2316-20 du code du travail ensemble celles de l'article 3 de l'accord collectif d'entreprise relatif à l'organisation des institutions représentatives du personnel et au fonctionnement de la base de données économiques et sociales du 25 mars 2019 ;

3°/ que le comité social et économique d'établissement est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la cour d'appel que les mesures envisagées de manière prévisionnelle en matière de volume d'activité pendant la reprise avaient pour vocation de décliner les mesures d'adaptation communes décidées au niveau central en tenant compte notamment des contingences locales telles que la disponibilité des salariés et les niveaux d'activité de chaque service et que les mesures d'aménagement des locaux et des véhicules ainsi que l'instauration d'un référent Covid sous la forme d'un binôme constituaient des modalités de mise en oeuvre des mesures décidées par le plan de reprise d'activité national ; qu'en considérant néanmoins que la consultation du comité social et économique d'établissement de la direction régionale Pyrénées et Landes n'était pas requise sur le plan de reprise d'activité élaboré par la direction régionale Pyrénées et Landes au motif que les mesures susvisées s'inscrivaient dans le plan de reprise d'activité national et ne constituaient pas des mesures contraires à celles prévues par ce plan, la cour d'appel a de nouveau violé les dispositions des articles L. 2316-1 et L. 2316-20 du code du travail ensemble celles de l'article 3 de l'accord collectif d'entreprise relatif à l'organisation des institutions représentatives du personnel et au fonctionnement de la base de données économiques et sociales du 25 mars 2019. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article L. 2316-20 du code du travail, le comité social et économique d'établissement a les mêmes attributions que le comité social et économique d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef de cet établissement. Il est consulté sur les mesures d'adaptation des décisions arrêtées au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement.

8. Selon l'article L. 2312-8, 4°, de ce code, dans sa rédaction alors applicable, le comité social et économique d'entreprise est informé et consulté sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

9. Selon l'article L. 2316-1, alinéa 2, 4°, du même code, dans sa rédaction alors applicable, le comité social et économique central d'entreprise est seul consulté sur les mesures d'adaptation communes à plusieurs établissements des projets prévus au 4° de l'article L. 2312-8.

10. Il en résulte que le comité social et économique d'établissement est informé et consulté sur toute mesure d'adaptation, relevant de la compétence de ce chef d'établissement et spécifique à cet établissement, des aménagements importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail arrêtés au niveau de l'entreprise, dès lors que cette mesure d'adaptation n'est pas commune à plusieurs établissements.

11. D'abord, l'arrêt relève que le plan de reprise d'activité de la société prévoit, premièrement, concernant le « volet sanitaire », des règles applicables en matière de santé et de sécurité communes et homogènes, en précisant les mesures sanitaires générales en matière de déplacement et de transport, la prise en charge des personnes contact, ainsi que les mesures concernant les salariés sur site, à distance, seuls ou en équipe ou en cas de co-activité, deuxièmement, pour les ressources humaines, un retour progressif des équipes à partir du 11 mai sur une période de quatre à six semaines, avec « en cible », le « retour physique de la moitié du collectif de travail d'ici le mois de juillet à adapter selon les contraintes d'environnement », troisièmement, l'énonciation du principe d'un rythme de reprise adapté dans le séquencement du plan de relance national et d'une différenciation par territoires (rouge/vert) avec la prise en compte du contexte local de chaque direction ainsi que d'une progressivité accrue appuyée sur le maintien du travail à distance comme un des modes normaux d'activité, quatrièmement, pour la dimension métier, la définition d'un « cadre de cohérence national » avec la nécessité de prioriser les activités par grands métiers (« opérations », « raccordement et ingénierie », « client », « programme Linky »).

12. Ensuite, l'arrêt énonce, d'une part, que le plan de reprise d'activité de la direction régionale Pyrénées et Landes, qui précise qu'il décline sans subsidiarité le projet de reprise d'activité de la société, comporte une présentation du dispositif de reprise d'activité dans l'établissement, qui rappelle les mesures sanitaires et les modalités pour assurer leur respect, ainsi qu'un « planning de retour sur les sites », dont il est indiqué qu'il se fera « conformément à la note d'orientation générale pour la relance des activités du distributeur » et qu'il sera « progressif » et tiendra compte de plusieurs paramètres dont « l'évolution des décisions des pouvoirs publics et le cadrage national d'Enedis contenu dans le PRA », et détaille, de plus, les modalités de reprise des activités en fonction des équipes (« tertiaires », « terrain ») et des métiers en indiquant les spécificités de chacun et en déduisant soit la possibilité d'un retour sur site de manière progressive et dans le respect des mesures sanitaires soit l'exécution du travail à distance, lequel est considéré comme « mode de fonctionnement privilégié ». Il constate, d'autre part, que le document intitulé « Volume prévisionnel d'activités pendant la reprise », établi par la direction régionale Pyrénées et Landes, s'inscrit dans le plan de reprise d'activité de la société.

13. Enfin, l'arrêt ajoute qu'aucun élément ne permet d'établir que le chef d'établissement disposait d'une quelconque marge de manoeuvre dans l'exercice de son pouvoir de décision quant aux modalités de la reprise de l'activité au sein de son établissement telles qu'elles avaient été arrêtées au niveau de l'entreprise.

14. En l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu retenir que le plan de reprise d'activité de la direction régionale Pyrénées et Landes ne constituait pas une mesure d'adaptation spécifique à cet établissement du plan de reprise d'activité de la société.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 2312-8, L. 2316-1 et L. 2316-20 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions dans lesquelles les décisions de la direction générale de l'entreprise nécessitent l'information-consultation du comité d'établissement, à rapprocher : Soc., 21 septembre 2016, pourvoi n° 15-13.364, Bull. 2016, V, n° 178 (rejet), et l'arrêt cité.

Soc., 8 juin 2022, n° 20-22.500, (B), FS

Cassation partielle

Délégué du personnel – Attributions – Accident du travail ou maladie professionnelle – Inaptitude physique du salarié – Proposition d'un emploi adapté – Avis des délégués du personnel – Exclusion – Cas – Avis du médecin du travail – Mention expresse d'une inaptitude à tout emploi dans l'entreprise – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 22 octobre 2020), Mme [M] a été engagée le 25 avril 1994 en qualité d'opératrice par la société Finder.

2. Le 6 novembre 2017, la salariée a été, à la suite d'un accident du travail, déclarée inapte à son poste par le médecin du travail, dont l'avis mentionnait « L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

3. Le 30 novembre 2017, la salariée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée une somme pour irrégularité tenant au défaut de consultation des délégués du personnel, alors :

« 1°/ que, par application des dispositions des articles L. 1226-10 et 1226-12 du code du travail, lorsque le médecin du travail précise expressément dans l'avis d'inaptitude que l'état du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l'employeur, qui est alors dispensé légalement de toute recherche de reclassement, n'est pas tenu de consulter les représentants du personnel pour recueillir leur avis sur un reclassement qu'il n'est pas tenu d'effectuer ; qu'en affirmant que la Société Finder composants était tenue de consulter les représentants du personnel après avoir pourtant relevé que dans son avis d'inaptitude en date du 6 novembre 2017, le Médecin du travail avait conclu à l'inaptitude de la salariée en précisant expressément que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

2°/ qu'en affirmant, pour faire droit à la demande de la salariée au titre de l'absence de consultation des représentants du personnel, que cette obligation s'imposait même en l'absence de possibilité de reclassement, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a derechef violé les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

6. Il résulte du premier de ces textes que lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, et que cette proposition doit prendre en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.

7. Selon le second de ces textes, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

8. Il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel.

9. Pour condamner l'employeur à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts en raison du défaut de consultation des délégués du personnel, l'arrêt retient que, quelle que soit l'origine de l'inaptitude, l'employeur a l'obligation de solliciter l'avis du comité économique et social, anciennement délégués du personnel, en application des article L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que la consultation doit être faite même en l'absence de possibilité de reclassement et que le défaut de consultation des délégués du personnel est sanctionné à l'article L. 1226-15 du code du travail.

10. En statuant ainsi, par un motif inopérant, alors qu'elle avait constaté que l'avis du médecin du travail mentionnait que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la cour d'appel a violé les textes sus-visés.

Et sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

11. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée une somme au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, alors « que l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail, au paiement de laquelle l'employeur est tenu en cas de rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et ne peut donner lieu au versement de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ; qu'en condamnant l'employeur à verser à la salariée, qui se prévalait d'un licenciement prononcé dans le cadre d'une inaptitude d'origine professionnelle, la somme de 5 167,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice, outre la somme de 516,78 euros au titre des congés payés afférents, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1226-14 du code du travail :

12. Selon ce texte, l'indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis n'a pas la nature d'une indemnité de préavis et n'ouvre pas droit à congés payés.

13. La cour d'appel a alloué au salarié une somme correspondant à l'indemnité de préavis et une somme au titre des congés payés afférents.

14. En statuant ainsi, elle a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

15. La cassation prononcée sur les deuxième et troisième moyens n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Finder composants à payer à Mme [M] la somme de 10 335,60 euros pour irrégularité tenant au défaut de consultation des délégués du personnel et celle de 516,78 euros au titre des congés payés afférent à l'indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pecqueur - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; Me Balat -

Textes visés :

Articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Soc., 1 juin 2022, n° 20-16.836, (B), FS

Cassation partielle

Règles communes – Fonctions – Temps passé pour leur exercice – Heures de délégation – Paiement – Retenues opérées par l'employeur – Contestation des mandats exercés par le salarié – Contestation sérieuse – Appréciation – Office du juge – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 9 juin 2020), statuant en référé, M. [C] a été engagé le 9 avril 2002 par la société Feu vert en qualité de responsable accueil montage. Il est devenu conseiller vente en 2006. A compter de 2012, le salarié a été investi de mandats de délégué syndical, de représentant syndical au comité d'établissement, de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, de conseiller prud'homme et de défenseur syndical. Il exerçait ses fonctions représentatives à temps complet depuis le 1er janvier 2013.

2. Au cours de l'année 2018, la société Feu vert a demandé au salarié de reprendre une activité professionnelle effective au motif que la durée de ses mandats ne couvrait plus l'intégralité de son temps de travail contractuel.

3. Le 20 février 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant au paiement d'une provision à titre de rappel de salaire pour retenues sur salaire injustifiées opérées d'octobre 2018 à janvier 2019 et de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une somme provisionnelle au titre des retenues sur salaire opérées pour la période d'octobre 2018 à janvier 2019 outre les congés payés afférents, alors :

« 1°/ que le conseil de prud'hommes statuant en référé n'est compétent pour accorder une provision au créancier que lorsque l'existence de son obligation n'est pas sérieusement contestable ; que s'il appartient à l'employeur d'établir, devant les juges du fond, à l'appui de sa contestation, la non-conformité de l'utilisation des heures de délégation avec l'objet du mandat représentatif, de sorte que la demande du salarié en paiement, en référé, d'une provision n'excédant pas le crédit d'heures dont il bénéficiait à ce titre n'est pas sérieusement contestable, en revanche, se heurte à une contestation sérieuse qui excède la compétence du juge des référés, la demande de provision du salarié au titre d'heures de délégation qui est contestée par l'employeur non pas en raison d'un défaut de conformité d'utilisation de celles-ci, mais parce que les mandats représentatifs du salarié ne couvrent plus désormais l'intégralité de son temps de travail, le privant ainsi du droit à la rémunération afférente ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article R. 1455-7 du code du travail ;

2°/ que le conseil de prud'hommes statuant en référé n'est compétent pour accorder une provision au créancier, sur le fondement de l'article R. 1455-7 du code du travail, que lorsque l'existence de son obligation n'est sérieusement contestable ; qu'en décidant « qu'en vertu de l'article R. 1455-6 du code du travail », le conseil des prud'hommes de Chambéry s'est déclaré valablement compétent pour statuer en référé sur les rappels de salaires sollicités par le salarié à titre provisionnel, relatifs aux retenues concernant les heures de délégations, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article R. 1455-6 du code du travail ;

3°/ en tout état de cause, que si en vertu de l'article R. 1455-6 du code du travail, la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite, encore faut-il qu'elle constate la réunion des conditions d'application de ce texte ; qu'en statuant sans avoir ni constaté ni caractérisé l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 1455-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des dispositions de l'article L. 2143-17 du code du travail que les temps de délégation sont de plein droit considérés comme temps de travail et payés à l'échéance normale.

6. En application de l'article R. 1455-6 du même code, la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

7. La cour d'appel, qui a constaté que l'employeur avait opéré des retenues sur le salaire mensuel du salarié au titre des heures de délégation, a ainsi caractérisé l'existence d'un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser par le remboursement des retenues ainsi opérées, peu important l'existence de la contestation sérieuse élevée par l'employeur selon lequel les mandats représentatifs du salarié ne couvraient plus l'intégralité de son temps de travail.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive, alors « qu'en se bornant à retenir, que faute pour la société Feu vert de justifier du paiement intégral des salaires de M. [C] à compter de février 2019 dans l'attente du jugement au fond sur la contestation du quotas des heures de délégations syndicales par le conseil des prud'hommes compte tenu de la présomption de conformité, M. [C] avait subi un préjudice lié au défaut de paiement en intégralité de ses salaires qu'il convenait d'évaluer à la somme de 2 000 euros, sans avoir caractérisé ni la résistance abusive de l'employeur ni l'existence d'un préjudice subi par le salarié indépendant du retard de paiement et causé par la faute de l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 et 1241 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1231-6 du code civil :

10. Selon ce texte, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages-intérêts distincts de l'intérêt moratoire.

11. Pour condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt retient qu'il est de principe qu'il incombe à l'employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables, que le salaire dû afférent au travail effectué a été payé et que, faute pour l'employeur de justifier du paiement intégral des salaires à compter de février 2019 dans l'attente du jugement au fond sur la contestation du quota des heures de délégation syndicale par le conseil des prud'hommes compte tenu de la présomption de conformité, le salarié a subi un préjudice, lié au défaut de paiement en intégralité de ses salaires, qu'il convient d'évaluer à la somme de 2 000 euros.

12. En statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant du retard de paiement, causé par la mauvaise foi de l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, pris en sa première branche, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Feu vert à payer à M. [C] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt rendu le 9 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Sommé - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles L. 2143-17 et R. 1455-6 du code du travail.

Soc., 15 juin 2022, n° 21-10.509, (B), FRH

Rejet

Représentant de la section syndicale – Désignation – Notification – Notification à l'employeur – Modalités – Détermination – Cas – Employeur composant une unité économique et sociale – Portée

La désignation d'un délégué syndical ou d'un représentant de section syndicale au sein d'une unité économique et sociale déjà reconnue est valablement notifiée à une seule personne lorsque celle-ci a la qualité de président des entités juridiques composant l'unité économique et sociale.

Délégué syndical – Désignation – Notification – Notification à l'employeur – Modalités – Détermination – Cas – Employeur composant une unité économique et sociale – Portée

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Sodelitt I du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 décembre 2020), statuant en référé, la société Sodelitt I (la société) fait partie d'une unité économique et sociale dénommée UES [T] (l'UES), regroupant treize restaurants sous l'enseigne Mac Donald's.

La société a engagé Mme [B] selon contrat à durée indéterminée à compter du 22 janvier 2017, en qualité d'équipière polyvalente.

3. Par lettre du 27 juin 2019 remise par huissier de justice, le syndicat coordination démocratique syndicat libre (le syndicat) a notifié à M. [T], en qualité de représentant légal des sociétés de l'UES [T], AIM, la désignation de la salariée comme représentante de section syndicale au sein de l'UES.

Le même jour, la société a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

4. Licenciée pour faute grave le 8 août 2019, la salariée a saisi la formation de référé de la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir sa réintégration et des dommages-intérêts pour violation du statut protecteur attaché à son mandat syndical.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de constater l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant du licenciement mis en oeuvre sans autorisation préalable de l'inspecteur du travail, de lui enjoindre en conséquence de réintégrer la salariée sous astreinte et de la condamner en outre à payer à la salariée certaines sommes à titre de provision sur dommages-intérêts, sur rappel de salaires et congés payés, alors :

« 1°/ que, pour être opposable à un chef d'établissement membre d'une unité économique et sociale, la désignation au sein de cette unité d'un représentant d'une section syndicale doit lui avoir été notifiée ; que, pour juger que le statut protecteur de Mme [B] aurait dû être respecté par la société Sodelitt 1, la cour d'appel énonce tour à tour que « la mention de la société AIM comme destinataire du courrier (...) résulte d'une erreur et ne saurait invalider la désignation critiquée », que « la notification de la désignation pouvait être valablement faite au président commun des entités composant cette unité » qui en serait le « représentant légal » mais aussi que « sur la validité de la signification de l'acte du 27 juin 2019 faite à M. [O] [F] il convient de retenir que celui-ci, anciennement salarié de la société AIM ne l'était plus au moment de l'acte » ; la cour d'appel a ainsi statué par des motifs contradictoires et inintelligibles, en violation des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'une unité économique et sociale, dépourvue de personnalité morale et de représentant légal, n'a pas la qualité d'employeur ; qu'il en résulte que la désignation du représentant d'une section syndicale en son sein n'est opposable à un employeur, chef de l'un des établissements qui la composent, qu'à la condition qu'elle lui ait été notifiée ; qu'en jugeant que la désignation critiquée a été valablement signifiée à M. [E] [T], qu'elle qualifie de « représentant légal de l'UES [T]" ou de « président commun des entités », sans constater que cette désignation avait bien été portée à la connaissance du chef d'établissement habilité à procéder au licenciement de la salariée, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 2142-1-1, L. 2143-7 et L. 2411-3 du code du travail ;

3°/ que l'unité économique et sociale n'ayant pas la qualité d'employeur, il convenait, pour constater la violation du statut protecteur par l'employeur de Mme [B], de s'assurer qu'au moment de l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement, cet employeur ou son représentant habilité à procéder au licenciement avait bien eu connaissance de la désignation de la salariée en qualité de représentante d'une section syndicale au sein de l'unité économique et sociale, sans qu'une désignation signifiée le même jour à une adresse différente de la sienne et réceptionnée par une personne étrangère à la société employeur, puisse permettre de présumer cette connaissance ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que l'employeur avait bien eu personnellement connaissance de la désignation au moment de l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-2 et L. 2411-3 du code du travail ;

4°/ que la contestation portant sur le point de départ du statut protecteur de la salariée et sa concomitance avec l'envoi de la lettre de convocation est une contestation sérieuse, exclusive de toute compétence de la formation de référé prud'homal ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les dispositions des articles R. 1455-5 à R. 1455-7 du code du travail. »

Réponse de la Cour

6. La désignation d'un délégué syndical ou d'un représentant de section syndicale au sein d'une unité économique et sociale déjà reconnue est valablement notifiée à une seule personne lorsque celle-ci a la qualité de président des entités juridiques composant l'unité économique et sociale.

7. Ayant d'abord relevé que la désignation avait été notifiée à M. [T], président commun des entités composant l'UES, ce dont il résultait que cette notification, faite à une personne ayant qualité pour représenter l'ensemble des sociétés composant l'UES, emportait nécessairement connaissance de la désignation par les représentants légaux de ces sociétés, la cour d'appel a retenu à bon droit que la désignation était régulière et opposable à la société Sodelitt I dès sa notification.

8. Ayant ensuite constaté que la salariée avait été licenciée sans autorisation préalable de l'inspecteur du travail, alors que la notification de la désignation avait été faite avant l'envoi de la lettre de convocation à l'entretien préalable, de sorte que la salariée bénéficiait du statut protecteur avant l'engagement de la procédure de licenciement, la cour d'appel a pu en déduire, sans excéder ses pouvoirs, l'existence d'un trouble manifestement illicite.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Chamley-Coulet - Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Article L. 2143-7 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions d'opposabilité à l'employeur de la notification d'une désignation d'un salarié en qualité de représentant du personnel lorsque l'employeur fait partie d'une unité économique et sociale, à rapprocher : Soc., 18 décembre 2000, pourvoi n° 99-60.456, Bull. 2000, V, n° 431 (rejet).

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